Récemment, je me suis rendu compte que certains débutants, sans doute à la suite de lectures incomplètes, avaient une peur panique et un peu irrationnelle. Celle du Grand Méchant Bruit Numérique.

loup dessin animé

Celui-ci ferait à peu près le même effet à vos photos que le Grand Méchant Loup à Mère Grand : il les mangerait toutes crues avec ses grandes dents. Et pour éviter ça, il faudrait éviter que sa mère, la Grande Méchante Haute Sensibilité ISO, ne le conçoive.

Vous l’aurez deviné, c’est un peu plus compliqué que ça.

La sensibilité ISO, c’est un des paramètres de l’exposition sur votre appareil. Comme les 2 autres, il a un effet secondaire, et en l’occurrence, c’est celui de créer du bruit sur vos images, c’est-à-dire une espèce de grain. Plus la sensibilité ISO augmente, plus ce grain augmente. Ça, c’est vrai.

Et d’une manière générale, il vaut mieux photographier à basse sensibilité ISO, enfin en tout cas autant que possible (on verra que c’est important).

Seulement, faut-il vraiment en avoir peur ?

Une formidable soupape de sécurité

J’ai coutume de dire que la sensibilité ISO est une soupape de sécurité, ou un dernier recours si vous préférez. On essaye de la garder la plus basse possible, et on joue d’abord sur les autres paramètres. Si on manque de lumière, on l’augmente. Et si on manque beaucoup de lumière, on l’augmente beaucoup.

Ainsi, si à 100 ISO et f/2.8, votre appareil vous propose une vitesse d’obturation ridicule de 1/10s, qui provoquera forcément un flou de bougé, il faut augmenter la sensibilité pour l’éviter. Idem, si vous souhaitez une vitesse plus rapide pour figer un mouvement, ou une ouverture plus faible pour augmenter la profondeur de champ.

En limitant à 400 ISO, je n'ai pu obtenir que 1/15s, ce qui provoque un sévère flou de bougé ! photo verre glaçons
En limitant à 400 ISO, je n’ai pu obtenir que 1/15s, ce qui provoque un sévère flou de bougé !

Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas hésiter une seconde à augmenter la sensibilité pour obtenir le résultat que vous souhaitez. A quoi bon avoir une belle image sans grain si elle est floue, ou si elle n’est pas telle que vous la souhaitiez ?

Au contraire, en augmentant à 1600 ISO, j'ai pu obtenir une vitesse confortable de 1/60s. photo verre glaçons
Au contraire, en augmentant à 1600 ISO, j’ai pu obtenir une vitesse confortable de 1/60s. Quelle photo est la mieux ?

Une meilleure qualité d’image ?

On entend souvent ça : une faible sensibilité donne une meilleure qualité d’image. C’est à la fois vrai et faux, et ça dépend ce qu’on entend par qualité d’image.

Une faible sensibilité ISO donnera toujours une image plus propre et nette qu’une forte sensibilité ISO, à réglages équivalents. Attention, je parle d’une vraie différence hein, de 100 à 200 ISO c’est invisible la plupart du temps. D’autant plus que de nos jours, les appareils photo supportent extrêmement bien la montée dans les sensibilités. La plupart s’en sortent bien jusque 1600 ISO au moins.

C’est pour ça que je ne veux plus voir personne dire « j’ai peur de monter au-delà de 800 ISO et d’avoir une image de mauvaise qualité ».

En effet, la qualité d’image n’est pas que la clarté du rendu que peut apporter une image prise à basse sensibilité. Ce sont bien d’autres choses. Par exemple, pour obtenir un meilleur résultat, il vaut souvent mieux utiliser une vitesse un peu plus rapide (et donc une sensibilité ISO un peu plus forte pour compenser), que choisir une vitesse un peu trop juste pour éviter le flou de bougé ou figer le sujet : un sujet bien net donne souvent un meilleur résultat (sauf si l’intention est inverse, mais ce n’est pas le problème du jour).

Et oui, parfois on arrive à avoir des images exploitables avec des vitesses limites, mais elles auraient eu bien meilleure allure avec une vitesse supérieure.

photo f/1.7, 1/60s et 1600 ISO. Grande sensibilité ISO cadre objects
La photo a été prise à l’ouverture maximale f/1.7, 1/60s et 1600 ISO. Si j’avais eu peur, j’aurais shooté à 1/30s et aurais eu… une photo floue !

Bref, la sensibilité ISO prend sa dîme en créant du bruit, mais elle vous offre d’autres avantages en échange, notamment en vous permettant de travailler à plus haute vitesse.

Il est donc parfois préférable de la monter !

Quelques conseils pour dépasser votre peur

Connaissez la sensibilité limite de votre appareil

De nos jours, les constructeurs ont un peu arrêté la course aux mégapixels, et se livrent plutôt la course à la sensibilité maximale. Et très franchement, tant mieux, ça nous est nettement plus utile.

Seulement voilà, quand un appareil affiche une sensibilité maximale à 25 600 ISO, on est tenté de croire au miracle. La réalité est souvent un peu moins rose. En effet, la plus grande sensibilité disponible sur votre appareil est rarement exploitable : le bruit créé est vraiment trop important. De plus, à haute sensibilité, il y a d’autres effets secondaires qui apparaissent, notamment une diminution de la dynamique (il est plus difficile pour l’appareil de gérer les lumières contrastées) et des dérives de couleurs.

bruit photo grande sensibilité ISO
Détail à 100% de la photo du dessus. Le bruit est clairement visible, mais en regardant la photo entière, ce n’était pas le cas !

Il va donc vous falloir déterminer quelle est la sensibilité maximale acceptable pour vous. C’est assez subjectif, mais je vous déconseille de regarder les images à 100 % : c’est l’équivalent de coller son nez sur une affiche en 4 par 3, et ça n’a pas vraiment de sens. A 50 %, voire simplement en plein écran si vous vous limitez à un usage web, ça suffit.

Je vous conseille simplement de prendre une photo d’une même scène à différentes sensibilités ISO, en commençant par 800 ou 1600 ISO, et d’aller jusqu’au bout des capacités de votre appareil. En regardant sur votre ordinateur (surtout pas sur l’écran arrière de votre appareil photo), vous verrez ce qui est le plus acceptable pour vous. Gardez quand même en tête que le post-traitement est là pour vous aider (j’y reviens).

L’idée est de connaître quelle est la limite haute que vous acceptez pour votre appareil, de façon à ne plus avoir peur une fois en situation : vous saurez jusqu’où vous pouvez monter sans jeter vos images.

À titre indicatif, j’ai remarqué que le plus souvent, j’accepte la sensibilité ISO max de l’appareil divisée par 4. C’est-à-dire que sur mon 5D MkIII, qui va jusque 25600 ISO, je m’arrête personnellement à 6400 ISO. Ce n’est pas forcément une règle générale, c’est juste pour vous donner une petite idée de ce que vous pouvez espérer.

Faites attention à votre exposition

Le problème d’utiliser une forte sensibilité, c’est que vous aurez moins de latitude concernant l’exposition au post-traitement. Quand vous poussez le curseur d’exposition sur votre ordinateur, c’est l’équivalent de pousser la sensibilité ISO : ça crée du bruit numérique.

Donc si vous avez une photo à la fois sous-exposée et prise au maximum des capacités de votre appareil, vous aurez sans doute du mal à en faire quelque chose.

Utilisez le post-traitement

Quand votre appareil photo sort un fichier JPEG, il applique de lui-même une réduction du bruit. Or, ce n’est pas toujours la plus judicieuse.

L’avantage de faire le post-traitement de ses images en RAW, c’est que c’est vous qui allez choisir exactement comment appliquer cette réduction. C’est donc normal si quand vous ouvrez un RAW, il paraît y avoir plus de bruit que dans le JPEG ! C’est parce qu’il faut appliquer cette correction vous-même.

Aujourd’hui, les bons logiciels de post-traitement ont d’excellentes capacités à réduire le bruit sur vos images finales, et ça s’améliore avec le temps ! Il n’y a donc aucune raison de ne pas profiter de ça pour améliorer le rendu de vos photos prises à haute sensibilité. Si vous utilisez régulièrement le RAW, comme je le conseille, vous devriez d’ailleurs déterminer la sensibilité maximale acceptable pour vous (comme je le dis précédemment), en tenant compte de la réduction que vous pouvez apporter au post-traitement.

C’est-à-dire : quel est le maximum acceptable pour vous après corrections ?

ISO 5000 5D Mk III photo de concert chanteur noir et blanc
ISO 5000 ici. Je ne sais pas vous, mais moi je trouve ça très propre ! 🙂 (bon ok, c’est sur 5D Mk III, c’est juste que j’adore cette photo :D)

Si vous avez du mal avec ces outils, je vous conseille de visionner ma vidéo sous Lightroom où je développe une photo prise en basse lumière, pour bien voir les outils que j’utilise (je parle également de la différence bruit coloré/bruit noir et blanc).

Que faire si la sensibilité maximale ne suffit pas ?

Dans certaines situations, même en utilisant la sensibilité maximale acceptable pour vous, ça ne sera pas suffisant : la photo sera floue ou sous-exposée. Alors que faire ?

Et bien d’abord, il va falloir accepter que parfois, on ne peut pas prendre une photo. Photographier c’est « écrire avec la lumière », et s’il n’y en a pas, on ne peut rien faire.

Le seul levier sur lequel vous pouvez jouer « à l’infini », c’est la vitesse d’obturation : procurez-vous un trépied, faites une pose longue, et le tour est joué. Sauf que ça ne fonctionne pas si vous souhaitez figer un sujet rapide. Vous pouvez également rajouter de la lumière avec un flash.

canon ef 50mm f 1/8 objectif

Au-delà de ça, les solutions les plus simples sont encore de se tourner vers un boîtier qui supporte mieux la montée en ISO, et/ou un objectif plus lumineux (avec une plus grande ouverture maximale). Mais vous ne ferez que repousser la limite (ce qui est déjà pas mal).

C’est pour ça qu’il faut parfois savoir s’avouer vaincu quand le matériel nous limite : vous ne pouvez pas toujours faire quelque chose.

Voilà, j’espère que cet article vous aidera à ne plus paniquer à la vue d’une sensibilité ISO à 4 chiffres, et que ça vous évitera de rater des photos alors que vous auriez pu avoir un résultat satisfaisant en tirant un peu sur la soupape de sécurité ! 😉

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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