Cette exposition présente la vision de 5 photographes d’un même sujet. L’occasion était trop belle de vous montrer comme la même matière première peut être abordée très différemment selon la personne, et d’en souligner les différences.


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Début des années 70, en Île-de-France : la société Levitt France mène le projet de construire des villages à l’américaine en banlieue, en partant de l’idée de fabriquer en série des maisons standardisées en un laps de temps très court, sur plusieurs hectares.

Quatre villages ”Levitt France” existent, comptant jusqu’à 1700 maisons pour le plus grand.

La particularité de cette conception est qu’elle est utopique (ou dystopique selon le point de vue) : l’idée est de maintenir la paix collective par l’absence totale de mixité sociale, en établissant un modèle d’habitation, de société, de services, et un carcan de règles dans lequel ses habitants devaient évoluer.

L’exposition présente la vision de 5 photographes d’un même sujet. L’occasion était trop belle de vous montrer comme la même matière première peut être abordée très différemment selon la personne, et d’en souligner les différences.

Jean Noviel

Commençons par Jean Noviel et sa série ”La norme et le commandement”. Ses 10 images sont sous-titrées, et pour cause : chacune d’entre elles est l’illustration d’un point du règlement qui doit être respecté par tous les habitants.

Cet ensemble de règles rigoureusement respectées depuis 40 ans a permis le maintien de l’harmonie imaginée au départ, la pérennisation de l’utopie, qui est fondamentale dans la conception originelle de ce projet.

Les photographies sont elles aussi assez normées, bien de face, sans perspective, avec des choix de contraste et de couleur assez neutres qui s’effacent derrière le cadre rigoureux du règlement.

Cet environnement très normé aboutit à une espèce de décor de cinéma, proche des banlieues résidentielles américaines à la Desperate Housewives, avec jardin ouvert, architecture et mode de vie semblables.

Julie Balagué

Et qui dit décor, dit personnages. Les habitants deviennent les acteurs de ce monde un peu lisse, et la série de Julie Balagué mélange ce décor et ses personnages qui nous présentent un monde un peu à part, presque entre réalité et fiction.

 

Mais l’homogénéité des villages Levitt ne s’arrête pas là, puisque la société les avait imaginés jusqu’à l’intérieur : tout était aménagé pour les acheteurs, avec une maison complètement prête à l’emploi.

Vincent Fillon

Vincent Fillon imagine donc une série qui inventorie les éléments de décor de ces résidences, là encore photographiés de manière très neutre, sur fond blanc et de face.

Dans une autre série dénommée ”Porosités de passage”, il s’intéresse aux frontières inexistantes entre l’espace public et l’espace privatif.

En effet, l’utopie Levitt exclut toute réelle limite à la maison, et les espaces se fondent. Il y a des porosités entre eux, qui servent non seulement à laisser circuler les personnes, mais aussi les regards : consciemment ou non, votre voisin veille à ce que vous respectiez le règlement de tonte de la pelouse. Et inversement.

Bruno Fontana

Malgré cette volonté d’uniformisation, l’individu s’exprime quoi qu’il en coûte. Dans sa série Typologies, Bruno Fontana met d’abord en évidence la forme reproductible des maisons Levitt, leur modèle standardisé, en photographiant depuis un point de vue strictement identique de nombreuses maisons construites sur le même modèle.

Leur juxtaposition en grand format dans l’exposition donne presque le tournis, et souligne à quel point le modèle original gomme toute individualité. Mais il met aussi en évidence l’autre face de la pièce, à savoir tout ce qui peut différencier une maison d’une autre, et en particulier la végétation.

Camille Richer

Enfin, les photos de Camille Richer prennent une approche presque opposée aux autres photographes, puisqu’elle photographie les frontières du village. Et pour cause, puisqu’elle y a vécu pendant plus de 15 ans.

Ses images centrées sur les lignes de fuite traduisent évidemment son désir d’évasion.

 

J’ai trouvé cette expo intéressante pour vous, car c’est une illustration très concrète de la place du photographe dans le traitement d’un sujet. Il n’est pas si courant de voir 5 photographes traiter exactement la même matière première.

Même si des points communs existent évidemment, il n’y a pas un photographe qui ait choisi la même approche, et c’est ça qui est intéressant. Chacun choisit à la fois de quoi il veut parler, et comment il veut en parler.

Ce que vous pouvez en retirer, c’est que vous n’avez pas besoin de chercher à être original : vous l’êtes déjà, puisque personne n’aurait traité un sujet exactement comme vous.

Voilà, c’est la fin de cette vidéo, n’oubliez pas de laisser un pouce vers le haut si vous l’avez aimée, et surtout de la partager à vos amis, photographes ou simples amateurs d’art d’ailleurs.

Je vous encourage vivement à venir visiter les expos aux Rencontres de la Photographie d’Arles, que je remercie de m’avoir permis de tourner.

Je vous mets le lien vers les autres vidéos de la série, et pensez à vous abonner si vous ne voulez pas rater les suivantes.

D’ici là je vous dis à bientôt, et bonnes photos !

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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