J’ai invité Thomas Hammoudi sur la chaîne pour qu’on parle de réseaux sociaux, et de l’impact qu’ils ont sur nos photos (et aussi pour se marrer un peu, j’avoue :D).
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Les likes, et le culte qui leur est associé, sont apparus il y a une dizaine d’années avec les réseaux sociaux.
On va faire preuve d’un peu d’honnêteté, il faut bien se rappeler que si vous y mettez une photographie, c’est que personne n’a encore vu l’intérêt de vous éditer.
C’est la dure réalité, mais c’est valable aussi pour moi.
De plus, aucun des grands photographes n’a de page sur cette plateforme. 500px, Flickr, Facebook, etc., ou alors, ils se comptent sur les doigts de la main.
Même pas une main qui a tous ses doigts…
Instagram est la seule exception. Les grands photographes contemporains commencent à avoir des comptes qu’ils utilisent plutôt comme un outil de communication. Il y en a certains qui commencent à comprendre qu’avoir une plateforme sur les réseaux sociaux, c’est plutôt utile quand on a un livre à sortir ou une expo à promouvoir.
Mais ce n’est pas par là qu’ils se sont fait connaître, et ce n’est même pas toujours eux qui postent sur le compte, en fait.
D’ailleurs, sans faire d’élitisme ni vous barder de chiffres, on peut quand même constater que Sebastião Salgado et Robert Doisneau, deux photographes fondamentaux de l’histoire de la pratique ont moins de ces fameux likes que les pontes du Web en tête de 500px et du douteux Explore de Flickr.
Est-ce que c’est en se fiant aux chiffres qu’on pourrait définir quels photographes sont les plus intéressants ? J’ose à peine poser la question, tant la réponse semble évidente.
Salut !!!
C’est ici que ça se passe ?
C’est ici que tu leur chuchotes des trucs ?
Coucou, toi…
Disons-le clairement, internet est rempli d’une photographie à 90 % ennuyeuse à mourir, sans inspiration et qui ne consiste qu’à réappliquer les mêmes recettes pour répondre au même cahier des charges, produire les mêmes poncifs, satisfaire les mêmes pseudo-règles chères aux photographes de forums en quête de validation de leurs « travaux ».
Non, mais, arrête là, on va les… on va les perdre.
Chargez !
T’es prêt ?
Critique des réseaux sociaux
Par exemple, si on prend la une de 500px du jour, on a des paysages HDR avec combo coucher de soleil, des nanas d’Europe de l’Est, évidemment, une putain de mouette, beaucoup trop d’oiseaux, de la macro…
Alors que tout ça, On. S’en. Bat. Les. Couiiiiilleeees
Ce que vous dit Thomas à sa façon, TRÈS personnelle, c’est que toutes ces photographies, même si elles sont techniquement irréprochables, ne racontent rien et ont déjà été vues 1 000 fois.
1 000 fois, c’est 10 fois 100, mais c’est peut-être plus aussi, c’est une expression, on ne les a pas comptées.
4 592 913, 4 992 914, 15 992 911…
On se montre les mêmes images sans cesse, on ne prend aucun risque. Si ces images sont là, c’est pour cette raison.
Ce sont celles qui plaisent le plus aux gens, en moyenne. Elles sont donc moyennes et, par la même occasion, impersonnelles.
Et c’est ça (!) mon problème numéro 1 avec les réseaux sociaux.
Vous êtes vous, et vous n’avez aucune raison de chercher à être quelqu’un d’autre pour plaire à des algorithmes ou des inconnus.
Être moi, je trouve ça cool.
Être moi, moi aussi, je trouve ça cool.
Du coup, en vous montrant ce qui est populaire et en vous faisant croire que c’est ce qu’il y a de mieux, les réseaux sociaux vous poussent dans la mauvaise direction.
La photographie est un art, et vous devriez chercher à vous exprimer avec, à raconter une histoire, la vôtre, celle de ce qui vous entoure, pas à faire grimper des chiffres.
Soyez des conteurs, pas des compteurs.
Eh oui, parce que ça aussi, il faut en parler, les likes, on s’en fouuuuut !
C’est comme ça que tu dis ?!
Les chiffres n’ont jamais fait les photographes, ni même l’histoire de la photographie.
Certains se sont mal vendus de leur vivant, d’autres très bien puis oubliés ensuite, et il en sera de même pour les likes, ils ne vous aideront jamais.
Ne les considérez pas comme une jauge vous permettant de noter votre travail, surtout qu’un like, ça coûte moins que de vous acheter un tirage. Au pire, ça fait une crampe au pouce.
Surtout qu’en plus, la plupart des gens sur internet n’y connaissent rien.
Je ne dis pas ça méchamment, c’est juste normal.
Tous les photographes qui vous likent ne sont pas des galeristes ou des curateurs reconnus qui savent juger la valeur d’un travail.
En leur faisant confiance, vous mettez votre travail entre de mauvaises mains.
C’est un peu comme aller sur Doctissimo quand vous voulez soigner un cancer.
D’ailleurs, à l’heure où on enregistre cette vidéo, Instagram est en train de tester de ne plus afficher le nombre de likes sur les photos. Seule la personne qui poste pourra les voir, et seulement en appuyant sur un bouton pour demander à le voir.
Je ne sais pas vous, mais, perso, j’ai hâte qu’ils généralisent ça à tout le monde.
Un autre aspect important, c’est que la photographie se passe sur le temps long. Ce n’est pas à mettre uniquement sur le compte d’une histoire héritée de l’argentique, où il fallait attendre un certain temps avant de voir ses images, mais comme pour tous les arts majeurs, il faut du temps pour constituer un travail sérieux et cohérent.
Et ça, c’est totalement incompatible avec la précipitation vers laquelle nous pousse internet.
Et aussi, beaucoup de photographes utilisent le temps comme un outil. Cela peut juste permettre de prendre du recul sur son travail en laissant décanter les images, ou être un véritable outil créatif. C’est ce que fait Craigie Horsfield : il développe ses photographies plusieurs années après les avoir prises (parfois jusqu’à 10 ans), une pratique complètement à l’opposé de l’instantané photographique. Cela fait de ses images des créations modernes, mais aussi très influencées par le passé.
Enfin, dernier exemple et non des moindres : John Frusciante. Initialement je viens de la musique et j’ai passé une bonne décennie à la décortiquer dans tous les sens pour en revenir à la photographie un peu plus tard, et pendant tout ce temps-là, le travail de Frusciante a été, personnellement, une grande source d’inspiration.
John Frusciante a été le guitariste des RHCP de 1988 à 1992 puis de 1997 à 2008 environ. Il a finalement quitté le groupe, car il ne s’y sentait plus à sa place, pris entre le star système et une célébrité qui l’empêchait de faire ce qu’il voulait. C’est là un des revers de la médaille, il n’aimait pas l’influence que le public avait sur lui pendant les concerts, public qui le poussait à aller là où il ne voulait pas forcément aller pour le satisfaire.
Alors, c’est un peu paradoxal venant de quelqu’un que ledit public a rendu millionnaire, et j’ai mis beaucoup de temps à le comprendre.
Mais ça se comprend, il n’a jamais fait ça pour l’argent, mais par passion pour la musique, il a choisi d’être lui-même plutôt que d’être quelqu’un qui ne sert qu’à satisfaire un public pour gagner des millions.
Prenons-en de la graine.
Conclusion
Alors, tout ça n’est pas un appel à se désinscrire de tous les réseaux sociaux dans la minute et à retourner à l’âge de pierre : y participer est parfois agréable et on y fait des rencontres ou découvertes intéressantes de temps en temps.
Il s’agit plus d’une invitation à les regarder avec un œil critique, à les prendre pour ce qu’ils sont : un outil, et non un but. Et aussi à ne pas avoir peur de claquer la porte quand ça n’a plus d’intérêt. Ne vous adaptez pas à la tendance pour plaire, il est plus important de rester soi-même avant tout.
Rappelez-vous qu’un million de personnes peuvent se tromper, et que la masse ne fait pas la raison.
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