En voyage, il va de soi de faire du paysage et de l’architecture. C’est le plus évident, et ce que vous allez montrer à vos amis et mettre dans votre album photo. Seulement voilà, à mon sens un album de voyage serait incomplet sans quelques portraits. Mais ce n’est pas une discipline facile en voyage : voici les 2 ingrédients essentiels qu’il vous faut pour les réussir, que je vous révèle à travers 2 histoires (et en fait, c’est aussi valable chez vous).

J’écris cet article dans l’avion de Delhi à Paris, et à l’heure où vous lirez cet article, je serai de retour au bercail, pour vous préparer un mois d’avril photographiquement savoureux 😉

 

Vos portraits de voyage donneront un peu (beaucoup !) de vie à l’ensemble de vos images, et seront les témoins des rencontres inoubliables que vous ferez (et vous en ferez !). C’est quand même mieux qu’un album entièrement rempli de photos vues 1000 fois d’un paysage ou d’un monument connu.

Mais tout cet article est parti d’une histoire (de deux en fait), et je suis sûr que vous allez aimer 🙂

Une après-midi ensoleillée à McLeod Ganj

McLeod Ganj, petite ville calme perchée dans les montagnes, où réside le Dalaï Lama, et donc bien évidemment une pelletée de moines bouddhistes et de réfugiés tibétains. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle “le Petit Lhassa”.

Tout a en fait commencé le jour précédent, quand me penchant pour observer de plus près un lézard traversant un chemin, une sympathique Chinoise, Stella, me demande si c’est bien un lézard ou si c’est un serpent 😛

 

Je ne vais pas vous raconter toute ma vie, mais pour faire bref on sympathise vachement et on décide de partager la course d’auto-rickshaw (si vous n’êtes pas allé en Inde, vous ne pouvez pas comprendre ce que c’est :P) pour sortir un peu de McLeod Ganj le lendemain.

Un jour et quelques kilomètres de rickshaw plus tard, nous voici au bord d’un lac un peu décevant il faut bien le dire, mais c’est pas grave parce qu’on est en Inde, qu’il fait beau et qu’on se marre bien (j’ai en général envie de baffer les touristes qui râlent, mais passons :P).
Stella parle à peu près à n’importe qui sans problème, et sans aucun autre prétexte que “hello”. Une jolie leçon de sociabilité, enfin surtout d’ouverture aux autres et de chaleur humaine.

 

108 ou 110 ?

Bref, 2 moines sont assis sur un banc, et Stella s’approche et demande si elle peut prendre une photo avec eux. Je me charge de l’image, comme de bien entendu, qui ma foi est une photo posée tout ce qu’il y a plus de classique (ça finira sur Facebook quoi). Mais au moins est-elle bien exposée et cadrée ^^

Stella continue ensuite la conversation. Ayant en tête mon défi 10 jours / 10 portraits, je demande d’un signe de tête à l’un des moines si je peux prendre quelques clichés (il a la tête d’une statuette de Bouddha, véridique !)

 

Sauf qu’au début, je vois bien qu’il n’est pas très à l’aise avec l’appareil, et regarde toujours si je prends des clichés. Je continue de lui sourire, ne mitraille pas trop mais garde l’appareil à la main pour qu’il pense que je me calme sur les photos. Pendant ce temps, Stella demande combien de perles il y a dans son chapelet, et il répond qu’il y en a 108. En bonne ” grande personne” ayant gardé une âme d’enfant, elle demande à vérifier 😀

 

S’ensuivent des petits moments très humains, très drôles, et évidemment notre Bouddha local se détend un peu, et finit par m’oublier quelques fractions de seconde. Il ne m’en fallait pas plus pour saisir le portrait que je voulais. Je ne savais pas quelle expression je voulais, je savais juste que je la voulais sincère. Et ça donne ça :

photo toge rouge moine bouddhiste tibétain inde

 

Quand mon portrait au 50mm a été dans la boîte, je me suis dit que ce serait bien d’immortaliser l’interaction également. Je me saisis donc du boîtier de Stella (le même que le mien, heureusement, parce qu’il est en chinois :P), monté d’un très classique 18-55mm (et oui !).

 

Pendant ce temps, Stella se rend compte qu’il y en a en réalité 110 perles sur le chapelet de notre Bouddha, ce qu’elle essaye de lui expliquer (il ne parle presque pas anglais). Et là, un court instant, un moment décisif, et ça donne ça :

photo toge rouge moine bouddhiste tibétain inde femme

 

Une photo qui réunit pour moi toute la quintessence de ce moment, et qui me permettra de m’en rappeler très précisément dans plusieurs années rien qu’en la regardant. Stella l’a beaucoup aimée d’ailleurs 🙂 C’est ce qu’on appelle une photo souvenir, au vrai sens du terme.

Mais aussi la seule photo où on a pu obtenir un sourire de notre Bouddha. Sur aucune autre il ne décoche le moindre sourire !

Ingrédient n°1 : la chaleur humaine.

Je n’aurai jamais pu prendre ces 2 clichés sans Stella qui a établi une jolie connexion humaine avec nos 2 moines. Si les sujets de vos portraits ne vous font pas confiance, s’ils ne sont pas détendus, et si pour finir ils ne finissent pas par oublier l’appareil photo, vous n’y arriverez pas.

 

Alors rassurez-vous, il suffit parfois d’une fraction de seconde pendant laquelle ils vous oublient pour avoir le portrait que vous avez en tête. Et pour ça, il faut être réactif bien sûr, et déclencher au bon moment. Vous ne devez pas commencer à chercher vos réglages, ils doivent être prêts.

 

Pour cette dernière photo par exemple, ils étaient très simples : 100 ISO parce qu’on est en plein jour et que ça suffira dans tous les cas, priorité ouverture ouverte au maximum parce que c’est du portrait et que je ne veux pas voir l’arrière-plan, et une focale qui me permet de cadrer les 2 protagonistes sans bouger de ma place (parce que je ne veux pas rater le moment, ni qu’il se rappelle de moi).

 

Alors comment faire pour que vos sujets vous fassent confiance, se détendent et vous oublient ? Plusieurs choses :

  • Demandez avant de prendre des photos. Oui, ça va vous demander de détendre l’atmosphère après, mais c’est vraiment très impoli de faire autrement. Ça m’est arrivé il y a quelques jours que des Indiens prennent ma photo comme ça, sans me demander (dans certains endroits les blancs sont encore une curiosité), et j’ai trouvé ça franchement extrêmement malpoli et désagréable.
    Rassurez-vous, pas besoin de longs discours : un regard, un sourire, et montrer l’appareil photo suffisent. Il n’y a pas besoin de parler la même langue pour ça, le sourire est universel 😉
  • Continuez à shooter encore et encore, en variant les angles. Les gens ont tous du mal à poser très longtemps pour l’appareil, et finalement finiront toujours par redevenir naturels. N’hésitez pas aussi à ruser un peu et à baisser l’appareil afin de faire croire que c’est fini et que la personne se détende.
  • Etablissez un contact, communiquez comme vous pouvez (franchement si vous n’avez pas appris bonjour et comment ça va dans la langue du pays, c’est une honte), et reprenez des clichés de temps en temps.

 

La plupart du temps, ça suffit, croyez-moi. Surtout si vous rajoutez le 2ème ingrédient, dont une autre photo prise à peine 10 minutes plus tard montre toute l’importance.

Stella top-model

Après que les moines soient partis je-ne-sais-où, on s’assoit tranquillement sur l’herbe pour profiter du doux soleil des montagnes. En ce qui me concerne, je suis photographiquement chaud (comme un sportif après l’échauffement quoi 😉 ), et je garde mon reflex monté du 50mm avec moi. Je sens que ça pourrait servir, et ça ne coûte rien.

 

Après quelques minutes, je me dis que je n’ai pas encore pris de portrait de mon amie, et que c’est honteux. Pas seulement parce que c’est une jolie femme (c’est un détail), mais surtout parce qu’elle a un regard intéressant, tout le contraire d’un veau qui regarderait passer un train 😛

 

Bref, j’ai en tête de capter un moment naturel. Stella se met à faire un peu de yoga (et donc à se détendre les yeux fermés par moments), et je capte une ou deux fois un regard particulier quand elle rouvre les yeux. J’ai ma photo en tête, je sais ce que je veux (étape n°1 indispensable pour toute bonne photo).

 

Maintenant, il ne me reste plus qu’à attendre que ce moment se reproduise et à le saisir. Easy. Je règle rapidement (rien de mystérieux : Mode priorité à l’ouverture, f/2, 100 ISO, et noir et blanc parce que je le sens comme ça), et pendant qu’elle a les yeux fermés, je prépare mon cadre, ma mise au point, et j’attends.

J’attends environ 2 minutes sans bouger d’un poil (une sorte de yoga photographique quoi :P) que le moment se produise. Je sais qu’il va se produire. Et ça ne manque pas : Stella rouvre les yeux, regarde vers moi, et “clic-clac, merci Kodak !” comme dirait l’autre.

 

Voilà ce que ça donne :

photo femme noir et blanc portrait
Ça manque de post-traitement, je sais, mais là je suis en France depuis moins de 24h 😉

 

 

J’ai profité d’un joli éclairage très particulier qui rend très studio : la lumière était assez forte mais le ciel légèrement poussiéreux (donc lumière un peu diffuse), et l’arrière-plan était assez sombre. Ce qui fait que l’image finale ressemble un peu à une photo de studio sur fond noir, et on l’a donc baptisée “Stella top-model” 😛

 

Leçon n°2 : la patience

Vous auriez d’ailleurs pu la deviner de la 1ère histoire, puisqu’il m’a aussi fallu de la patience. Mais j’ai choisi de vous raconter celle-ci aussi, car ici c’est la patience qui a TOUT fait. Si je n’avais pas attendu 2 minutes, je n’aurais pas eu cette image.

 

Que ce soit en attendant un moment décisif pendant quelques minutes l’œil dans le viseur (ce que j’avais fait pour cette photo de rue par exemple), ou en étant prêt à chaque instant à lever l’appareil et déclencher, il vous faut de la patience, associée à de la réactivité bien sûr (il ne servirait à rien d’attendre si vous manquez le moment).

 

 

En 15 minutes la même après-midi, 2 leçons photographiques se sont imposées à moi (même si je les connaissais déjà, une piqure de rappel n’est jamais de trop). Et j’ai de suite pensé à un article, parce que c’est évidemment une excellente chose à retenir et à appliquer pour vous 😉

 

Je l’ai bien senti en voyage, mais c’est aussi valable dans tous les contextes où vous souhaitez prendre des portraits spontanés en réalité. J’espère que ces 2 histoires vous aideront, et surtout postez un commentaire pour nous raconter les vôtres ! (ou pour poser une question)

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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