Par définition, un détail n’est pas ce qu’on remarque en premier, et donc il peut apporter beaucoup de forces à vos images en surprenant le spectateur.

Cet article est écrit dans le cadre de la 10ème édition de la Boîte à Photos, évènement qui réunit plusieurs blogueurs autour d’une même thématique. Cette semaine : le détail. Vous pouvez retrouver toutes les infos sur l’article précédent 😉

En effet, le « non-photographe » ne voit pas forcément le monde de la même façon que nous. Loin de moi l’idée de faire la distinction entre « nous » et « les autres » (il y a une infinité d’intermédiaires possibles), mais il faut bien dire que la pratique de la photographie, sur le long terme, nous fait voir le monde d’un autre œil. Comme disait Émile Zola : « A mon avis, vous ne pouvez pas dire que vous avez vu quelque chose à fond si vous n’en avez pas pris une photographie. »

En tant que photographes, nous remarquons des petits détails insignifiants que personne ne voit, des juxtapositions improbables, des petites bizarreries dans la vie de tous les jours, et quand on photographie un sujet, je dirais même qu’on les recherche.

Car pour être intéressante voire intrigante, la photo ne doit pas se contenter de simplement représenter ce qu’elle voit (car on a pas besoin d’une photo pour ça), mais au contraire représenter un sujet avec des indices qui suggèrent quelque chose, montrer des choses d’un point de vue inhabituel, et raconter une histoire. Ce qui va intéresser le spectateur n’est pas la netteté ou la précision (personne n’a jamais pleuré devant une image en disant « oh mon Dieu qu’est-ce qu’elle nette, je suis ému ! »), mais le sentiment, le message et l’histoire que vous voulez faire passer, qui font appel à l’imagination de la personne (et donc à ses émotions) plutôt qu’à l’acuité de sa vue 😉

Je ne vais donc pas m’arrêter à la définition un peu réductrice du détail qui voudrait que ce soit limité à la macro ou à la proxiphotographie, mais au contraire y inclure tout ce qui correspond à des éléments d’une scène qu’on ne remarquerait pas de prime abord, ou sur lesquels on ne choisirait pas de se concentrer. Et je vais essayer de vous donner des pistes pour utiliser ça à votre avantage.

En plus de ça, en tant que photographes, nous avons plein de moyens techniques pour faire remarquer ces détails, qu’on va bien entendu se faire un plaisir d’utiliser ! 🙂

Selon la longueur focale

Comme je l’ai dit au-dessus, vous n’êtes pas obligé de faire de la macro pour faire une photo de détail. Commençons donc par passer en revue comment vous focaliser sur les détails aux différentes longueurs focales (attention, jeu de mots !), car les techniques qui fonctionnent sont un peu différentes.

En macro

Ce n’est parce que vous n’êtes pas obligé qu’il ne faut pas le faire du tout 😉 La macro ou la proxiphotographie sont un bon moyen de faire ressortir des détails assez simplement.

Pour ça, vous aurez besoin de matériel capable de le faire, c’est-à-dire soit un objectif dédié à la macro, soit une solution alternative pour la macro pas chère, comme un filtre close-up par exemple.

Dans cette situation, vous allez le plus souvent avoir une très faible profondeur de champ, et on ne verra qu’une toute petite partie de votre sujet, sans son contexte. Donc faites bien attention à ce que l’image soit assez claire, et le sujet bien net. Soignez votre composition et la lumière.

Ce genre de photo s’intègre bien dans une série sur le même thème, car elle donne une vision différente, et que les autres images donnent des éléments de contexte qui aident à en comprendre la signification. Ça fonctionne très bien en voyage par exemple, pour montrer une vision différente d’un lieu, ou d’une expérience.

(cliquez sur toutes les images de l’article pour les voir en grand)

Au grand-angle

Intuitivement, on pense utiliser un grand-angle comme un moyen de faire exactement l’inverse d’une photo de détail : inclure la plus grande partie de la scène possible. Mais cette focale peut aussi être utile pour ce qui nous intéresse aujourd’hui.

En premier lieu, elle vous permet indirectement d’exagérer les perspectives en vous rapprochant au maximum de quelque chose, tout en incluant l’arrière-plan et donc le contexte. C’est une excellente façon de raconter une histoire.

photo puits grand-angle perspective
Ici, me placer tout près du puits me permet de le mettre en valeur.

Ensuite, vous pouvez également l’utiliser pour donner un certain sens de l’échelle à une image, par exemple en incluant une petite silhouette humaine dans un paysage grandiose. La clé ici est de rester simple : le sujet humain étant très petit, il faut qu’il soit évident pour qu’on le remarque. La composition doit donc le mettre en valeur et être très simple et minimaliste.

A une focale normale

Avec une focale à peu près « normale » (40 à 50mm en équivalent Full Frame), on voit dans le viseur à peu près comme on voit en vrai, c’est-à-dire avec un champ de vision détaillée à peu près égal (on a tous une vision périphérique, mais trop imprécise).

Ce type de focale permet également de faire des photos de détails. C’est typiquement ce qu’on va utiliser pour montrer des détails qu’on ne remarque pas dans la vie quotidienne. Avec une focale de ce type, on va pouvoir prendre des vues plus ou moins rapprochées qui vont inclure un peu d’arrière-plan, mais pas plus que ce que l’oeil est habitué à percevoir clairement.

C’est à la fois un avantage et un inconvénient : on peut se sentir plus facilement à la place du photographe, et en même temps il faut utiliser des techniques pour que le spectateur ne s’ennuie pas trop. Typiquement, une faible profondeur de champ peut attirer l’oeil sur ce que vous souhaitez montrer (mais pensez également à ne pas être un extrémiste de l’ouverture et à essayer de montrer ou suggérer une partie de l’arrière-plan), tout comme une différence de luminosité entre le sujet et l’arrière-plan.

Au-delà de ça, vous pouvez vraiment faire la différence sur la composition. Deux astuces fonctionnent très bien dans ce cas :

  • Couper votre sujet à un endroit inhabituel
  • Choisir une composition en vue frontale

Au téléobjectif

Le téléobjectif a pour caractéristique d’isoler le sujet de l’arrière-plan, et a donc lui aussi un potentiel pour la photo de détails (oui, en fait toutes les focales ont un potentiel :D).

Ça peut s’appliquer dans plusieurs situations. Tout d’abord, si vous avez un sujet un peu lointain, et que vous voulez en montrer seulement une partie. Je fais ça assez souvent en concert, ça permet de varier un peu les clichés, et ça aide aussi si les attitudes du groupe ou la lumière ne changent pas des masses et ne me permettent pas de varier les photos.

Ce qui fonctionne bien dans ce cas est de profiter de l’effet particulier du téléobjectif : comme il produit plus facilement une faible profondeur de champ et écrase les perspectives (puisque vous n’êtes normalement pas près du sujet quand vous l’utilisez, et qu’il montre un petit angle de vue), il peut être intéressant de placer des éléments entre vous et le sujet, qui seront flous et feront rentrer le spectateur dans l’image.

Vous pouvez également isoler une partie d’un paysage, ce qui peut être vraiment intéressant et donner quelque chose d’assez original (le réflexe en paysage étant de sortir le grand-angle). Comme les perspectives sont écrasées, pensez à simplifier la composition, et à penser l’image un peu comme vous le feriez pour une vue frontale avec une focale normale.

Quelques astuces complémentaires

Avec ces suggestions, vous devriez déjà avoir pas mal d’idées pour faire des photos de détails dans pas mal de situations. Voici juste quelques effets complémentaires que vous pouvez combiner avec la photo de détail, quelle que soit la focale utilisée.

  • Mettez en contexte : une photo de détail peut parfois rester trop mystérieuse pour le spectateur. Selon ce que vous souhaitez communiquer, il peut être utile de la placer dans un contexte. Ajoutez-lui un titre, incluez des indices dans l’image, ou faites une série d’images.
  • Utilisez les reflets : vous pouvez facilement inclure des éléments de contexte sans qu’ils prennent trop de place, ou au contraire brouiller les pistes.
  • Mettez en valeur les textures : ça fonctionne très bien avec les photos prises d’assez près.
  • Faites un effet de silhouette ou d’ombre chinoise : ça simplifie en général la composition et peut vous aider à faire une image plus forte.
  • Utilisez un cadre dans le cadre : cet effet peut renforcer votre composition et focaliser l’attention sur un… détail, dans une image qui normalement serait trop encombrée.
  • Less is more : globalement, essayez vraiment de simplifier votre composition et d’éliminer le maximum d’éléments parasites. La simplicité est l’amie du détail.

Et pour finir, surtout, gardez les yeux ouverts ! Photographier le détail implique d’avoir une âme d’enfant et de s’émerveiller de rien. Si vous avez oublié comment faire, lisez le Petit Prince (oui, ceci est un vrai conseil, ne le prenez pas à la légère ! 🙂 ).

Cela fait partie du travail du photographe de voir plus intensément que la plupart des gens. Il doit avoir et garder en lui quelque chose de la réceptivité de l’enfant qui regarde le monde pour la première fois ou du voyageur qui pénètre dans un pays étrange.
– Bill Brandt

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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