Comme je vous l’ai dit, cet été j’ai décidé de lire pas mal de livres photo et de vous faire la chronique des meilleurs qui vous accompagneront à la plage. Je ne pouvais pas passer cet été littéraire sans vous parler de Michael Freeman, dont le nom ne vous est peut-être pas étranger.

En effet, si vous avez déjà recherché des bouquins de photo de référence, vous êtes probablement tombé sur son nom. Michael Freeman est presque une légende dans le monde de l’édition, et à raison (ce n’est pas toujours le cas 😉 ). Et pour cause : il est régulièrement publié dans des magazines comme Life (même si un bon photographe ne fait pas forcément un bon pédagogue), et a écrit plus d’une douzaine de livres vendus à plus d’un million d’exemplaires (là par contre, c’est un indice 😉 ). Excusez du peu. Bref, il a des choses à dire ! Ses livres sont édités chez Pearson en France, qui a eu l’amabilité de m’en envoyer quelques-uns pour que je vous en parle 😉

Une bible de la composition

L'oeil du photographe et l'art de la composition Michael Freeman

Cet ouvrage est l’un des plus connus (plus de 300 000 exemplaires vendus), et est entièrement consacré à la composition en photographie. Le sujet est extrêmement vaste et complexe à traiter, mais sans doute l’un des plus utiles pour le photographe amateur. En effet, les réglages sont finalement relativement simples à maîtriser une fois que l’on a intégré les principes de l’exposition et les différents modes. La composition par contre est beaucoup moins simple à expliquer, et met beaucoup plus de temps à intégrer et maîtriser, d’autant plus qu’elle est très personnelle. D’où l’intérêt d’un livre entier sur le sujet !

Et sans suspens, Freeman fait un excellent boulot dans le livre, ce que je vais détailler un peu plus loin. Je salue également l’excellent travail de traduction de Thomas Secaz, qui devrait même être cité en couverture je trouve. Les phrases sont juste un peu complexes parfois, mais c’est la traduction du style Freeman je pense. Ma préférence personnelle va juste à un style plus simple et direct, mais on s’y habitue vite au bout de quelques pages.

« … comment on construit une image, de quoi une image est faite, comment les formes s’y agencent, comment l’espace s’y remplit, comment le tout compose, au final, une unité. »
Paul Strand

Freeman part d’un constat : « La plupart des personnes qui utilisent un appareil pour la première fois passent plus de temps à essayer de comprendre les fonctionnalités techniques de leur outil qu’à se demander ce qui les pousse à s’en servir. » Recevant quotidiennement des dizaines de mails et de commentaires de la part de vous tous, je peux vous dire que cette phrase est criante de vérité. Vous intéresser à la composition améliorera bien plus vos images que de passer des heures à vous demander s’il vaut mieux choisir f/8 ou f/11.

Le défi de Michael Freeman dans ce livre n’est pas seulement de vous apprendre les règles non rigides de la composition, mais aussi de vous en donner le goût. Et on peut dire qu’il fait le tour du sujet, en 6 chapitres largement développés et illustrés d’exemples tirés de l’expérience de Freeman.

Chapitre 1 : Le cadre de l’image

L'oeil du photographe et l'art de la composition Michael Freeman chapitre 1

On n’en traite pas assez souvent quand on parle de composition, mais il faut partir de la base : le cadre de l’image. Ce n’est pas assez souvent traité quand on parle de composition (d’ailleurs ça pourrait m’inspirer un article complet quand j’aurai mieux intégré tout ce que j’ai lu). En effet, le format du cadre lui-même (3/2, 4/3, carré, voire d’autres formats plus exotiques) influence fortement la façon dont on place les éléments dans la photo, et donc la composition.

Or en photo, le format du cadre est le plus souvent imposé par le type d’appareil que vous utilisez. Chacun a ses préférences d’ailleurs, peut-être influencées par l’appareil qu’on possède à ses débuts. J’ai commencé sur reflex, au format 3/2 donc, et je dois dire que je peux difficilement photographier autrement. Je trouve le 4/3 trop mou (mais c’est purement subjectif), par contre le carré m’intéresse un peu car je peux photographier dans ce format directement avec mon hybride.

Dans ce chapitre, Freeman nous explique donc les dynamiques des différentes formes de cadre, la façon de placer les sujets selon leur orientation, le cadrage horizontal et vertical, mais aussi les recadrages possibles, le placement du sujet dans le cadre, de l’horizon, l’utilisation d’un cadre dans le cadre, etc. Bref, il passe vraiment en revue tout ce qui est influencé par le cadre de la photo, et qui dans le processus de la prise de vue, se place en premier lieu, avant tout le reste.

Chapitre 2 : Principes de base de la composition

La composition est essentiellement affaire d’organisation : celle de tous les éléments à l’intérieur d’un cadre. En cela, la photographie a les mêmes nécessités fondamentales que les autres arts graphiques. Le risque, lorsque l’on pose les principes d’une technique de composition, est de la voir se transformer aux yeux du lecteur en un dogme. Il est donc important de considérer ces principes non pas comme des règles, mais comme un condensé des outils à disposition.

Michael Freeman

L'oeil du photographe et l'art de la composition Michael Freeman composition

C’est ainsi que Freeman débute ce chapitre, et je trouvais important de vous le citer entièrement, tant c’est important : les « règles » de composition sont plutôt un guide, mais n’ont pas pour objet de vous enfermer, mais au contraire de vous permettre de vous exprimer en renforçant vos images.

Et tout au long de ce chapitre, l’auteur expose de nombreux principes de base qui vous serviront tout au long de votre vie photographique. La plupart sont effectivement des guides plutôt que des règles, et même si vous en connaîtrez déjà certains vaguement, son approche est très novatrice et parle de nombreux éléments très subtils. Il vous faudra évidemment du temps pour intégrer ce qui vous plaît à votre pratique photo, et je vous conseille d’y aller pas à pas et de ne surtout pas essayer de tout intégrer à la fois, tant c’est vaste.

Le chapitre commence très fort avec l’influence des contrastes, mais pas seulement de celui que vous connaissez (clair/obscur), mais aussi de tous les contrastes imaginables : long/court, grand/petit, pointu/rond, etc. C’est déjà très intéressant.

La théorie de la Gestalt qui suit (n’ayez pas peur, le mot est compliqué mais ça ne mord pas) est également très intéressante, mais vous allez mieux la comprendre au fur et à mesure de la lecture, car l’auteur y fait souvent référence. Comme souvent, c’est quelque chose que vous comprenez peut-être déjà intuitivement, mais mettre des mots dessus et rendre l’inconscient conscient vous servira énormément.

Je ne saurais dire suffisamment à quel point le chapitre est intéressant avec l’équilibre, la tension dynamique, la relation entre figure et fond (l’effet de silhouette par exemple), le rythme d’une image (et une intéressante analogie avec la musique), les textures, le chemin du regard dans une image, et la perspective.

Là par contre, je regrette que Freeman ne soit pas assez clair, voire renforce le mythe répandu que la longueur focale influence la perspective. Ce n’est pas exactement ce qu’il dit, mais quand on a déjà entendu cette contre-vérité, on a tendance à renforcer cette fausse croyance.

Un grand-angle englobe une plus grande partie de l’image, et permet donc de voir les lignes converger plus fortement, et donc de renforcer les perspectives. Mais à une seule condition : que l’image inclue des parties extrêmement proches de l’appareil. C’est donc la distance à l’appareil qui influence d’abord l’effet de perspective linéaire, et un grand-angle ne permet que de jouer plus facilement sur cet effet. J’en veux pour preuve mon article sur la perspective, que je vous invite à relire 😉

L'oeil du photographe et l'art de la composition Michael Freeman composition schéma livre

Chapitre 3 : Graphisme et éléments photographiques

L'oeil du photographe et l'art de la composition Michael Freeman point ligne forme

Comme son nom l’indique, ce chapitre se concentre tout d’abord sur les éléments graphiques d’une image, à savoir :

  • les points/éléments ponctuels, qui attirent le regard
  • les lignes, qui le dirigent
  • les formes (rectangulaires, triangulaires, circulaires), qui apportent une structure à l’image.

Chaque élément ne s’étend pas sur tant de pages que ça, mais les infos apportées sont très denses et intéressantes, et vous permettront d’utiliser les éléments graphiques à votre avantage. C’est un aspect très important à maîtriser pour réaliser des images fortes, et l’auteur va suffisamment dans les détails sans non plus en faire trop. Vous apprendrez ainsi à utiliser les lignes verticales, horizontales, diagonales, courbes, et le regard, mais aussi les triangles, rectangles et cercles.

En plus de ça, le chapitre est agréablement complété par des éléments photographiques dont vous avez déjà plus entendu parler, mais importants comme la mise au point, le mouvement, l’instant, la longueur focale utilisée ou encore l’exposition de l’image. J’apprécie vraiment que ça n’arrive qu’à ce moment du livre, car le reste était plus important, et surtout permet de mieux saisir les implications d’un changement de mise au point ou de focale sur la composition.

Chapitre 4 : Lumière, couleur et composition

Très logiquement, après s’être penchés sur les aspects les plus évidents, on va explorer un domaine moins évident de la composition : l’influence des tonalités et des couleurs sur la composition, et la relation des couleurs entre elles.

C’est probablement ce qui est le plus complexe à mettre en place dans vos images finales. Tâchez d’intégrer d’abord le reste du bouquin avant de vous atteler à cette tâche. Les théories sur l’équilibre sont très intéressantes et l’application à la photographie particulièrement instructive. J’ai beaucoup aimé l’encadré sur les proportions à accorder aux différentes couleurs pour équilibrer l’image, et j’essaierai d’utiliser ça dans de futures images. Ce sera assez complexe, mais comme je le disais plus haut, c’est probablement quelque chose que je faisais déjà inconsciemment d’une certaine manière.

Chapitre 5 : L’intention

L'oeil du photographe et l'art de la composition Michael Freeman intention photo

Rien que le titre me fait déjà plaisir : je répète constamment à qui veut bien l’entendre (et particulièrement aux élèves de ma formation 😉 ) que ce qui va déterminer 95 % de vos actions photographiques (réglages, cadrage, composition, post-traitement, …), c’est votre intention photographique.

Et non seulement cette intention va déterminer vos choix, mais elle va aussi donner une personnalité, voire un style à vos images. J’aime beaucoup que Freeman ne juge pas une approche descriptive ou créative (termes déjà entendus ailleurs), mais cherche plutôt à vous donner les clés selon l’intention que vous avez : faire une photo conventionnelle (ce qui n’est pas toujours péjoratif) ou plus originale (ce qui n’est pas toujours mélioratif).

Chaque double page oppose deux notions : spontané ou planifié, documentaire ou expressif, simple ou complexe, clair ou obscur. Ce chapitre permet vraiment de mettre en relation les outils exposés par Freeman dans le début du livre avec un côté plus artistique et plus lié à votre personnalité. En bref, il vient pile au bon moment, et c’est typiquement le chapitre dans lequel vous allez apprendre plein de choses quand vous relirez le livre. Car oui, c’est typiquement un livre qui se relit plusieurs fois.

Chapitre 6 : Le processus

L'oeil du photographe et l'art de la composition Michael Freeman processus photo

À force de former des débutants, je me suis rendu compte que LE principal problème de nombre d’entre vous n’étant pas temps de comprendre les bases de la photo et l’utilité des différents réglages, mais plutôt de rassembler les pièces du puzzle et de savoir concrètement quoi faire lors de la prise de vue. Et l’auteur l’a bien compris également, car il consacre l’ultime chapitre du bouquin à des explications très concrètes où il utilise tout ce qui a été dit précédemment dans des cas pratiques : la recherche d’un ordre dans un cliché assez chargé, la chasse d’une image, la recherche de la meilleure image possible en attendant le bon moment.

La toute fin du livre s’intéresse à différents processus qui vont vous permettre de créer de meilleures images : avoir un répertoire personnel d’images dans lequel piocher pour inspirer vos prises de vue futures, user de la réaction, de l’anticipation, de l’exploration, du retour sur les lieux, de la construction et de la juxtaposition.

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Bref, ce livre est un indispensable dans la bibliothèque de tout photographe, et franchement pour le prix, c’est un véritable condensé de conseils extrêmement précieux qui vont vous servir tout au long de votre vie de photographe, et à plusieurs reprises, car il vous faudra le relire plusieurs fois pour en saisir toute l’ampleur et véritablement l’intégrer à votre pratique photo.

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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