Aujourd’hui, je vais vous parler de la série que j’ai faite à Varanasi, en Inde, le mois dernier.
Et de comment j’ai GALÉRÉ. 😉


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Aujourd’hui, je vais vous parler de la série que j’ai faite à Varanasi, en Inde, le mois dernier.
Et de comment j’ai GALÉRÉ.

Je ne vous refais pas le topo complet sur le processus pour faire une série en une semaine, puisque j’en ai déjà parlé en détail dans ma vidéo sur Venise et que je l’ai rappelé dans celle sur Rome. Je vous conseille de les regarder avant si ce n’est pas déjà fait, ce sera évidemment plus pertinent de regarder celle-ci ensuite.

En gros, on passe 2 jours à photographier tout ce qu’on voit, et on cherche à dégager une tendance pour s’imposer des contraintes visuelles créatives qui vont nous permettre de réaliser une série cohérente de 12 photos sur le court espace d’une semaine.

Je peux vous le dire tout de suite : ça a été beaucoup plus difficile pour moi cette fois-ci qu’à Venise et à Rome, pour plein de raisons.

J’ai passé 2 mois et demi en Inde en 2012, en mode backpacker avec trajets en bus avec siège en bois de 12h compris, donc ça va, je connais un peu le pays. Mais, malgré tout, l’Inde reste un pays difficile, et être plongé en plein milieu très soudainement est un vrai défi, surtout quand on a les sens un peu sensibles.

J’aime beaucoup l’Inde, hein, c’est un pays incroyable par bien des aspects, avec des cultures et une histoire passionnantes, mais il faisait très chaud, c’est bruyant, c’est assez sale il faut bien le dire, et à Varanasi comme dans beaucoup d’endroits touristiques on vous propose sans arrêt des services dans le but de vous soutirer quelques roupies.

Boat, you want a boat ?
Massage ?
Boat ?
Hashich ?
Boat ? Best time of the day now !
Ten roupies ?
Boat ?

Bref.

Trêve de plaisanterie, je comprends bien évidemment que l’économie locale tourne avec le tourisme et c’est franchement assez compréhensible que chacun cherche à vivre, mais personnellement, l’accumulation de tout ça peut faire beaucoup.

Mais la photo en voyage n’est pas toujours facile, et il faut faire avec, ça fait aussi partie de l’aventure ! Si c’était toujours facile, ce ne serait pas drôle. 😃

Ah oui, et en plus j’ai eu un rhume. Par 38 degrés.

Bref.
J’arrête de me plaindre.

Les premiers jours et ce qu’ils m’ont inspiré

Donc, les premiers jours pendant lesquels on doit voir ce que notre œil voit, eh bien, ce que je vois surtout, c’est :
les couleurs beige, ocre, terre. Parce que Varanasi, c’est une ville qui est assez dans ces tons-là, même s’il y a des touches de couleurs vives, au final, c’est une ville qui est majoritairement dans ces tons-là.

J’ai aussi envie de photographier en couleur, mais de manière assez peu saturée, et ce que je vois surtout, c’est la lumière douce du matin tôt. Aussi j’ai plutôt tendance à voir des couleurs chaudes, c’est-à-dire que même sur mon appareil, ça me gêne de voir autre chose, donc, en fait, je fais carrément un réglage de balance des blancs pour qu’elle soit un peu plus chaude que la normale, et un style de couleurs pour avoir des couleurs assez peu saturées, quelque chose qui corresponde à ma vision des couleurs.

Dès le départ, par contre, j’ai, on va dire, une vision des couleurs que je veux qui est très très forte, tout de suite.

Je vois une petite tendance, à un moment, qui est une tendance nature morte, presque.

C’est rigolo, parce que ce n’est pas du tout un truc que je photographierais d’habitude.

J’ai plutôt tendance à photographier des gens, des sujets mouvants, mais là, il y a des objets à Varanasi qui sont peut-être là depuis longtemps (ou pas), mais qui ont l’air vieux et qui pourraient très bien ne jamais bouger ou alors bouger dès le lendemain.

C’est des objets qui sont là et j’ai quelques natures mortes qui m’intriguent. Voilà, c’est un petit truc qui attrape mon œil les premiers jours.

Puis un matin, je vois ce chien allongé dans la cendre, avec ce mur derrière lui qui est assez extraordinaire, car il a comme imprimé les traces des flammes qu’il y avait avant.


Je trouve ça extraordinaire visuellement, et donc je photographie.
Sur cette photo, pour moi, il y a un peu toutes les couleurs de la ville. Il y a du beige, il y a du gris, il y a un peu de noir, il y a un blanc cassé assez clair ; il y a toutes les couleurs de la ville sur cette photo.

Et juste après, littéralement cinq minutes plus tard, je marche un petit peu et je remarque ce jeune garçon qui joue avec des chiots.

Évidemment, je prends la photo, parce que c’est quand même intéressant visuellement.

Ça fait deux photos en l’espace de 5 minutes avec des chiens. Peut-être que la muse m’envoie un message ? Je ne sais pas, en tout cas c’est assez évident.

« Laurent, photographie les chiens. »

Et en y réfléchissant, je suis assez séduit par l’idée, car pour moi, les chiens représentent bien Varanasi, tant ils sont omniprésents.

De plus, visuellement ils sont aux couleurs de Varanasi : ils sont beiges comme ses murs, ils sont parfois gris comme la cendre des défunts qui y sont brûlés sur les bords du fleuve sacré, parfois noirs comme le bois qui les consume.

En étant un peu poète, on peut même se demander s’ils sont là depuis tellement longtemps qu’ils ont pris les couleurs de la ville.

Une fois le sujet trouvé

Je décide donc de partir sur une série avec comme contrainte de photographier les chiens de Varanasi, en conservant une palette de couleurs ocres similaires si possible

Je demande à David un premier retour sur mes images et il me dit, en substance, que j’ai besoin de plus de variété, de plus d’engagement émotionnel.

En effet, il est quand même plus difficile d’être engagé émotionnellement avec un chien qu’avec une situation plus humaine, où les gens peuvent interagir, donc il faut renforcer cette implication émotionnelle du spectateur, parce que, sinon, on peut peut-être ne pas rentrer dedans, ne pas trouver la série intéressante et le but est quand même que ça attire l’œil, que ça attire l’attention.

En gros, je ne peux pas faire une série de 12 chiens qui dorment, il va me falloir des choses un peu plus engageantes émotionnellement.

Également, il me conseille de davantage montrer que c’est à Varanasi. Dans l’absolu, montrer l’endroit où on est, pour une série, on s’en fout. Je veux dire que ce n’est pas forcément indispensable.

Par exemple, on m’a demandé, à Rome, on m’a dit : oui, ça aurait pu se passer n’importe où. Et alors ? Ce n’est pas spécialement le sujet, en fait.

Mais là, en l’occurrence, Varanasi, ça fait partie de mon « à propos », ça fait partie de mon sujet, parce que c’est les chiens de Varanasi, il y a un côté relation avec les couleurs de la ville. Tout ça est quand même important.

Donc, montrer un peu plus que c’est à Varanasi, ça fait partie du sujet et donc ça peut être bien d’inclure le fleuve, d’inclure les bateaux, d’inclure des choses qui sont typiquement Varanasi.

Dernière chose, il me conseille d’intégrer des clichés où les chiens vont prendre plus de place dans le cadre de façon à avoir une relation plus directe avec le spectateur.
Le problème sur mes premiers clichés, c’est qu’ils sont un petit peu loin.
Et donc, comme ils sont petits dans le cadre, c’est plus difficile d’avoir une relation émotionnelle avec eux.

Les difficultés commencent

En fait, c’est surtout à partir de ce moment-là, à partir du moment où je commence à bosser sur la série de manière un peu plus consciente que Varanasi commence à être un peu difficile pour moi, surtout le jeudi où le temps est couvert toute la journée et la lumière franchement pas top pour ce que je veux faire.
Bref, la journée est difficile moralement, et, franchement, à ce moment-là, je me demande si je vais réussir à sortir une série de 12 photos.

Vous l’aurez remarqué, pour ceux qui ont vu les vidéos sur Venise et Rome, systématiquement, à chaque fois j’ai une journée où je déprime. Donc, à force, je sais que c’est normal, que ça fait partie du processus, et que ça va passer.

Mais je vous le répète à chaque fois, car je veux que vous le sachiez : si vous vous lancez dans quelque chose d’artistique, vous allez être découragé, vous allez déprimer. Il faut juste continuer. Il faut juste se dire : OK, c’est normal, il faut l’accepter. Je ne suis pas bien maintenant, ce n’est pas grave, ce ne sera pas pareil demain.
Il faut juste continuer.

Ma journée du lendemain est bien meilleure moralement, car je prends le temps de sortir sans aucune pression de résultat et juste de profiter de la jolie lumière et de la température clémente du matin : c’est très important aussi de se recentrer, de se calmer, de prendre du plaisir, après tout on est quand même là pour ça 😃. On n’est pas là pour avoir absolument du résultat non plus, il faut aussi se faire plaisir. C’est de la photo, on n’est pas au turbin non plus.

Je ne fais pas de photo intéressante ce matin-là, mais je rentre avec une meilleure énergie, et franchement, à ce moment-là, c’était bien plus utile pour moi. Il me fallait davantage une bonne énergie plutôt qu’une bonne image.

Et d’ailleurs, a posteriori, en regardant les images que j’ai faites ces deux jours-là, eh bien, j’ai fait de bien meilleures images la veille alors que j’étais déprimé que ce jour-là où j’étais de bonne humeur. Mais ça m’a remis sur la piste, donc ça a eu son utilité aussi.

Je fais ensuite un deuxième retour avec David, qui me confirme que je vais dans le bon sens. La gamme de couleurs à ce moment-là est un peu moins uniforme qu’au début, je décide de la compléter par des tons un peu bleus pastels, parce qu’au final c’est un ton qui est relativement présent à Varanasi aussi, dans le ciel, dans le fleuve, dans certains bâtiments, de façon à ce que ça ne soit pas trop monochrome et monotone.

Peut-être que si j’étais resté plus longtemps, j’aurais choisi de rester uniquement sur les tons ocres, parce que j’aurais trouvé des photos qui étaient suffisamment fortes pour ne faire que ça et avoir vraiment une palette de couleurs monochrome, mais au final, là, les tons un peu bleutés – qui sont complémentaires, parce que ocre, finalement, c’est un orange très peu saturé, et le bleu pastel c’est un bleu peu saturé et orange et bleu, ça se complète plutôt bien – c’étaient des tons complémentaires et ça me permet de donner des couleurs un peu plus intéressantes à la série.

J’ai notamment suivi ses conseils en faisant une photo cadrée serrée d’un chiot, que je vous montre ici, de façon à faire gagner le spectateur en empathie par rapport aux animaux.

Mais je décide que ma photo du chiot est trop commune, trop générique, trop mignonne, et ce n’est pas ce que j’ai envie de faire passer. Alors, sûrement, si je la mettais sur Instagram, j’aurais plein de like, mais ce n’est pas l’idée. C’est quand même des chiens qui sont un peu « sauvages », qui ont des conditions de vie difficiles, ils ont souvent des maladies ; mais est-ce que faire un chiot mignon ça apporte vraiment au discours ? Pas vraiment.

Cela dit, c’est un bon brouillon, parce que je me rends compte qu’un portrait serré serait sans doute bénéfique à la série en général.

Là c’est vraiment L’EXEMPLE type de la photo brouillon : elle n’est ni bonne ni mauvaise, elle indique simplement une piste pour la suite et permet de préciser la recherche visuelle et de cibler une prise de vue en particulier.

En fait, les jours suivants, je sais que je vais chercher un chien pour lequel je pourrais faire un portrait plus serré, qui va permettre de gagner en empathie et que le spectateur accroche un peu plus avec les images.

Et donc, en gros, à ce stade, on est un jour et demi avant la fin, il me manque une ou deux photos pour compléter la série.
Je pourrais en mettre quelques-unes qui soient pas si mal, mais je ne veux pas du « pas si mal », je veux, comme je vous le disais dans cette vidéo « all killer, no filler », donc que des bonnes photos et pas de remplissage, donc je sais qu’il m’en faut une ou deux pour compléter la série.

Et puis, le dernier jour, j’arrive à chopper une ou deux photos en faisant un truc un peu différent, en faisant des photos au grand-angle, que vous allez voir dans quelques instants, parce que, maintenant, je pense qu’il est temps que je vous présente ce que j’ai montré au groupe le dernier jour 😃

 

Voilà ! J’espère que ça vous aura intéressé de rentrer une fois de plus dans ma tête et de voir le résultat que ça a donné. Honnêtement, j’en suis un peu moins satisfait que de mes précédents travaux à Venise et à Rome, mais a posteriori je suis moins frustré que je l’étais sur le moment. 😃

Sur le moment, je n’étais pas vraiment content du boulot, mais je pense qu’il y avait aussi la difficulté de Varanasi, la chaleur, etc., qui font que j’étais peut-être moins tolérant avec moi-même.

Si vous avez des questions sur la série, n’hésitez pas à les poser en commentaire !

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Je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos !

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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