Ça y est, les hybrides, ou compacts à objectifs interchangeables, ou appareils sans miroir (comme Gandalf, ils ont beaucoup de noms), se sont faits leur place sur le marché de la photo. Beaucoup de marques se sont lancées sur le segment avec succès, et notamment Panasonic, Olympus, Sony, et Fujifilm, les constructeurs historiques Canon et Nikon, dominants sur les reflex, ayant largement traîné par peur de manger leurs propres parts de marché.

Et surtout, beaucoup de photographes ayant adopté les hybrides les utilisent pour faire de merveilleuses images dans tous les contextes. Leurs performances et leur pertinence n’est donc plus à démontrer.

Mais photographier avec un hybride induit qu’on ne puisse pas utiliser un viseur optique, mais plutôt un viseur électronique (ou l’écran). Qu’est-ce que ça implique pour les photographes ? Je vais vous expliquer pourquoi je préfère maintenant les viseurs électroniques aux viseurs optiques.

Tout d’abord, revenons sur la différence technique entre les deux. Elle est assez simple, rassurez-vous 🙂

La visée optique

Voici comment fonctionne la visée sur un reflex, grosso modo.
Voici comment fonctionne la visée sur un reflex, grosso modo.

La visée optique se fait directement à travers l’objectif, par un viseur optique. C’est la visée des appareils photo reflex. La lumière passe dans l’objectif, est réfléchie sur un miroir vers le haut, puis réfléchie plusieurs fois dans un prisme (la « bosse » sur le dessus du reflex), pour enfin arriver à votre œil. Avec la visée optique, vous voyez donc directement la lumière qui passe par l’objectif.

S’y ajoutent quelques informations, notamment les collimateurs autofocus qui viennent en surimpression sur l’image, et en bas les informations d’exposition et de réglages.

A la prise de vue, le miroir se relève, et du coup la lumière atteint directement le capteur. La photo peut être prise.

Et dans le principe, voici comment fonctionne un viseur électronique (Leica ou non hein).
Et dans le principe, voici comment fonctionne un viseur électronique (Leica ou non hein).

La visée électronique

La visée électronique sur les appareils hybride diffère de la visée optique des reflex. En visée électronique, la lumière passe toujours dans l’objectif, mais elle n’est pas réfléchie : elle atteint directement le capteur. Pour que vous puissiez ne pas photographier à l’aveugle, le capteur transmet ces informations vers le processeur de l’appareil, qui les transmet vers l’écran et/ou le viseur électronique (qui est en fait tout simplement un petit écran).

Le principal avantage de ce dispositif, c’est que le processeur peut faire ce qu’il veut avec l’image. Par exemple, la mettre en noir et blanc (vous pouvez donc voir directement en noir et blanc AVANT la prise de vue), ou afficher tous types d’informations en surimpression sur l’image. Vous voyez où je veux en venir… 😉

(Notez que comme le viseur électronique EST un écran, vous avez les mêmes avantages en visant grâce à l’écran bien sûr.)

Pourquoi le viseur électronique peut encore avoir mauvaise presse ?

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Avant l’avènement des hybrides, le viseur électronique n’apparaissait donc que sur les compacts et les bridges. Leur prix contenu ne permettait pas aux constructeurs d’investir beaucoup dans la qualité du viseur, qui présentait souvent une clarté et une précision franchement limitées. Il faut dire que la technologie n’aidait pas.

Mais avec l’avancée des technologies d’écran et l’engouement pour les hybrides (et leurs prix plus élevés pour certains), la qualité s’est grandement améliorée, et il existe aujourd’hui d’excellents viseurs électroniques, parfaitement capables d’assurer un bon confort de visée.

Mais au-delà de ça, les viseurs électroniques offrent de nombreux avantages au photographe. Et depuis que je shoote majoritairement à l’hybride, je peux vous dire que j’ai bien du mal à revenir sur un viseur optique !

Les avantages du viseur électronique (ou de l’écran)

Voir à quoi la photo va ressembler AVANT de la prendre

Cet avantage regroupe presque tous les autres, mais ça vaut la peine de le mentionner. En effet, le souci que pose le système de visée reflex à beaucoup de débutants, c’est qu’ils voient dans le viseur comme avec leurs yeux. Or un capteur d’appareil photo voit de manière bien différente.

Par exemple, si votre œil arrive très bien à s’accommoder de grands contrastes dans la scène (zones très sombres et très claires), votre appareil photo, lui, n’aime pas ça. Il va boucher les ombres ou cramer les blancs.

L’avantage d’un viseur électronique, c’est que vous voyez directement comme l’appareil. Si les blancs vont être cramés, vous allez le voir tout de suite, et vous pourrez corriger en conséquence. C’est un vrai gain de temps, ça évite davantage de ratages techniques, ça prend moins de place sur la carte mémoire, bref, c’est tout bénef !

Contrôler précisément son exposition

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Ce qui m’amène au principal avantage de la visée électronique pour moi : vous pouvez directement contrôler votre exposition avant la prise de vue, très simplement, et ainsi exposer à droite en un coup de main.

En effet, viser dans un écran permet d’afficher directement l’histogramme en surimpression sur l’image. Comme vous le savez si vous avez lu mon article ou regardé ma vidéo sur l’histogramme, c’est un outil fondamental, et le seul qui vous permette de vérifier votre exposition avec précision. Le voir avant la prise de vue est vraiment ULTRA pratique : si des zones cramées apparaissent et que vous voulez éviter ça, vous pourrez tout de suite agir en utilisant la correction d’exposition.

Malheureusement l’histogramme est parfois un peu petit dans le viseur, forcément. Mais si vous voulez vous assurer à 100 % de ne pas avoir de zones cramées (et donc irrécupérables en post-traitement), vous pouvez aussi activer l’option des « zébras ».

Rien à voir avec l’animal africain qui ressemble à l’âne de Shrek qui se serait déguisé en mime Marceau.

Un zèbre n'apparaît PAS dans le viseur quand vous faites la mise au point manuelle ;)
Un zèbre n’apparaît PAS dans le viseur quand vous faites la mise au point manuelle 😉

L’option des zébras permet simplement d’afficher des rayures diagonales sur les endroits surexposés de l’image. Vous allez les voir tout de suite, et vous pourrez les corriger en conséquence !

Ca ressemble plutôt à ça donc ;)
Ca ressemble plutôt à ça donc 😉

Utiliser de nombreux ratios d’aspect différents à la prise de vue

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J’en avais parlé dans un précédent article, le ratio d’aspect est un élément très important dans la composition. Tout l’équilibre d’une image sera différent selon qu’elle soit shootée en 3/2, en carré, ou en 16/9 par exemple.

Alors évidemment (bonjour à tous), on peut recadrer comme on le souhaite au post-traitement. Mais il est bien plus intéressant de pouvoir cadrer directement au format souhaité à la prise de vue, afin de composer POUR ce format, plutôt que d’essayer de deviner à peu près ce que ça pourrait donner en format carré.

C’est une option dont je pourrais difficilement me passer aujourd’hui. Je shoote le plus souvent au format 3/2 car je viens du reflex, c’est mon habitude, et aussi mon ratio préféré. Mais je suis très content de pouvoir « voir en carré » si c’est adapté pour mon sujet, passer en 4/3 quand je shoote en vertical afin d’équilibrer un peu plus le format, ou au contraire passer au 16/9 si l’histoire de l’image impose une dynamique un peu plus horizontale.

Non, c'est pas comme ça qu'on voit en carré ! :D
Non, c’est pas comme ça qu’on voit en carré ! 😀

Bref, c’est un formidable outil qui me permet de varier davantage mes compositions, et pour le coup c’est une des rares options techniques qui ont à mon sens un effet artistique fort.

Pour ceux qui se poseraient la question, il est possible de récupérer l’intégralité de l’image captée par le capteur au post-traitement (si vous shootez en RAW bien sûr) : quand vous l’ouvrez dans Lightroom ou autre, elle est déjà « recadrée » comme vous l’avez fait à la prise de vue, mais si vous utilisez l’outil Recadrage, vous pouvez revenir sur votre décision. Le meilleur des deux mondes !

Photographier directement en noir et blanc

Voir directement en noir et blanc permet de mieux percevoir les contrastes de tonalités.
Voir directement en noir et blanc permet de mieux percevoir les contrastes de tonalités.

C’est aussi quelque chose de très important pour moi. Je viens de passer une semaine au Kenya, à shooter à l’hybride, et j’avais décidé de tenter de viser en noir et blanc la plupart du temps. Et bien je peux vous dire que ça fait une sacrée différence !

En effet, un viseur électronique permet de passer toute l’image dans un style d’image souhaité (dont le noir et blanc), et donc elle s’affiche comme ça sou vos yeux ébahis. Ca n’empêche pas de récupérer les couleurs si vous shootez en RAW bien sûr 😉

Quel est l’avantage ? Et bien se débarrasser de la « distraction » de la couleur permet de voir directement les contrastes de tonalité dans l’image. En gros, on voit très bien où est la lumière, et où est l’ombre. Evidemment, c’est extrêmement important pour la façon dont vous allez composer vos images, puisque les tonalités sont un élément fondamental dans l’équilibre d’une photo.

Attention, c’est hautement addictif, et vous pourriez bien avoir envie d’en laisser beaucoup en noir et blanc après coup 😉

(Notez que je parle du noir et blanc, mais ça peut être un autre style d’image : couleurs saturées ou non, etc. Par exemple Fuji permet d’émuler des films argentiques comme la Velvia pour voir l’image avec le rendu colorimétrique que donnait cette pellicule.)

Si votre intention est de faire une image en noir et blanc, c'est un vrai avantage !
Si votre intention est de faire une image en noir et blanc, c’est un vrai avantage !

Changer rapidement tout paramètre sans enlever l’oeil du viseur

Sur reflex, si vous vouliez changer un paramètre en gardant l’oeil dans le viseur, c’était possible bien sûr, mais 1) il fallait retenir tous les boutons, et 2) l’information dans le viseur était pour le moins minimaliste.

Avec un viseur électronique, vous pouvez bien sûr directement retenir la fonction des différents boutons (et l’affichage est plus clair puisqu’il peut prendre plus de place dans le viseur), mais aussi utiliser le « Q Menu » (ou « Q » pour « quick » = rapide). Quand vous appuyez sur ce bouton, vous avez la possibilité de changer beaucoup de paramètres différents avec les flèches, ce qui peut vous permettre de trouver quelque chose que vous n’utilisez pas si souvent facilement, sans enlever l’oeil du viseur.

La mise au point manuelle, les doigts dans le nez

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La plupart du temps, vous allez utiliser l’autofocus (mise au point automatique) de votre appareil. Ca marche, c’est simple, aucune raison de faire autrement.

Mais parfois, vous devrez passer en mise au point manuelle : si le premier plan est trop encombré et que l’appareil passe sa vie à faire la mise au point dessus, s’il fait trop sombre, en vidéo, etc.

Bref, ça arrive. C’est moche. Si c’est le cas, vous aurez deux outils qui vont vous rendre la vie BEAUCOUP plus faciles :

  • La loupe : si vous l’activez, elle se déclenche automatiquement quand vous bougez la bague de mise au point, et va simplement grossir une partie de l’image (x5 ou x10). Vous verrez ainsi très bien si les poils de nez de votre sujet sont bien nets.
  • Le « focus peaking » : cette fonction permet de souligner les endroits nets dans l’image avec un trait de couleur (sur mon Panasonic GX8, c’est bleu, mais ça peut être vert pomme, rose bonbon ou violet moche chez vous, je n’en sais rien). Même pas besoin de loupe dans ce cas : les endroits nets sont si évidents que vous pourrez faire votre mise au point manuelle précisément ET facilement !
Voici à peu près à quoi ça ressemble : en rouge, les zones nettes.
Voici à peu près à quoi ça ressemble : en rouge, les zones nettes.

Le mode (vraiment) silencieux

Photo prise à 300mm (eq 24×36). Oui, elle était près. Très près.

Dans certaines situations, on aimerait bien que l’appareil ne fasse pas de bruit au déclenchement. Lors d’un concert de musique classique, en photo de rue, lorsqu’on photographie la police qui frappe une adolescente à terre, ou lorsqu’un léopard se tient à 2 mètres de vous (true story).

Les reflex relativement hauts de gamme offrent déjà cette fonction depuis un moment, en amortissant le bruit du miroir principalement, ce qui a pour effet de ralentir la rafale. En effet, pour vous permettre de viser, le miroir doit se rabaisser à chaque fois : c’est une opération mécanique supplémentaire qui induit forcément des contraintes (à savoir, choisir entre faire autant de bruit qu’un fucking A380 au décollage, ou être lent comme la rafale d’un reflex sorti en 2001).

Mais s’être débarrassé du miroir permet de se libérer complètement des contraintes, et de proposer un VRAI mode silencieux, ou le déclenchement est quasiment inaudible. Sans vous détailler la technique, l’appareil utilise une obturation électronique : le processeur dit simplement au capteur combien de temps il doit capter, sans intervention du « rideau » mécanique habituel.

Et tout ça, sans perdre en vitesse de rafale !

Attention quand même, le mode silencieux limite votre vitesse d’obturation : vous ne pouvez pas en utiliser une trop lente. Donc si vous n’arrivez pas à photographier correctement au flash externe ou à faire une pose longue, repassez en mode normal 😉

(Bon, cet avantage est indirect dans le sens où il n’est pas lié au viseur en lui-même, mais disons qu’il va de paire avec l’absence de miroir 🙂 ).

Parfait pour la vidéo

Si toi aussi tu veux faire de la vidéo, mais avec 42kg de matériel en moins ;)
Si toi aussi tu veux faire de la vidéo, mais avec 42kg de matériel en moins 😉

Je sais que tout le monde ne fait pas de vidéo, loin de là, donc je ferai court. Mais oublier les avantages dans ce domaine, ce serait être incomplet.

En effet, si vous avez déjà filmé avec un reflex, vous savez que vous devez viser avec l’écran. Pour la simple et bonne raison que si le miroir était baissé, le capteur ne verrait rien. Ce qui est embêtant, vous me l’avouerez.

Si vous avez déjà filmé en plein soleil avec un reflex, vous savez aussi que c’est un cauchemar complet, puisqu’on y voit pas grand-chose sur l’écran à la luminosité limitée (« rachitique » était le premier mot qui me venait en tête, mais c’était pas assez diplomatique. Oups.).

Mais avec un viseur électronique, vous pouvez tout à fait filmer peinard avec l’oeil dans le viseur, et voir très clairement quelle que soit la lumière extérieure, tout en visualisant toutes les infos dont vous avez besoin (comme le niveau du micro par exemple).

Voilà, vous l’avez compris, je suis conquis par le viseur électronique. Les avantages à la prise de vue sont énormes pour moi, surtout en termes de créativité, et j’aurais bien du mal à revenir en arrière. J’ai bien conscience qu’il peut aussi avoir quelques inconvénients, comme un léger retard dans l’affichage ou ce genre de chose. Mais sur les bons modèles d’aujourd’hui, ces problèmes ont quasi disparu, donc ça ne me semble plus vraiment un argument : n’hésitez pas à relater vos expériences négatives en commentaire si pour vous c’est rédhibitoire par contre 🙂 (bon, si c’était il y a 5 ans avec un boîtier entrée de gamme, ce n’est plus très pertinent cela dit :P).

Notez que selon la marque, le modèle ou la gamme de votre appareil, il n’y aura peut-être pas 100 % de ces fonctions présentes. Si vous n’avez pas les zébras, rabattez-vous sur l’histogramme, et si une fonction est indispensable pour vous, vérifiez avant d’acheter 🙂

En espérant que ça vous aura éclairé sur les avantages de l’hybride. N’hésitez pas si vous avez des questions !

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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