Construire une photo pour qu’elle ressemble à ce qu’on souhaite, c’est une série de décisions que le photographe prend. Aujourd’hui on va voir ensemble les 7 décisions à prendre au post-traitement.
Rentrons directement dans le vif du sujet !
#1 Les tonalités
A la prise de vue, on a déjà décidé de l’exposition de la photo, mais ça ne veut pas dire que le travail soit fini dans ce domaine. Tout simplement parce que :
- on a pu se planter
- on peut changer d’avis sur la luminosité générale de la photo et ce qui serait le plus pertinent pour cette scène
- on a pu avoir une scène trop contrastée sur laquelle on a fait un réglage qui techniquement nous permettait d’avoir le meilleur potentiel au traitement, mais ne donne pas un très bon rendu sans retouche (c’est qui arrive souvent avec l’exposition à droite, si vous ne connaissez pas la méthode j’en parle sur la chaîne et dans la formation Gérer les lumières difficiles 🙂 )
Et EN PLUS de tout ça, on peut aussi avoir envie de gérer autre chose que la luminosité globale, mais aussi les hautes lumières et les ombres séparément par exemple, pour attirer doucement l’attention sur ces zones.
Par exemple si je vous montre l’avant/après de cette photo, bon il y a pas mal de choses qui ont été faites, mais vous voyez notamment que les arbustes qui sont déjà dans les ombres le sont encore plus, et que la lionne est un peu plus dans les hautes lumières qu’à l’origine.
J’ai pris exprès une photo en noir et blanc car ça rend la différence plus évidente, mais ça marche aussi en couleurs bien sûr.
#2 La balance des blancs
La balance des blancs est un outil que les puristes diront utile pour corriger une dominante de couleur, voire qu’il faut la faire avec une charte des gris à la prise de vue. C’est bien si vous faites de la photo pro en studio (et encore), mais enfin c’est pas trop le sujet ici ^^
En réalité, c’est bien plus que ça. L’idée est simplement de choisir quelle dominante de couleur l’image va avoir.
Vous avez le curseur de la Température, qui va vous permettre de réchauffer l’image (l’amener vers des teintes jaunes-orangées) ou la refroidir (l’amener vers des teintes bleutées).
Vous avez aussi le curseur de Teinte qui fait la même chose sur l’axe Magenta-Vert, même si on l’utilise un peu plus rarement.
Alors bien sûr, on peut l’utiliser pour compenser un peu quand il y a une grosse dominante. Par exemple, sur ce (vieux) portrait shooté à la lumière des rues la nuit, la dominante est clairement trop orangée.
J’ai donc opté pour une balance des blancs plus neutre, qui donne un bien meilleur rendu. Notez que j’ai quand même gardé un peu de chaleur dans la lumière.
J’aurais pu complètement neutraliser cette chaleur et avoir des tons de peau qui sont techniquement plus naturels (et qui d’ailleurs seraient à peu près ce qu’on obtiendrait avec une charte de gris), MAIS qui font perdre toute la lumière de la scène (qui, souvenez-vous, est une des décisions de la prise de vue dont on a parlé dans la première vidéo !).
Comme vous pouvez le voir, ça change BEAUCOUP l’esthétique de l’image, et pourtant ce n’est qu’un seul curseur.
Et on peut aussi l’utiliser de manière plus créative. Par exemple ici, la balance des blancs automatique de l’appareil était pas mal, mais je voulais renforcer un peu le côté “bleu clair glacier” déjà présent dans la photo. Du coup je l’ai juste refroidie un peu, et tirée légèrement vers le vert, et voilà !
Sur la première version on a surtout l’impression qu’il fait gris, et sur la deuxième on a plutôt l’impression qu’il fait froid je trouve. Parce que le changement nous suggère une impression.
#3 Le contraste
Ensuite, on peut également jouer sur le contraste, que ce soit le contraste général de l’image, ou le contraste plus local qu’on appelle Clarté et/ou Texture dans certains logiciels.
Le contraste d’une manière générale, si on devait le traduire dans des termes compréhensibles par tout le monde, va faire “ressortir” l’image. Ca va paraître plus dynamique, c’est souvent ce qu’on recherche, MAIS parfois ça peut être l’inverse, par exemple si on recherche un rendu pastel et des couleurs douces, c’est souvent contre-productif d’augmenter le contraste général.
Par exemple, dans ma série Paria faite à Varanasi, j’ai souvent diminué le Contraste. Il est de -40 ici ! Si je le remets à zéro, vous voyez que la différence est assez subtile mais on perd un peu de la douceur de la scène. Dans le ciel pas trop, mais en bas de l’image ça “ressort” davantage, mais ce n’est pas ce que je recherchais.
On peut aussi jouer sur le contraste plus local pour mettre en valeur les textures par exemple. Sur cette photo, j’ai monté la Clarté à +30 pour mettre en valeur les rides de la peau du gorille.
L’effet reste subtil, mais ça fait une vraie différence dans le rendu final de l’image.
#4 La saturation
Ensuite, on peut aussi jouer sur la saturation au sens large, c’est-à-dire à quel point les couleurs vont ressortir. C’est la différence entre un rouge vif et un rouge pastel presque rose, si vous préférez.
On peut jouer sur la saturation de toutes les couleurs avec l’outil Saturation, mais aussi sur la Vibrance, un outil plus subtil et en général préférable, qui va surtout augmenter la saturation des couleurs peu saturées, en protégeant les tons de peaux.
Et on peut même jouer dessus localement, ou seulement sur la saturation du vert ou du bleu par exemple, mais on en reparle juste après.
Ici, j’ai juste mis la vibrance à +25. Vous voyez, c’est subtil, mais le ciel comme l’eau et les bateaux ont des couleurs qui pètent un peu plus. Ca correspond bien à l’esprit de la scène qui est beaucoup basée sur les couleurs et l’ambiance ensoleillée (d’ailleurs c’est là qu’on voit que ces décisions au traitement dépendent aussi des décisions de la prise de vue 🙂 ).
#5 Travail créatif sur les couleurs
Au-delà d’un travail global sur la saturation, on peut aussi faire un travail plus créatif sur les couleurs, par exemple en ne changeant la saturation que de certaines d’entre elles.
C’est quelque chose que je fais souvent en safari, car certaines années l’herbe est trop vert et détourne trop l’attention je trouve (et aussi je n’aime pas trop les verts vifs sur les photos). Ici j’ai simplement diminué la saturation des verts de -20 pour obtenir une herbe un peu plus jaunie. (ça se fait en deux secondes dans Lightroom ou n’importe quel logiciel correct hein
D’ailleurs sur la photo que je vous ai montrée juste avant, j’ai joué sur les rouges, qu’on voit bien dans la barrière à gauche de l’image. J’ai diminué la saturation des rouges, mais j’ai aussi décalé un peu leur teinte pour qu’ils soient un peu plus rouges-orangés.
Vous voyez c’est assez subtil, pas besoin d’en faire trop, mais en étant moins vifs, ils détournent moins l’attention du sujet, et en étant plus oranges, ils se fondent davantage dans les autres teintes du décor, ce qui amène un peu moins l’attention sur la barrière tout en renforçant l’effet d’une gamme de couleurs unique dans la photo mais aussi dans la série complète.
#6 Le noir et blanc
Evidemment, vous pouvez aussi décider de vous passer complètement de couleur et de passer en noir et blanc. Ca peut être pour plein de raisons :
- La couleur est trop dérangeante
- Ca convient mieux à la scène pour plein de raisons
- Ca rend la cohérence de la série plus facile
- Ou juste vous préférez…
Je ne vais pas vous faire la liste là, il y a une vidéo complète sur la chaîne, je vous laisse aller la voir si ça vous intéresse, je vous mets le lien un peu partout 🙂
Par exemple ici, j’ai préféré le noir et blanc car sinon je trouve qu’on est trop distrait par la couleur pour vraiment se concentrer sur les deux chats. Ca fait évidemment une énorme différence, même pas besoin de se justifier là-dessus.
#7 Guider l’oeil
Et enfin la dernière décision, c’est tout ce qui va permettre de guider l’oeil dans l’image. Globalement, ça va beaucoup se résumer à jouer sur ce qui attire l’oeil ou le repousse, un concept dont je parlais déjà dans un article sur Apprendre.Photo il y a… 10 ans !
Une grosse partie de ça va être d’assombrir certaines zones et d’en éclaircir d’autres, car l’oeil a tendance à aller sur les zones les plus claires (sauf si l’image est majoritairement blanche avec un truc noir au milieu bien sûr).
Ca peut aussi être retirer de la saturation à un endroit, comme je l’ai fait tout à l’heure avec la barrière près du chien.
Pour vous donner une idée du potentiel, voici une photo que j’ai juste passée en noir et blanc, puis avec des réglages de tonalités et de contraste globaux, puis enfin avec des réglages locaux pour guider l’oeil.
Vous voyez que ça fait une grosse différence sur ce qui est mis en avant dans l’image.
Voilà, c’étaient donc les 7 décisions que vous pouvez prendre à la retouche pour construire des images qui fonctionnent !
Vous avez déjà des exemples de vos photos où vous avez utilisé une (ou plusieurs !) de ces décisions photographiques pour construire une photo qui fonctionne ? Mettez-nous le lien !