Aujourd’hui on va parler de pourquoi l’idée est l’ennemie de l’artiste débutant !

https://www.youtube.com/watch?v=FFTY08dO_Ac

L’idée de cette vidéo m’a été inspirée par une partie de l’émission Un Bon Moment avec Alexandre Astier en invité, animée par Kyan Khojandi et Navo. Ouais, niveau gens brillants dans la même pièce on est au level “aveuglant” 🙂

Alexandre Astier

L’idée personnelle nous freine

Bref, à un moment, ils parlent des gens qui leur demandent des conseils pour écrire, et Astier dit qu’avoir une idée, c’est le pire ennemi du débutant.

Alors on parle ici de gens qui veulent écrire un spectacle, mais je pense que ça vaut pour toute expression artistique personnelle, et donc également quand on développe un projet photographique.

Je vous invite à aller voir l’extrait directement dans la vidéo (vers 35 mn 30 environ), mais je vais vous résumer un peu l’argument d’Astier, et ensuite mettre ça en relation avec ce qu’on peut voir en photographie.

Ce qu’Astier dit, c’est que quand on part d’une idée personnelle, qui nous concerne, et d’autant plus quand il y a un fond de drame (quelque chose qui nous est arrivé), on peut être un peu aveuglé par ça.

On a tendance à penser que la matière première émotionnelle est très riche, parce que c’est du vécu.

Le problème, c’est qu’il y a une grosse distance entre celui qui crée et qui a vécu, et celui qui écoute ou regarde, et qui ne l’a pas vécu.

Ce gouffre est normal, mais quand on est trop proche de ce qu’on crée, on peut avoir tendance à oublier que ce gouffre existe, et donc à ne pas assez utiliser notre côté “ingénieur froid” pour combler ce gouffre entre nous l’artiste, et le spectateur.

On a tendance à croire que ça marche tout seul parce que pour nous c’est émotionnellement fort, alors que pas du tout : ça n’empêche pas d’utiliser les outils d’écriture photographique.

Ca peut être vu comme opposé à la poésie, à l’inspiration, à l’art, mais pas du tout : les outils d’écriture (qu’elle soit d’un spectacle ou d’une photographie) sont AU SERVICE d’un sentiment.

Et en photographie ?

Quand j’ai entendu ça, je me suis dit que c’était une bonne occasion de revenir là-dessus, car c’est quelque chose qu’on voit beaucoup en photographie, notamment chez celles et ceux qui essaient de commencer un travail artistique.

En photo, on peut avoir le même piège qu’en écrivant : il peut être tentant d’être assez littéral par rapport à son sentiment. De juste décrire visuellement ce qui nous a rendu triste, ou joyeux, ou rempli d’espoir… sauf que ça ne va pas provoquer le même sentiment chez les gens !

Pour provoquer un sentiment similaire, il faut maîtriser l’écriture photographique. De la même façon qu’à l’écrit il faut apprendre à écrire de manière poétique, à faire des ponts entre des parties du texte, ou tout autre outil qu’on peut imaginer, c’est pareil en photo.

Ne croyez pas que parce qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour produire une photo, ce soit suffisant pour écrire en image.

Au contraire : exprimer un sentiment en images se produit finalement assez peu au moment du déclenchement.

Ca se joue d’abord en amont, par tout ce qui va se passer à la prise de vue, et en particulier les choix de composition (dont le moment du déclenchement ne sont que le point final, la cristalisation).

Et puis ensuite en aval, un peu dans le traitement, mais surtout dans l’editing de la série ou du projet sur lequel vous travaillez.

Et c’est pour ça que l’idée peut être votre ennemie : si c’est quelque chose de proche de vous, vous allez peut-être moins voir la faiblesse visuelle de certaines photos, parce que votre sentiment reste fort.

Ca ne veut pas dire qu’il ne faille pas partir d’une idée bien sûr. Ca peut être très utile. Mais… il ne faut pas trop se laisser enfermer par elle.

4 conseils pour éviter de tomber dans le piège de l’idée trop personnelle

Pour ça, plusieurs conseils :

1. Gardez une idée assez floue de ce que vous allez faire. Ne commencez pas à préciser trop tôt. Ca se précisera au fur et à mesure de l’avancée de votre projet, en faisant des photos.

2. Apprenez la “grammaire photographique”, c’est-à-dire la composition. Ce n’est pas quelque chose qui s’apprend facilement à coup de vidéos “les 5 meilleures astuces de composition” (avec la moitié qui sont “respectez la règle des tiers”). Sur Formations.Photo, on a Composition Captivante pour apprendre en profondeur les principes de la composition et de l’écriture photographique.

3. Et enfin, je conseillerais de commencer par une petite série (10-20 photos), en démarrant par une inspiration visuelle. Choisir un contexte, et se laisser porter par ce qu’on trouve.

C’est la méthode que j’ai utilisée pour créer les 5 séries qui ont donné naissance à mes Carnets de Voyage, et ça a l’avantage qu’on n’a pas d’attachement émotionnel particulier qui nous aveugle.

Le début de la méthode consiste à faire un inventaire visuel de ce qui nous intéresse, pour essayer de trouver son fil rouge et ses contraintes créatives. A chaque fois, j’ai eu plusieurs idées, et évidemment certaines étaient mauvaises : c’est NORMAL.

Mais comme je n’avais pas d’attachement émotionnel à ces idées : j’ai pu choisir la meilleure sans me laisser aveugler.

Cette méthode pas-à-pas est enseignée par David duChemin dans la formation Regard Nomade d’ailleurs, si vous voulez avoir la méthode exacte pour le faire. Cliquez ici pour en savoir plus.

4. Allez, et un dernier principe qui va vous aider (sans être suffisant à lui tout seul non plus) : essayez de photographier plutôt ce que vous ressentez plutôt que ce que vous voyez.

J’en ai déjà parlé dans plusieurs vidéos auparavant, notamment la vidéo d’intro pour Raconter une Histoire en Photo :

C’est en général un bon guide, ça permet d’éviter de rester trop littéral : si votre photo n’est pas simplement descriptive, mais narrative, ça vous FORCE à utiliser des outils d’écriture photographique. Evidemment vous serez peut-être encore un peu maladroit, mais c’est aussi comme ça qu’on apprend 🙂

Pour aller plus loin :

Vous ne savez pas vraiment comment composer vos photos ? Comment restituer ce que vous voyez, retranscrire votre émotion et votre message, et captiver les spectateurs ?

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Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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