Une des meilleures manières de s’améliorer en photo ? S’inspirer des grands maîtres de la photographie. Suivez-moi dans un reportage exceptionnel lors d’une expo consacrée à Robert Capa, et apprenez quelques secrets d’un grand maître de la photo !

 

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“Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près.”

Vous connaissez sans doute cette citation de Robert Capa, célèbre photographe reporter et l’un des fondateurs de la fameuse agence Magnum, souvent décrit comme le « plus grand photographe de guerre de tous les temps ». Mais ses sujets n’ont pas été uniquement sur le théâtre des affrontements qui ont secoué le vingtième siècle, comme nous le verrons aujourd’hui.

Bienvenue dans cette nouvelle vidéo sur Apprendre la Photo. Aujourd’hui, je suis au Tri Postal à Lille, lieu construit dans les années 50 et anciennement destiné au tri du courrier, et devenu galerie d’exposition à l’occasion de Lille 2004 capitale européenne de la Culture.
Et si je suis ici aujourd’hui, c’est pour le festival des Transphotographiques. Créé en 2001 à Lille, il nous régale depuis de nombreuses expositions. Et cette année, le festival consacre notamment une exposition à Robert Capa, avec la particularité de ne présenter que des photos couleur de l’artiste, d’où son nom : Capa in color.

En visitant cette expo ensemble, je vais en profiter pour démystifier un peu le génie, et vous expliquer comment vous pouvez vous inspirer des photos de Robert Capa pour améliorer vos photos.

Pour mieux comprendre, revenons rapidement sur la vie de Robert Capa. Né en Hongrie en 1913 sous le nom d’Endre Friedmann, il la quitte rapidement pour l’Allemagne, où il fait ses premières armes de photoreporter dans les années 30. Chassé par la montée du nazisme, il se réfugie en Autriche puis en France, où il rencontre plusieurs photographes qui deviendront ses amis, notamment Henri-Cartier Bresson.

Sous l’influence de sa compagne Gerda, il publie ses photos sous le pseudonyme de Robert Capa à partir de 1936, dans le but de forger la légende d’un photographe américain fictif.
Cela n’enlève évidemment rien à son talent de photoreporter, qui s’illustre particulièrement lors de la guerre d’Espagne, où il photographie les affrontements, avec Gerda, réalisant notamment une image qui restera l’une des plus importantes de l’histoire de la photographie : celle du milicien espagnol frappé par une balle.
Elle fit le tour du monde et contribua à forger sa légende.

Avance rapide en juin 1944, où Capa fait partie des rares photographes accrédités par l’armée pour couvrir le débarquement des troupes en Normandie, et le premier à débarquer sur les lieux. La légende raconte que suite à une erreur de manipulation au laboratoire, la plupart de ses photographies de ce pan majeur de l’Histoire furent détruites, pour n’en laisser que 11, souvent appelées « The Magnificent Eleven » (les Onze Magnifiques). On pense aujourd’hui qu’il n’en aurait pris que onze en raison de la violence des combats, mais il n’en reste pas moins que ces images resteront dans l’Histoire.

Après la guerre, il crée la fameuse agence Magnum en 1947 afin de protéger les photographes et rétablir un équilibre avec les éditeurs. Il réalisera de nombreux reportages de par le monde, pas toujours lors de conflits armés, et finira par mourir lors de la guerre d’Indochine le 25 mai 1954, en reportage pour le magazine Life. Il saute sur une mine, un appareil photo dans chaque main, comme il aura vécu.

Ce qui frappe dans l’œuvre de Capa, c’est la composition, et l’équilibre des éléments de l’image. Il y a cette précision et cet instinct qu’on retrouve rarement.

Aujourd’hui, je vais donc me concentrer avec vous sur 5 principes de composition que VOUS pouvez appliquer pour améliorer vos images, en vous inspirant d’un maître de la photographie comme Robert Capa.

1. Des images droites

Je regarde souvent des photos de débutants, notamment parmi mes élèves, et il y a une constante : l’erreur de composition qui revient le plus souvent c’est que vos lignes horizontales et verticales ne sont pas parallèles au bord du cadre. C’est de très, très loin l’erreur la plus commune que je retrouve, et aussi la plus facile à corriger.

Évidemment chez Capa, il n’y a quasiment pas une seule image pas droite. Gardez en tête que ce sont quand même des photos de reportage, prises sur le vif, en argentique, sans possibilité de redresser un horizon en une seconde comme c’est aujourd’hui possible dans n’importe logiciel de post-traitement. Donc vous n’avez pas d’excuse pour ne pas le faire ?

Pour vous en assurer, c’est simple : juste avant de prendre la photo, assurez-vous que votre horizon soit droit, et que les lignes supposées être verticales dans l’image le soient également (un pilier ou un immeuble par exemple). Si ce n’est pas le cas, corrigez votre positionnement. Notez que si vous êtes proche d’un bâtiment, c’est normal que ce ne soit pas le cas en raison de la perspective. Faites au mieux.
Si vous détectez des lignes pas droites au post-traitement, prenez quelques secondes pour redresser l’image avec l’outil de Recadrage de votre logiciel, voire l’outil Upright si vous utilisez Lightroom.

2. Jouer avec les règles de composition

Si vous vous intéressez un peu à la photo, ou même à l’image d’une manière générale, vous devez avoir entendu parler de certaines règles de composition, comme la règle des tiers par exemple. Ces règles sont utiles au début de votre pratique photo, non seulement parce qu’elles ont une certaine efficacité, mais aussi pour vous forcer à réfléchir à votre composition.

Mais il ne faut pas hésiter à vous en affranchir, et il y a de nombreux exemples de ça chez Robert Capa. Vous constaterez notamment qu’il centre souvent son sujet, le plus souvent au format carré. C’est une première solution : se jouer complètement de la règle, et faire l’inverse. C’est le plus simple, et ça fonctionne très bien : vous n’avez aucun risque de vous planter en prenant une règle à contre-pied, à partir du moment où vous le faites vraiment : centrez le sujet complètement, ne le mettez pas légèrement décalé.

Sur plusieurs autres photos, Capa utilise une technique un peu plus subtile, mais encore plus efficace : ce qu’on pourrait appeler le « rectangle dans le carré ». Il photographie au format carré, et divise son image en deux horizontalement, avec le ciel sur la moitié supérieure de l’image, et le reste sur la partie inférieure, ce qui donne deux rectangles. Et au sein de ce rectangle du bas, il peut comme ici utiliser la règle des tiers, en plaçant son sujet sur la ligne de tiers de ce rectangle, et non pas sur la ligne de tiers de l’image en entier.

Dernière chose à remarquer sur la photo qui a été choisie pour l’affiche du festival, Capa a ici fait la mise au point non pas sur la personne, mais sur le reflet des montagnes dans ses lunettes. Cette mise au point décalée par rapport à nos attentes contribue à rendre la photo plus intéressante, et au message transmis par l’image. Il ne fait pas la photo d’une skieuse, mais une image À PROPOS des sports d’hiver.

3. Utiliser un contraste de sujet

D’une manière générale, les différents types de contrastes peuvent vous aider à rendre une photo plus intéressante. À commencer par le contraste de tonalités bien sûr, c’est-à-dire entre les tons clairs et sombres, mais aussi les contrastes de teinte, de saturation, et même de netteté (grâce à une faible profondeur de champ).
Mais avez-vous pensé au contraste de sujet ?

Sur ces photos documentant les sports d’hiver au début des années 50, Capa se concentre sur l’incongru dans ce qu’il rencontre, entre bars de glace en extérieur et skieurs déguisés en Charlie Chaplin ou… en contrebasse.

Sur ces images, c’est un vrai contraste de sujet que l’on voit : des modèles portant des robes Dior en plein Paris contrastent avec les habitants habillés plus simplement et s’adonnant à leurs activités quotidiennes. Là encore, Capa réalise non pas une photo de Parisiens, mais une photo À PROPOS de ce décalage.

4. Le portrait environnemental

Vous l’avez sans doute vu sur les images que je vous ai montrées aujourd’hui : Capa se concentrait beaucoup sur l’humain, et une bonne partie de cette exposition est constituée de portraits. Une des caractéristiques de ses portraits est qu’ils n’étaient pas souvent cadrés serré : le photographe choisit de montrer l’environnement autour de la personne, car son sujet n’est pas la personne elle-même, mais le reportage qu’il réalise, qu’il soit sur la guerre, une ville, ou une tendance sociale.

Il me semblait intéressant de m’arrêter là-dessus, car de nos jours les portraits sont le plus souvent faits pour mettre en valeur une personne, mais on oublie souvent qu’elle n’est pas définie que par son visage. Voyons donc ensemble quelques principes pour vous aider à faire une image À PROPOS de quelqu’un, et non pas DE quelqu’un.
Capa emploie 2 stratégies différentes pour donner du contexte à son sujet. La première – qu’on voit très bien sur ces images prises lors de tournages de films, où le contexte est primordial – est d’utiliser une focale moyenne, de type 35 ou 50 mm, et de donner peu de place à la personne dans l’image, de façon à mettre en valeur un arrière-plan très parlant sur le contexte, qui est net grâce à l’utilisation d’une grande profondeur de champ.

La seconde est de faire l’inverse : utiliser une focale plus longue, plus traditionnelle pour du portrait, comme un 85mm ou davantage, et de choisir un arrière-plan flou. Le contexte est donné par un objet tenu par le sujet, qui permet de savoir qui il est, ce qu’il fait, bref le véritable sujet de la photo.

Vous l’aurez compris, l’important dans le portrait environnemental n’est pas tant la technique utilisée que de montrer le contexte et d’être clair sur le sujet de votre photo, et ce que vous voulez faire passer.

5. Trois analyses de photo

Pour finir, j’ai été tellement époustouflé par la composition de certaines images dans cette exposition, que je n’ai pas résisté à la tentation d’analyser avec vous trois d’entre elles.

Commençons par cette image : le plus frappant, ce sont les lignes directrices omniprésentes dans la photo. Vous voyez qu’il y a beaucoup de diagonales, qui dirigent le regard (contrairement aux verticales et horizontales qui le stabilisent). Elles sont notamment formées par l’échelle, mais aussi par le pont, le bord de la rivière, et même la grosse pierre en bas.

Toutes ces diagonales forment plusieurs triangles dans l’image : le pont lui-même est un triangle, le ciel en dessous forme un triangle, et même l’échelle forme un triangle avec le bord du cadre. Cette forme est omniprésente dans l’image, et contribue à lui ajouter du dynamisme et à délimiter des zones. On voit par exemple que le char est davantage mis en avant, car il est placé dans le triangle de ciel, ce qui permet de renforcer le contexte.

Le placement des éléments entre eux permet également d’avoir tous les éléments importants de l’image (notamment les soldats et le char) qui soient toujours contrastés par rapport au fond, et donc bien visibles.

Dernière chose, et pas des moindres : le moment choisi est absolument parfait. La posture de chacun des hommes est idéale : leur attitude est bien reconnaissable, leur action évidente, et on comprend l’histoire que raconte cette scène instantanément. Faites bien attention au moment dans vos photos, la posture de quelqu’un peut véritablement tout changer !

Attardons-nous maintenant sur cette image prise dans le même contexte. Remarquez que l’horizon est évidemment bien droit, et que Capa a choisi un format 3/2 horizontal, qui permet de bien mettre en valeur l’action qui se passe plutôt dans le sens de la largeur.

Ce qu’on remarque en premier, c’est que la lecture de l’image est très claire, de gauche à droite : les deux habitants à gauche se détachent bien, et ont « de la place » devant eux pour marcher. Remarquez également qu’ils sont un peu plus grands dans l’image en raison de la focale moyenne employée (probablement un équivalent 50mm). Ils sont plus proches du photographe, donc un peu plus grands et ils prennent plus d’importance dans la composition.

Les canards sont placés au même niveau que les motos des soldats, et leur font bizarrement écho. Enfin, les soldats sont eux aussi très lisibles sur le fond uni du ciel, et ont une pose intéressante. Notez que pour obtenir ce point de vue, Capa a sans doute dû se baisser : il ne s’est pas contenté de son point de vue « par défaut ».

Dernier point à souligner : le placement des soldats équilibre bien la balance de l’image. Ils sont plus nombreux, donc devraient « peser » plus, mais ils sont plus près du centre de gravité de l’image, ce qui permet d’équilibrer la composition. L’image aurait moins bien fonctionné s’il y avait eu un vide au centre.

Enfin, je voudrais terminer par une photo prise dans un contexte plus bucolique : les sports d’hiver. Cette image rassemble plusieurs des principes que j’ai évoqués aujourd’hui :

• Elle est au format carré, mais quasiment coupée en deux par la ligne qu’on distingue avec les roches de la montagne
• Au sein du rectangle du bas, le sujet est approximativement sur une ligne des tiers.
• Il y a un vrai contraste entre la femme plutôt découverte qui se fait bronzer, et le temps qu’on devine froid.
• Le portrait montre clairement l’environnement tout autant que la personne.

Notez qu’ici aussi, il y a plusieurs triangles dans l’image. Celui formé par la femme elle-même, même s’il n’est pas fermé. Celui formé par la montagne. Et plus subtil, celui formé par la prolongation de la ligne du bras jusqu’en haut de la montagne.

Ça ne veut pas dire qu’il faut forcément chercher à faire un triangle sur toutes vos images évidemment, mais simplement que si Capa s’était placé plus à gauche ou plus à droite, la composition aurait grandement perdu. Pensez donc à bien essayer plusieurs positionnements pour trouver ce qui fonctionne le mieux !

Voilà, c’est la fin de ce reportage, qui sera le premier d’une série de 3 dans les salles du Tri Postal pour cette édition 2016 des Transphotographiques. Je tiens à remercier toute l’équipe du festival pour m’avoir énormément facilité le travail et ouvert les salles avant tout le monde pour me permettre de tourner.

Je me suis beaucoup investi dans ces vidéos, car je crois sincèrement que si vous souhaitez aller plus loin que la technique, il faut vous intéresser à l’art, en particulier à la photographie évidemment. Ne croyez pas que ce ne soit pas utile pour vous, car ça vous servira toujours, même si vous êtes débutant.

J’espère donc sincèrement qu’elle vous a plu, et si c’est le cas le meilleur moyen de me le signaler est la partager à vos amis (surtout que ça peut intéresser même les non-photographes !). Pensez aussi au petit pouce bleu et n’hésitez pas à me laisser vos commentaires juste en dessous de la vidéo.

Si ce n’est pas déjà fait, abonnez-vous à la chaîne pour ne pas rater les deux épisodes suivants, et d’autres reportages dans le futur avec d’autres lieux de culture ?

D’ici là à bientôt, et bonnes photos !

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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