Existe-t-il vraiment des “mauvais” appareils photo ? Découvrez aussi la différence entre les appareils généralistes et les spécialistes.



Cliquez ici pour afficher/masquer la transcription complète

Bonjour à tous, ici Laurent Breillat pour Apprendre la Photo, et bienvenue dans cette nouvelle vidéo !

Aujourd’hui, je voudrais parler du choix de matériel. C’est évidemment une question qui revient souvent : en fait, c’est même LA question qui revient le plus souvent. J’y ai déjà répondu en long, en large et en travers, dans un article et une vidéo qui sont parmi les plus vus de mes contenus d’ailleurs.
Dedans, je donne ma meilleure réponse à cette question pour un débutant qui cherche à acheter son premier appareil : en général, je lui conseille de commencer par un reflex ou un hybride avec une prise en main qui lui semble confortable, car pour la plupart des gens c’est ce qui va leur apporter la meilleure satisfaction par rapport à leurs attentes ( qui sont en général de faire de jolies photos à l’aspect pro).

Seulement voilà, pour des photographes un peu plus expérimentés, je pense qu’il est utile d’étendre un peu la réflexion.

En numérique, la plupart des options qu’on nous propose sont finalement assez similaires.

Vous avez les reflex, relativement volumineux, avec objectifs interchangeables, qui font tout à peu près bien, et ont la visée optique traditionnelle qu’on connaît depuis très longtemps.

Depuis quelques années, vous avez les hybrides, qui ont au final pour principale différence avec les reflex leur visée électronique (qu’elle soit dans un viseur ou sur un écran), et cette visée a des avantages et des inconvénients (j’ai d’ailleurs fait un article sur les bienfaits de la visée électronique que je vous mets en description).

Les hybrides sont aussi plus compacts, en tout cas pour une bonne partie. Les constructeurs ont plus récemment sorti leurs modèles Full Frame qui sont quasi aussi volumineux et coûteux que les reflex.

Ces deux types d’appareils font à peu près tout bien. Avec un reflex ou un hybride moderne, vous pouvez sans aucun souci obtenir des résultats de qualité, que ce soit en paysage, en portrait, en studio, en animalier, ou en photo de rue.

Finalement ces boîtiers conviennent à peu près à tout le monde, ils font tout à peu près bien. C’est ce qui en fait la meilleure solution pour la plupart d’entre vous d’ailleurs : ils sont suffisamment à l’aise dans tous les domaines, et quand on veut faire un peu de tout, c’est un avantage.

En fait, ce sont des appareils photo “généralistes”. Mais comme tout matériel généraliste, ils ne sont pas les meilleurs dans un domaine particulier.
D’ailleurs, si vous allez chez votre médecin généraliste et que vous présentez une pathologie un peu sérieuse qui n’est pas de son domaine de spécialité, il vous enverra chez un spécialiste. Non pas qu’il n’ait AUCUNE idée de comment vous traiter, simplement il est préférable de vous envoyer chez quelqu’un qui a de plus grandes connaissances dans un domaine particulier (mais qui serait sans doute moins capable dans un autre domaine : je n’irais pas faire détartrer mes dents chez un pneumologue personnellement).

On commence à voir un peu cette distinction en numérique, notamment avec les boîtiers dont l’objectif n’est pas interchangeable. Par exemple les compacts experts comme le Sony RX100 ou le Lumix LX100 sont à l’aise dans toutes les situations de la vie courante, et leur compacité permet de les emporter partout.

Par contre, dites au revoir à l’animalier avec ça, par exemple.
Ce sont des appareils spécialisés, qu’on peut appeler des “blocs-notes photographiques” haut de gamme, si on veut.

Il y a un autre compact très spécialisé, par exemple, c’est le Ricoh GR3 : la plupart d’entre vous n’en ont probablement jamais entendu parler, car il a une cible très précise : les photographes de rue qui cherchent un appareil qu’on peut réellement mettre dans sa poche.

Le GR3 a un capteur APS-C, donc plutôt grand, une focale fixe équivalente 28 mm, pas de flash intégré, quelques réglages simples, et c’est tout ! Il est très simple, mais c’est le seul appareil avec un capteur aussi grand que vous pouvez réellement mettre dans une poche. Il a aussi une fonction “snap” qui permet de prérégler le focus à une certaine distance, et donc de ne pas avoir de délai du tout dans la mise au point, parce qu’on ne fait la mise au point, en fait. C’est très pratique si vous faites de la photo de rue : mettez le focus à 1 m 50 ou 2 m, fermez à f/8, et c’est bon, vous avez à peu près tout net !
Par contre, il ne sera pas hyper à l’aise dans d’autres domaines.

Mais voilà, il y a un petit peu de diversité dans le numérique, il y a quelques appareils qui sont plus spécialisés que d’autres, mais on ne s’en rend pas tellement compte, car la très très grande majorité du marché est occupée par les appareils photo généralistes.

En argentique par contre, dès qu’on s’intéresse un peu au choix du matériel, on se rend compte qu’on a une très grande diversité d’outils, avec tous leurs petites particularités. Je sortirai bientôt un article sur le choix d’un appareil argentique, et une vidéo qui va avec pour vous présenter un peu ce qui existe, donc je détaillerai davantage à ce moment-là les options dont on dispose en argentique.

Mais ce que je veux vous faire comprendre, c’est que les options de matériel dont on dispose correspondent à différents usages, et donc qu’en soi, il n’y a pas de mauvais matériel. Ça n’existe pas. Je répète : il n’y a AUCUN mauvais appareil photo. Il y a juste du matériel plus adapté à un usage en particulier.

Du matériel qui permet plus de fluidité à la prise de vue en fait. Ce n’est pas un hasard si la majorité des photographes de rue du 20e siècle ont utilisé un Leica : la visée télémétrique permet de voir un sujet avant qu’il rentre dans le cadre, ce qui permet d’anticiper, et aide beaucoup à capter le bon moment en photo de rue. C’était sans doute le choix le plus fluide à l’époque.

Donc voilà, c’est la première raison pour utiliser un appareil “spécialiste”, c’est qu’il va être le meilleur dans son domaine. Si vous ne faites QUE de la photo de rue, vous n’avez pas besoin d’avoir la possibilité de monter un 800 mm sur votre boîtier (ce qui serait impossible avec un télémétrique).

Cela dit, notez quand même qu‘il est parfaitement possible d’utiliser des outils qui ne semblent pas adaptés à une pratique photographique, a priori. Juste avant d’écrire cette vidéo, j’ai lu un article d’un photographe qui a fait des photos de skateboarders avec un Pentax 67. Un Pentax 67, c’est ça !

C’est gros, c’est lourd, c’est une mise au point manuelle avec une profondeur de champ très très faible. Bref, ce n’est pas du tout l’outil pour ça.
Et pourtant, le photographe a quand même obtenu de bons résultats.

Vous connaissez d’ailleurs sans doute mon admiration pour Nick Brandt, qui a ouvert la série des Incroyables Photographes, et qui a photographié la faune africaine avec ce même appareil que je viens de vous montrer. Donc c’était vraiment pas évident.

Et pour revenir à la photo de rue, d’autres photographes comme, par exemple, Vivian Maier, ont utilisé un reflex bi-objectif qui a comme particularité de permettre de viser au niveau de la poitrine. Comme on ne porte pas l’appareil à l’œil, c’est beaucoup plus discret ! C’est un peu l’équivalent de notre écran orientable aujourd’hui.

Ce qui m’amène à la deuxième raison d’utiliser un outil spécialiste : la préférence personnelle.

Avant de vous donner quelques exemples, je voudrais reprendre l’analogie que fait Jean-Christophe Béchet dans Petite Philosophie pratique de la prise de vue photographique, page 52 :

« J’aime bien comparer la photographie à la cuisine pour cerner les trois grandes façons de concevoir la photographie. Il y a des gens qui se nourrissent d’images et qui se contentent du fast-food visuel.
Il y a ceux qui veulent se nourrir de façon équilibrée, variée, et qui vont alors regarder plus attentivement du côté des appareils polyvalents et efficaces.
Et puis il y a les gourmets qui font entrer la notion de plaisir personnel, de subjectivité et qui vont choisir un outil adapté à leurs envies, besoins ou démarche créative.
Chacune de ces catégories s’intéressera à une gamme d’appareils différents.

Les compacts, smartphone et autres outils légers, rapides, faciles sont destinés aux premiers.

Les reflex, sérieux, rassurants, à la pointe du progrès seront achetés par les deuxièmes.

Et la troisième catégorie se fera plaisir avec des instruments soit dépassés sur le plan technique – polaroïds, argentiques en fin de vie –, soit lourds et encombrants – moyens formats, chambres –, soit particuliers – boîtiers panoramiques, télémétriques, etc.

J’insiste, il faut cesser de faire comme si on avait tous un même appareil, comme si « l’appareil photo » existait. Il y en a de mille sortes, c’est pour cela que la photographie est un art.
C’est aussi pourquoi le choix du bon appareil pour soi, en toute subjectivité, est important.
Alors que l’action de « l’appareil photo » générique n’a pas grand intérêt. »

Donc choisir un certain type d’appareil photo peut aussi être une préférence personnelle.
Ça peut commencer par un simple plaisir d’esthète : on peut prendre un plaisir particulier dans un processus plus minutieux requis par des appareils plus manuels, on peut admirer la mécanique simple mais fonctionnelle, comme on admire le mécanisme d’une belle montre, ou le bruit du moteur d’une voiture ancienne.
Par exemple, moi, si je devais avoir une voiture sans aucune contrainte logistique, j’aurais une MG B bleue comme ça :

En vrai, je n’ai pas de voiture, et je n’en ai pas besoin, mais voilà c’est l’amour des belles choses 🙂

Au-delà de ces raisons, différents types d’appareils ont différents effets sur la prise de vue. Par exemple, pour son dernier livre Provincetown, où il publie des portraits d’inconnus faits dans les années 70, Joel Meyerowitz a dit qu’il avait utilisé la chambre photographique pour travailler, et que ça avait un avantage : une relation particulière avec ses sujets.
En effet, la chambre c’est quelque chose de très grand, très imposant, qui prend un certain temps à mettre en place, et qui crée une relation différente avec la personne.

On voit ça très bien dans la master class en ligne d’Alec Soth chez Magnum Photos, quand on le voit photographier ses sujets à la chambre. Le processus est très particulier, et ça influence sa prise de vue.

Est-ce que c’est l’appareil le plus simple ? Clairement pas : c’est sans doute le choix qui implique de passer le plus de temps pour chaque photo.
Est-ce que c’est l’appareil le plus léger ? Non plus, c’est même le plus lourd. Et encombrant.
Est-ce que c’est le meilleur appareil ? Sur la plupart des critères objectifs, non : il est plus lent, ne possède pas d’autofocus, requiert du sujet qu’il soit relativement immobile entre la mise au point et la prise de vue, ne prend qu’une photo à la fois, etc. C’est seulement sur le point de la qualité que c’est le meilleur, même si la plupart des gens ne feront pas la différence.

Malgré tout, de nombreux photographes l’utilisent encore. Certains principalement pour la qualité (par exemple Andreas Gursky dont je vous ai parlé dans Incroyables Photographes, qui fait des tirages énormes, a besoin de la qualité du grand format), mais d’autres, comme Meyerowitz ou Soth, pour des raisons qui sont plutôt liées au processus photographique.

Bref, mon message dans cette vidéo, c’est que si vous en êtes au stade où vous commencez à savoir un peu mieux ce que vous voulez en photo (en termes de pratique : photo de rue, de paysage, etc.), et que vous commencez à raisonner principalement en termes de projet photographique, vous pourriez commencer à réfléchir à ce qui est le mieux pour vous en matière de matériel. Non pas en termes de performances, comme vous en avez sans doute l’habitude, parce que c’est comme ça qu’on raisonne au début, mais en termes de ce qui est le mieux pour VOUS, par rapport à vos préférences personnelles, l’influence que l’appareil peut avoir sur la prise de vue, et puis votre projet photographique.

Et la réponse ne sera pas toujours la même selon les projets. C’est d’ailleurs pour ça que je n’ai pas qu’un seul appareil 😉

Et vous, est-ce que vous avez des appareils un peu spécialistes pour une raison particulière ? Dites-le-moi en commentaire, juste en dessous, j’ai envie de le savoir.

Voilà, c’est tout pour cette vidéo ! Je vous encourage à regarder la discussion qu’on a eue avec Jean-Christophe Béchet puisque je le cite dans cette vidéo, et que c’est sans doute l’épisode le plus populaire de la série La Photo Aujourd’hui pour l’instant.

Je vais également bientôt publier un article sur le choix d’un appareil argentique, qui vous aidera à voir de quelles options vous disposez. Je ne sais pas encore exactement quand, car il faut qu’on me prête quelques appareils pour que je puisse vous les présenter en vidéo, et je ne sais pas quand prendra fin le confinement. J’enregistre cette vidéo le 29 mars, donc je n’ai pas trop de visibilité, bientôt j’espère !

Si vous avez aimé cette vidéo, mettez un pouce bleu et partagez-la, et puis si vous découvrez la chaîne avec cette vidéo, pensez à vous abonner et à cliquer sur la cloche, pour ne pas rater les prochaines, et à télécharger votre guide gratuit Osez Composer, vous verrez ça va beaucoup vous aider à mieux composer vos images.
Je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos !

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
Télécharger l'article en PDF
Vous avez aimé cet article ?

Votez pour cet article

1 Etoile2 Etoiles3 Etoiles4 Etoiles5 Etoiles (8 notes, moyenne : 4,88 sur 5)
Loading...