Quand on parle de photo artistique, de photo narrative, est-ce que cela implique que la photo se doit de raconter une histoire ? Je vais répondre à cette question.



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Bonjour à tous, ici Laurent Breillat pour Apprendre la Photo.

Dans cette vidéo, je vais répondre une interrogation, voire une plainte, que je vois souvent passer quand je parle un peu de photos artistiques, de photos qui racontent quelque chose – par exemple dans ma vidéo sur la photo descriptive vs la photo narrative.

Et j’avoue qu’il y a un défaut à appeler ça photo narrative, c’est que ça donne l’impression qu’une photo elle doit raconter une histoire, comme si une photo c’était Harry Potter à l’école des sorciers.

Alors, évidemment, c’est une possibilité. Vous prenez l’œuvre de Gregory Crewdson, par exemple, ses mises en scène évoquent clairement des histoires, en s’alliant à l’imaginaire des aliens qui enlèvent des gens, ou avec des choix un peu surréalistes.

Dans tous les cas, elles stimulent l’imagination. On se demande ce qu’il s’est passé juste avant et ce qui se passera juste après.

Et en ça, elles peuvent se rapprocher de ce qu’on appelle couramment “une histoire”.

C’est une possibilité intéressante à explorer, mais ce n’est pas la seule. Et c’est peut-être ce que vous pressentez, si vous vous dites “oui, mais une photo, ça peut être aussi une bonne photo sans raconter d’histoire, non ?”

Eh bien, vous avez raison. Une bonne photo expressive – pour essayer de remplacer le terme “narrative” –, elle ne raconte pas forcément une histoire.
Par contre, elle “dit” quelque chose.

Et c’est là que la comparaison avec les œuvres littéraires est super utile. En littérature, il peut y avoir des haïkus, des poèmes, des nouvelles, des romans, de la non-fiction, du journalisme, etc., etc.

Ce sont des types d’œuvres extrêmement différents, chacun avec son petit style propre au genre, mais aussi des choix artistiques faits par la personne qui est derrière le texte.

Et je vais prendre quelques exemples pour mieux comprendre la comparaison.

Commençons par exemple avec les Seascapes de Hiroshi Sugimoto. Il s’agit d’une série de photographies de l’horizon marin en noir et blanc, toujours avec l’horizon qui est pile au centre, et prises dans différentes conditions, dans différents endroits de la Terre, ce qui fait qu’aucune ne se ressemble.

Autrement dit, c’est à peu près l’inverse de ce qu’on vous conseille sur les forums. 😉

Et on peut considérer ces images comme une série de haïkus, et ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si c’est l’œuvre d’un photographe japonais.
Chaque photographie est très minimaliste, mais elle exprime un sentiment légèrement différent que peut évoquer la mer – qui peut être très changeante, qui peut être agitée ou calme, nuageuse ou non.

La poésie se perdant souvent un peu à la traduction, j’ai été un peu hésitant à vous citer un haïku pour comparer, mais comme je ne comprends pas plus le japonais que vous, j’ai choisi celui-ci :
“La mer au printemps,
Tout au long de la journée,
Sa danse ondulante.”

J’espère que vous voyez le rapport avec l’œuvre photographique.

Ensuite, je voudrais vous parler de Mona Kuhn – j’espère que je prononce bien son nom. C’est une photographe brésilienne que j’ai découverte très récemment et dont j’ai immédiatement acheté trois bouquins.

Je vous laisse découvrir ces images pendant que je parle.

Pour moi, elles évoquent des poèmes. Elles ne racontent pas vraiment une histoire, parce qu’on ne se sent pas au milieu d’une action, d’un événement, d’un truc qui est en train de se passer, mais elles ont un côté contemplatif, sensible, qui est notamment créé par la proximité avec ses sujets, puisque Mona Kuhn a la particularité de développer des relations étroites avec ses sujets, ce qui crée une intimité rare.

Pour le journalisme, on peut par exemple penser au travail de Paolo Pellegrin.


Ou à la frontière avec le narratif, le travail de Sebastiao Salgado au Koweit, avec son livre Un désert en feu.

Bref, je voulais vous montrer tous ces exemples pour vous montrer qu’une photo qui dit quelque chose, elle ne raconte pas forcément une histoire.
Mais si elle est descriptive, c’est un petit peu comme dire “ceci est une pomme”. Vous avouerez qu’on a vu meilleur poème dans l’histoire de l’humanité.
Et puis aussi, ce n’est pas VOUS. N’importe qui peut dire “ceci est une pomme”, mais peu peuvent écrire sur ce qu’évoquent les cheveux de l’être aimé, comme Baudelaire l’a fait dans “Un hémisphère dans une chevelure”.

Voilà, j’espère que cette vidéo vous aura aidé à mieux comprendre ce que je veux dire par là. Si vous avez appris un truc aujourd’hui, cliquez sur le pouce bleu et partagez la vidéo, ça m’aide énormément.

Si jamais vous débarquez sur la chaîne, pensez à vous abonner pour ne pas rater les prochaines, et puis à télécharger gratuitement le guide “Faites-vous plaisir en photographiant”, que je mets quelque part autour, et en description. C’est le meilleur document pour débuter.

Voilà, je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos!

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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