Savoir analyser des images, les critiquer de façon constructive et pertinente, est très important pour progresser en photo, que ce soit en analysant ses propres photos ou celles des autres. Pour analyser une image, vous devez vous concentrer sur l’aspect technique, mais surtout sur l’intention du photographe et le contexte de la photo.

Voyons donc ensemble ce qu’il faut regarder dans une image.

Avant tout, l’histoire de cet article est assez pittoresque, alors il faut que je vous dise comment m’en est venue l’idée. Comme vous le savez peut-être, je suis en ce moment en Inde pour un long voyage de 2 mois et demi. Un voyage à la rencontre d’une autre culture, et pas seulement du tourisme à faire des photos de “moi en face de” 😛 Je suis couchsurfer, et en arrivant à New Delhi j’ai donc logé chez 2 gars absolument adorables. Des amis étaient chez eux quand je suis arrivé, dont une indienne architecte et prof en architecture. Elle devait donner un cours sur l’analyse d’une photo à des étudiants en archi qui avaient pris cette option (bien leur en a pris ! :D). Seulement voilà, Saacheet (c’est son nom), n’avait pas tellement de notions de photo ^^

J’étais donc candidat tout désigné pour lui filer un coup de main, et contre toute attente elle m’a carrément proposé de venir avec elle pour faire le cours. Evidemment, comme j’aime l’inattendu, j’ai accepté 😀 J’étais censé faire un rapide tour des bases de la photo, et ensuite aborder l’aspect critique. Et puis finalement, ma bavardise aidant malgré mon anglais un peu hésitant, j’ai passé plus d’une heure à improviser au tableau noir sur le triangle de l’exposition et la composition, devant 40 élèves plus jeunes que moi de 3 ou 4 ans, et qui me donnaient du “sir” 😛 Je dois dire que ça restera mémorable 😀

Bref, j’étais frustré de ne pas avoir pu parler de l’analyse d’une image, alors il fallait que ça sorte ^^ Voici donc plus ou moins le cours qu’auraient dû avoir une quarantaine de jeunes Indiens !

Introduction et annonce du plan

(:P Promis, je ne vous la ferai pas comme un cours magistral XD)

Plus sérieusement, je vais faire une division un peu artificielle entre la partie critique technique, plus facile, et la critique dite”artistique”, déjà beaucoup plus subjective. Artificielle, puisque la technique est au service de l’artistique. Mais en gros, vous pouvez facilement parier qu’un paysage tout bête ou la profondeur de champ n’est pas maximale, ce n’est pas forcément volontaire.

Cela dit, le plus important c’est de savoir pourquoi on prend la photo. Si c’est celle de quelqu’un d’autre qu’on analyse, on ne peut pas le savoir, mais si on ne le devine pas, c’est mauvais signe. A ce sujet, je vous invite à relire l’article sur les questions à se poser avant de prendre une photo, je pense que ce sera intéressant en lien avec celui-ci.

De plus, les opinions vont évidemment différer selon les personnes. Ce qui ne veut pas dire que ça ne vaut pas la peine de donner la vôtre, ou qu’une est meilleure qu’une autre. Cela dit, si vous critiquez la photo de quelqu’un, tâchez d’y aller doucement : si la personne se vexe, ça ne mènera de toute façon à rien, or vous critiquez pour l’aider non ? 😉 (ça marche aussi avec vous-même d’ailleurs).

Donc commencez toujours par les points positifs, et essayez plutôt de dire “j’aurais plutôt fait comme ça” que «ça c’est mal».

Aspects techniques

Attention : tout ce que je vais dire là peut être contredit par l’intention du photographe. Quelque chose qu’on juge habituellement comme un défaut peut être voulu. Donc si je dis “si ya du flou de bougé c’est mal”, ça peut ne pas être le cas si c’était volontaire pour une raison ou une autre (il faut pouvoir le justifier, c’est tout 😉 ).

Par ailleurs, pour analyser les aspects techniques, c’est toujours mieux de connaître les données EXIF, qui vous permettent souvent de savoir certaines choses intéressantes (et même le mode créatif ou non utilisé par le photographe).

Sensibilité ISO

D’une manière générale, il vaut mieux garder les ISO le plus bas possible, sous peine d’avoir du bruit dans l’image. Ça vaut toujours la peine de vérifier les ISO, parce qu’on peut parfois oublier de les changer après une situation de basse lumière. Si vous utilisez 1600 ISO en plein jour, c’est probablement un peu trop 😉

Ouverture

Comme vous le savez maintenant, l’ouverture a une influence sur la profondeur de champ. Donc si vous faites un paysage avec un premier plan et un arrière-plan, il est probable que f/2.8 sera une trop grande ouverture 😉 Bref ici, on va surtout regarder si l’ouverture correspond à la profondeur de champ qu’on veut dans la situation. Si les réglages choisis sont un peu “exotiques”, il peut y avoir une bonne raison. Par exemple, vous faites un portrait à f/8 histoire qu’on voie bien l’arrière-plan qui est intéressant (j’ai fait ça aujourd’hui même car l’arrière-plan, c’était le Taj Mahal :P), ou alors vous faites un paysage à f/2.8 car il fait sombre, vous n’avez pas de trépied, et vous faites de toute façon la mise au point sur l’infini.

Le tout est de pointer les défauts si nécessaire, ou en tout cas de se demander pourquoi.

Netteté

En parlant de flou de profondeur de champ, une image doit généralement avoir un point de netteté, même si la majorité est perdue dans le bokeh. Et la partie nette ne doit évidemment pas être choisie au hasard, car c’est sur elle que se portera toute l’attention du spectateur (voir à ce sujet l’article sur les éléments qui attirent l’œil dans une photo). Parfois, prêter attention à ça peut révéler un problème dans votre mise au point (relisez les secrets de l’autofocus, ça peut vous servir 😉 ), ou alors un flou de bougé dû à une vitesse d’obturation insuffisante (voir ci-dessous).

Il n’est bien entendu pas interdit de prendre une photo entièrement floue, mais il faut savoir pourquoi.

Vitesse d’obturation

Il y a des tas de choses qui vont influencer la vitesse choisie par vous, ou par l’appareil (en mode priorité ouverture par exemple). En premier lieu, tout dépend si vous avez envie de figer un mouvement rapide ou au contraire de créer des flous de sujet. Cela dit, vous serez limité par les conditions : si vous n’avez pas de trépied vous ne pourrez pas utiliser de vitesse vraiment lente. On y pense moins, mais c’est complexe de faire une vitesse lente en plein jour, même avec une faible ouverture, sans sur-exposer l’image (vive les filtres ND, mais c’est une autre histoire 😉 ).

Enfin, parfois c’est peu important. Par exemple, si je shoote un paysage de jour, je vais me mettre en priorité ouverture de façon à avoir une profondeur de champ qui couvre toute l’image (f/11 par exemple), et je vais laisser l’appareil se charger de décider la vitesse d’obturation, tout en surveillant s’il ne la descend pas trop. Si le résultat ne rend pas l’exposition que je souhaite, je peux avantageusement utiliser un mode de mesure de l’exposition différent, ou encore la correction d’exposition.

Longueur focale

Même si ce n’est pas la longueur focale qui influence directement l’effet de la perspective, mais la distance au sujet, certaines longueurs focales sont plus appropriées à certains types de photos. Par exemple, si vous shootez un portrait à l’ultra grand-angle, vous aurez le choix entre :

  • un sujet cadré serré mais très déformé (puisqu’il aura fallu se rapprocher pour cadrer serré)
  • un sujet non déformé mais très petit dans l’image

C’est un exemple extrême bien sûr, mais je pense qu’on ne choisit pas assez consciemment la longueur focale, en particulier en utilisant un zoom (hop, je reste sur place et je zoome pour cadrer). A mon avis, la bonne méthode est de choisir en premier la perspective qu’on souhaite dans l’image (par exemple se mettre très près pour rendre l’immensité d’un monument, ou au contraire à une distance raisonnable pour ne pas trop déformer un visage), et ensuite de choisir sa focale pour avoir le cadrage qu’on souhaite (respectivement un ultra grand-angle pour avoir le monument dans son ensemble, et un petit téléobjectif pour cadrer suffisamment serré).

Aspects “artistiques”

On va ici plutôt se concentrer sur les aspects de composition, et des choses encore plus “abstraites” comme le sujet, sa force, ou ce que le photographe essaye de faire passer comme message.

Le sujet, ou l’idée

Comme je l’ai dit plus haut, le pourquoi de la photo est sans doute la chose la plus importante. Dans l’idéal, vous devez avoir un vrai sujet et quelque chose à faire passer avec votre image. Vous avez tout à fait le droit de vouloir photographier une fleur parce qu’elle est jolie, mais ne vous attendez pas à ce que votre image soit forte si vous vous limitez à ça. Cela dit, même pour ce genre de photo toute simple, vous pouvez toujours aller plus loin, en vous demandant par exemple pourquoi exactement vous la trouvez jolie, et en mettant cet aspect en valeur.

Si vous travaillez plutôt sur une idée que vous voulez faire passer à travers une photo, faites en sorte qu’elle soit précise et qu’on la comprenne. Si le spectateur ne la comprend pas, c’est en général que vous avez échoué à faire passer votre message.

Parfois, même si le sujet et/ou l’idée sont clairs, c’est la réalisation technique de l’image qui va pécher, et donc gâcher votre belle idée. C’est ce dont on a parlé précédemment.

L’arrière-plan et les éléments gênants

D’une manière générale, l’arrière-plan est là pour supporter le sujet, pas pour lui voler la vedette. Le regard peut circuler de l’un à l’autre, mais le sujet doit rester évident. C’est pourquoi on utilise dans certaines situations une faible profondeur de champ.

De plus, vous êtes responsable de tout ce qui est dans le cadre. Donc cette branche qui dépasse du coin du cadre et qui gêne la vue, c’est la faute du photographe. Vérifiez donc bien qu’il n’y a pas d’éléments gênants dans l’image.

La composition

J’ai déjà pas mal écrit à ce sujet, et entre la règle des tiers et l’article sur les relations dessin/photo de la semaine dernière, vous devriez être servis ! 😉

Une des erreurs les plus communes est évidemment de placer le sujet au beau milieu, sans raison particulière comme la mise en valeur d’une certaine symétrie. Encore une fois, centrer une image n’est pas mal, il faut juste savoir pourquoi on le fait.

Il y a aussi des choses plus complexes et plus intuitives, comme la balance dans une image par exemple, c’est-à-dire le “poids” des différents éléments. Roy vous l’a très bien expliqué dans son article sur le dessin, je vous laisse donc le lire ou le relire.

On peut aussi penser à la pose du modèle en portrait, qui doit correspondre à une émotion que vous voulez faire passer, et ne pas être simplement la première que vous avez trouvée par hasard.

La lumière et l’exposition

La lumière présente, sa mise en valeur, l’utilisation de lumière artificielle ou non (et comment) sont à considérer. Même si on a déjà vu les différents paramètres de l’exposition, il faut répéter que l’exposition parfaite n’existe pas : une image presque complètement noire peut être bien exposée, il suffit que ce soit voulu et que ça crée un effet intéressant.

Bref, on pourrait continuer longtemps car il y a une infinité de choses à regarder pour analyser une image, mais celles-ci sont les principales à retenir, et vous aideront à critiquer de façon constructive et relativement complète vos images comme celles des autres.

Exercice final : choisissez une de vos images, et critiquez-la sur ces différents points en commentaire ! 🙂

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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