Un même type de question revient souvent dans les dizaines de mails que je reçois chaque jour : la gestion des situations de photographie en intérieur (en basse lumière quoi). Beaucoup d’entre vous rencontrent ce problème courant en photographie, c’est-à-dire de manquer de lumière pour avoir une photo bien exposée, suffisamment lumineuse.

Si vous maîtrisez déjà les bases de la photo (notamment le triangle de l’exposition), ainsi que les modes semi-automatiques, vous devriez pouvoir vous en sortir dans ces situations. Mais comme j’ai souvent ce type de question, c’est sans doute que ça mérite une reformulation.

Je vais donc vous expliquer quels sont les outils à votre disposition pour gérer ça, ce qui vous permettra d’améliorer vos images, mais aussi de savoir quand il ne sera pas possible de prendre une photo satisfaisante (car non, on ne peut pas faire de photo dans le noir total 😉 ).

Les leviers techniques pour photographier en intérieur

Il n’y a pas 36 solutions de gérer le problème, il y en a 3, qui vont forcément vous rappeler quelque chose. Si vous n’avez jamais entendu parler de ça, alors il vous faut aller lire mes articles sur le sujet auparavant, car je n’en fais qu’un court rappel ci-dessous :

Le triangle de l’exposition ça doit vous rappeler quelque chose non ? 😀

L’ouverture

La première solution si vous manquez de lumière en intérieur , ça va être d’augmenter l’ouverture utilisée par votre appareil. N’oubliez pas que plus le chiffre est petit, plus l’ouverture est grande. Ce levier va se buter à 2 contraintes, l’une technique, et l’autre artistique.

Tout d’abord, l’ouverture maximale que vous pouvez utiliser est limitée par l’ouverture maximale de votre objectif. Sur les compacts ou bridges, vous ne pouvez pas y faire grand-chose, mais sur les reflex et hybrides, comme vous pouvez changer l’objectif, vous pouvez influer là-dessus : choisissez votre objectif avec la plus grande ouverture.

Si vous n’en avez pas qui ouvre au moins à f/2.8, ça ne va pas forcément vous aider beaucoup. Donc si vous êtes souvent bloqué par un manque de lumière, vous pourriez envisager l’achat d’un objectif à plus grande ouverture, comme un zoom de type 17-50mm f/2.8, ou encore un 50mm f/1.8.

Ca, c’est une faible profondeur de champ 🙂

Ensuite, augmenter l’ouverture va avoir pour conséquence directe de diminuer la profondeur de champ, c’est-à-dire la zone de netteté sur votre image. Autrement dit, d’augmenter ce qu’on appelle le flou d’arrière-plan, ou bokeh.

Ça peut être un effet recherché (si vous souhaitez isoler le sujet de l’arrière-plan notamment), mais si vous souhaitez avoir une grande profondeur de champ (l’image nette sur toute sa profondeur), je vous conseille de d’abord essayer de jouer sur les 2 autres facteurs.

Mais c’est pour ça que beaucoup d’images prises en faible lumière ont une faible profondeur de champ : il faut bien compenser ce manque de lumière.

Passons à la deuxième solution.

La vitesse d’obturation

Vous pouvez ralentir la vitesse d’obturation (ou temps de pose) que vous utilisez, ce qui va permettre de faire rentrer plus de lumière. Ici, la vitesse d’obturation n’est pas limitée par l’appareil (vous pouvez en général aller jusque 30 secondes, voire plus en mode Bulb). Mais là aussi, ce levier se bute à 2 contraintes, l’une technique, et l’autre artistique.

En premier lieu, vous n’allez pas pouvoir ralentir la vitesse d’obturation indéfiniment sans conséquence sur votre image. Vous avez déjà dû le constater (même si les plus débutants d’entre vous n’ont pas encore compris pourquoi), à des vitesses trop lentes, l’image est floue.

C’est un phénomène appelé le flou de bougé : contrairement à ce que vous pensez, même si vous ne fumez pas et que vous ne buvez pas de café, vous n’êtes pas absolument immobiles quand vous tenez votre appareil photo. A des vitesses rapides, ce mouvement reste imperceptible, mais à des vitesses plus lentes, cela se voit sur la photo et provoque un effet très peu esthétique.

flou de bouge vitesse d'obturation
Cette (très vieille) photo toute moche est prise à 1/5s : la vitesse est insuffisante et mon mouvement se voit sur l’image. C’est flou, on ne voit rien, bref : on veut éviter ça.

Une règle connue et simple à retenir est que la vitesse ne doit pas être plus lente que 1 / longueur focale, si vous photographiez à main levée. Donc si vous shootez à 50mm, vous devez au moins utiliser une vitesse de 1/50 (ou plus rapide, comme 1/100).

Cela dit, il faut multiplier cette focale par un certain nombre selon la taille de capteur. Pour les hybrides micro 4/3, il faut multiplier par 2, et pour les appareils à capteurs APS-C (la plupart des reflex, hybrides Sony et Fuji), il faut multiplier par environ 1,5.

Donc avec la même longueur focale (inscrite sur l’objectif), il vous faudra choisir au moins 1/80ème sur APS-C, et 1/100ème sur micro 4/3, pour faire très simple.

Vous pouvez également placer votre appareil sur trépied, et là vous n’aurez plus de limite de vitesse.

La contrainte artistique est elle aussi liée au mouvement, mais pas au vôtre, à celui du sujet. En effet, si celui-ci bouge, il pourrait se retrouver flou sur l’image si vous utilisez une vitesse trop lente. De façon assez intuitive, c’est d’autant plus vrai que :

  • la vitesse d’obturation est lente (à mouvement du sujet égal)
  • le mouvement du sujet est rapide (à vitesse d’obturation égale)
A 1/40ème, ce taxi est flou (un sujet plus lent aurait pu être net bien sûr).

Donc si vous souhaitez figer le mouvement du sujet, vous n’allez pas pouvoir trop ralentir, et vous ne pourrez pas jouer sur ce levier. A l’inverse, si vous n’avez pas de sujet mobile, ou si vous souhaitez le flouter, vous allez pouvoir utiliser un trépied et vous reposer sur ce levier-là uniquement (en utilisant même une faible sensibilité ISO et une petite ouverture).

La sensibilité ISO

Enfin, vous allez pouvoir utiliser ce dernier levier, que j’appelle la “soupape de sécurité”. En effet, c’est le levier à utiliser en dernier recours, quand vous avez déjà utilisé l’ouverture à son maximum (considérant la limite technique de votre objectif mais aussi votre désir éventuel de garder une grande profondeur de champ), et aussi la vitesse d’obturation (considérant la vitesse minimale pour éviter le flou de bougé, l’usage ou non d’un trépied, et votre désir de figer le sujet).

La contrepartie de la sensibilité ISO, c’est que quand on l’augmente, elle va créer du bruit sur l’image. Les sensibilités ISO assez faibles (jusque 400 voire 800 ISO) ont souvent un bruit très raisonnable, mais au-delà, les choses commencent en général à se gâter.

Ici à ISO 4000, en regardant en plein écran on peut voir qu’il y a du bruit, mais ça reste raisonnable car c’est une photo prise au Canon 5D Mk III !

Il faut savoir que ça dépend beaucoup de votre appareil : certains boîtiers produisent beaucoup de bruit dès 1600 ISO (voire moins), et pour d’autres il faut attendre 6400 ISO voire plus pour être gêné. Il n’y a pas de règle absolue ici : à vous de tester et de voir quel est le bruit acceptable.

Attention : évaluez-le à taille de visualisation de la photo (en plein écran par exemple), et non pas en zoomant à 100%, ce qui n’a pas de sens.

L’ajustement de l’exposition au post-traitement

Il existe également la possibilité d’augmenter l’exposition au post-traitement, en particulier si vous travaillez en RAW, qui est beaucoup plus souple à ce sujet. Notez que cela produira du bruit (du grain sur la photo), de la même façon que l’augmentation de la sensibilité ISO. Vous ne ferez donc pas de miracles si vous étiez déjà à la sensibilité ISO maximale acceptable permise par votre capteur.

Cela dit, les bons logiciels RAW permettent en général une excellente réduction du bruit (je pense notamment à Lightroom qui m’étonne encore sur ce point), et vous feront un peu gagner en latitude. Si d’ailleurs vous voulez apprendre à retoucher vos photos pour qu’elles retransmettent au mieux votre vision, j’ai ma formation Sublimez vos Photos qui remet tout à plat 😉

Les autres leviers

Ces leviers purement techniques sont intéressants, mais il y a aussi d’autres moyens d’arranger un peu les choses à la prise de vue, qui n’ont rien à voir avec les réglages.

Comprendre la lumière

Le premier est de bien comprendre comment fonctionne la lumière. J’avais déjà écrit un article sur la lumière en photographie, où je “donnais la parole à la lumière”. Je vous conseille vivement de le (re)lire, car il ne servirait à rien de le répéter ici.

Mais je peux prendre un exemple tout simple : si vous photographiez quelqu’un en intérieur à la lumière artificielle, une méthode toute simple peut être de rapprocher une source de lumière du sujet (ou de rapprocher le sujet de la source). Ça peut vraiment faire varier énormément la quantité de lumière, et donc faire la différence entre une photo ratée (ou impossible à prendre !) et une photo réussie.

Rajouter de la lumière avec un flash

Evidemment, vous pouvez aussi décider de rajouter de la lumière dans l’image, avec de l’éclairage artificiel, en général un flash. Le flash inclus sur votre appareil est très mauvais : de faible puissance, produisant une lumière trop dure et arrivant pleine face sur votre sujet, il donnera toujours un résultat peu esthétique, voire carrément dégueulasse, disons-le. Si vous n’avez que ça, il existe quand même des moyens presque gratuits d’en améliorer la lumière.

Sinon, la meilleure solution est sans doute le flash cobra. Si vous pensez à le diffuser ou à le réfléchir d’une manière ou d’une autre (en le dirigeant vers le plafond, avec un carton blanc, …), le résultat devrait être satisfaisant après quelques essais. N’hésitez pas à l’utiliser en automatique au début.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire l’article sur le choix d’un flash et celui sur son utilisation.

Comment photographier en faible luminosité, concrètement ?

Vous allez me dire que c’est bien beau tout ça, que vous comprenez comment ça marche théoriquement, mais que vous avez bien du mal à voir comment mettre ça en pratique. Je vous comprends, j’ai eu du mal à mes débuts en fait. Mais vous allez voir, ce n’est pas si compliqué.

En mode priorité à l’ouverture (A ou Av)

Si vous êtes en mode priorité à l’ouverture, en toute logique, c’est que vous souhaitez contrôler la profondeur de champ. Dans ce cas, commencez par choisir l’ouverture que vous souhaitez, par rapport à votre intention photographique. En appuyant à mi-course sur le déclencheur, l’appareil va afficher la vitesse qu’il va utiliser, dans le viseur ou sur l’écran.

  • Si la vitesse d’obturation est importante pour vous (parce que vous photographiez à main levée, et/ou parce que le sujet est mobile), regardez-la. Si elle est trop lente, augmentez la sensibilité ISO jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment rapide.
    • Si ça ne suffit pas, vous pouvez décider d’augmenter l’ouverture, quitte à perdre en profondeur de champ. Ça changera votre image, mais vous permettra d’avoir une exposition correcte.
    • Si vous êtes au maximum partout, vous vous heurtez alors aux limites de votre matériel, et désolé, mais il va falloir repasser !
    • Notez que vous pouvez opter pour une vitesse un peu trop lente, si votre seul souci est le flou de bougé (et non de sujet) : aux vitesses limites, avec un peu de chance et vous calant bien vous pouvez peut-être obtenir une photo nette, en particulier si vous disposez de la stabilisation.
  • Si la vitesse d’obturation n’est pas importante (parce que vous photographiez sur trépied, et que le sujet est immobile, ou qu’il vous importe peu qu’il soit flou), dans ce cas vous êtes libre de déclencher.

En mode priorité à la vitesse (S ou Tv)

Ici, en toute logique, la vitesse est importante pour vous. Si vous avez des soucis en basse lumière, c’est sans doute qu’elle est rapide, donc que vous souhaitez figer le sujet. Dans ce cas, commencez par choisir la vitesse suffisante pour figer le sujet (il n’y a pas de règle absolue, il faut tester).

En appuyant à mi-course sur le déclencheur, l’appareil va afficher l’ouverture qu’il va utiliser. Si elle clignote (ou s’affiche en rouge, selon les appareils), ça veut dire que votre appareil va utiliser l’ouverture maximale, mais que ce n’est toujours pas suffisant, et donc que la photo finale sera sous-exposée.

Dans ce cas, vous pouvez augmenter les ISO jusqu’à ce que le clignotement s’arrête : la photo sera bien exposée. Vous pouvez aussi augmenter les ISO si vous souhaitez que l’appareil ferme un peu plus le diaphragme (typiquement pour gagner en profondeur de champ).

Si malgré tout, vous n’arrivez pas à obtenir une exposition correcte, vous atteignez les limites de votre matériel.

2 cas d’école différents (et des solutions différentes)

Je suis sûr que malgré toutes ces explications, un ou deux cas concrets pourraient encore vous aider à bien saisir toutes les implications. Alors voyons ça en situation réelle.

Le paysage posé pépère

Vous êtes à la plage, un soir de printemps, un peu après le coucher de soleil. Le ciel est joli, vous avez un beau décor, bref, vous avez envie de faire une photo. Seulement voilà, il fait déjà un peu sombre. Mais chance (enfin prévoyance), vous avez votre trépied dans votre poche ou votre sac de Mary Poppins !

Du coup, vous pouvez mettre votre appareil sur trépied, sélectionner une ouverture suffisante pour avoir tout le paysage net (disons f/11). Comme vous allez pouvoir jouer sur le levier de la vitesse d’obturation lente au maximum, vous pouvez laisser à ISO 100. L’appareil décidera d’une certaine vitesse, mais peu importe, vous êtes sur trépied. Il ne reste plus qu’à déclencher ! (avec le verrouillage du miroir, et une télécommande ou le retardateur, pour rappel)

Bon, c’est pas la plage, mais c’est pareil : f/16, ISO 200, 5 secondes de pose (sur trépied bien sûr).

Le sujet rapide en basse lumière

Vous êtes dans une salle de concert qui sent la bière et la sueur, pour un bon concert de rock dans une salle bien sombre. Bon, normalement si vous avez un appareil photo et que le sympathique et débonnaire vigile à l’entrée ne vous a pas refoulé, c’est que vous avez une accréditation, et donc si le monde tourne rond vous n’avez pas besoin de mes conseils là.

Mais bon, admettons, c’est juste pour poser le tableau, ça marche aussi si vous essayez de photographier mamie qui danse le rock dans le salon un soir de Nouvel An (même si elle sent plutôt le champagne et le patchouli que la bière et la sueur, mais passons 😀 ).

Bref, vous avez un sujet rapide dont vous souhaitez figer le mouvement. Vous vous placez en priorité vitesse, mettons à 1/150ème. Au premier frôlement du déclencheur, le petit “f/2.8” clignote de partout.

Là, vous augmentez les ISO jusqu’à ce qu’il arrête de clignoter (dans ce cas vous aurez une bonne exposition), ou alors jusqu’à la sensibilité maximale acceptable (1600 ISO par exemple). Si ça continue de clignoter, vous pouvez quand même prendre la photo, mais elle sera sous-exposée. Ça peut se rattraper si ce n’est pas trop grave, mais pas si c’est le noir complet.

Ici, j’étais en priorité vitesse à 1/160ème (en général suffisant quand les sujets ne sont pas trop dynamiques) : l’appareil a choisi f/2.8 (l’ouverture maximale de mon objectif), et 6400 ISO. Parfait !

Voilà, j’espère que cet article très axé sur les débutants vous aidera dans les situations de basse lumière où vous vous demandez comment diable vous allez faire pour prendre cette photo !

Si vous avez souvent des soucis dans les situations de lumière difficile, on a une formation complète sur le sujet ! Vous y apprendrez :

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Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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