Parlons des trucs qui me crispent en photo, ces trucs qui font un peu grincer des dents dès qu’on voit une image, sans même forcément trop savoir pourquoi.


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Bonjour à tous, ici Laurent Breillat pour Apprendre la Photo, et bienvenue dans cette nouvelle vidéo !

Alors aujourd’hui, vidéo un peu détente, puisque je vais vous parler des trucs qui me CRISPENT en photo. Vous savez, ces trucs qui font un peu grincer des dents dès qu’on voit une image, instinctivement, sans même forcément trop savoir pourquoi ?

Je les ai classés en 3 catégories, du “moins pire” au carrément criminel :

• Tout d’abord les trucs qui me crispent, mais qui sont juste personnels, au final il n’y a pas vraiment de raison plus rationnelle que ça.

• Ensuite, tout ce qui m’énerve pour des raisons plus objectives, mais bon, vous faites ce que vous voulez

• Et enfin les trucs qui devraient carrément être interdits

1) Les trucs qui me crispent, mais c’est juste personnel

 

La première chose qui me crispe tout de suite, je ne sais pas vous, c’est un horizon pas droit. Ça se voit tout de suite, et franchement c’est gênant, et je sais que je ne suis pas le seul à être crispé par ça. D’ailleurs on va voir, si ça vous crispe, dites-le en commentaire.

En soi, ce n’est pas vraiment interdit. Il y a plein de photographes largement reconnus qui n’avaient pas des horizons toujours très droits. Cela dit, ils avaient une raison. Ça dépend fortement de la démarche photographique. Vous imaginez bien qu’un Daido Moriyama n’a pas spécialement d’intérêt pour avoir une photo parfaitement droite, alors qu’il photographie à moitié au jugé des gens dans la rue. Ce n’est pas le propos.


Mais je dois avouer que même dans ces cas-là, s’il y a un horizon visible dans l’image et qu’il est penché (évidemment, si l’horizon n’est pas visible, bon, ça ne se voit pas trop), dans ces cas-là ça me crispe, que voulez-vous !

Au contraire, imaginez une image d’Andreas Gursky ou de Michael Wolf pas droite. Ça n’aurait aucun sens.


Si vous avez une pratique amateur, où globalement on cherche à bien représenter son sujet, je continue à vous conseiller de faire l’effort. Cela dit, je sais que beaucoup n’y arrivent pas, et font toujours des photos un peu penchées. Dans ce cas, il n’est pas interdit de redresser en post-traitement. 🙂

Ensuite, la deuxième chose, ce sont les ratios d’aspect libres. Le ratio d’aspect, vous savez, c’est le rapport entre longueur et hauteur des deux bords du cadre. Traditionnellement, les différents formats de négatifs et de capteurs ont seulement quelques ratios possibles : En gros 4×5 ou assimilé, 3×2 comme sur tous les capteurs Full Frame et APS-C, 4/3, ou carré. Le 16/9 est un peu monté en puissance avec la vidéo aussi, même si ça reste un format qui n’est pas très photographique, mais bon, pourquoi pas. Et c’est à peu près tout, à l’exception des formats panoramiques !

Et ce qui me crispe, c’est quand je vois une photo qui a un ratio exotique, c’est-à-dire recadrée librement, quoi.

Je ne veux pas discuter ici de l’importance ou non de les respecter, que ce soit pour des raisons d’harmonie visuelle (est-ce que c’est vraiment moins bien si on sort de ces ratios-là ?), ou pratiques (ça peut être chiant à imprimer).

Je pense qu’il est possible qu’on puisse sortir de ces ratios classiques et quand même faire du bon boulot avec. C’est juste que, je n’y peux rien, je le vois tout de suite et ça me crispe. Encore un coup de mon œil géométrique.

Mais bon, ce n’est pas LE MAL dans l’absolu, c’est un truc qui me crispe personnellement, c’est tout.

2) Tout ce qui m’énerve un peu, mais bon, vous faites ce que vous voulez

 

Maintenant, je vais passer à la deuxième catégorie : on parle de toujours de ce qui me crispe un peu, mais là pour le coup, je pense qu’il y a des raisons objectives de ne pas faire ça.

Pour faire la transition avec le point précédent, je vais commencer par les trucs pas droits, mais presque.

Par exemple une photo d’un bâtiment qui est prise de face, mais pas tout à fait. On dirait juste que la personne s’est posée là et a pris un cliché sans réfléchir plus que ça. Et d’ailleurs, soyons honnêtes, c’est probablement le cas.

Je le sais, parce que 1) je l’ai moi-même fait quand j’étais débutant, et 2) c’est probablement une des critiques les plus courantes que je peux faire à mes élèves.

Je n’ai rien contre les sujets vus de profil, bien sûr. Simplement, faites un CHOIX FRANC. Ceux qui me suivent depuis un moment savent que je le répète souvent !
Si vous décidez de photographier un sujet de face, mettez-vous bien en face. Pas juste un pas de côté.

Sauf si évidemment vous avez une raison particulière pour le faire. Je pense qu’on peut en imaginer. Mais soyons honnête, quand on voit ça, la plupart du temps c’est juste un manque de précision de la part du photographe.

Et d’ailleurs, je peux étendre cette crispation à tout ce qui est imprécis. Par exemple un truc qui dépasse un tout petit peu du bord du cadre.

Attention hein : ça peut complètement faire sens de faire dépasser un élément du bord du cadre. Couper un sujet ça peut être un bon outil de composition. Par contre, il faut quand même qu’on le distingue suffisamment pour qu’il apporte du sens à l’image et de l’équilibre à la composition. Si c’est un microbout, sans doute que… vous ne l’avez pas fait exprès. (À part moi avec mon doigt maintenant.)

En fait, je suis toujours un peu crispé quand quelque chose semble être là par hasard dans une image.

Alors attention, je dis crispé, bon, ça dépend évidemment du niveau. Si c’est un débutant, c’est tout à fait normal, et ma réaction va être de pointer l’erreur pour faire progresser. Mais en dehors de ce contexte, ça me fait un peu rouler des yeux, j’avoue.

Ensuite, il y a quelques petites choses que j’ai vues de plus en plus souvent ces derniers temps et qui commencent à me crisper un peu, sans doute plus pour la fréquence que pour le truc en soi.

La première, c’est quand je passe sur les réseaux et que je vois des photos argentiques ennuyeuses au plus haut point (genre vraiment 6 mois de photo quoi, toutes les erreurs sont là, y a aucun sujet, c’est vraiment quand on débute et qu’on appuie sans trop savoir), et avec 150 hashtags argentiques.

Alors je vais vous révéler un grand secret : le fait d’avoir fait ça sur pellicule ne rend pas instantanément la photo intéressante. Une photo chiante, c’est une photo chiante, qu’elle soit prise en argentique ou en numérique. Prendre une posture n’y change rien.

Cela dit, ce n’est pas du tout étonnant : en photographie, nombreux sont ceux qui essaient de se réfugier derrière les questions techniques pour se démarquer.
En numérique c’est le fameux “cette photo a été prise avec tel objectif à 3 000 €”, ou “j’ai passé 2 heures sur Photoshop”, ou à l’inverse “attention c’est sans retouche !”.
Et en argentique c’est “prise avec tel appareil, telle pellicule, tel révélateur et tel temps de développement”. Et en fait… c’est un ficus sur la photo.


(Bon, je dis ça, ça peut être intéressant les ficus, hein. Juste : avec zéro effort sur le cadrage, et aucun sens particulier dans le contexte d’un travail plus global, bon… un ficus c’est un ficus.)
Et encore, je ne parle même pas des ficus photographiés à la Lomo Purple 😄

Bref, c’est juste le pendant argentique du manque de démarche masqué par des spécifications techniques.

Et pour continuer à taquiner un peu sur l’argentique, un autre truc qui m’énerve : les poussières pas nettoyées sur les scans de négatifs.

Bon, si vous scannez vous-même, ça peut arriver qu’il en reste une ou deux. Mais y en a, on a l’impression qu’ils passent leurs négatifs dans le sac de l’aspirateur avant de les scanner.

Il y en a peut-être qui veulent faire ça pour donner un aspect “low-fi”/”négligé”/”vintage” à leurs photos, mais perso je trouve que ça fait juste un peu flemmard. Ça coûte quoi de passer un coup de soufflette sur son négatif avant de le scanner, sérieux ?

En fait, le côté “low-fi” (par opposition à “hi-fi”, pour “haute-fidélité”), ça fonctionne bien quand c’est en rapport direct avec le procédé.

Genre, vous utilisez un appareil un peu pourri ou de la pellicule bas de gamme, ou dans des conditions de lumière loin d’être idéales, mais ça correspond à une certaine esthétique, ça peut fonctionner pour soutenir le propos. Je pense au taf de Mathilde Biron par exemple, que vous pouvez voir sur Instagram. Il y a des contextes où ça peut fonctionner, mais si c’est juste pour laisser des poussières dessus parce que vous êtes flemmards, mais “en fait c’est un style”, bon, faut pas déconner.

3) Les trucs où si j’étais ministre de la Photo, ce serait interdit

 

Et enfin, on va passer au pire du pire, ce qui me donne autant la nausée qu’un paquebot dans la tempête, ce que j’interdirais si j’étais ministre de la Photo en République populaire de Breilladie.
(Je vous rassure, je n’interdirais rien du tout, malheureusement pour mes rétines, je suis pour que le mauvais goût soit autorisé :P)

Bon, commençons par un grand classique : la désaturation partielle. À savoir, le fameux “taxi jaune sur fond noir et blanc”, célébrité des cadres Ikea.


Vraiment, c’est non. Je sais que quelqu’un en commentaire va dire “oui, mais on a le droit de le faire parce que c’est de l’ââââârt”. Sauf que :

1) même pour l’art, en fait SURTOUT pour l’art, il faudrait quand même pouvoir donner une RAISON à son utilisation, dire ce que ça APPORTE à la photo. Et ça, je n’ai vu personne en être capable. “j’aime bien” ce n’est pas une explication.

Et 2) il faudrait m’expliquer, si c’est pour l’art, pourquoi aucun musée significatif n’en a jamais exposé.

Bon alors, je sais que là certains d’entre vous se sentent visés. Calmez-vous : moi aussi j’ai fait de la désaturation partielle. Sur une coccinelle à 7 points, quand il y en avait encore. On l’a tous fait, car ça a UN avantage : c’est un bon exercice pour apprendre à faire un traitement local. Au moins, si on a raté son détourage, ça se voit très bien 😛

Je pourrais être hyper diplomate et vous dire “je vous déconseille d’utiliser ça, c’est un peu cliché, ça a marché à une époque, mais ça a été trop utilisé, et souvent les gens utilisent ça quand leur photo n’a pas l’intérêt visuel ou émotionnel qu’ils espéraient.”
Mais bon, en général j’ai un peu plus de franc-parler, et si je dis vraiment le fond de ma pensée : c’est de la merde, ne le faites pas.

Le deuxième truc interdit dans le Grand Décret sur le Bon Goût photographique en République populaire de Breilladie, c’est le HDR dégueulasse.
En soi, le HDR, c’est juste censé être utile pour récupérer des détails quand l’image a une trop grande dynamique. Même si aujourd’hui, c’est franchement moins utile, vu que les capteurs ont une meilleure dynamique qu’avant.

Même pour le HDR de base, il faudrait déjà se demander POURQUOI on a besoin de plus de détails dans les ombres. Après tout, dans sa célèbre photo du chien qu’on a vu dans le dernier Incroyables Photographes, est-ce que Josef Koudelka s’est dit “OMG on ne voit pas bien les poils du chien, je jette la photo” ? (Oui, c’était la voix de Koudelka qui jette une photo parce qu’elle n’est pas HDR.)


Mais bon, au-delà de cette question, les premières heures du HDR ont lancé la mode DÉGUEULASSE du HDR tonemappé dégoulinant de couleurs saturées ignobles. On en voit quand même de moins en moins, heureusement, mais bon, de temps en temps ça refait surface. Arrêtez, vraiment.

La dernière fois que j’en ai vu, c’était au Portugal cet été, sur des petits cadres vendus par les marchands de bibelots chinois pour touristes sans discernement. J’imagine qu’il doit y en avoir aussi parmi les vendeurs de petites tours Eiffel made in par des enfants ou des Ouïghours en esclavage hein. En fait, c’est un bon détrompeur : si c’est vendu dans ce contexte ou chez Ikea, il faut probablement oublier.

Article 3 du Grand Décret dictatorial de Breilladie : le vignettage.

Alors déjà, le vignettage blanc, c’est non, dans tous les cas. Enfin si c’est visible hein. Si c’est pour compenser le vignettage naturel d’un objectif et qu’à la fin on a juste des bords normaux, c’est OK, évidemment. Mais bon, le KGB vous surveille, faites gaffe 😀

Pour le “vignettage noir”, à petite dose ça peut aller, ça a tendance à garder l’œil dans la photo, et c’est de toute façon un effet optique naturel, donc l’œil est adapté. Mais il faut faire gaffe à plusieurs choses :

1- Pas trop fort. Si on VOIT la limite du vignettage, c’est trop fort.

2- Faites gaffe si dans un coin c’est uni (par exemple un bout de ciel) : il y a de grandes chances que ça se voie très vite.

Bref, l’intention de “refermer” son image est louable, mais faites-le intentionnellement.

Bon, parlons d’un autre coupable : la clarté poussée à fond. Dans le négatif, c’est juste dégueulasse, vraiment. Et dans le positif, faites TRÈS attention. J’ai vu des images où je pouvais pousser la clarté très haut et ça marchait quand même. Mais, franchement, c’était TRÈS rare.

Dans la majorité des cas, vous allez finir par faire des trucs trop cliché, genre le portrait du vieux sage tibétain ou du sans-abri au visage buriné avec la clarté bien à fond pour bien montrer “REGARDEZ IL A DES RIDES ! HÉ HO ! IL A DES RIDES ! VOUS AVEZ VU ? IL EST VIEUX, FATIGUÉ, PAUVRE, MAIS HEUREUX, BANDE D’OCCIDENTAUX SUPERFICIELS ALORS QUE MOI PAS DU TOUT PUISQUE JE L’AI VU ET PHOTOGRAPHIÉ AVEC MON APPAREIL QUI VAUT UN AN DE SON SALAIRE !”


Bon OK, je me calme. J’ai pas pu résister 😀

Évidemment, toutes les photos de vieux burinés ne sont pas sans intérêt, je ne suis pas en train de taper sur tout portrait de personne âgée dans le monde, évidemment. C’est juste que là où on voit la clarté à fond, c’est souvent là, ça me semblait un bon exemple. Et vous avez tous vu ce genre de photo, vous savez

Allez, une dernière victime pour la route : les peaux trop lissées dans Photoshop (c’est un peu l’inverse d’avant). Genre c’est une poupée de cire, il n’y a plus aucun pore, on a l’impression d’être dans l’épisode 1 de Doctor Who avec les mannequins de plastique qui bougent.


J’ai besoin d’argumenter, ou entre mocheté du résultat et standards de beauté inatteignables tout le monde a compris pourquoi c’était pas bien ? 😀

Bon, allez, je m’arrête là aujourd’hui, j’ai assez râlé ! Avouez que ça fait du bien quand même, ça rappelle un peu l’époque des “coups de gueule du lundi”. Et vous, qu’est-ce qui vous crispe ? Mettez-le en commentaire. Lâchez-vous, vous avez le droit d’être méchant, c’est l’ambiance aujourd’hui. Promis, la semaine prochaine on parle d’ours en peluche et de petits chiens. Ou au moins pas d’un truc qui m’énerve, quoi.

Allez, vous avez l’habitude : si vous avez aimé cette vidéo, lâchez un pouce bleu, partagez-la avec vos amis ou dans des groupes Facebook dans lesquels ça va faire rager des gens, et puis si jamais vous débarquez sur la chaîne, rassurez-vous je suis gentil des fois, je donne des conseils sur la pratique, je vous parle de culture photo et tout, vous allez voir, c’est cool. Je vous offre même un guide à télécharger, cliquez ici ou sur le lien en description pour le recevoir directement dans votre boîte mail.
Et puis abonnez-vous, hein. 🙂

À plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos !

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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