“Une bonne part d’être photographe c’est de remarquer les détails de surface et comment ils représentent quelque chose de plus grand.”

C’est une des leçons de Todd Hido que je préfère et que je vous livre aujourd’hui.



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Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle vidéo sur Apprendre la Photo ! Aujourd’hui, je continue ma petite série sur l’excellent bouquin de Todd Hido, avec une leçon qui est parmi mes préférées du bouquin.

Il faut savoir, pour commencer, que Todd Hido a notamment travaillé sur une série de photos de maisons vues de l’extérieur – on en voit une en couverture –, souvent au crépuscule avec les lumières allumées à l’intérieur. Il parle ça dans ce passage que je vais vous lire, traduit par mes soins .
Ce qu’il dit dans ce passage, c’est :

« La façon dont les gens se présentent au monde en dit beaucoup sur ce qui se passe chez eux : par exemple, si leur gazon est tondu ou non. Je peux reconnaître le désordre dans leurs rideaux. Comment les rideaux se sont-ils retrouvés comme ça ? Ils ne remarquent pas qu’ils sont de travers ? Ils ne les remettent pas en place parce qu’ils ne pensent pas qu’ils puissent trahir des secrets à propos de leur foyer. Vous êtes aveugle à votre propre espace. Mais les autres peuvent le voir, et l’appareil photo peut aussi faire la lumière dessus. Les détails de surface révèlent des histoires plus profondes.

Dans un sens, toutes les photos font ça, car elles ne montrent que la surface. Ces images prêtent attention à ce qui est visible, et laissent entendre ce qui est invisible, la psychologie subtile de l’espace.

Une bonne part d’être photographe c’est de remarquer les détails de surface et comment ils représentent quelque chose de plus grand ; c’est comme être un détective ou un psychologue. »

C’est cette phrase qui m’a marqué. En fait, la phrase particulière qui m’a marqué c’est : “Une bonne part d’être photographe c’est de remarquer les détails de surface et comme ils représentent quelque chose de plus grand.”

Je pense que c’est quelque chose de vraiment fondamental en photo. Je ne veux pas être trop affirmatif, parce qu’évidemment on ne peut pas affirmer un truc aussi gros, comme ça, mais je me demande si ce n’est pas ça LA différence entre une photo chiante, et une photo qui arrête le spectateur. C’est-à-dire une photo qui fasse deviner quelque chose d’invisible à partir du visible.

Quelques pages plus loin, Todd Hido nous parle également d’ambiguïté, à travers cette photo. (Je vous la montre comme ça, mais je vais quand même essayer de vous l’insérer à l’écran.) Vous pouvez y voir une maison, la nuit. Deux fenêtres sont éclairées, et si vous regardez attentivement, vous voyez que les deux lumières sont bleutées, ce qui indique que ce sont probablement deux télévisions.

Du coup, pourquoi y a-t-il deux personnes qui regardent la télé dans une pièce séparée ? Est-ce qu’ils sont en froid ? Est-ce qu’ils ne s’apprécient plus assez, pour vivre dans une pièce séparée ? Est-ce qu’ils n’étaient juste pas d’accord sur le programme ce soir-là et il n’y a rien de plus grave que ça ? Voilà, donc là, le visible indique quelque chose d’invisible.

Si je cherche parmi mes photos personnelles que je préfère, elles ont toutes cette caractéristique. Elles s’attachent à un détail visible pour suggérer l’invisible. Ma série à Venise, dont vous vous souvenez peut-être, sinon je vous mets le lien ici, elle est entièrement faite de ça par exemple.
Ce couple qui se détourne l’un de l’autre, dont tout le corps dit « tu m’emmerdes » : que s’est-il passé ? Est-ce qu’ils ne s’aiment plus ? Est-ce que ce n’est qu’une anicroche temporaire ? Ça indique quelque chose qui n’est pas visible.

Et si je regarde les photos que j’ai aimées ces derniers temps, c’est la même chose.

Je suis allé voir Irving Penn au Grand Palais (que je vous conseille vivement au passage), et toutes ses images lèvent un tout petit peu le voile sur l’invisible. Sur le vrai « soi » de ses sujets de portrait.

Les images de Masahisa Fukase aussi, dont j’ai parlé dans une de mes vidéos de reportage aux Rencontres d’Arles, si vous vous rappelez de mon reportage de ça, c’est pareil. Il y a un aspect invisible qui est fort, puisqu’en photographiant des corbeaux, Masahisa Fukase s’en fout des corbeaux, en fait, ce qu’il veut vous montrer, c’est ses émotions à lui, qui sont invisibles, mais il prend quelque chose de visible pour montrer l’invisible.

L’année dernière, j’avais aussi fait un reportage sur les images de Laurent Kronental. Pourtant, ce sont aussi des photos d’architecture, parfois avec personne dedans. Mais le fait de présenter une série avec les premiers habitants de ces cités leur donne toute une connotation invisible : on peut imaginer les habitants se réveillant au petit matin, même s’ils ne sont pas visibles à l’image, on peut imaginer des choses, on peut comprendre ce sentiment.

Bref, je pense que c’est vraiment une chose très importante à laquelle vous pouvez penser pour améliorer vos photos : quels détails de surface allez vous choisir de montrer pour suggérer quelque chose d’invisible ? Comment pouvez-vous faire en sorte d’en montrer juste assez pour que le spectateur aie envie d’en savoir plus ?

L’idée est de soulever plus de questions que ce que vous apportez de réponse. Il faut en fait laisser le cerveau remplir les trous.

Voilà, c’est la fin de cette vidéo ! Si vous l’avez aimée, pensez à mettre un pouce bleu et la partager avec des photographes. Si vous découvrez la chaîne, pensez à vous abonner et cliquez sur la cloche pour ne pas rater les prochaines, et n’oubliez pas de télécharger votre petit guide Faites-vous plaisir en photographiant, en cliquant sur le petit lien qui va apparaître, de façon à avoir vraiment les bases qui vont vous permettre de progresser en photo.

Je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là à bientôt, et bonnes photos !

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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