Une fois n’est pas coutume, je vais m’échapper un peu de la technique et des logiciels et vous parler d’un livre qui m’a beaucoup marqué : Ce jour-là, de Willy Ronis.

Ce jour-là, Willy Ronis livreCe n’est ni un livre de technique photo, ni de composition, ni d’histoire de la photo, ni même un “livre photo”. Ce n’est rien de tout ça, ou plutôt tout ça à la fois et bien plus encore. Willy Ronis est sans aucun doute mon photographe préféré, et je suis tout simplement ébloui par son œuvre. Alors quelqu’un (qui se reconnaîtra 😉 ) a eu la bonne idée de m’offrir “Ce jour-là”, petit recueil de 52 photographies de Ronis, et surtout de ses pensées concernant ces images. Chaque petit texte commence par “Ce jour-là”, d’où le titre de l’œuvre.

Alors pourquoi cette œuvre m’a-t-elle tant touché qu’il FAUT que je vous en parle ? 🙂

Et bien, c’est un condensé extraordinaire de petits moments de vie tout d’abord. Ce bouquin est paru en 2006, et c’est avec une précision étonnante que Ronis nous décrit le contexte de chaque cliché, parfois plus de 50 ans après. Une mémoire éblouissante donc, sans doute marquée par tous ces instants magiques qu’il a su capter avec tant de talent.

J’ai la mémoire de toutes mes photos, elles forment le tissu de ma vie et parfois, bien sûr, elles se font des signes par-delà les années. Elles se répondent, elles conversent, elles tissent des secrets.

“Les photos sont pleines d’histoires.”

Une des choses les plus importantes que j’ai retenues de ce livre, c’est que Ronis cherchait toujours à raconter une histoire en prenant un cliché. Chaque instantané est un moyen pour retranscrire ce qu’il a ressenti à cet instant, sa vision de la situation (jusqu’à s’inventer des histoires abracadabrantes sur un personnage croisé dans la rue). Et c’est cela qui fait la saveur et la richesse des clichés de Ronis.

En général, je ne change rien à ce qui se passe, je regarde, j’attends. Simplement, à chaque photo, je suis impressionné par une situation, et j’essaie de trouver la bonne place où pouvoir placer mon instantané, pour que le réel se révèle dans sa vérité la plus vive. Il y a un vrai plaisir à trouver la place juste, cela fait partie de la joie de la prise de vue, et c’est quelquefois aussi un tourment, parce qu’on espère des choses qui ne se passent pas où qui arriveront quand vous ne serez plus là.

“La belle image, c’est une géométrie modulée par le cœur.”

Ronis est un être très sensible (je ne parlerais pas au passé tant il est encore présent par son œuvre). On ressent à chaque page qu’il s’émerveille et s’émeut devant chaque petit moment que lui offre la vie, chaque moment qui a quelque chose de touchant ou d’étonnant, qui “l’impressionne”. La bonne nouvelle, c’est que c’est contagieux. Il ne fallait pas me pousser beaucoup pour que je m’émerveille également, mais rien qu’à lire ses pensées par rapport à une image, on se laisse emporter dans la toute petite histoire qu’il nous raconte, et y compris dans l’émotion qui va avec, comme dans “Noël 1954, La Bicyclette“, l’histoire simple, si commune et intemporelle d’une petite fille qui voudrait bien avoir un joli vélo. Mais je vous laisse découvrir cette histoire vous-même 🙂

Un jour, sur cette place, j’ai pleuré d’émotion. C’était un mois d’avril, avec Marie-Anne. Il y avait, d’un côté des arcades, des musiciens de jazz, et de l’autre, des étudiants qui sortaient sans doute du Conservatoire et qui jouaient du Bach. Il y a eu soudain en moi une grande émotion qui est née de la rencontre entre ces deux musiques. Et dans les arbres, c’était déjà la fin des bourgeons, on voyait la naissance des petites feuilles, cela formait un immense poudroiement de confettis. J’avais les yeux pleins de larmes. Quand vous découvrez brutalement ce signe que vous adresse le printemps, ce moment si juvénile…

On ne peut pas écrire ça et être mauvais. Vous voyez ce que je veux dire ? Cette façon de regarder le monde avec des yeux d’enfant est tout bonnement magique. Évidemment, derrière chaque cliché se cache une parfaite maîtrise de son appareil, qui a permis à Ronis de s’échapper de la technique pour nous raconter de jolies histoires quotidiennes, pleines de poésie. Et oui, quotidiennes : Ronis avait toujours son appareil sur lui (combien de fois le répétera-t-on ? 😉 ), et beaucoup de ses images sont simplement issues de ce qui faisait son quotidien. Comme quoi on peut trouver de la beauté dans tout, et qu’il suffit juste d’ouvrir les yeux pour cela. Parce que c’est ça le premier “travail” du photographe : ouvrir les yeux.

Il y a une autre leçon à en tirer : titrez et légendez vos photos. Même si ce n’est que pour donner simplement le contexte (“Champ de Mars, Paris, 2011”). Racontez l’histoire. Aidez un peu le lecteur à se laisser emporter. Oh bien sûr, une bonne photo parle d’elle-même. Et celles de Ronis le font. Mais c’est toujours un plaisir fin que de comprendre réellement ce que l’auteur a ressenti en prenant son instantané.

 

Il est difficile d’en dire plus sur ce livre. Même si ce n’est en aucun cas un bouquin de photo au sens premier du terme (il ne vous expliquera pas comment utiliser votre appareil), il apportera sans doute bien plus à vos photographies que n’importe quel bouquin technique. Car si vous ne photographiez pas avec votre cœur, si vous ne photographiez pas avec vos tripes, vos photos seront vides de sens et d’émotion, qu’elles soient techniquement parfaites ou non.

Si je peux vous donner un premier conseil en cette nouvelle année, c’est de sortir 7€ et des poussières pour acquérir cette petite merveille de simplicité.

Allez, maintenant vous mettez en bandoulière votre appareil d’un côté et votre cœur de l’autre, et vous allez photographier ce que vous trouvez joli 😉

Et n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
Télécharger l'article en PDF
Vous avez aimé cet article ?

Votez pour cet article

1 Etoile2 Etoiles3 Etoiles4 Etoiles5 Etoiles (4 notes, moyenne : 4,50 sur 5)
Loading...