Je vous présente les expos que j’ai aimées cette année au Rencontres de la Photographie d’Arles.
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Alors tout d’abord, une fois n’est pas coutume, je dois avouer que j’ai trouvé cette édition en dessous des autres, ce qui est un peu dommage pour les 50 ans. Je m’attendais à ce que ces 50 ans d’histoires soient vraiment mis en avant, et finalement à part une petite expo sur les 50 ans, justement, pas grand-chose d’autre. Il y a juste plus d’expos que d’habitude, mais est-ce que plus c’est forcément mieux ?…
Mais bon, le but de cette vidéo n’est pas de se concentrer sur le négatif, mais plutôt de vous dire ce que j’ai aimé. Ça reste évidemment mon avis très subjectif par rapport à mes goûts personnels en photographie, mais si jamais vous avez peu de temps et que vous ne pouvez pas faire toutes les expos, ça peut servir !
Tout d’abord, j’ai énormément aimé l’exposition d’Evangelia Kranioti (Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer).
Plusieurs de ses séries sont présentées, où elle saisit des petits morceaux sensibles de destinées individuelles qui traduisent un phénomène plus global. Quoi qu’il en soit, c’est toujours un travail sensible et touchant qui mérite vraiment d’être vu.
Une autre photographe dans un style très différent : Libuše Jarcovjáková (dont j’écorche sans doute le nom, car je ne parle pas tchèque), qui a un style à la fois très cru et poétique.
Je pense que tout le monde n’aimera pas visuellement (même moi je n’en suis pas encore sûr en fait), mais on ne peut pas nier l’authenticité et la personnalité dans ses images, qui pourraient servir de leçon à nombre de photographes.
L’espace Van Gogh dont j’aime en général beaucoup les expos accueillait une excellente expo sur le travail de la grande Helen Levitt, qui a observé les rues new-yorkaises dans les années 30. Il y a plus de 130 photographies exposées, dont beaucoup d’inédites, et de la couleur.
À l’étage se trouve une exposition collective nommée “Unretouched Women” (Femmes non retouchées) par Eve Arnold, Abigail Heyman et Susan Meiselas (sur laquelle un épisode d’Incroyables Photographes arrive prochainement).
Dans les années 70, elles ont chacune publié un livre qui renouvelait la vision de la femme dans leur vraie vie, loin de l’image du papier glacé des magazines, d’où le titre de l’expo. Voir ces œuvres résonner entre elles aujourd’hui met en valeur leur importance à l’époque (on rappelle que le droit à l’avortement ne date que de 1975), mais aussi, et sans doute surtout, leur importance aujourd’hui, vu la remise en cause constante des droits des femmes par une pelletée de débiles rétrogrades.
Vous l’aurez remarqué, jusqu’à présent je n’ai parlé que de femmes photographes, et je n’ai même pas fait exprès : j’ai le sentiment qu’elles commencent enfin à avoir leur place, même si la parité n’est pas encore atteinte, puisqu’il y avait 15 expositions consacrées à des femmes photographes (sur une cinquantaine), mais en tout cas, sans même le chercher, mes expos préférées étaient des expos de femmes, ça veut donc bien dire que leur présence augmente, et c’est une bonne chose.
Je continue donc avec la petite mais qualitative expo “Mères, filles, sœurs” de Tom Wood, qui a photographié dans les rues de Liverpool pendant 3 décennies, avec un œil très honnête et direct sur l’extraordinaire des gens ordinaires.
Pour finir, 3 expos qui m’ont marqué et étaient toutes au même endroit : la Maison des Peintres.
Tout d’abord The Anonymous Project, qui m’a positivement surpris, car je ne m’attendais pas à autant aimer. En effet, c’est un projet qui rassemble des diapositives amateurs récoltées par Lee Shulman, présentées dans une maison dont le décor nous plonge dans un voyage dans le passé, à l’époque des couleurs de la légendaire pellicule Kodachrome. Chaque pièce nous présente une collection de photos amateurs sur un thème particulier : les chiens, les gens qui dorment, avec une musique d’époque à chaque fois.
Et si ça m’a positivement étonné, c’est parce que le plus souvent, ce genre de travail m’intéresse assez peu : on n’est pas dans une démarche artistique, puisque c’est une collecte de photos d’amateurs, et puis on utilise souvent le pompeux terme de “photographie vernaculaire” (qui veut juste dire “photographie des gens normaux”, pour les gens qui parlent français).
Ici, c’est un peu tout l’inverse : l’expo nous plonge véritablement dans l’époque et le quotidien des gens, et a un énorme intérêt historique, en plus d’avoir une scénographie à la fois très bien travaillée et pas pompeuse du tout, même avec un peu d’humour, je trouve.
Juste à côté se trouve l’expo Home Sweet Home, qui réunit les photographies de 34 artistes qui ont travaillé, chacun à leur manière, sur le sujet de la maison, ou plutôt du foyer, sur l’espace de 50 ans.
C’est une anthologie vraiment incroyable, et c’est très intéressant pour nous de voir les différences et les points communs dans le traitement d’un même sujet par des personnalités photographiques différentes. C’est une vraie leçon en termes de photographie artistique.
Enfin, juste derrière se trouve l’expo Eldorado par Christian Lutz, qui fait contraster des images d’une Las Vegas sur le déclin (je me souviendrai toujours de la photo de cet homme la déguisé en Spider Man errant dans les rues de Vegas), et celles de Macao, en train de devenir la Las Vegas de l’Asie, et qui est au contraire au sommet de son éclat. Le contraste est à la fois intéressant photographiquement, mais aussi culturellement : le fait que Macao ait dépassé Vegas est un des signes avant-coureurs de la place de la Chine dans l’avenir.
En parlant de Christian Lutz, vous aurez aussi l’occasion de voir un autre de ses projets à la Fisheye Gallery, au 19 rue Jouvène (c’est tout près des expos).
Il s’agit de “In Jesus Name“, un travail qu’il a effectué dans une communauté chrétienne évangélique de Zurich en 2011, avec leur bénédiction (pun intended). Mais quelques jours après la publication du livre, un avocat représentant 21 personnes de cette communauté obtient le retrait de la vente du livre, car il leur porterait atteinte.
Christian Lutz expose donc maintenant ces photos, avec un bandeau de censure recouvrant le visage de ces personnes, et le remplaçant par le texte de la plainte.
Le sens de l’œuvre originale change complètement, et c’est vraiment intéressant sur les questions que ça pose concernant la liberté d’expression, le droit à l’image et la véritable censure, puisque le livre n’est plus en vente, et complètement introuvable maintenant. Il ne s’agit pas de “ouin ouin, on m’a supprimé mon commentaire parce que j’insultais quelqu’un”. C’est de la censure au sens propre, puisque maintenant on ne peut plus voir son œuvre originale.
Vous verrez donc ces photos censurées exposées dans la galerie (elles sont aussi dans le dernier numéro du magazine Fisheye), mais aussi le livre d’origine que vous pourrez consulter, pour vous faire un avis si les photos étaient si horribles qu’elles méritaient la censure.
Par ailleurs, j’ai aussi eu le plaisir de flâner dans la salle des prix du livre 2019 : sauf à y passer la journée, impossible d’y consulter tous les ouvrages, mais en me laissant porter par mon instinct, j’y ai découvert 2 livres incroyables que j’ai commandés immédiatement, et dont je vous parlerai sans doute bientôt.
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Je vous retrouve très bientôt sur la chaîne, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos !
Bonjour
Quel dommage… On s’est raté car j’y étais aussi… Bon, c’est vrais que je ne te connaissais pas alors, mais peut-être sommes nous croiser sans le savoir… Pour l’édition 2020, c’est raté, mais qui sais pour l’édition 2021, cela serait sympa de ce voir.
A 2021 donc 🙂