Au Salon de la Photo 2015, j’ai fait une conférence sur la composition en photo, sur le stand de Panasonic. Préparez-vous pour de nombreux conseils pour donner de la force à vos photos, et plein d’exemples en images !

 
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Bonjour à tous, bienvenue dans cette conférence qui va parler de composition. J’avais pensé à un titre, mais on n’a pas eu le temps de le mettre sur le planning ; j’avais pensé appeler ça : “Les règles de composition, arnaque ou nécessité ?”
J’ai envie de parler de ça avec vous aujourd’hui.

Alors, tout d’abord, levez la main tous ceux qui ont déjà entendu parler de la règle des tiers. OK.
Levez la main ceux qui ne lèvent jamais la main dans les conférences. 😉

Je pense en effet que la plupart d’entre vous ont entendu parler de la règle des tiers, si vous avez fait un peu de recherche sur la photographie et que vous êtes tombé sur mon blog ou sur un autre, vous avez sans doute déjà entendu parler de cette règle-là. Et probablement d’autres règles de composition ; et vous avez aussi entendu, sans doute sur les mêmes sites dont le mien, que les règles, c’est bien, mais qu’au bout d’un moment il faut s’en détacher et qu’il faut aussi avoir sa propre créativité et se laisser un peu porter par l’image et par la scène telle qu’elle est.

Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut suivre les règles ou pas ?

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de composition, mais sous cet axe-là. C’est-à-dire vous parler des règles, vous dire s’il faut les suivre ou pas. Est-ce qu’elles servent vraiment ou pas ? Est-ce qu’il faut les garder en tête ou au contraire s’en détacher ? Ou les deux.

On va parler de tout ça, aujourd’hui, et avant de commencer je vais quand même me présenter : je m’appelle Laurent Breillat et j’aide les gens à voir le monde différemment, notamment sur mon blog Apprendre la Photo qui existe depuis juin 2010, où il y a quelques abonnés – dont certains que je reconnais ici –, et j’ai également deux formations, avec quelques élèves – dont certains que je reconnais ici, aussi ; et j’ai sorti chez Eyrolles deux livres en 2013 sur le choix d’un objectif pour reflex, en l’occurrence, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui, c’est juste pour vous dire un peu ce que je fais.

J’ai parlé composition, mais avant, je vais d’abord vous poser une question : à votre avis, qu’est-ce que c’est que la composition ? N’hésitez pas à me le dire – si je pouvais avoir le micro, ce serait super, mais sinon je vais commencer à prendre vos réponses.
Alors, qu’est-ce que c’est que la composition ? Vous pouvez juste dire des mots-clés si vous n’avez pas une définition précise en tête. On n’est pas obligés de la faire en mode dictionnaire.
La mise en scène, OK.

Ça en fait partie.

L’organisation de la photo, ça peut être une manière de définir aussi.

Le cadrage, ça en fait partie, oui.

Qui d’autre ? Je vais descendre parmi vous, je n’aime pas trop être sur une estrade. Je suis déjà grand, alors ça fait beaucoup.

Alors, qu’est-ce qu’il y a d’autre dans la composition ?
N’ayez pas peur, il y a peu de chances de vous tromper, parce qu’il y a plein de choses, donc très franchement, vous allez sans doute avoir raison.
… : La lumière.

Ça en fait partie.

… : L’ouverture, la focale.

… : Les sujets.

Oui. C’est bien, vous voyez, vous avez tous raison.

Je vais parler de tous ces éléments-là juste après.

J’appelle “composition” la façon dont vous arrangez les éléments de la scène que vous photographiez dans le but de communiquer quelque chose.
Cette définition fait peut-être un peu scolaire, comme ça, mais je pense que tout est important dans cette phrase.

La façon dont on va arranger les éléments de la scène – et il y a plein de manières de l’arranger ; on a parlé de la lumière, de la focale, de l’ouverture, du cadrage –, ce qu’il est important de comprendre c’est que c’est nous qui allons arranger les éléments, ce n’est pas eux qui vont s’arranger pour nous. On peut faire plein de choses pour les arranger de la manière qu’on veut. Et dans le but de communiquer quelque chose, parce que le but de la composition, c’est de communiquer une impression, une idée, une émotion ; le but va être de communiquer quelque chose. La photo c’est de la communication ; c’est un art, mais on va communiquer un message, une idée, une impression, ou juste de la beauté – ça peut être aussi simple que ça –, mais ça va être dans le but de communiquer quelque chose.

Les objectifs de la composition, ça va être de guider le regard du spectateur dans l’image, parce que, typiquement, une image intéressante est une image devant laquelle on s’arrête et qu’on regarde longuement. Si les gens s’arrêtent une demi-seconde devant votre image, c’est probablement que sa composition n’est pas assez forte.
On va vouloir guider le regard du spectateur ; on va vouloir définir un ou plusieurs sujets clairement. Il faut que la personne comprenne ce qui se passe dans la photo, ce qu’on a voulu mettre en avant, quel est le sujet. Le sujet peut être juste la personne qu’on photographie, si on fait un portrait, ou ça peut être un événement qui se passe dans la rue, un moment drôle, ou ça peut être juste un paysage, mais il faut qu’il y ait un sujet clair.

Et nos choix de composition vont montrer aux gens ce qu’est ce sujet. Et également de communiquer la relation que vous mettez entre eux. Parce que parfois il va y avoir plusieurs choses dans l’image et vous allez mettre des relations entre elles, et la façon dont vous allez composer va indiquer au spectateur – pas forcément de manière consciente. Il ne va pas forcément se dire “OK, il a voulu faire une relation entre telle chose et telle chose”, il ne va pas analyser ça comme ça, ce sera plus inconscient, mais malgré tout, il va percevoir la relation que vous mettez entre les sujets.

Je voulais vraiment m’arrêter sur cette définition de la composition en premier lieu, parce que c’est vraiment important de comprendre le but qu’il y a derrière, parce que sans le but, naturellement, vous allez composer de manière un peu hasardeuse – ce qui n’est pas forcément toujours mal de faire un peu à l’instinct, mais c’est bien de savoir ce que vous voulez communiquer avant même de penser à la composition.

Je vais vous poser une autre question, j’ai envie de vous faire participer un petit peu aujourd’hui : qu’est-ce qui peut influencer la composition, selon vous ?
Alors, il y a déjà eu des réponses, parce que ce que vous m’avez dit répondait un peu à cette question “qu’est-ce qui peut influencer la composition ?” Il manque encore des choses et je suis sûr que depuis tout à l’heure vous avez eu le temps de réfléchir un peu, et qu’il y en a certains parmi vous qui ont des idées.

… : Le cadrage

Le cadrage, oui, effectivement.

Il ne faut pas hésiter, vous avez, comme je l’ai dit tout à l’heure, sûrement raison.

… : La profondeur de champ, peut-être ?

La profondeur de champ, effectivement, ça en fait partie.

… : La présence d’élément humain ou non.

Effectivement. Alors, tu t’avances presque sur ce que je vais dire après, mais c’est rigolo parce que vos réponses indiquent déjà quasiment la suite de la conférence. Mais c’est très bien.

Je vais vous faire une liste qui n’est pas forcément exhaustive de tout ce qui peut influencer la composition :
Il y a ce qui est dans l’image et ce qui n’y est pas. Tout simplement, ce que vous allez exclure du cadre et ce que vous allez inclure dans le cadre.
Il y a le cadrage. Est-ce que vous allez plutôt cadrer serré sur quelque chose ou plutôt large. Ce qui est en relation avec ce qui est et ce qui n’est pas dans l’image.
La place donnée à chaque élément.
Rassurez-vous, je vous donne des exemples en images juste après, je détaille un petit peu.
Le placement des éléments entre eux. Comment vous allez placer les éléments dans l’image, est-ce que vous allez plutôt les décaler en bord de cadre, dans un coin ; est-ce qu’ils vont être proches l’un de l’autre ou plutôt éloignés ; la différence de taille entre eux.
La perspective. La perspective c’est la relation de taille que vous allez mettre entre les différents sujets. Je vais vous faire une démo après, très claire et vous allez comprendre tout de suite comment utiliser la perspective.
La profondeur de champ, on l’a dit.
Les contrastes, également. Les contrastes de tonalité entre les différents éléments de l’image. S’il y a un élément sombre sur un fond clair ou inversement, ça va participer à la composition puisque ça va attirer l’œil (on va y revenir juste après).
Les couleurs, également.
Tout ça fait partie de la composition, donc, en fait, quasiment tout. Vous remarquerez que quasiment tout ce qui fait une photo fait partie de la composition.

Quand je parle des contrastes et des couleurs, c’est quelque chose qu’on va pas mal modifier en post-traitement, et le post-traitement est aussi une partie de la composition. Pour moi, le post-traitement ce n’est pas juste rendre une image plus jolie, c’est quelque chose qui va aussi vous aider à renforcer la composition de vos images.
Je vais détailler un peu chacun de ces points, parce que c’est important de vous en parler. Et on va commencer par ce qui est dans l’image et ce qui n’y est pas.

Si vous devez retenir une chose aujourd’hui, je pense que c’est cette phrase : “Vous êtes responsable de tout ce qui est dans le cadre.” C’est-à-dire que s’il y a quelque chose dans le cadre, c’est que vous l’avez voulu. Ou alors que vous ne l’avez pas vu. Mais dans tous les cas, vous êtes responsable, c’est-à-dire que ça ne s’est pas mis dans le cadre tout seul – ça peut arriver si c’est un sujet mobile, mais dans ce cas-là vous pouvez reprendre la photo –, si vous avez fait une photo et qu’il y a quelque chose dans le cadre, c’est votre responsabilité.
C’est important de le savoir parce que, à la fois ça vous donne des responsabilités et ça peut être presque pesant – c’est ma faute s’il y a un élément gênant –, et en même temps c’est important parce que ça vous donne le pouvoir de mettre ce que vous voulez dans votre photo.

On ne décide pas au hasard de l’endroit où on va cadrer ses images. Si vous cadrez quelque chose, il ne faut pas juste  “vous voyez quelque chose de sympa, vous cadrez un peu au pif et voilà, vous avez fait la photo”. Vous avez décidé consciemment de cadrer plus ou moins serré, de mettre tel ou tel élément dans l’image. Et c’est vraiment un des plus gros problèmes des débutants, c’est, on va dire, l’erreur de composition que je vois chez tous mes élèves dans le premier mois de formation avant que j’aie pu leur parler de composition – j’en vois qui sourient, je pense qu’ils ont fait cette erreur, mais moi aussi je l’ai faite – d’avoir des éléments gênants dans le cadre. C’est vraiment typique, c’est l’erreur la plus commune des débutants. C’est pour ça que je commence par ça, parce que, si vous corrigez ça, vous allez déjà faire mieux que 80 % des photographes débutants, rien qu’en faisant attention à ce qu’il y a dans le cadre.

Sur cette photo – je parlais de la place qu’on donne aux éléments dans l’image –, ça, c’est Miami, à votre avis, qu’est-ce que je veux mettre en avant dans cette image ? On parlait de la place que ça prenait, qu’est-ce que je veux mettre en avant ?

Le ciel ? Exactement. Pourquoi ? Parce que le ciel, c’est ce qui prend 80 % de l’image. Et les immeubles de Miami, ici, ce que l’on appelle la skyline, sont finalement très petits dans l’image. Ils sont accessoires. Ils sont présents, ils sont là, ça donne un indice sur l’endroit où on est, pour comprendre que c’est sans doute les États-Unis (ça ressemble un petit peu, quand même), mais ce qui m’a intéressé, c’est le ciel à ce moment-là. Les oiseaux qui passent ne sont évidemment pas anodins, et c’est ce qui prend la place dans l’image. Donc, si j’avais cadré, si j’avais coupé en haut et j’avais eu tout le sol ici – j’ai cadré comme ça parce qu’ici ce n’était pas intéressant du tout, c’était moche avec des immeubles pas très beaux, des grues, c’était pas génial donc j’ai choisi de mettre en valeur le ciel –, mais juste pour vous expliquer parce que sur cette photo c’est extrêmement évident, le ciel prend la majorité de la place, donc c’est lui que je veux montrer.

Autre photo. Je reviens de New York, j’ai atterri vendredi matin à 8 h 35 à Charles-de-Gaulle (J’ai pas trop le décalage horaire, ça va), et je suis allé au World Trade Center, au Memorial du 11 Septembre. Ça, c’est le Memorial du 11 Septembre. Pour ceux qui l’ont déjà vu, vous avez deux espèces de très très grandes (ils appellent ça des “pools”) piscines, des grands bassins où vous avez des cascades d’eau qui tombent. Je marche autour et je vois cette petite rose qui était là – parce qu’évidemment, il y a des gens qui viennent mettre des roses pour les personnes décédées là-bas le 11 Septembre.

Il y avait cette rose au bord et je cherche une composition avec ça, parce que le bassin en lui-même avec les touristes derrière, le temps n’était pas génial en plus, ça ne faisait pas une photo extraordinaire. Il y avait cette rose et je cherche quelque chose avec, je cherche une composition. Cette photo, je vous la montre pour vous montrer le contraste avec la suivante, parce que, cette photo, je n’en suis pas content. J’ai fait des essais, je regarde ça et j’ai essayé de composer des choses. Vous voyez, j’ai mis des lignes qui mènent à la rose, mais elle est petite dans l’image, on ne sait pas vraiment où on est – si je ne vous dis pas que c’est le Memorial du 11 Septembre, vous ne le devinez pas, sauf si vous y êtes déjà allé –, et après j’ai trouvé ça. Et ça, c’est déjà mieux.

Pourquoi c’est mieux ? Parce que, déjà, j’ai pu me mettre en contrebas – là, je suis en contrebas, la rose est à ce niveau-là à peu près, et derrière il y a le One World Trade Center, qui est la nouvelle tour construite depuis – qui est beaucoup plus connue (vous ne la connaissez peut-être pas), en tout cas beaucoup plus claire en termes de message que celle sur la photo d’avant où c’est très difficile à reconnaître. Ici, le message passe beaucoup mieux parce que j’ai une rose au premier plan, qui prend beaucoup plus de place dans l’image, et c’est surtout ça que je veux vous montrer, c’est que la rose prend probablement 5, 6, 7 fois plus de place que dans la première image, et rien que pour ça, on la voit beaucoup plus.
Il y a d’autres éléments que je vais vous expliquer après, il y a le contraste, plein de choses, j’ai choisi de faire une faible profondeur de champ pour mettre en valeur la rose elle-même, mais c’est une photo qu’on comprend beaucoup mieux, qui est beaucoup plus lisible, et notamment – c’est ça que je veux vous montrer sur cette image en particulier –, parce que la rose prend beaucoup plus de place.

Ici, je vais vous montrer l’importance du moment pour vous dire ce qui est dans le cadre et ce qui n’est pas dans le cadre. Parce que parfois, ce qui est dans le cadre et ce qui n’est pas dans le cadre ce n’est pas juste se déplacer. Juste avant, pour le Memorial du 11 Septembre, je me suis déplacé, j’ai trouvé un autre point de vue, et parfois il faut juste attendre.

Ça, c’est sur le Gange, à Varanasi en 2012, c’est juste avant l’aube, juste avant que le soleil se lève, et les bateliers commencent à se préparer à emmener les touristes, dont moi, sur les bateaux pour une balade sur les bords du Gange, très tôt quand il ne fait pas encore 45 °. Et quelques secondes plus tard, j’ai ça. Et le simple fait que ce monsieur se soit rajouté là et que j’aie choisi le moment où il tend son bras pour appeler un collègue – a priori, si je me souviens bien –, le simple fait que j’aie attendu un moment supplémentaire, ma composition est meilleure parce que j’ai pu inclure dans le cadre quelqu’un qui n’y était pas avant.

Donc vous voyez que ce qui est dans le cadre et ce qui n’est pas dans le cadre, ça peut être aussi, parfois, une histoire de temps. Ce n’est pas forcément une histoire de se déplacer, parfois votre cadre est bon, mais il manque un élément et le fait d’attendre un peu que quelque chose se passe peut aussi améliorer votre composition.

New York encore, il y a quelques jours ; je passe dans la rue et je vois cette scène qui m’attire un peu. Il y a des trucs sympas, il y a le One World Trade Center au fond, donc on voit bien qu’on est à New York, il n’y a pas trop de doutes ; il y a les arbres avec les couleurs automnales ; il y a le panneau “tourner à droite” “only”, on voit bien qu’on est à New York, c’est en anglais ; il y a les plots de travaux à l’américaine. Il y a des choses qui m’intéressent, il y a une lumière sympa. Je prends un premier cliché, un cliché un peu brouillon – j’ai l’habitude de prendre des clichés brouillons, notamment parce que ça me sert sur le blog pour vous expliquer des choses –, je savais que je n’allais pas garder cette photo, mais je prends un premier cliché brouillon.
Et vous voyez qu’après, en me rapprochant un peu, en cadrant plus serré, en choisissant d’exclure certains éléments, c’est une photo qui fonctionne mieux. Parce que j’ai beaucoup moins d’éléments gênants dans le cadre. Vous voyez, sur la première j’ai un bout de voiture là, j’en ai une qui passe à ce moment-là, j’ai la dame, là, qui n’est pas forcément gênante, mais qui ne se distingue pas tant que ça ; et ici, j’ai quelque chose de beaucoup plus clair. On comprend bien que mon arbre est important, on comprend bien que la cycliste en train d’attacher son vélo est un peu le sujet de l’image – pas seulement, mais en tout cas elle est l’élément humain principal –, on comprend mieux la photo, elle est plus lisible. Il y a simplement moins d’éléments gênants.

En ce qui concerne, maintenant, la place donnée aux éléments dans l’image, j’ai choisi deux photos, l’une prise en Angleterre, l’autre en Italie, et sur toutes les deux, il y a des bateaux. C’est pour ça que j’ai choisi ces deux-là.
Ce que je voulais surtout vous montrer sur ces images, c’est que la place prise par ces barques est très différente. Sur la première, vous voyez qu’elles prennent une place certaine dans l’image, mais pas si énorme que ça. Elles sont présentes, elles forment aussi des lignes (on va en reparler après), mais sur la deuxième image, elles prennent beaucoup plus de place et l’œil est beaucoup plus attiré sur les barques. Si vous regardez ces photos d’une manière un peu neutre, vous allez beaucoup plus garder votre attention sur les barques ici que là.
Pourquoi ? Principalement parce que les barques ici prennent beaucoup plus de place dans l’image, elles ont ce que l’on appelle une masse visuelle plus importante, elles pèsent plus dans votre composition. Puisqu’elles prennent, concrètement, quasiment la moitié de l’image ; ici, elles prennent peut-être un quart et elles sont beaucoup moins volumineuses.
Alors, pourquoi elles sont moins volumineuses ? C’est parce que j’ai réalisé un effet de perspective, et pour ça, je vais vous montrer un peu comment ça marche, avec vous, je vais prendre un exemple directement avec vous pour voir comment fonctionne la perspective. Parce que c’est important de comprendre comment fonctionne la perspective pour composer vos images, parce que c’est un élément de composition qui va être vraiment fondamental. Vous allez l’utiliser tout le temps dès que vous allez bien comprendre comment ça fonctionne.
Pour ça, je vais avoir besoin de trois volontaires – parce que sinon c’est pas drôle –, et je vais prendre, par exemple, vous trois.
Est-ce que, vous trois, vous pourriez vous mettre bien en ligne, les uns à côté des autres ?
Vous allez voir, à l’écran (je vais m’éloigner un peu). Là, si je fais une photo, vous voyez que vous avez tous plus ou moins la même taille. Maintenant, monsieur, est-ce que vous pourriez vous rapprocher de moi ? (Encore un peu…)
Et, monsieur, vous éloigner de moi ? Encore un peu, on va exagérer l’effet.
Vous voyez que, là (je fais la mise au point ici), monsieur est beaucoup plus important dans l’image que monsieur qui est là-bas. Pourtant, ils ont une taille à peu près similaire, et pourtant, dans l’image, – si je fais “lecture”, vous allez mieux voir – vous voyez que monsieur a son buste juste là qui prend plus de volume que monsieur qui est quasiment entier là-bas. Pourquoi ? Parce que monsieur s’est rapproché de l’appareil, et monsieur s’est éloigné de l’appareil.
Et c’est vraiment important de comprendre ça en matière de perspective, parce que si je vous mets tous les trois (éloignez-vous, s’il vous plaît, tous les trois) au même niveau, je n’ai rien changé, je n’ai pas zoomé et si je reprends une photo, vous allez voir qu’ils sont tous les trois petits dans l’image. Si je zoome, ils sont tous les trois à la même taille dans l’image et le rapport entre eux est identique – vous voyez qu’ils font une taille très similaire. Je n’ai pas besoin de prendre une photo pour que vous le voyiez, ils ont une taille similaire, pourtant ils sont plus loin.

Mais ce qu’il est important de comprendre (vous pouvez revenir là si vous le voulez, merci à vous) c’est que ce qui va jouer sur la perspective, c’est l’endroit où vous allez mettre vos sujets. C’est-à-dire que plus vous allez mettre un sujet proche de votre appareil, plus il va prendre d’importance dans l’image en termes de taille. Plus vous allez le rapprocher, plus il va prendre de place, donc plus vous allez lui donner du poids. Et ce que j’ai fait sur cette photo ici, c’est de me mettre très près de ces bateaux, avec un objectif assez grand-angle – j’aurais pu le faire au téléobjectif aussi, mais j’aurais eu un petit bout du bateau ici, avec le grand-angle, ça me permet d’avoir tout le bateau et le fond –, et le fait de me rapprocher et de me mettre proche de ce bateau lui a fait prendre plus d’importance dans l’image. Si je m’étais reculé et que j’avais zoomé, j’aurais eu un bateau plus petit dans l’image par rapport au reste. Donc il aurait pris moins de place et je lui aurais donné un poids moins important. Là, j’ai fait un choix conscient de donner plus de poids aux bateaux – parce que j’avais envie de les mettre en valeur, je trouvais qu’ils faisaient partie de l’endroit et que ça donnait une information supplémentaire sur la photo –, et le fait de s’approcher du sujet et d’utiliser un grand-angle, voire d’un ultra grand-angle, vous permet de donner plus de poids à ce qui est au premier plan.

Et si vous voulez faire l’inverse et donner plus de poids à ce qui est à l’arrière-plan, typiquement, si vous avez un paysage avec la lune au fond, vous avez un grand-angle et la lune est comme ça dans l’image (ça vous est déjà arrivé, j’en vois). Si vous voulez que la lune soit plus importante dans l’image, le plus simple est de vous éloigner et de zoomer au maximum possible. Parce que ça va rapprocher les éléments lointains et ça va diminuer la différence de taille entre eux. Votre lune va apparaître plus grande dans l’image et vous allez avoir un plus petit détail du paysage, mais elle va apparaître plus grande.

C’est important de comprendre cette histoire de perspective, parce que ça va beaucoup jouer dans vos compositions.

Autre chose qui joue sur la composition, on en a parlé avant, c’est la profondeur de champ. C’est à New York aussi, il y a un parc avec plein d’écureuils, comme partout à New York. Tous les Européens sont pareils, nous, on voit des écureuils une fois tous les 36 du mois et là-bas il y en a littéralement cinquante dans les parcs, donc on trouve ces petites choses mignonnes. Et vous voyez que là, contrairement à ce que j’ai dit tout à l’heure, l’écureuil est assez petit dans l’image, il prend une toute petite part, peut-être un dixième de l’image, mais comme j’ai fait une faible profondeur de champ, il est net, mais l’arrière-plan est flou, on comprend bien que c’est lui le sujet. Même s’il est petit, c’est assez clair. Vous voyez que la profondeur de champ peut aussi vous servir, vous n’avez pas besoin de tout utiliser en même temps. C’est-à-dire que vous n’êtes pas obligé d’avoir un sujet à la fois important dans l’image avec une grosse perspective, une faible profondeur de champ ; vous n’êtes pas obligé de tout faire, mais certains éléments pris indépendamment vont dire clairement aux gens quel est le sujet. Et la profondeur de champ en fait partie. C’est assez simple, assez basique, mais il fallait que j’en parle.
Tout ce que je viens de vous dire, les manières d’attirer l’œil sur un sujet, c’est basé sur les éléments qui attirent l’œil.

Qu’est-ce qui attire l’œil dans une image naturellement ? C’est quelque chose qui est probablement en partie culturel. Qu’est-ce qui attire l’œil dans une image VS qui le repousse ? Le net va plus attirer l’œil que le flou, donc l’œil va aller regarder ce qui est net dans une image. C’est pour ça que l’écureuil juste avant est le sujet évident puisque l’œil va préférer aller voir quelque chose qui est net plutôt que flou.

Les éléments grands vont plus attirer l’œil que les éléments petits, c’est assez logique. C’est gros dans l’image, on ne peut pas le manquer donc on va beaucoup plus le voir. Dans l’image d’avant, en Italie, avec les barques grosses au premier plan, si j’avais eu une petite barque à l’arrière-plan, on ne l’aurait probablement même pas vue puisqu’on aurait vu autre chose, les bâtiments, c’est joli, le ciel bleu, etc., et on ne l’aurait pas vue.

L’œil est également attiré par tout ce qui est humain, ou un rappel d’humain, donc s’il y a quelqu’un dans l’image on va être directement attiré par ça, parce que nous sommes des animaux sociaux donc on veut voir des congénères. Aussi, par ce qui est un rappel de l’humain, les bateaux, les voitures, même des constructions humaines, tout ce qui a un rapport avec l’humain donc beaucoup de choses – parce qu’on fait assez rarement des photos, enfin, il y a des photos de paysage où il n’y a pas de rapport avec l’humain, mais il y en a quand même assez souvent, et même dans les photos de paysage vous pouvez inclure un bateau qui passe, des choses comme ça et ça va directement attirer l’œil parce que le cerveau va voir aussitôt “congénère”, des copains.

Le vivant VS l’inanimé, donc plus facilement un animal, un animal qui passe va plus facilement attirer l’œil qu’une pierre.

Il y a une espèce de hiérarchie comme ça : l’humain d’abord, le rappel de l’humain, le vivant animé, le vivant inanimé – à savoir les plantes – et puis le caillou. En gros, ce qui va attirer l’œil dans l’ordre de priorité.

Les zones claires vont plus attirer l’œil que les zones sombres, donc l’œil va plus aller vers les endroits où il y a de la lumière dans l’image. Ça peut être quelque chose que vous faites à la prise de vue, c’est-à-dire que vous essayez de mettre à de bons endroits de l’image, des endroits qui sont plus lumineux naturellement, et vous pouvez aussi renforcer un peu ça au post-traitement en amenant de la lumière à certains endroits ou au contraire en assombrissant certaines zones. Typiquement, quand on fait un peu de vignettage au post-traitement, on assombrit les coins – alors, il ne faut pas en faire trop. Je suis contre le fait de faire trop de vignettage et de trop en rajouter –, et le fait d’assombrir les coins va recentrer l’œil vers le centre de l’image, parce que les coins sont sombres donc l’œil ne veut pas y aller. C’est sombre, il fait noir, c’est pas bien. Pensez que votre œil a peur du noir, en fait.

Autre chose, l’œil est attiré par le contraste. Je disais avant qu’il était plus attiré par les zones claires VS les zones sombres, mais si vous avez une photo toute blanche avec un petit truc sombre au milieu, l’œil va aller voir ça. Parce qu’il y a un contraste. Il est aussi attiré par les contrastes.

Il préfère aussi les couleurs plus saturées que les couleurs pastel. Si vous avez une image avec pas mal de couleurs douces et un endroit avec des couleurs plus saturées, il va plus facilement aller là. Ça marche aussi avec les couleurs chaudes VS couleurs froides, il va plutôt aller voir les couleurs chaudes.

Et également les lignes de force. (On va en reparler un peu après.) Le fait qu’il y ait des lignes diagonales dans une image – peut-être que je m’avance un petit peu sur ce que je dis – va guider l’œil dedans. On va voir des exemples en images tout de suite.

Comme tout ça peut vous paraître beaucoup, je vais vous montrer des exemples de choses que j’ai faites.

Ici, photo de paysage en Irlande. Qu’est-ce que j’ai fait pour composer mon image ? D’abord, vous voyez qu’il y a une grande profondeur de champ, je n’ai pas joué sur le flou parce que c’est une photo de paysage et je voulais que tout soit net. Donc je n’ai pas cet axe du flou.
Il y a un jeu sur la perspective, puisque – ce n’est pas ultra visible ici, pas autant que sur d’autres images – si je m’étais mis un peu plus loin et que j’avais plus zoomé, le rivage ici aurait pris nettement moins de place dans l’image. Vous voyez aussi que le rivage est une zone lumineuse, ce n’est pas par hasard. Je suis donc ici assez près, et si vous voyez ce bout de rocher au premier plan, je pense que de là où je suis pour prendre la photo je peux quasiment le toucher. Il est vraiment près, là je suis à l’ultra grand-angle, je suis très près, je suis assez bas, aussi ; je me suis positionné bas pour renforcer cet effet de perspective où on rentre dans l’image. Là, si vous vous mettez devant, vous avez presque l’impression de pouvoir mettre le pied dedans. C’est ça qu’on appelle l’effet de perspective.
Si vous regardez les zones claires ou les zones sombres, vous voyez que la principale zone claire est là, devant et également, en second lieu, un peu moins lumineuse, mais quand même présente, les falaises ici.
Et si vous regardez les zones sombres, là c’est sombre, en haut à gauche c’est sombre.
Qu’est-ce que je veux faire ? Je veux centrer le regard ici. Et les zones sombres en bas à droite et en haut à gauche – en haut à gauche il y a un filtre gradué à la prise de vue et ça a été renforcé au post-traitement. Ici, au post-traitement, je me suis dit que c’était un peu trop lumineux et surtout c’était vert, donc c’est coloré par rapport au reste et ça attirait l’œil, et ça avait tendance à mettre l’œil dans le coin de l’image et en fait, à le faire sortir de l’image. Il faut éviter qu’il sorte, parce que s’il sort, ça veut dire que la personne passe à la photo suivante. J’ai donc volontairement assombri cette zone-là au post-traitement, pas trop (il ne faut pas trop en faire), mais juste un peu de façon à ramener l’œil vers la gauche et vers la zone qui m’intéresse.
Il y a aussi du contraste entre les différentes zones. Vous voyez que j’ai une zone claire ici, plus sombre là, claire, sombre, vous voyez, il y a du contraste donc l’œil est attiré par cet endroit-là.
Vous remarquerez aussi – là, sur l’écran c’est un peu plus saturé que sur un écran calibré –, mais en réalité, le vert ici sur les rochers est un peu plus saturé que ce vert-là que j’ai volontairement désaturé pour éviter de trop attirer l’œil, pour les mêmes raisons : éviter d’attirer l’œil là où je ne veux pas, dans l’image.
Dernière chose, que vous avez peut-être dû voir parce que c’est presque la plus évidente – parce que quand on pense composition, on pense lignes –, vous avez une très grande ligne diagonale courbe, comme ça, qui va mener l’œil dans l’image. Et vous en avez une seconde plus discrète, ici – puisque qu’il n’y a pas une ligne précise –, mais là j’ai une partie claire et là une partie sombre, donc en fait, la limite entre les deux, c’est une ligne. C’est une ligne discrète, mais c’est une ligne. Ce que fait l’œil dans l’image, il va rentrer là où c’est clair – c’est lumineux, donc il veut y aller –, il va là et là, il y a une ligne diagonale qui va le guider un peu sur la falaise. Là, c’est sombre, par contre, donc on n’y va pas. Et qu’est-ce qu’il fait ? Il revient en arrière, il revient sur la ligne et il va voir la falaise, là, et l’œil va rester un peu dans l’image. Vous voyez que là j’ai conduit véritablement l’œil dans l’image, j’ai guidé le regard du spectateur grâce à la composition à la prise de vue, mais aussi grâce à la composition au post-traitement puisque j’ai assombri certains endroits qui étaient trop lumineux à mon goût.

Autre image, cadrage complètement différent. J’ai volontairement choisi quelque chose de quasiment opposé. Là, j’ai pris un cadrage complètement de face, j’ai zéro jeu sur la perspective, zéro jeu sur les lignes diagonales, ça ne guide pas le regard du tout. Je n’ai pas de lignes qui guident le regard, par contre j’ai des horizontales et des verticales. Je dis toujours que les diagonales vont dynamiser la photo, ça donne presque une impression de mouvement, tandis que les horizontales et les verticales vont stabiliser la photo, ça va donner plus une impression d’observer de loin. C’est-à-dire qu’avec les diagonales vous avez envie de rentrer dans la photo et presque d’y participer, tandis que, là, vous avez plus l’impression d’être un observateur, de regarder de loin. C’est un peu la différence entre l’utilisation des diagonales et des verticales/horizontales.
Mais qu’est-ce qui attire l’œil ? J’ai un sujet humain, on sait directement que c’est le sujet, c’est très clair. Elle pourrait être en robe bleue sur fond bleu, ça ne poserait pas de problème. Et en plus de ça, j’ai notamment la robe jaune sur fond bleu. Qu’est-ce que le jaune par rapport au bleu ? C’est d’abord une couleur plus lumineuse, naturellement (le jaune, c’est plus lumineux), donc ça va attirer l’œil. Il est aussi légèrement plus saturé que le bleu, même si, là, j’ai quand même voulu faire un bleu plus saturé à l’arrière-plan, justement pour jouer sur cette opposition de couleurs. Et c’est aussi une couleur plus chaude. Et là, ça suffit ; vous voyez que je n’ai pas utilisé des tonnes d’astuces de composition, finalement. J’ai juste utilisé une couleur plus saturée, un sujet humain et basta ! ça suffit.

Je sais que là, ça peut paraître un peu impressionnant, que vous devez vous dire “il faut penser à tout ça à la prise de vue ?! Ça fait beaucoup, quand même.”
Je comprends que ça ne vous dit pas forcément comment faire une bonne composition demain ; demain vous êtes sur le terrain, mais comment je fais ?

Je vais déjà commencer à vous dire les erreurs basiques à éviter. En évitant ça, déjà, en pensant à ça, vous allez éviter les pires bêtises, et en plus ça va commencer à vous faire travailler et à vous faire penser à la composition.
Première erreur de composition à éviter, que tout le monde fait un jour : la ligne d’horizon pas droite. Typiquement en paysage, mais dans toute photo où il y a plus ou moins une ligne d’horizon, si votre horizon est légèrement penché, c’est pas bien. Vraiment. Ça se voit tout de suite. C’est vraiment une erreur… c’est bête parce que c’est vraiment très facile à corriger ; il suffit de bien regarder dans le viseur et je sais que certaines personnes ont parfois un peu de mal à voir si la ligne d’horizon est droite ou pas – moi ça va, mais pour d’autres beaucoup moins. Vous avez de plus en plus souvent un niveau sur l’appareil qui permet de savoir si l’appareil est droit ou pas, et dans le pire des cas, vous pouvez toujours redresser un peu au post-traitement. Donc, vraiment, évitez la ligne d’horizon pas droite, c’est vraiment rédhibitoire.
D

‘une manière générale, les lignes qui sont presque parallèles aux bords du cadre, mais pas tout à fait. Sur la photo que je vous ai montrée avant, si j’avais eu des lignes légèrement penchées comme ça, elle aurait été beaucoup, beaucoup, beaucoup moins bien. C’est vraiment très important d’avoir des lignes qui soient parallèles aux bords du cadre. Évidemment, si vous photographiez un building à Manhattan depuis le bas, vous allez avoir des lignes comme ça, c’est normal, mais si vous avez la possibilité d’avoir des lignes bien parallèles aux bords du cadre, faites-le.

On l’a dit tout à l’heure : les éléments gênants qui dépassent du bord du cadre. Typiquement, ce que j’ai vu des centaines de fois parmi mes élèves, au début de la formation – après je ne les vois plus normalement parce que je les engueule un peu –, les petites branches qui dépassent dans un coin. Typique. Vous avez une photo, il y a de la végétation autour et vous avez un coin de la photo et juste ici vous avez une branche, sur un beau fond de ciel bleu, comme ça on la voit bien. En général elle est sombre, donc on voit une branche, genre en hiver, un petit truc noir dans le coin sur un beau fond de ciel bleu, ça, c’est le coup à attirer l’œil, c’est contrasté, c’est vivant, boum ! l’œil va dessus on ne voit plus que ça et on ne voit plus le reste de la photo.

Autre chose : évitez de couper n’importe où vos photos. Pour les portraits, évitez de couper au milieu de la main, de couper là, ça fait décapité ; d’une manière générale, évitez de couper aux articulations (aux coudes, poignets, etc.). Si vous coupez quelque part sur un portrait, ce qui sera en général le cas, essayez de couper aux deux tiers/trois quarts. Par exemple, si je me coupe ici ça va, si je coupe là ça ne va pas. Donc, deux tiers/trois quarts du membre ou de la partie du membre considéré. Pour la cuisse, ce sera ici ou ici, c’est bon, au genou non, s’il vous plaît. À la cheville non plus. Si vous prenez une photo de quelqu’un assis, évitez de couper juste ses orteils, c’est dommage. Donc, faites attention où vous coupez votre image, c’est important. Parfois il suffit d’un demi-pas en arrière ou un petit coup de dézoome ou pas grand-chose. Donc, faites attention où vous coupez vos images.

Faites attention, d’une manière générale, à ce que j’appelle “les choix mous”. C’est-à-dire, faites des choix francs. Sur la photo d’avant avec la jeune fille en jaune, sur fond bleu, si je m’étais mis légèrement sur le côté, ça n’aurait pas fait le même effet. Il faut faire un choix franc. Soit vous choisissez de vous mettre en face, soit vous choisissez de vous mettre clairement sur le côté, mais si vous vous mettez mollement, on a juste l’impression que vous n’avez pas fait d’effort. Vous êtes arrivé, vous avez vu un truc, vous avez pris une photo et vous vous êtes barré. Ne faites pas ça. Précisez vraiment votre composition et trouvez quelque chose qui soit précis. Vous choisissez quelque chose franchement. Est-ce que vous voulez vraiment le faire en face, est-ce que vous voulez vraiment le faire de côté, mais choisissez quelque chose franchement. Ce que je disais : prenez des décisions franches.

Je vais maintenant vous parler de principes de composition. Je n’aime pas trop parler de règles de composition – je suis un peu obligé de dire ce mot, parce que tout le monde le connaît –, je préfère parler de principes de composition. J’ai commencé cette conférence en vous disant qu’aujourd’hui je voulais vous parler de ça.
Qui parmi vous pense qu’il faut suivre les principes de composition ?
N’ayez pas peur de lever la main, je ne vais pas vous taper.
On n’a pas grand monde. Un, deux…
Qui parmi vous pense qu’il ne faut pas les suivre ?

Qui parmi vous ne sait pas ?
OK.

Qui parmi vous a peur de répondre ?

Qui parmi vous ne lève jamais la main dans les conférences ? 🙂

Alors, bonne nouvelle, vous avez tous plus ou moins raison. Y compris ceux qui ne savent pas.

Faut-il suivre les règles de composition ?
Je pense qu’au début de sa pratique photographique, intégrer les règles de composition, c’est important pour une raison principale : pas tellement pour elles-mêmes, encore qu’elles fonctionnent quand même, mais c’est parce que le fait d’y penser va vous forcer à travailler vos compositions. C’est-à-dire que si vous pensez à chaque photo à la règle des tiers, ça veut dire qu’à chaque photo vous pensez à sa composition. Vous n’allez plus pouvoir arriver devant quelque chose, faire clic-clac et repartir. Vous allez être obligé de faire “attends, la règle des tiers…” et faire clic-clac et peut-être partir. Et vous aurez réfléchi 5 secondes de plus qu’en temps normal. Donc, déjà, ça va vous forcer à travailler votre œil, ça va vous forcer à penser à la composition. Je pense qu’au début ça a de vrais effets bénéfiques, et j’en parle dans mes formations parce que je pense que, au début, c’est des règles simples, c’est assez facile à intégrer, et on peut les appliquer systématiquement à toutes ses photos, et ça ne fait peut-être pas les photos les plus originales du monde, mais malgré tout ça force à penser à la composition. Donc, c’est un effet qui est pour moi positif au début de la pratique photographique, et avec le temps, on va s’en détacher naturellement.

À force de faire des photos, de composer, vous allez naturellement vous détacher de ces règles, et vous allez finir par les appliquer parfois, parfois les prendre complètement à contre-pied, parfois juste ne même pas y penser du tout ; mais c’est important au début.

Chose importante, ne soyez quand même pas trop sectaire avec ces principes. C’est-à-dire que – là, je vais vous parler de la règle des tiers juste après, très rapidement – ce n’est pas important d’être exactement pile dessus. Ce qui est important, c’est le principe général. Si vous êtes très légèrement décalé avec la règle des tiers, il n’y a pas de drame. Je vais vous montrer après – d’ailleurs je vais vous montrer après des exemples qui ne sont pas précisément en lien avec la règle des tiers, pour vous montrer que ce n’est pas obligatoire d’être sectaire. Il ne faut pas non plus paniquer et se dire “Oh mon Dieu, ce n’est pas exactement pareil !”. L’important, c’est de les comprendre et de comprendre leur principe général de fonctionnement.

Et vous avez deux solutions avec les règles, vous pouvez soit les suivre, mais vraiment, c’est-à-dire que vous suivez la règle, soit vous pouvez les prendre complètement à contre-pied, c’est-à-dire faire l’inverse. Et quand je dis faire l’inverse, c’est faire vraiment l’inverse. Par exemple, pour la règle des tiers dont on va parler juste après, vous pouvez soit vraiment l’appliquer, soit faire un truc qui est pile au centre. Évitez un truc trop mou, quand même.

Qu’est-ce que la règle des tiers ? En gros, ça consiste à dessiner un jeu de morpion sur votre image.
C’est l’image qui me paraît la plus simple pour vous faire retenir ça. Mettons que cet écran soit mon cadre, je fais un morpion : je fais deux lignes comme ça et je fais deux lignes comme ça. Tout simplement. Et qu’est-ce que je vais faire avec ce jeu de morpion ? Eh bien, je vais placer mes horizontales sur les horizontales que je viens de tracer et les verticales dessus aussi. Donc, les horizontales et les verticales qui sont présentes dans l’image, par exemple l’horizon, ou les lignes d’un bâtiment. Et je vais également placer les sujets sur les intersections, donc les endroits où les lignes se croisent, je vais essayer de placer mon sujet.
Ça va créer ce que j’appelle une composition dynamique, qui va plus créer une impression de mouvement, de dynamisme dans l’image, que quelque chose se passe dans la photo, plus qu’une composition centrée.
Le contre-pied, c’est de faire exactement l’inverse, donc de prendre une composition vraiment centrée, où on a le sujet pile au centre, avec des choses un peu symétriques et qui va donner quelque chose de beaucoup plus statique.

Application de la règle des tiers à une image – désolé pour la qualité, je l’ai prise sur mon blog parce que je n’avais plus d’exemple avec les lignes déjà faites. Vous voyez que là, la ligne des tiers en haut n’est pas exactement sur l’horizon, ce n’est pas grave, la règle des tiers est à peu près respectée ici.

Sur un portrait, vous voyez que l’œil – sur un portrait, là où il faut placer l’intersection des tiers, si on utilise la règle des tiers, c’est sur l’œil le plus proche de nous. L’œil le plus proche de moi c’est celui-ci, vous voyez qu’il est placé, à peu près, sur l’intersection ; pas exactement, ce n’est pas la peine de faire quelque chose qui soit pile sur l’œil.

Le cadre dans le cadre, maintenant. C’est un autre principe de composition qui est déjà un peu plus subtil et utilisable de manière moins évidente, car si vous faites la règle des tiers, tout le monde le voit, le cadre dans le cadre un peu moins. J’ai mis un cadre blanc exprès autour de la photo pour que vous voyiez comment elle est cadrée à l’origine. Là, c’est un exemple de cadre dans le cadre très simple où j’avais deux passants dans la rue à Barcelone, rue très lumineuse derrière, très sombre sur les côtés, et ça me crée une espèce de cadre dans le cadre, c’est-à-dire que cette partie de la rue, ici, fait presque un cadre à l’intérieur même du cadre.

Exemple beaucoup plus subtil ici, puisque mon cadre dans le cadre est partiel, en fait. Si vous regardez bien, à droite de l’image, c’est une vitrine de magasin, j’ai un cadre partiel. C’est comme si j’avais fermé l’image ici, et là si je regarde comme ça, ça pourrait presque faire un cadre. J’ai donc un cadre dans le cadre partiel, il est plus subtil, mais il fonctionne aussi. Et il va ramener le regard vers la gauche de l’image. Parce que l’œil comprend – vous voyez qu’il y a des verticales, c’est pour ça que ça fait un cadre. Il y a la verticale du tuyau, il y a encore une verticale, et là j’ai volontairement laissé une partie plus sombre ici, la petite ligne sombre un peu pourpre parce que ça fait encore une verticale supplémentaire. Donc ça va ramener le regard vers la gauche, et à gauche, j’ai quoi ? J’ai mon sujet.

Autre cadre dans le cadre, également, assez similaire, où, ici, j’ai volontairement laissé une colonne à droite, là aussi pour ramener le regard vers la gauche et vers mon sujet qui pose, à Barcelone, avec une statue, un truc qui ressemble à Tintin, vaguement. C’est assez drôle. Là, c’est un peu plus complexe et je voulais vous montrer cette photo pour une raison principale, c’est que, vous voyez que l’image en général est au format 3×2 – c’est-à-dire que là j’ai trois longueurs et là j’ai deux longueurs –, mais si j’enlève cette partie-là, vous voyez que j’ai une espèce de carré. Donc j’ai un cadre carré dans un cadre 3×2.

Vous allez me dire “est-ce que c’est statique ou dynamique ?” Parce que le carré est plus statique que le 3×2, et j’ai fait un cadre dans le cadre, comment marche cette photo ? Vous voyez, en fait, que mon sujet est dans son cadre carré – si vous ne prenez en compte que le cadre carré – et il est sur la ligne des tiers. Mais dans le cadre carré. Et pas dans le cadre 3×2. Donc, ça, c’est une complication supplémentaire ; c’est le niveau supérieur, on va dire : vous faites un cadre dans le cadre et dans ce cadre vous faites une règle des tiers.
Qui ne fonctionnerait pas dans l’image, parce que si dans l’image je fais une ligne des tiers, ma ligne des tiers est là, donc mon sujet n’est vraiment pas dessus. Par contre, il l’est dans son cadre carré. Vous voyez que vous pouvez aller plus loin dans ce genre de choses.

Autre principe de composition qui fonctionne bien : laisser de la place au regard ou au mouvement. C’est-à-dire que si le sujet regarde vers la gauche de l’image, on va laisser plus de place vers la gauche que vers la droite.

C’est ce que j’ai fait ici. Mon sujet est décalé à droite parce qu’elle regarde vers la gauche – enfin, elle regarde vers moi, mais elle est dirigée vers la gauche. Donc on laisse de la place par là, ça, c’est un exemple très classique.

Exemple un peu moins classique, où là, j’ai un peu combiné ce que je vous disais avant. Je vous montre exprès des combinaisons un peu complexes pour que vous voyiez que tout ça interagit. Ici, j’ai un batteur dans un concert, il est bien centré dans l’image, globalement (si on regarde le cadre, il est centré) et il regarde vers la gauche. Donc il n’y a pas plus d’espace dans la direction de son regard. Sauf si je considère que les maracas floues au premier plan forment presque une sorte de cadre dans le cadre – c’est-à-dire que ça bouche un peu l’image ici, il y a une partie sombre ici, on va ramener le regard vers la gauche –, et si je prends ça, j’ai un carré, lui est situé à droite du carré, il regarde vers la gauche et j’ai plus d’espace vers la gauche.

Tout à fait honnêtement, à la prise de vue, je n’ai pas pensé à ça. J’ai vu le batteur qui faisait un truc sympa, il y avait les maracas floues au premier plan, ça m’a semblé sympa, j’ai photographié comme ça en centrant instinctivement le sujet. À la prise de vue, je ne me suis pas dit “attends, je vais faire un carré dans le 3×2 et je vais laisser de la place à gauche pour son regard…”, ce n’est pas comme ça que ça a fonctionné. Je vous explique après pourquoi ça fonctionne, mais concrètement à la prise de vue vous n’allez pas forcément y penser. Ces photos que je vous montre ici, qui sont un peu plus complexes, c’est ce que vous arrivez à faire quand vous avez intégré toutes ces choses-là et que ça devient naturel et que l’interaction entre elles devient instinctive. Vous allez juste regarder, faire la photo, et après on peut intellectualiser et savoir pourquoi ça fonctionne.

Et là, j’ai fait exactement l’inverse. Il a de la place plus vers la droite, et pourtant il regarde vers la gauche. Ça crée une impression un peu différente, une impression de mystère. On se demande beaucoup plus ce qu’il regarde. Si je vous montre cette photo ici, bon elle regarde vers moi, mais si elle regardait vers la gauche, on ne se demanderait pas spécialement ce qu’elle regarde. Elle regarde devant elle, il n’y a pas de raison particulière. Là, par contre, il regarde vers la gauche de l’image, pas devant lui, en plus il tourne sa tête – et c’est aussi pour ça que je l’ai composée comme ça, parce qu’il tourne sa tête derrière lui – et on se demande “qu’est-ce qu’il y a là ?”  Il y a qui, là ? Et du coup ça va raconter une histoire, on va se poser une question et on va se demander ce qu’il regarde. Là, j’ai pris le contre-pied de la règle – je vous ai dit qu’on peut la suivre ou la prendre à contre-pied –, j’ai fait l’exact inverse, j’ai laissé moins de place à son regard et ça crée un effet un peu plus mystérieux.

Autre règle d’utilisation des lignes. Je vous ai dit que les diagonales dynamisaient l’image, je me suis un petit peu avancé sur le sujet de la conférence. Là, j’ai pris l’exemple le moins subtil possible. C’est extrêmement évident. Vous avez des diagonales partout dans cette image et je l’ai prise pour ça. En fait, là je suis sur un passage piéton, entre deux feux verts je me suis mis là pour prendre la photo en évitant de me faire écraser, et ce qui m’a attiré dans l’image, c’est ces diagonales. Là, il y a de grandes diagonales, là et là, double, car il y a le trottoir et le trottoir derrière. Puis encore une diagonale là, des diagonales partout, sur les immeubles. On ne peut faire qu’un truc, c’est regarder là. L’œil est quasiment obligé de regarder au milieu de l’image, on va un peu ailleurs, mais on revient au milieu parce qu’il est absolument obligé de suivre les diagonales. On ne peut rien y faire, c’est physique. Et j’ai aussi utilisé les perspectives en ayant le “taxi bus” au premier plan, qui est très gros, qui prend de la place, qui est très déformé parce que je suis très près, je suis à l’ultra grand-angle, et j’ai utilisé les perspectives en plus.
Les diagonales vont donner l’impression aux gens qu’on peut rentrer dans l’image, les horizontales et les verticales vont faire l’inverse.

Là, pareil, une diagonale encore. Là, vous voyez que j’ai placé mon sujet sur la diagonale, et comme l’œil est attiré par la diagonale, le sujet est dessus donc il va forcément voir le sujet.

Ici aussi, d’une manière un peu moins caricaturale on va dire, mais la diagonale au premier plan va mener là, l’œil va la prolonger tout seul. Cette diagonale-là m’embêtait un peu, mais bon, elle était là. Parce que celle-ci va mener à l’endroit que je ne veux pas, du coup j’ai assombri un peu là. Et vous avez cette ligne-là qui est un peu plus subtilement diagonale, mais qui mène aussi le regard vers cet endroit de la photo, de manière plus subtile. Et vous avez même encore une diagonale là. Il y a plein de lignes.

Ici c’est plus subtil encore, parce que c’est une courbe, mais là aussi ça va mener le regard vers cet endroit-là. Qui est aussi une zone plus lumineuse, d’ailleurs, puisque tout ça joue ensemble, comme je vous l’ai dit avant.

Celle de tout à l’heure, je voulais vous la remontrer, mais finalement je me suis avancé. Comme je vous le disais, avec des verticales et des horizontales, on a plus l’impression d’observer une scène, d’être un spectateur, tandis que dans celles d’avant on a plus l’impression d’être là et de presque mettre le pied dans la photo. L’un ou l’autre sont bien, ça va juste donner des effets différents et selon ce que vous voulez faire passer, ça va être plus ou moins pertinent. Moi j’aime bien, dans les musées, faire des plans de face, verticales horizontales, où on est un peu de loin, parce que c’est comme ça que je prends la photo, à la base. J’observe un peu les gens et j’aime bien donner ce côté observateur à la photo.

Voyez, encore une photo de musée, j’ai encore des horizontales et des verticales, je n’ai pas du tout de diagonales et j’ai ce côté observateur. Ils sont extrêmement drôles, les deux, avec leurs tenues originales juste à côté de la peinture très classique avec le cadre “à froufrous”, c’était assez drôle.

Et on peut aussi utiliser ça en photo de paysage, en particulier en utilisant un téléobjectif. En fait, en zoomant un peu vous n’allez pas du tout avoir de diagonales, pas d’impression de dynamique dans l’image et plus l’impression d’observateur de loin. Et ça fonctionne aussi en paysage.

Dernière chose – pas dernière, avant-dernière chose –, changer de point de vue. Tenter des points de vue un peu originaux. Il y a la vue de dessus, comme je vous le montre ici. Là, j’étais à Arles, il y avait des musiciens en bas et j’ai remarqué que par la fenêtre on pouvait se pencher et les voir de dessus. Ça, c’est une vue qu’on ne voit jamais. Et la photo est intéressante parce que personne ne voit jamais de musiciens de dessus, enfin c’est assez rare. En général, on ne les voit pas de dessus.

À Arles aussi, des escaliers, quelqu’un qui se repose un peu et qui prend un plan. Vue de dessus, on a une vue un peu différente de ce qu’on a l’habitude de voir, d’une manière plus subtile.
Barcelone, un touriste qui photographie en bas, j’étais en contre-bas, je l’ai photographié, je peux le voir de dessus, point de vue original.

On peut faire l’inverse, on peut se mettre plus près du sol. Là, j’étais assis à côté, vous voyez que j’ai aussi utilisé les diagonales pour mener le regard, mais je suis à son niveau. Ça donne un bien meilleur résultat que si j’avais été debout à côté et que j’avais pris une photo comme ça. Parce que les gens assis, dans la rue, sur les escaliers, on a l’habitude de les voir d’un point de vue de notre hauteur. Et l’avantage de prendre un point de vue différent, c’est que vous allez surprendre le spectateur puisque vous allez lui montrer quelque chose qu’il n’a pas l’habitude de voir.

Ici, je me suis mis au niveau du gamin qui faisait du skate. Je me suis à peu près accroupi comme ça, sinon j’aurais eu une vue de dessus et les enfants, on a toujours l’habitude de les voir de dessus.

Je parlais des enfants, tous les sujets de petite taille d’une manière générale, c’est très bien de se mettre à leur niveau. Là encore, pour la même raison, on n’a pas l’habitude de voir un chat à ce niveau-là. À moins de se mettre par terre, et en l’occurrence, là, je me suis mis par terre pour photographier ce chat, à Malte.

Alors là, on peut faire plein de choses en même temps. C’est-à-dire que là, à la fois j’ai l’appareil qui est littéralement au niveau du sol – quand je dis au niveau du sol, il est posé par terre –, j’ai un très grand-angle et un effet de perspective – vous voyez que la tête de l’écureuil est assez déformée, mais c’est un effet volontairement comique. C’est assez drôle un écureuil, quand on regarde, ça a une tête un peu marrante –, et le fait de l’avoir très très près de l’appareil (grâce à un gland, sinon ça n’aurait pas marché), d’avoir une faible profondeur de champ pour mettre en valeur uniquement sa tête, de déformer sa tête volontairement en faisant un grand-angle et une photo très proche, on a une photo d’écureuil qu’on n’a pas l’habitude de voir. Vous avez rarement vu des écureuils au grand-angle de très près. Et ça, c’est la photo que je voulais faire, parce que ça m’amusait de le faire ; parce que, bon, faire l’écureuil de loin, ce n’est pas extrêmement intéressant, mais faire ça de près, le défi m’amusait et je pensais au potentiel comique de la photo.

On peut aussi faire cet effet en changeant de point de vue et en combinant, ici, les perspectives avec un sujet plus grand. On n’est pas obligé de le faire avec un sujet plus petit. Ici, New York, le Chrysler Building derrière, assez emblématique, et je cherchais à le photographier, mais le point de vue n’était pas génial parce qu’on n’arrive pas à le voir vraiment en entier. Du coup, je me mets dans la rue et je me dis que je vais profiter au contraire de ce qui passe, et plutôt que de me dire qu’il y a des voitures partout, c’est embêtant, je vais plutôt les intégrer dans l’image. Et j’ai attendu qu’il y ait un taxi jaune, très emblématique de New York, qui passe pour l’intégrer dans l’image et vous voyez qu’il prend beaucoup de place dans l’image, il a une grosse masse visuelle, il a volontairement pris le mouvement – aussi parce que j’étais de nuit et je n’avais pas le trépied à ce moment-là donc j’ai fait une pose un peu longue – et il prend beaucoup de place dans l’image parce que je suis très proche de lui, il est passé juste à côté – je n’étais pas en danger, mais il n’aurait pas fallu qu’il fasse une embardée –, et je suis très bas, et j’ai accentué la perspective en étant proche de mon sujet. Vous voyez que là j’ai utilisé plein de choses différentes sur cette image-là.

Se mettre près du sol, ça marche aussi très bien en paysage, ce qui va vous donner beaucoup plus une impression de rentrer dans l’image et va mettre en valeur le premier plan. Le fait d’être bas, si possible avec un ultra grand-angle, au moins un grand-angle, et proche de son premier plan, ça va beaucoup plus donner l’impression de rentrer dans l’image et ça va éviter l’effet grand paysage vide. Ça peut facilement vous arriver quand vous êtes loin, vous êtes à votre niveau à vous, vous photographiez comme ça, puis vous n’avez pas vraiment de premier plan et vous avez juste un grand paysage vide. C’est joli, mais c’est un peu vide. Le fait de vous mettre proche du sol avec un ultra grand-angle, ça va forcer un peu la perspective, puisque vous allez avoir un premier plan très près, et vous allez beaucoup plus faire rentrer le spectateur dans l’image et avoir un résultat beaucoup plus efficace.

Dernière chose, les couleurs complémentaires. Je vais en parler un peu parce que ça me semble important. Vous avez des couleurs qui fonctionnent bien ensemble en photo. Là, vous avez deux roues de couleurs complémentaires qui ne sont pas exactement les mêmes, je sais. Personne n’est tout à fait d’accord sur quelles couleurs sont réellement complémentaires. Vous voyez quand même que les bleus violets sont à peu près complémentaires avec les jaunes orangés, c’est similaires sur les deux roues. Ça, c’est les deux qui me semblent les plus pertinentes, on va dire.

Parfois vous les avez naturellement dans les images, donc typiquement après un coucher de soleil, vous avez un ciel un peu bleu et les lumières de la ville qui sont orange, donc ça fonctionne direct ; parfois vous tombez sur une situation où vous avez déjà les couleurs complémentaires dans l’image, le bleu et le jaune sont là, c’est parfait ; et parfois vous attendez un moment – là c’est la Sagrada Familia au coucher du soleil, vous avez du bleu et du orange dans l’image, naturellement, je n’ai rien eu à faire, et puis parfois vous attendez un moment, comme je vous le disais avec cette photo que je vous montre pour la troisième fois aujourd’hui, parce qu’il y avait plein de choses à dire, et là, pour le coup, il a juste fallu attendre qu’il y ait une fille en robe jaune qui passe devant le mur bleu. Ou l’inverse d’ailleurs. Vous pouvez aussi vous balader avec une fille en robe jaune et attendre d’avoir un mur bleu, ça marche aussi.

Un point très très rapide, parce que je suis un tout petit peu long, sur la sensibilité et l’inspiration. Parce que tout ça, tout ce que je vous ai montré là, je vous ai expliqué pourquoi les photos fonctionnaient, mais comme je vous ai dit, à la prise de vue je ne pense pas forcément à ça de manière totalement consciente. Le jaune et le bleu, avant, sur la photo que je vous ai montrée trois fois, j’y ai pensé de manière consciente. Mais il y a plein de fois où je ne pense pas à ça de manière consciente, et le meilleur moyen de bien composer vos images, c’est de travailler votre sensibilité et votre inspiration. C’est difficile de penser à tout à la prise de vue, et ça demande beaucoup de travail et d’autocritique d’améliorer sa composition. Donc ça va venir sur le long terme. Ce que je vous ai expliqué aujourd’hui va vous servir pour observer vos images demain, ou même dès ce soir – vous rentrez chez vous et vous pouvez déjà regarder vos images pour savoir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas –, mais il va falloir du temps, du travail, et regarder vos photos avec un œil critique et vous demander ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce que vous auriez pu faire différemment aussi, se dire “OK, je me souviens de la situation, comment j’aurais pu avoir une composition un peu meilleure ?”
Mais ce qu’il faut, c’est développer votre sensibilité pour que ça devienne naturel.

Il y a plein de manières de développer sa sensibilité, et la première c’est simplement de s’intéresser à l’art d’une manière générale. Et j’allais dire “au beau”. Aux arts visuels, d’abord, évidemment allez dans les expos photo. Vous êtes au salon, il y a des expos, allez les voir, arrêtez-vous sur des photos et demandez-vous pourquoi elles fonctionnent.

“Demandez-vous”, c’est avec un œil technique, et aussi simplement laissez-vous émouvoir par les images ; c’est aussi important, simplement, d’être sensible aux images et de les regarder.

Le cinéma, c’est juste des photos 24 fois par seconde. Ça dépend des réalisateurs, le dernier blockbuster n’est pas forcément le meilleur exemple de composition photographique, quoique, mais il y a certains réalisateurs qui ont des compositions très fortes dans leurs films ; évitez de ne pas regarder un Tarantino avec un œil photographique, vous allez voir, chaque plan est quasiment composé comme une photo : il y a des lignes, règle des tiers ou pas règle des tiers, il y a des points de fuite dans l’image, des perspectives ou pas, vous allez voir, il faut vraiment regarder ça comme ça.

Intéressez-vous à la peinture aussi, parce que c’est un art visuel et la photo est finalement assez inspirée de la peinture. On parlait de la règle des tiers, tout à l’heure, rapidement, c’est directement issu du nombre d’or et de choses qu’utilisaient les peintres classiques depuis bien plus longtemps.

Quand vous allez regarder des expos, ou juste des œuvres, des bouquins de photos ou de peintures, prenez le temps de vraiment regarder et pas de juste voir les œuvres. Je vois trop de gens dans les expos qui se baladent et regardent les photos comme ça, rapidement. Il ne faut pas juste les voir, regardez-les. Certaines ne vont pas vous plaire, c’est OK. Moi, ma démarche dans les musées, en général, est de me balader assez lentement le temps de voir les œuvres quelques secondes et de m’arrêter sur celles où, instinctivement, j’ai envie de m’arrêter, et après de vraiment les regarder. S’il le faut, asseyez-vous et regardez une œuvre 5 minutes, mais vraiment. Passez 5 minutes devant et demandez-vous pourquoi elle est bien. C’est le genre de choses qui va améliorer votre sensibilité et qui à long terme améliore vos compositions. Ça peut paraître super abstrait comme ça, je sais, parce que vous allez dire “il faut vraiment que je me tape plein de musées pour améliorer ma composition ?” Évidemment, ne faites que ce qui vous plaît, on n’aime pas tous la peinture flamande du XVIIIe ou les Impressionnistes. Trouvez ce qui vous plaît, mais allez améliorer votre sensibilité grâce à ça. D’une manière générale, tous les arts développent la sensibilité, même la musique, plein de choses, c’est beaucoup plus indirect, mais ça va vous apporter des choses.

Il y a un photographe canadien, que j’aime beaucoup, qui a dit ça – je ne sais pas si c’est lui qui l’a inventé, en tout cas c’est de lui que je l’ai entendu : il a dit que la créativité c’est connecter des points, mais qu’avant de connecter des points, il faut d’abord les collecter. C’est-à-dire qu’il faut avoir des choses à connecter avant. Et le fait de s’intéresser à l’art, ça vous fait des choses à connecter entre elles. Il a dit aussi qu’il fallait inspirer avant d’expirer. Inspirer, d’où l’inspiration, donc respirer, en fait, de belles choses avant de les expirer. Et les expirer, c’est quoi ? C’est de prendre une belle photo. C’est aussi une chose importante et je voulais vraiment finir là-dessus aujourd’hui, parce que c’est à mon avis une des choses les plus importantes.

Je voulais rapidement vous donner une petite méthode de composition concrète que je vais faire très vite parce qu’on est un peu à la bourre, mais on aura l’occasion d’en parler après :
Étape 0 : qu’est-ce que vous voulez faire passer dans la photo ?
Étape 1 : vous vous placez globalement par rapport au sujet – plutôt loin, plutôt près… Vous allez faire un placement global sans l’appareil, vous n’êtes pas obligé d’avoir l’appareil à l’œil à ce moment-là, juste regardez où vous allez vous placer.
Étape 2 : l’angle de vue. Vous êtes à peu près à l’endroit où vous voulez être, mais comment vous faites ? Est-ce que vous vous mettez bas, à hauteur normale, sur le côté. Vous êtes à peu près à l’endroit, mais vous allez préciser les choses avec, cette fois-ci, l’appareil à l’œil, parce que vous allez commencer à vouloir travailler le cadrage.
Et étape 3 : vous allez peaufiner. C’est-à-dire que vous êtes bas et vous avez un petit élément gênant, donc on va se décaler un peu sur la gauche pour enlever l’élément gênant.

Vous allez aller du général au particulier pour composer vos photos.

Je n’ai pas vraiment le temps de vous faire une séance de questions/réponses maintenant, mais j’ai déjà dit tellement de choses que j’espère qu’il n’y aura pas trop de questions. De toute façon, je suis dispo après pour vous parler.
Je vais vous résumer un petit peu les choses.

La composition, c’est vraiment une série de questions à se poser. Il n’y a pas vraiment de réponses, en fait, il y a beaucoup plus de questions que de réponses, mais c’est ça l’idée. C’est de vous poser les bonnes questions et de vous dire qu’est-ce que je veux faire passer ? Est-ce que ça va plus mettre en valeur mon sujet, mon idée, de me mettre bas ou haut ? De plus m’approcher ou de plus m’éloigner ? En fait, il faut vous poser des questions et vos choix vont en découler assez naturellement.
La question à se poser est toujours « est-ce que ça va mettre en valeur mon sujet ou non et ce que je veux faire passer ? »

Et tous vos choix, même techniques, la profondeur de champ, etc., vont découler de ces questions.
Elle reste subjective, il n’y a pas forcément de mauvais choix – enfin, il y a des choix qui sont peut-être moins heureux que d’autres –, mais en regardant une photo que vous avez faite, je ne peux pas dire si c’était le meilleur choix ou pas, puisque je n’étais pas là. Peut-être était-ce la meilleure chose que vous pouviez faire à ce moment-là, parce que vous n’aviez pas la possibilité d’aller plus près. Je pourrais vous dire “ç’aurait été bien d’être plus près”, sauf que je n’étais pas là et je n’en sais rien. Donc ça reste subjectif et c’est à vous de choisir.
Si vous êtes encore là, c’est que ça vous a plu. Si vous souhaitez aller plus loin avec moi, la première chose serait de télécharger mon guide qui s’appelle “Faites-vous plaisir en photographiant”. Il y en a certains parmi vous qui l’ont déjà, je pense, parce que je reconnais des élèves et des lecteurs. Pour ceux qui ne l’ont pas, vous pouvez aller tout de suite, maintenant, sur votre smartphone taper ap7.fr/guide (www ou pas, ce n’est pas important). Il y a des dépliants ici, avec l’adresse, si vous voulez faire ça chez vous, tranquille. Prenez, allez-y, j’en ai imprimé plein, de toute façon, il faut qu’ils partent.

Le dépliant est là. Vous allez avoir toutes les infos pour télécharger le guide, et vous recevrez les articles du blog, ensuite, dans lequel je parle de tout ça plus longuement.
J’ai également deux formations, qui réunissent plus de 7 000 élèves en tout, dont certains sont là. La première s’appelle Devenez un Photographe Accompli, c’est une formation assez généraliste à la photographie dans laquelle je parle majoritairement de prise de vue, mais aussi un petit peu de post-traitement, un petit peu de créativité et un peu de lumière. L’idée est de vous rendre indépendants. Que vraiment vous puissiez vous faire plaisir avec votre appareil, qu’il soit devenu une véritable extension de votre œil.
La deuxième formation s’appelle Sublimez vos Photos, et dans celle-ci je parle uniquement de post-traitement, mais surtout pas de la retouche pour la retouche. Je ne voulais pas faire le millième manuel de Lightroom en vidéo, ce n’était pas l’idée. L’idée est de vous expliquer comment faire du post-traitement pour sublimer vos photos, comme son nom l’indique, et aussi avec un aspect de composition derrière. Je parle beaucoup de composition dans la formation au post-traitement, ce qui est peut-être original, parce que je pense vraiment que le post-traitement est là pour renforcer la composition de l’image que vous avez faite à la base, et comme je vous l’ai montré tout à l’heure, on peut assombrir un coin, on peut faire des choses pour encore renforcer une image qu’on a déjà bien prise à la base. L’idée est de se centrer sur cette idée-là.
C’est là-dessus que je voudrais finir. Faites-vous plaisir, amusez-vous et, surtout, inspirez de belles choses, et expirez.

J’ai oublié une chose, les conférences seront disponibles sur YouTube, pour ceux qui ont raté le début, vous pourrez la revoir sur YouTube. Si vous n’êtes pas encore inscrits au blog, inscrivez-vous, il y a le lien dans le flyer pour télécharger le guide, vous recevrez la vidéo plus tard. Donc, prenez-les si vous avez raté le début de la conférence ou si vous avez raté mes autres conférences.

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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