J’entends et je lis souvent beaucoup de photographes, à l’approche du printemps ou de l’été qui se disent « chouette, on va pouvoir ressortir les appareils photos ! ». Ce qui implique qu’entre temps ils ont été rangés. Je trouve que c’est un peu pessimiste de mettre son appareil en hibernation dès les premiers frimas. Déjà qu’il fait nuit tout le temps, froid, et que souvent il pleut plus qu’il ne neige, si en plus on doit ranger son appareil photo, bonjour la déprime ! Alors aujourd’hui, je vais tâcher de vous convaincre des côtés positifs de l’hiver pour les photographes, et même que l’hiver, c’est bien pour la photo !
Note : Cet article est écrit dans le cadre de la quatrième édition de la Boîte à Photos, événement qui réunit une douzaine de blogueurs autour d’un même thème. Après la créativité, les vacances, et Avant de déclencher, cette fois-ci c’est le thème “l’hiver” qui a été choisi. On se demande bien pourquoi 😀 Cette quatrième édition est organisée par Marc Charbonnier, sur lequel vous retrouverez en fin de semaine une synthèse des articles postés au long de la semaine. Si vous ne voulez rien rater, pensez à suivre la Boîte à Photos sur Facebook ou Twitter ! 😉
Et oui, l’hiver il y a plein d’opportunités photographiques desquelles vous pourrez profiter et qui n’existent pas autant voire pas du tout en été.
Une lumière plus rasante
En préparant cet article, c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit, car je me suis rappelé de l’image que vous voyez à gauche, et dont j’avais déjà parlé dans un autre article. En effet, la première chose qui m’a attiré l’oeil et qui a mené à la photo, c’est la lumière particulière. On était certes qu’en octobre, mais c’est d’autant plus valable en hiver. En été, le soleil est haut dans le ciel la plus grande partie de la journée, et vous n’aurez que ce type de lumière rasante que peu avant le coucher du soleil (et peu avant le lever), en même temps que ce qu’on appelle les «golden hours», ces moments où la lumière est aussi d’une couleur très chaude. Mais en hiver, je trouve la lumière vraiment différente : le soleil étant vraiment plus bas dans le ciel toute la journée, vers la fin d’après-midi, à partir d’environ 1h30 avant le coucher du soleil, vous allez déjà avoir une lumière assez rasante, sans pour autant être encore d’une couleur trop chaude. C’est une lumière particulière qu’on ne retrouve pas en été, et qui dit nouvelle lumière dit nouvelles opportunités photographiques et nouvelles images possibles.
Une lumière de ce type offre véritablement des milliers de possibilités :
- Les ombres sont plus longues, ce qui vous offre tout le loisir de travailler avec, de les modeler pour créer des histoires, ou de construire une idée autour, bref d’être créatifs. Les ombres ont véritablement un grand potentiel, comme par exemple sur la photo de Thomas Leuthard que vous pouvez voir à droite (avec lequel j’ai pas mal été en contact dernièrement, mais chut, je n’en dis pas plus 😛) Alors recherchez les ombres des passants, des monuments, ou de tout ce qui peut être associé aux fêtes de fin d’année 😉
- Une lumière plus rasante va également créer plus de reflets exploitables pour vous. Plus que du reflet d’un élément sur une vitre, je parle plutôt de la lumière du soleil qui va se refléter sur une quelconque surface brillante (vitre, métal, etc.), et potentiellement donner un intérêt supplémentaire à votre image, à condition que vous sachiez bien l’exploiter. Ca marche aussi pour les surfaces « semi-brillantes », auxquelles la lumière va donner un aspect différent, qui sans créer un gros rayon de soleil dans votre image, vont prendre une brillance qui peut ajouter une texture particulière. Donc soyez attentif non seulement à la lumière principale (le soleil), mais aussi à ses réflexions, vous allez voir que ça peut créer des choses intéressantes.
- En parlant de texture, une lumière rasante va également mettre en valeur toutes les surfaces qui en présentent une, comme par exemple un mur de briques, de la rouille, etc. Pourquoi ? Car une lumière rasante va créer des “micro-ombres” qui vont donner du relief à la texture, la faire exister. Parce qu’éclairée de face, une texture ne se voit pas sur une image. C’est d’ailleurs exactement ce qu’on fait quand on renforce la clarté (ou contraste local) au post-traitement : on renforce les micro-ombres, et donc les textures. Donc si vous voyez une lumière de fin d’après-midi qui rase un mur ou une surface intéressante, vous voyez en fait… une opportunité ! Rapprochez-vous et trouvez comment vous pourriez utiliser cette texture dans une image (car évidemment elle ne se suffit pas à elle-même), en l’associant à un autre élément, en l’utilisant comme premier-plan ou arrière-plan qui renforce l’image (attention, si vous le floutez grâce à une faible profondeur de champ, la texture va disparaître hein !)
- Et puis je trouve aussi que c’est une excellente lumière pour jouer avec le contre-jour. Je trouve toujours ça plus difficile en été: trop violent pour moi, je trouve que ça fait «too much». Par contre en hiver, je me surprends à beaucoup plus jouer avec, je trouve la lumière plus propice à ça. Le soleil étant plus bas, un contre-jour va rentrer en interaction avec plus d’éléments dans l’image et je trouve ça plus intéressant. La photo de la fontaine que j’ai montrée au début de l’article est l’exemple même d’une utilisation du contre-jour, et d’une photo que je n’aurais pas pu faire en plein été par exemple.
Vous allez me dire « Oui Laurent, mais ça c’est quand il fait beau, et chez moi en hiver il neige ou pire, il pleut. Et en plus quand il fait jour, je suis au travail ! » Espèce de rabat-joie pessimiste va ! 😛 Je vous rappelle que j’habite Lille, on est pas spécialement réputés pour notre soleil et nos hivers cléments ! 😀 Mais c’est pas grave, car même s’il pleut, qu’il fait nuit ou les deux, il vous reste plein d’opportunités photographiques quand même (et oui !) Commençons par la nuit, qui commence environ vers 17h dès le mois de novembre (et oui, moi aussi ça me déprime :P).
Profitez des nuits d’hiver et de leurs avantages
La nuit, il n’y a pas de lumière. Jacques II de Chabannes, Seigneur de La Palisse
Oui mais pour une fois, Monsieur de la Palisse avait tort. Car quand il fait noir, on allume les lumières. (Non, je n’ai pas perdu de pari, j’essaye juste d’égaler cet illustre personnage 😀) Comme vous, les gens dépriment quand il fait sombre à 16h30 et complètement nuit à 17h, et ont donc la bonne idée d’utiliser la fée électricité. Et par là même, de vous offrir instantanément une infinité d’opportunités photographiques. Remerciez vos contemporains !
C’est particulièrement vrai en ville, et encore plus à l’approche des fêtes : il y a tellement d’éclairages que c’est tout juste si on y voit pas comme en plein jour (avec les problèmes de pollution lumineuse que ça comporte, mais bref). Je pense évidemment aux marchés de Noël, qui chaque année vous offrent leur lot de lumières de toutes les couleurs, d’enfants émerveillés ou de moufles serrées autour de verres de vin chaud fumant (tiens, des trucs fumants, encore un truc qu’on a pas en été hein !), mais d’une manière générale à toutes les décorations de Noël, et de manière encore plus générale à tout ce qu’on peut faire avec des éclairages artificiels et une nuit tombante (ou tombée). C’est-à-dire jouer plus facilement avec les zones sombres et éclairées de l’image (donc des images plus contrastées par défaut), mais aussi jouer plus facilement avec des poses longues voire très longues (et tout ça sans filtre ND, joie ! :D). C’est classique mais ça marche toujours bien s’il y a une vraie idée derrière : les petites sources de lumière en arrière-plan, si vous utilisez une faible profondeur de champ, provoquent ce fameux effet « bulles de lumière » assez esthétique. Mais même si vous habitez en pleine campagne, vos chers voisins eux aussi ne sont pas nyctalopes, et donc allument chez eux, pour le plus grand bonheur d’Electricité de France et de Navarre. Si c’est vraiment isolé, la lumière chaude d’une maison au milieu d’une image plus sombre, plongée dans une lumière plus froide, crée de suite un point d’intérêt autour duquel vous pouvez travailler. L’article est surtout là pour vous rendre optimistes et chantants à l’approche de l’hiver, mais j’ai déjà écrit sur le sujet, et je vous renvoie donc à mon article sur la photo de nuit, et sur celui sur la photo des fêtes de fin d’année.
Il pleut il mouille, c’est la fête à la grenouille
(Non, je n’avais pas d’autre idée débile pour ce titre, pardon. J’aurais du embaucher Norman pour me trouver une idée.) Les plus sceptiques vont me dire que là, franchement, si en plus il pleut, on peut rentrer chez soi. FAUX !
Quand il pleut (ce qui est plus souvent le cas que la neige dans bien des régions), je vois juste de nouvelles opportunités photographiques, pas une contrainte (bon ok, je double mes ISO :P). Voici pourquoi vous devriez chanter sous la pluie :
- Qui dit pluie, dit flaques, dit reflets après la pluie. Vous allez me dire que c’est éculé comme technique, et que tout le monde l’a faite la technique de la flaque d’eau. Même si ce n’est pas si courant en fait, effectivement on peut vite tomber dans le vu et revu. Le tout est d’utiliser ça comme un outil créatif, pour dire quelque chose de plus, développer une idée, communiquer avec un autre élément dans l’image, et pas simplement comme un «ah tiens, il y a une flaque, je vais la photographier». Vous pouvez par exemple facilement vous positionner et cadrer de façon à ce que seule une partie d’un élément se reflète dans la flaque, et lui donne ainsi un nouveau sens. Et puis il y a de l’eau qui peut s’accumuler un peu partout : sur les voitures, les vélos, la bâche de la poussette, ou le chien. Bon ok, pas le chien. Tout ça va donner des reflets déformés ou non que vous pourrez exploiter.
- Pendant ou après la pluie, les surfaces ainsi recouvertes d’eau deviennent plus brillantes. Donc texture plus intéressante, jeu avec la lumière possible, reflets potentiels (pas forcément bien définis, mais au moins des couleurs ou d’une source de lumière), bref soudainement le pavé gris sur lequel vous marchez devient intéressant. Pas forcément en lui-même d’ailleurs, mais en tant qu’élément qui rajoute à l’ambiance. J’aime bien qu’à la vue d’une de mes images, on puisse se dire “ah oui je m’imagine bien à ce moment-là”. Et pour ça il faut retranscrire l’ambiance du moment : la météo, la température, la lumière, la saison… les pavés brillants aident à poser cette ambiance.
- Après la pluie, il y a évidemment des gouttes partout, ce qui enrichit toutes les surfaces, en particulier celles assez lisses sur lesquelles les gouttes ne s’étalent pas : carrosseries de voitures, bois verni, plexiglas, et verre bien évidemment. Ce qui vous offre encore de nouveaux horizons à explorer, en particulier avec une mise au point décalée par exemple. Je songe bien sûr à l’exemple de la photo à travers une vitre mouillée, sur laquelle on fait la mise au point. Je ne suis ni le premier ni le dernier à y penser, mais bien utilisé, ça peut enrichir vos images, à conditions de ne pas le faire systématiquement évidemment, ce qui vaut pour toutes les idées que je vous donne dans cet article. Par exemple sur la photo de droite, j’ai fait la mise au point sur les gouttes qui tombaient, et non pas sur l’arrière-plan. Par contre, en mise au point décalée, pensez à ne pas être un extrémiste de l’ouverture : votre premier-plan ou arrière-plan n’a pas besoin d’être absolument et entièrement flou. Vous pouvez choisir qu’il reste reconnaissable en fermant le diaphragme à des valeurs intermédiaires (f/4, f/5.6, f/8)
- Pendant qu’il pleut, vous avez aussi la chance de profiter d’une atmosphère particulière. Autant en hiver, quand il fait beau, l’air est particulièrement pur et clair, autant quand il pleut c’est tout l’inverse : la « perspective atmosphérique » (phénomène qui atténue les éléments les plus lointains du paysage) est extrêmement renforcée. Ainsi, sans même utiliser de faible profondeur de champ, vous pouvez avoir des sortes de plans successifs dans votre image, avec des éléments plus lointains perdus dans la pluie ou la brume, et à peine identifiables. Là encore, en plus de pouvoir créer une photo juste grâce à ce phénomène (alors que la même situation ne donnerait peut-être rien en été), vous allez aussi pouvoir renforcer le contexte et l’ambiance d’une image à laquelle vous avez déjà trouvé un sujet.
J’ai déjà écrit un article sur la photo de la neige, du coup je ne vais pas trop en parler aujourd’hui, d’autant plus qu’il sera sans doute traité dans la Boîte à Photos, et que je trouve qu’il pleut plus souvent qu’il neige. Oui, même dans le Nord ! (enfin sauf l’année dernière, mais bon j’étais en Inde donc je n’ai rien vu :P) Voilà, j’espère donc vous avoir fait entrevoir que l’hiver est plein d’opportunités photographiques, et qu’il ne faut surtout pas déprimer et ranger votre appareil dans son nid pour l’hiver ! Au contraire, appuyez-vous sur lui pour passer l’hiver 😉 Et vous, quelles raisons vous poussent à être un photographe optimiste à l’approche de l’hiver ? Commentez, ça vous réchauffera les doigts ! 🙂
Bonjour, je viens de prendre connaissance de certains points d’ombre. Merci pour votre article
Etant sur la cote basque, et pratiquant la photo entre autres, l’hiver est assez mort pour moi en terme de photos à par pour de l’évènementiel ponctuel.
La seule que j’attends c’est l’été, mais je prends vos conseils avec grand plaisir 😉
Je suis d’accord, l’hiver c’est bien mais là on l’a bien assez vu, vivement l’été 😉 Ou plutôt le printemps avec ses beaux paysages fleuris à prendre en photo !
très bon article. mais vivement l’été !
Ce que j’aime dans l’hivers c’est qu’il y a beaucoup plus de paysages ou zones sans humains, cela permet de faire de belles photos de “solitude”.
C’est vrai que l’hiver a bien des atouts, encore faut-il les voir et c’est chose faite grâce à ton article super complet, un bel ouvrage d’écriture. et bonne année à tous !!
J’ai toujours préferré l’automne, je trouve la lumière beaucoup plus clair et transparente. Au moindre rayon de soleil on arrive plus facilement a capté cette sensation de chaleur dans le froid, difficile a rendre en photographie.
Merci pour cet article.
Il me donne envie de braver le froid.
Pour illustre, ambiance d’hiver en baie du Mont saint Michel: http://www.flickr.com/photos/90983763@N04/8267031772
Salut,
En hiver, hormis cette lumière si particulière et en étant plus pragmatique, il y a une chose tout bête que j’apprécie : ne pas avoir à attendre 20 minutes une pause d’une seconde entre le 224ème et 225ème touriste qui passe devant pour pouvoir prendre enfin la photo désirée 😀
Et un APN ça risque rien avec des températures trop froides ? car ils vendent des compact adaptés aux températures extrêmes (lumix dmc-ft4 par ex.), qu’en est-il des reflex et hybride ?
Je pose la question car j’envisage de partir au Canada d’ici quelques temps.
Excellent article, un des meilleurs que tu aies pondus Laurent dernièrement. Très complet. Je sors beaucoup l’hiver pour photographier les oiseaux qui sont plus faciles à observer sans les feuilles dans les arbres ! En prime, ils se rassemblent autour des mangeoires dans les parcs et boisés, ce qui permet d’autant plus de s’installer pour les observer et d’attendre qu’ils se perchent tout près. Avec tes idées, j’essaierai aussi d’aller en ville jouer avec la lumière…
Merci pour cet article qui redonne le sourire en plein hiver! Moi qui suis plutôt débutante dans la photo, cela me permet de trouver des idées, des conseils qui sont toujours les bienvenus!
Si avec tous les articles de la Boite à Photo , on arrive pas a faire des photos cet hiver, que cela soit dehors ou à l’intérieur, je comprend pas!
merci pour m’avoir motivé!
Tu viens de me faire prendre conscience que l’hiver est la meilleure saison pour réaliser des photos artistiques! Vraiment pas mal les conseils sur les nuits hivernales
C’est vrai que l’hiver est le moment où on peut prendre les meilleures photos…
Cordialement.
Un sudiste qui plains les nordistes :p
Un article de la Boite à Photos qui ne dit pas de rester dedans, j’ai presque eu l’impression que c’était impossible ^^
Ou disons que tout le monde a essayé d’avoir un point de vue original et qui se distingue un peu des sujets marronniers “classiques” (indispensables au demeurant, mais 15 articles du même tenant au même moment… pas glop !)
@Laurent : j’aime bien l’axe que tu as choisi. Je rajouterais une 4ème raison d’être optimiste quand même : le plaisir et la fierté d’avoir des photos d’hiver à montrer et/ou à imprimer.
On peut en effet dire “J’y étais.. Yeah ! Réussi à combattre ma flemme pour aller chercher de beaux clichés dans des conditions pas faciles”
😉