Quand je parle d’art en photographie, on me dit parfois “élitiste”. Petit retour sur la définition de l’élitisme. 🙂
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Nan.
Bonjour à tous, ici Laurent Breillat pour Apprendre la Photo. Aujourd’hui, je voudrais revenir sur une critique que je vois revenir une ou deux fois à chaque fois que je parle un petit peu d’art en photographie et que j’essaie de tirer un peu les gens vers le haut : je serais “élitiste”.
Alors, se rajoutent à ça tout un tas de critiques assez brouillonnes autour des “sachants”, des “élites” du “monde de l’art” qui “méprisent le grand public qui n’a pas de goût”.
Et à chaque fois que je lis ça, je roule tellement des yeux que je vois mon cerveau.
Parce qu’il n’y a juste rien de plus faux !
Alors, j’ai déjà parlé dans une vidéo précédente de pourquoi tous les goûts ne se valent pas, donc je ne vais pas revenir sur cette partie-là du problème, par contre, il faut vraiment qu’on parle de cette notion d’élitisme.
J’ai trouvé deux définitions qui sont nettement différentes, et selon celle que vous choisissez, eh bien, vous n’arriverez pas à la même conclusion.
La première, c’est celle du Larousse, qui définit l’élitisme comme une “attitude ou une politique visant à former et à sélectionner les meilleurs éléments d’un groupe sur le plan des aptitudes intellectuelles ou physiques, aux dépens de la masse”.
Ça se rapproche de celle de Wikipédia : “L’élitisme est une idéologie qui soutient l’accession au pouvoir de personnes jugées comme les meilleures, comme supérieures.”
Donc on parle bien, ici, de politique, de système de gouvernement, de gestion de la société.
Sauf qu’en photo, il n’y a pas de gouvernement., il n’y a pas de président mondial de la photo.
Et s’il y en avait un, ce devrait être Joël Meyerowitz. 😉
Par contre, dès qu’on sort de la politique, désolé de vous le dire, mais nous sommes tous élitistes !
Si vous avez deux boulangeries à côté de chez vous qui pratiquent à peu près les mêmes prix, vous allez aller dans celle qui fait le meilleur pain.
Littéralement personne ne ferait volontairement le choix d’aller dans celle qui fait du moins bon pain.
C’est stupide.
Et en art, c’est évidemment la même chose. C’est pour ça que les musées exposent des Monet et des Van Gogh. Parce qu’ils sont parmi les artistes les plus influents de leur génération.
Et quand vous payez pour aller au musée, vous vous attendez à voir de grands artistes.
Alors, même si on est d’accord que concernant l’art contemporain, on peut parfois se demander si ce sont effectivement de grands artistes.
Hum-hum, Basquiat, hum-hum.
Ça reste quand même largement minoritaire par rapport à ce qui est accroché aux murs des musées.
Donc, si on appliquait cette définition en dehors de la politique, tout le monde serait élitiste. Et du coup, moi aussi, parce que je préfère le bon pain et les Van Gogh.
Et si ça s’applique à tout le monde, eh bien, ça ne s’applique à personne.
Le mot se vide de son sens.
C’est sans doute pour cela qu’il a une deuxième définition, celle du CNRTL – le centre National des Ressources textuelles et lexicales – qui est un petit peu le Graal en termes de source linguistique, parce qu’il a juste été créé par le CNRS.
Ça, par exemple, c’est élitiste.
Donc, cette définition, c’est que l’élitisme, c’est “la tendance à favoriser la formation d’une élite ou à conforter le pouvoir des élites en place”.
Là, déjà, il y a une grosse nuance : la notion de “conforter une élite en place”. Donc il y a une notion d’immobilisme, de cercle fermé, de pouvoir en place qui ne bouge pas.
Et je pense que quand je reçois des commentaires qui m’accusent d’élitisme, c’est à cette définition que pensent les gens.
Parce qu’on a vu pourquoi la première ne s’appliquait pas.
Dans ce cas, eh bien, je pense que c’est assez évident que c’est tout l’inverse ! Ce doit être littéralement le truc le plus faux qu’on puisse dire à propos de moi, juste après “t’es gros”.
*C’est pas faux.*
Premièrement, parce que je ne suis pas issu d’une quelconque élite, encore moins artistique. Je ne suis pas né dans une famille où la culture était totalement absente non plus, mais je veux dire, on n’allait pas au musée toutes les semaines, mes parents ne sont pas des artistes, voilà.
Bon, j’ai fait de la musique depuis tout gamin, ce qui a contribué à me cultiver sur le sujet, mais c’était à l’école de musique municipale, rien de bien snob là-dedans.
Donc, tout ce que j’ai appris sur la photo, je l’ai appris en lisant des choses auxquelles vous avez aussi accès.
Vous pouvez lire des livres, en les empruntant à la bibliothèque ; vous pouvez aller dans les expos ; et si c’est moins accessible là où vous vivez – j’ai conscience que c’est un gros problème pour plein de gens –, il y a quand même pas mal de ressources sur internet (et on en reparle dans un instant).
En tout cas, l’accès à la culture n’a jamais été aussi facile et peu cher qu’aujourd’hui, littéralement dans toute l’histoire de l’humanité.
Ce qui m’amène à la deuxième raison : je passe quand même littéralement ma vie à vulgariser la photo.
Depuis 2010, j’écris des articles, je fais des vidéos pour aider les gens à progresser. Et depuis quelques années maintenant, j’ai pris un virage pour vous aider à gagner en culture photographique depuis votre canapé, notamment avec mes vidéos de reportage dans les musées, et ma série “Incroyables photographes” – dont de nouveaux épisodes arrivent très bientôt, un peu de patience.
Donc, m’accuser d’élitisme alors que je passe ma vie justement à amener M. et Mme Tout-le-Monde vers davantage de culture, c’est quand même un petit peu fort de café.
C’est la version diplomatique de “complètement c…”
C’est exactement l’inverse que je fais : amener des personnes, vous, qui ne faites, a priori, pas partie d’une élite, à mieux comprendre.
C’est en fait le parfait opposé de l’élitisme.
Et comme je l’ai dit dans une vidéo il y a peu, je fais ça parce que je crois en vous. Je pense qu’il y a plein de gens avec des capacités artistiques qu’ils n’exploitent pas, parce qu’ils ne les ont pas découvertes, ou parce qu’ils ont la croyance que c’est réservé à une élite, justement.
Ça ne pourrait pas être plus faux. Vous connaissez sans doute l’histoire de Vivian Maier qui a réalisé une œuvre photographique magistrale, découverte après sa mort, et qui a été nounou toute sa vie.
Elle n’est pas née avec une cuiller en argent dans la bouche, elle n’a pas fait d’école d’art, mais elle avait une sensibilité bien à elle. Et tout ça, c’était avant internet.
Voilà, j’avais envie que ça sorte, parce que je sais que me traiter d’élitiste, moi, ça ne m’embête pas tant que ça, parce que je sais que ce n’est pas vrai, mais ça masque des croyances qui ne vous servent pas.
Après si vous n’avez pas envie d’aller plus loin, vous avez tout à fait le droit, comme je l’ai déjà dit cinquante fois précédemment, mais en tout cas, ne vous limitez pas en pensant que vous ne pouvez pas. Ce serait dommage.
Si vous avez aimé cette vidéo, eh bien, mettez un pouce vers le haut et puis partagez-la avec vos amis, ou sur des forums, ou sur Facebook quand quelqu’un sort le mot “élitiste”, ça devrait animer les débats.
Si vous débarquez sur la chaîne, pensez à vous abonner pour ne pas rater les prochaines vidéos non élitistes, et à télécharger votre guide gratuit “Faites-vous plaisir en photographiant”, qui est quelque part autour de moi et en dessous en description.
Je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là, à bientôt, et bonnes photos !
Ceux qui t’accuse d’élitisme sont ceux qui envient ton talent. Quand à moi j’ai toujours senti que tu voulais rendre concret tous les aspects de l’art de la photographie en nous informant par la de technique et par la culture. Tu vulgarises particulièrement bien et cela me donne confiance en moi. Je ne fais pas cela de façon professionnel mais je m’intéresse à ce que les autres font et à leur façon de travailler. Tu élargis nos horizons et j’apprécie. Merci