En photographie, on est souvent confronté à des lumières qui sont difficiles, ou en tout cas ne correspondent pas au résultat qu’on souhaiterait obtenir : temps trop nuageux ou au contraire gros soleil qui font des ombres trop dures ou marquées, énorme contre-jour… on aimerait parfois pouvoir changer ça d’un claquement de doigts. On ne peut pas changer la lumière, mais on peut changer ce qu’on en fait. Voyons comment, en passant tout simplement en noir et blanc ! 🙂

Avant de commencer, il faut bien réaliser qu’on ne photographie pas un sujet, mais la lumière qui se réfléchit dessus. Autrement dit, vous êtes encore plus dépendant de la qualité de la lumière (et de sa quantité), que du sujet lui-même. Je dis souvent « on ne peut pas photographier sans lumière, il n’y a pas de miracle », mais plus généralement, il faut aussi faire avec la lumière qu’on a.

Alors que faire quand on a une « mauvaise » lumière, qui ne correspond pas au résultat qu’on veut obtenir ? Il y a 2 attitudes possibles :

1) Ne pas prendre la photo, et accepter que les conditions ne sont tout simplement pas réunies pour faire ce qu’on veut. Ça m’est arrivé très récemment à Seattle : j’étais sur les hauteurs, à l’endroit DU point de vue célèbre duquel on peut admirer à la fois la Space Needle (le gratte-ciel en forme de soucoupe volante emblématique de la ville), et le Mont Rainier en arrière-plan. C’est une vue tout ce qu’il y a plus de classique, mais que voulez-vous, c’est magnifique au coucher du soleil et j’avais envie de le voir (et de le photographier) 😉

Problème : le premier soir, la lumière était franchement pourrie. Il y avait des nuages à l’ouest, et aucune jolie lumière sur le mont, comme ça arrive quand le temps est dégagé. Et bien je n’ai tout simplement pris aucune photo, et je suis revenu le lendemain (où j’ai eu plus de chance, je vous raconterai ça dans un prochain article 😉 ).

 

2) Adopter l’approche inverse : accepter la lumière telle qu’elle est, et essayer d’en faire quelque chose, en utilisant ses avantages. C’est se dire « il n’y a pas de mauvaise lumière, il n’y a que des photographes qui l’utilisent mal (ou pas du tout) ». Aujourd’hui je vais donc vous montrer qu’on peut mieux utiliser ces lumières difficiles simplement en passant en noir et blanc ! Faisons le point sur les différentes situations possibles.

1. Le ciel tout gris

Une des lumières qui posent le plus de souci aux photographes débutants, c’est celle des jours où le ciel est couvert. On est en vacances, le paysage est joli, mais la météo, sans être catastrophique, n’est pas au rendez-vous. On aimerait bien faire une photo avec un grand ciel bleu, mais ce n’est pas possible. Alors on essaye quand même, mais le résultat est franchement décevant : couleurs ternes et fades, ciel d’un gris clair uniforme et sans détails, bref, c’est loin du paysage rêvé !

photo plage bois ciel voilé gris
Pas terrible hein ?

En passant en noir et blanc, on peut contourner pas mal de ces problèmes : les couleurs ternes ne sont évidemment pas un problème, et on peut profiter des nuages pour créer une ambiance différente. Plus dramatique, moins joyeuse peut-être, mais intéressante. En effet, parfois il ne sert à rien de se battre contre les conditions : s’il fait moche, vous n’allez pas faire une photo qui inspire le soleil, le printemps et les tongs. Autant jouer avec ce que vous avez (et que vous ne pouvez pas changer), plutôt que de se battre contre.

 

Dans ces conditions, l’exposition semi-automatique de l’appareil (dans les modes créatifs bien sûr) va parfois se tromper, et un peu surexposer le ciel : il sera tout blanc, laiteux, sans détails. Le décor, quant à lui, sera souvent trop sombre. Vous ne vous en rendez pas forcément compte car votre œil fait la gymnastique, mais c’est aussi une situation où la lumière est contrastée.

Pour avoir un bon rendu au final, il faut vous assurer d’une chose à la prise de vue : que votre histogramme soit « à droite », sans zones surexposées. Si vous n’avez pas compris un mot de cette phrase, pas de panique ! 😉 Lisez simplement mon article sur le sujet, j’explique tout en détail. Indice : l’outil le plus simple pour ça est la correction d’exposition. Perso, je l’utilise tout le temps ! 🙂

 

Ensuite, vous allez forcément devoir passer par la case post-traitement pour :

  • sous-exposer un peu le ciel, pour lui redonner un peu de détails, une teinte un peu moins laiteuse, et sans doute accentuer les nuages pour leur donner de la présence (vous pouvez faire ça simplement avec les filtres gradués) ;
  • remettre un peu de lumière dans les ombres, pour qu’on n’ait pas l’impression que votre paysage soit entièrement plongé dans l’ombre (un coup de curseur Ombres, et c’est réglé).

Voici quelques exemples des résultats qu’on peut obtenir par ce temps en noir et blanc 😉

2. La lumière dure du milieu de journée

Le lendemain, vous avez de la chance, il fait super beau : grand soleil, et ciel bleu sans nuages. Youpi, vous allez pouvoir faire de jolies photos ! Sauf qu’en pratique, ce n’est pas forcément une lumière très facile non plus. Quand vous avez le soleil dans le dos, ça va, vous allez souvent parvenir à avoir de jolies couleurs, et un résultat « soleil / printemps / tongs ». Mais dès que le soleil est plus ou moins en face de vous (ou vaguement sur le côté), c’est plus compliqué d’obtenir un bon résultat. Sans compter les grosses ombres bien dures un peu partout, qui en y regardant de plus près, ne sont pas très esthétiques.

photo chapelle ciel bleu oiseau église Oiseaux d'Hitchcock
Pas si mal, mais pas génial non plus hein ?

C’est sans compter sur l’aide de notre copain le noir et blanc ! En effet, le noir et blanc fonctionne particulièrement bien sur des images qui présentent déjà de forts contrastes. Et bonne nouvelle, les ombres bien dures créent du contraste (par définition). C’est donc une situation où l’utilisation du noir et blanc peut donner un vrai plus à votre photo, et lui donner une signification supplémentaire ! Je sais, c’est contre-intuitif de passer en noir et blanc une photo avec un ciel tout bleu, mais essayez, vous pourriez être agréablement surpris 🙂

photo chapelle ciel bleu oiseau église Oiseaux d'Hitchcock noir et blanc
De suite, l’ambiance est différente ! (et oui, vous l’avez peut-être reconnue : c’est l’église utilisée dans Les Oiseaux d’Hitchcock, ce qui explique peut-être pourquoi le noir et blanc lui va si bien 😉 )

3. Le fort contre-jour (temps ensoleillé de fin de journée)

La dernière situation est à mon goût la moins difficile, et en tout cas la plus évidente. C’est le contre-jour. Typiquement, vous êtes en fin d’après-midi, surtout en hiver ou au début du printemps, et vous avez un grand ciel bleu. Le soleil est encore loin d’être couché, mais il est déjà bas dans le ciel, et projette des ombres très longues sur le sol. C’est une lumière qui a un fort potentiel (personnellement, c’est une de mes lumières préférées), mais qui n’est pas forcément toujours facile à gérer en situation. Et en couleur, le gros souci est que si vous incluez le ciel dans l’image, vous allez avoir une grosse partie toute blanche, et une partie vaguement bleue. C’est assez peu esthétique.

Photo de rue noir et blanc ciel voilé gris
Dans le ciel, clairement, ce n’est pas joli…

Tandis qu’en désaturant, vous allez éliminer totalement ce problème de ciel pour commencer : de manière presque surprenante, le noir et blanc s’accommode très bien d’un ciel complètement blanc, sans que ce soit particulièrement choquant. D’ailleurs si vous regardez d’anciennes photos de grands maîtres en argentique (Cartier-Bresson et autres photographes humanistes par exemple), vous verrez parfois des ciels surexposés sans complexe, et qui rendent très bien.

 

Photo de rue noir et blanc ciel voilé gris
En noir et blanc, plus de problème !

En plus de ça, comme je l’ai dit plus haut, le noir et blanc s’accommode très bien du contraste, et le contre-jour est LA lumière la plus contrastée que vous pourrez rencontrer. Vous aurez souvent des parties de l’image complètement surexposées (blanches) et d’autres complètement sous-exposées (noires). Et ce que je vous conseille ici, c’est de complètement l’assumer, voire de le rechercher ! Ça peut donner des effets très intéressants, et c’est une lumière qui vous permettra de mettre en valeur les textures, les reflets, les ombres, et que le noir et blanc sublimera en supprimant la couleur qui pourrait en détourner l’attention.

 

À la prise de vue, n’hésitez pas à « cramer » certaines zones. Ce n’est pas grave si le ciel est tout blanc. Exposez pour votre sujet (c’est-à-dire faites en sorte qu’il soit ni trop clair ni trop sombre), et laissez faire le reste. Quelques astuces :

  • Si vous avez le soleil en face, essayez de ne pas l’inclure directement dans votre image. Cachez-le derrière un mur, un bâtiment, un arbre, un passant, ou une tong (oups, mauvais paragraphe :P). Ça donne les avantages sans les inconvénients.
  • Au contraire, vous pouvez aussi carrément l’inclure et volontairement créer des flares, ces reflets dans l’objectif qu’on cherche souvent à éviter, mais qui peuvent renforcer cette impression de grand soleil. (Personnellement je n’aime pas trop l’effet, mais ça peut être sympa si c’est volontaire, recherché, et que ça a un sens.)
  • Pensez bien l’orientation de votre lumière. Elle est forte et prend une place importante dans votre image. Essayez des lumières latérales sur vos sujets, ça peut très bien fonctionner.
  • Regardez ce que font les ombres, et pensez à les inclure dans l’image, voire à les prendre comme sujet, plutôt que l’objet (ou la tong :P) qui les projette.
  • Soyez attentif aux reflets de la lumière sur les différentes textures : vieille peinture sur un mur, reflets sur les pavés, flaques d’eau de la dernière averse, etc. Elle peut vraiment la mettre en valeur !

 

Voilà, j’espère que la prochaine fois que la lumière ne vous plaira pas, vous ne râlerez pas en disant « rho la la, la lumière est pourrie aujourd’hui, on ne peut rien faire », mais plutôt que vous songerez à en profiter pour en faire autre chose, en noir et blanc ! 😉 Et vous, qu’est-ce que vous faites quand la lumière ne vous plaît pas ?
 

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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