Lors du désastre de Fukushima, les photographes Carlos Ayesta et Guillaume Bression se sont précipités sur les lieux, pour se rendre compte. L’ampleur du désastre est telle qu’ils n’ont pas d’autre choix que de photographier, et d’en faire un travail artistique, que je vous présente ici.
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La combinaison des deux catastrophes cause l’arrêt des systèmes de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima, puis la fusion totale d’au moins deux cœurs du réacteur, provoquant ainsi la plus grave catastrophe nucléaire du 21e siècle. Le bilan est pour l’instant de 1 700 cancers mortels liés à la catastrophe, mais pourrait s’alourdir dans les prochaines années, d’autant plus que les sols restent contaminés sur une superficie équivalente à la Belgique.
Lors du désastre, les photographes Carlos Ayesta et Guillaume Bression se sont précipités sur les lieux, pour se rendre compte. L’ampleur du désastre est telle qu’ils n’ont pas d’autre choix que de photographier, et d’en faire un travail artistique dans la zone interdite de Fukushima.
Ils conçoivent plusieurs séries présentées ici, chacune apportant un point de vue différent sur cette catastrophe historique. La photographie est ici plus documentaire, elle explore et relate du mieux qu’elle peut tous les aspects d’une situation dramatique.
La trace la plus visible de ce drame est sans doute le no man’s land de 1 000 kilomètres carrés laissé autour de la centrale. Plus de 80 000 personnes ont dû évacuer la zone en quelques jours, laissant derrière elles des villes fantômes dans lesquelles le temps est suspendu.
La série, photographiée de nuit en éclairant la scène d’une lumière puissante d’une lampe frontale, présente un monde digne de science-fiction post-apocalyptique, où des débris d’un monde passé émergent dans l’obscurité d’une zone sans électricité.
Dans la série ”Mauvais Rêves”, les auteurs s’attachent à représenter l’invisible : la radioactivité. Ce risque impalpable, mais bien présent, que seuls les crépitements des compteurs Geiger peuvent mettre en évidence, est difficile à mettre en image.
Ils imaginent alors une mise en scène avec des bulles ou de grands films plastiques, symbolisant les frontières invisibles de la radioactivité.
Les bandes de cellophane, presque fantomatiques, donnent une sensation assez pesante aux images. Il suffit de savoir que la zone est radioactive pour ressentir un certain malaise à l’idée même de ce risque invisible qui nous touche jusque dans nos cellules, sans qu’on puisse réellement savoir à quel point.
Et qui dit territoire déserté, dit objets abandonnés. C’est ce qui est exploré dans la série “Temps Suspendu”, où des objets incongrus, du brocoli desséché au stéthoscope, en passant par la mâchoire de vache, sont photographiés sur le macadam, vus de dessus, avec une lumière artificielle assez dure.
Un véritable inventaire presque archéologique, qui contribue au sentiment de désolation que nous fait ressentir ce travail.
L’humain ayant abandonné ces terres, la nature a très rapidement repris ses droits et efface peu à peu les traces de l’Homme. Les maisons tombent en ruine, et commencent à être recouvertes de végétation, tout comme les voies ferrées et les routes.
Évidemment, le gouvernement japonais a voulu décontaminer la zone. Tous les éléments contaminés, terre, branches, herbe ont été rassemblés dans des sacs-poubelle noirs. Mais il n’y a nulle part où les stocker, et ils sont donc partout autour de Fukushima.
À perte de vue s’étendent les sacs noirs, parfois recouverts de bâches, comme des cicatrices bien visibles sur la terre japonaise.
Dans cette série, chaque image est prise selon un point de vue exactement semblable : de face, les restes de la décontamination sont encadrés par une bande de ciel et une bande de sol. Alignés par terre dans l’exposition, les tirages forment une longue ligne continue de sacs, comme un second horizon, ce qui donne une idée de l’ampleur de la catastrophe.
Enfin, dans leur série la plus récente ”Revenir sur nos pas”, qui donne son nom à l’exposition, Carlos Ayesta et Guillaume Bression se concentrent sur l’après-catastrophe. Les 80 000 habitants évacués ont tous un jour souhaité revenir sur les lieux, voir leur maison, récupérer des affaires abandonnées en catastrophe, et pour certains caresser l’espoir d’y revenir.
Mais la réalité les a bien vite rattrapés : plusieurs années d’abandon ont rendu ces lieux de vie méconnaissables, et malgré la politique du gouvernement d’inciter les gens à revenir dans la zone, moins de 10% le souhaitent.
Cette série est la première à se concentrer sur les habitants vivant autour de Fukushima. Ils sont photographiés dans leur ancienne maison, au milieu des décombres, parfois sur leur lieu de travail, ou dans un magasin pillé dans les jours suivant la catastrophe.
Le parti-pris visuel est fort : l’utilisation de flashs donne un côté irréel à ces images, et les teintes brunes dominantes une unité visuelle subtile à la série.
Pour les photographes parmi vous qui souhaitent réaliser un travail au long cours, la leçon est simple : vous ne pouvez pas tout dire avec une photo, ni même avec une série. Selon votre sujet, il peut être indispensable de varier vos partis-pris, de montrer différentes choses de différentes manières qui se complètent.
Dans tous les cas, je vous conseille vivement de visiter cette exposition si vous pouvez venir aux Rencontres de la Photographie d’Arles, que je remercie au passage de m’avoir permis de tourner.
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Je vous invite à regarder les autres vidéos tournées aux Rencontres d’Arles 2017, et à vous abonner à la chaîne pour ne pas rater les suivantes.
D’ici là je vous dis à bientôt, et bonnes photos !