On va voir ensemble comment les choix de cadrage pendant la prise de vue ont influencé le résultat sur une sélection de photographies de ce chapitre du livre de John Szarkowski, L’Œil du photographe.



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Bonjour à tous, ici Laurent Breillat pour Apprendre la Photo, et bienvenue dans cette nouvelle vidéo !

La semaine dernière, j’ai publié une vidéo où je faisais un commentaire du livre l’Œil de la Photographie de John Szarkowski, qui a été conservateur au MoMA de New York de 1962 à 1991.

Je ne vais pas vous répéter le contexte de ce livre cette semaine (ça ne sert à rien que je répète deux fois la même chose), donc si vous n’avez pas vu la vidéo de la semaine dernière, je vous conseille fortement d’aller la voir.

Cette semaine, je vais donc commenter la partie du livre sur le cadrage : on va voir ensemble comment les choix de cadrage ont influencé le résultat sur une sélection de photographies de ce chapitre. C’est parti !

Alors, commençons par cette photographie de John Runk de 1912. Vous voyez que là, il a choisi un cadrage assez large pendant la prise de vue. On donne assez peu de place au personnage dans l’image, pour, notamment, mettre en valeur la taille de ces planches de bois, qui sont aussi larges que deux fois lui et qui font environ trois fois sa taille. Donc ça met vraiment en valeur la taille et ça, évidemment, vous ne pouvez l’obtenir qu’en prenant du recul et en ayant un cadrage qui soit assez large pour permettre de le montrer par rapport à ça.
Et vous voyez que même s’il est très petit dans l’image, évidemment on ne voit que lui puisque c’est finalement un cadrage assez minimaliste, on a une composition où il n’y a pas grand-chose, finalement, à part ces deux planches de bois et lui. Et comme lui est plus contrasté ; il est humain, etc., évidemment, on le voit bien dans l’image.

Si je prends cette photo ici, d’André Kertész, qui s’appelle « Panneau d’affichage », prise en 1962, vous voyez bien que, là, pour le cadrage, il aurait pu faire plein de choix différents.

Il aurait pu juste, finalement, prendre ces personnes ici, et ç’aurait été une photo, presque une « photo de rue », si on peut appeler ça comme ça, et il a choisi de garder ce bout de panneau d’affichage au premier plan, parce que ça ajoute un contraste assez intéressant entre les deux, je pense, entre les gens qui passent dans la rue et ce panneau qui est…, c’est les pubs des années 60, donc c’est très souriant, il y a une police un peu pop, donc il y a un contraste entre les deux.

Donc, évidemment, le choix d’avoir cadré un bout de la pub – pas en entier, il a finalement juste mis le mot « buy » et on devine que c’est « bud » ici, mais au final peu importe, on voit surtout qu’il y a une chose ou un produit à acheter – et les passants dans la rue, c’est un choix de cadrage qui dit quelque chose, ce n’est pas juste photographier une publicité pour un documentaire, c’est plus on établit une relation entre deux éléments qui n’en ont pas forcément à la base.

Et c’est le propre du cadrage en photographie, c’est que nous pouvons, avec le cadrage, mais aussi avec la focale que nous choisissons, etc., qui va plus ou moins écraser la « perspective », eh bien, nous allons pouvoir mettre en relation des éléments qui ne sont normalement pas forcément en relation entre eux, et ça fait partie de ce qui est propre à la photographie.

Alors, sur celle-ci, une photo anonyme, apparemment, de 1910, vous voyez bien qu’on a deux dames qui sont très bourgeoises, qui ont manifestement de l’argent, des grands chapeaux avec des plumes, et évidemment, le choix de les cadrer non pas elles principalement, mais vous voyez qu’elles prennent finalement qu’un tiers de l’image, et d’avoir cette statue derrière qui est une statue antique ou pseudo antique, tournée vers nous, c’est évidemment un rapport humoristique entre les fesses de la statue, les dames qui sont assez distinguées, et le fait d’avoir fait ce cadrage pendant la prise de vue a certainement une signification.

Il y a un côté humoristique à cette photo, et là, évidemment, il aurait pu cadrer à l’horizontale les personnes et juste faire leur portrait, mais il a choisi de mettre en relation deux éléments, un peu comme on a vu avant, deux éléments qui n’ont pas forcément de relation directe, mais par le cadrage, on va induire une relation et on va laisser le spectateur faire le lien.

Ici, on a une image beaucoup plus classique, pour le coup. Encore anonyme, « La boutique de George Rogentin », vers 1903.

Et vous voyez que là, on met quatre hommes devant, on les fait poser devant, c’est vraiment un portrait de groupe très posé, très classique, avec une composition centrée, enfin, tout ça est plus classique, mais, là encore, pourquoi la photo les montre finalement en si petit devant ? C’est parce qu’il est évident que la devanture est importante.

George Rogentin, c’est peut-être l’un d’eux, ou c’est peut-être tous les fils de George Rogentin qui a fondé la boutique, on ne sait pas, mais on voit bien que c’est important.
D’ailleurs, la photo s’appelle « La boutique de George Rogentin », on voit que c’est important que la boutique soit présente dans l’image et qu’elle prenne une bonne place.

C’est un barber shop, un coiffeur-barbier, et vous voyez bien que, forcément, c’est une chose qui est d’une importance cruciale du point de vue de ces professionnels.
Peut-être qu’ils ont demandé à être pris devant la boutique, c’était peut-être une commande, on ne sait pas, mais le fait d’avoir choisi ce cadrage photo, évidemment ça va dire plein de choses, ou non.

C’est ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui – vous le verrez peut-être dans d’autres vidéos ailleurs –, c’est ce qu’on appelle souvent le portrait environnemental, c’est-à-dire faire un portrait des gens, mais montrer l’environnement parce que ça va apporter des choses nouvelles par rapport à seulement leurs visages. On n’est pas là juste pour montrer leurs visages, on est là pour montrer l’environnement aussi pour rajouter de l’information.

Ici vous voyez qu’on est aussi dans une forme de portrait environnemental, et là on rajoute aussi de l’information simplement en s’écartant un peu.
C’est-à-dire que là, manifestement ils posent, on le voit bien, on voit bien qu’ils posent tous, la photo n’a pas été prise sur le vif.
Mais il aurait tout à fait pu les placer, par exemple, les uns à côté des autres devant le tronc et prendre quelque chose d’un peu plus serré.
Mais il a choisi de les placer de manière séparée, donc il y a quand même pas mal de place entre eux, et ce qui permet, quand on recule, de voir déjà la taille du tronc par rapport à eux – on voit bien que non seulement lui est dedans, mais en plus si vous regardez les autres à côté, vous voyez bien que le tronc est gigantesque. On voit la taille de la scie qui fait peut-être, j’en sais rien, quatre mètres de long, c’est assez énorme.
Donc on les met en relation avec leur environnement pour bien montrer que leur travail c’est de couper des arbres qui sont à une taille presque surhumaine.

Et le fait de les avoir écartés permet d’avoir une photo qui n’est pas trop vide. Donc évidemment, là, il y a des aspects de pose, mais le fait d’avoir choisi un cadrage un peu en retrait, ça permet aussi de montrer cet élément.

Et là, eh bien, c’est une autre forme de portrait environnemental, c’est qu’on va plus montrer, non pas l’environnement physique des gens, qui veut dire une chose sur eux, mais plus les autres personnes autour et leur réaction, qui va éventuellement en dire beaucoup sur leur perception de cette personne qui parle.

Donc là, manifestement, Theodore Roosevelt prononce un discours, « Le jour de la remise des décorations » en 1910.
C’est lui qui prononce le discours, donc c’est lui le centre d’attention, et on voit bien qu’il y a ici des personnes qui lui prêtent attention, qui sont en train de le regarder, mais le plus intéressant évidemment dans cette image, c’est le premier plan. Parce que vous avez ce premier plan de personnes qui sont toutes alignées, toutes avec des chapeaux – que des canotiers, il y a juste un melon qui est là en plus – et qui ont tous des attitudes extrêmement intéressantes.

Parce qu’on peut supposer que c’est des journalistes – il y en a beaucoup qui notent des choses, donc très probablement c’est le banc des journalistes –, et vous voyez qu’il y en a qui notent de manière plus ou moins attentive, lui regarde au loin, donc peut-être qu’il a fini de noter et considère que ça suffit largement pour faire son article. Et lui, c’est vrai qu’avec son look très différent des autres – ils ont tous des costumes relativement clairs, quasiment, et lui a ce costume sombre, son melon –, on pourrait supposer, par exemple, que c’est un journaliste étranger ; est-ce qu’il n’est pas britannique ?

Vous voyez, en tout cas, c’est tout ce rang de journalistes ici qui rend la photo plus intéressante. Parce que, au final, si on montre juste la photo de Roosevelt sur une tribune avec les bras en V, c’est bien, mais à cette époque, ça avait sans doute été déjà vu plein de fois, parce que c’est le président et il a eu l’occasion de le faire.

Mais là, avec le rang des journalistes, on a quelque chose de plus intéressant, et surtout, de mon point de vue, à gauche, avec notamment lui que je trouve extraordinaire.

Voilà, ça nous donne une information, un peu, sur la perception que peuvent avoir les gens. Même si on regarde la femme qui regarde de l’autre côté, on voit que certaines personnes sont un peu moins intéressés, mais elle, elle a l’air de se faire chier… Le fait d’avoir cadré comme ça, donne quand même un maximum d’informations.

Ici on a une photo d’Eliott Erwitt, qui est très connu pour son humour (dont on vous parlera sûrement un jour dans Incroyables Photographes), et qui s’intitule « Doyen des diplômés de Yale » en 1956 – on voit bien ce qui est marqué sur le panneau. Donc il est, j’imagine, diplômé en 1881, peut-être, et on le voit dans cette voiture très années 50, et vous voyez bien qu’Erwitt a choisi de ne cadrer que lui, avec ce panneau en dessous, de ne pas cadrer le chauffeur, de ne pas cadrer l’avant de la voiture, du coup on a un effet qui est relativement humoristique, c’est comme si il avait une étiquette autour du cou pour dire « bravo ! c’est le plus vieux diplômé de Yale », ce qui n’est pas forcément un accomplissement en soi, il a juste vécu vieux.

Mais du coup il y a cette espèce de décalage. Ça pourrait presque être une voiture qu’on utilise pour un événement, un mariage, un truc comme ça. On voit bien que c’est une voiture d’événement – même si à l’époque c’était plus courant, mais quand même, ce n’est pas la voiture pas chère, il y a des pneus à bord blanc, etc. – et on l’utilise pour mettre en valeur le vieux diplômé, qui a une expression presque un peu interloquée, il a l’air d’être quasi surpris par la photo.

Voilà, c’est une photo qui est assez marrante comme ça, et le cadrage, évidemment, ajoute à ça parce qu’il n’y a personne d’autre pour donner peut-être un peu plus de réalité à la situation.

Voilà, j’espère que ça vous aura intéressé, car le cadrage est une composante fondamentale de la photographie, qui joue un rôle très important dans la composition de vos images.

N’hésitez pas à poster des exemples de photo dans les commentaires et à commenter le cadrage vous-même, ça peut être très intéressant ! (ou au contraire, si vous ne comprenez pas un cadrage, posez la question, on pourra peut-être vous répondre).

Je ne commenterai pas les 3 autres chapitres, car ils me semblent moins intuitifs, mais vous pouvez acheter ce livre si vous avez envie d’avoir un peu cet historique de la photographie par John Szarkowski.

Voilà, c’est la fin de cette vidéo : si vous l’avez aimée, pensez à lui mettre un pouce bleu et à la partager avec vos amis ou dans vos groupes photo, et puis si vous découvrez la chaîne avec cette vidéo, pensez à vous abonner et à activer la cloche pour ne pas rater les prochaines, et à télécharger votre guide Osez Composer où vous pourrez approfondir ce sujet de la composition.

Je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos !

 

 

Pascale Sadoul
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