Stephen Shore est un photographe qui a une place très importante dans l’histoire de la photographie. Découvrez comment le connaître m’a permis de mieux me comprendre photographiquement, et du coup d’orienter ma pratique photo.
Cliquez ici pour afficher/masquer la transcription complète
Salut ! Ici Laurent Breillat pour Apprendre la Photo, et bienvenue dans cette nouvelle vidéo dans laquelle je vais vous parler de ce que deux livres très différents du même photographe m’ont fait découvrir sur ma propre photographie. Oui, je sais, le rythme des vidéos avait un peu ralenti ces derniers temps, mais j’ai eu beaucoup de choses à faire, et notamment bosser sur la mise à jour de Sublimez vos Photos. Si vous n’êtes pas inscrit, vous ne le voyez pas, mais ça prend de l’énergie ! Mais reprenons. Donc, si vous êtes spectateur fidèle de la chaîne, vous connaissez sans doute Stephen Shore, puisque j’y ai consacré un épisode d’Incroyables Photographes. Si vous ne l’avez pas vu, allez le voir à la fin de cette vidéo, vous comprendrez mieux son travail. Shore a notamment fait deux bouquins, American Surfaces et Uncommon Places, qui sont très différents dans l’approche. Pour vous résumer rapidement, dans American Surfaces, Shore photographie de manière très simple, très brute, sans artifice. Il cherche à reproduire la sensation de voir, à rester à la surface des choses (d’où le nom) et à photographier absolument tout ce qu’il voit. Le résultat, ce sont des photos aux lignes pas droites, souvent avec un coup de flash, sans qu’il y ait une attention particulière à sublimer esthétiquement la scène.
Et pour tout vous dire, je n’aime pas ces images. Ce n’est pas quelque chose qui me parle. À l’inverse, je vénère complètement la suite : Uncommon Places, qui est sans doute l’un de mes livres préférés. Et c’est assez logique, car c’est le contrepied complet d’American Surfaces : ce sont des images très travaillées, produites à la chambre photographique et sur trépied, et donc très détaillées et surtout très précises dans leur composition. On a envie d’y passer du temps, de regarder ce qui s’y passe, d’admirer l’équilibre subtil de la composition.
Et pourtant, les scènes ne sont pas moins banales que dans American Surfaces. On y voit des stations-service, des devantures de magasin, des coins de rue, des parkings… Mais pourtant elles sont fascinantes. J’adore ce livre, car ça parle à ma propre fascination vis-à-vis de la géométrie et de l’esthétique qu’on peut trouver dans la banalité du quotidien. Un certain ordre qui naît du chaos, de manière souvent très éphémère selon la lumière du jour, un élément qui est placé là de manière complètement temporaire, ou un évènement qui se passe dans le cadre. Et ce que j’aime, c’est que par l’acte de photographier, le photographe donne de l’importance à ces alignements esthétiques étranges du quotidien. Alors, pourquoi je vous parle de ça ? Eh bien, parce que je bosse sur un projet photo depuis 2 ans, que je ne vous montrerai sans doute pas beaucoup tant qu’il ne sera pas terminé. Et que j’ai réalisé que ce projet n’est pas sans similarité avec Uncommon Places, même si je n’utilise pas un dispositif aussi encombrant du tout puisque j’ai juste un reflex argentique et un 35 mm. Clairement, en regardant mes images, je vois bien comme j’ai été influencé. Mais relire Uncommon Places après avoir commencé ce projet m’a permis d’en affirmer certains aspects. Par exemple, je vois bien que j’aime en général beaucoup les compositions plutôt frontales par rapport aux compositions en angle.
Ou en tout cas, quand c’est en angle, j’aime bien quelque chose d’assez travaillé en termes de géométrie, pas du tout pris à la volée comme dans American Surfaces.
Le titre, “Uncommon Places”, “Lieux peu communs” en français, est aussi révélateur sur ma photographie : j’ai intégré il y a assez peu de temps que je suis davantage un photographe du lieu qu’un photographe des gens. J’ai beaucoup voulu être un photographe des gens, je pense, sans doute en partie parce que j’ai une grande admiration pour les humanistes, et que je trouve que les Américains de Robert Frank est absolument fabuleux. Et pourtant, dans la pratique, je constate que non seulement j’ai plus de mal à photographier les gens, mais en plus je suis moins bon. Au mieux, ils me servent de silhouettes lointaines, comme personnages de scènes plus larges. Mais ils sont interchangeables, et servent surtout à mettre en valeur… le lieu. Il y a quelques mois j’ai d’ailleurs fait des portraits d’un pote pour rendre service. Je suis content du résultat final, lui aussi, mais ça a été un peu dur au début, je n’arrivais pas vraiment à avoir un résultat satisfaisant. Et au final, ça s’est débloqué quand on est sortis : j’ai trouvé des lieux cool qui m’ont inspiré pour le placer dedans, donner un cadre au portrait m’a beaucoup aidé.
Donc même quand je fais du portrait, le lieu est hyper important pour moi… au bout d’un moment c’est quand même un GROS indice 😛 C’est assez aligné avec mon caractère d’ailleurs : même si vous ne le voyez pas en vidéo, je suis plutôt un introverti, c’est pas hyper surprenant que je ne sois pas un photographe des gens, en tout cas pour le moment. Donc voilà : ce n’est pas parce que vous aimez des travaux photographiques que forcément ça va vous correspondre. Peut-être que vous allez juste admirer le résultat, mais que ça ne va pas forcément influencer votre pratique. Comme moi c’est le cas avec Les Américains de Robert Franck, par exemple. Mais si c’est le cas et que vous voyez que vos projets sont influencés par un artiste, ça peut être utile de relire les livres ensuite, et d’analyser en quoi ça vous a influencé, et ce qui est différent. Je trouve que ça aide à préciser ses contraintes créatives, et à se définir par ceux qui nous ont précédés (parce que bon, que vous les connaissiez ou pas, les artistes qui ont marqué l’histoire de la photographie pourront forcément avoir une influence sur vous : il vaut mieux que ce soit directement via leur travail, et en pleine conscience, qu’indirectement en regardant de vagues plagiats sur Instagram). Voilà, je voulais vous partager cette expérience, j’ai trouvé que c’était bien de vous montrer un cas concret de l’influence de la culture photo sur la pratique. Du coup, je me demande : et vous, est-ce que vous avez déjà repéré précisément l’influence d’un artiste sur votre pratique ? N’hésitez pas à raconter en commentaire, ça m’intéresse beaucoup d’avoir vos expériences là-dessus. Si ce n’est pas encore fait, abonnez-vous et activez la cloche pour ne pas rater les prochaines vidéos, et puis si vous me découvrez aujourd’hui, pensez à télécharger votre guide gratuit “Osez Composer” pour vous améliorer en composition, je l’ai conçu comme un bon point de départ pour commencer à penser à la composition (avant la formation qui arrive à l’automne, mais chut :P) Je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos !








