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Bonjour à tous. Vidéo un petit peu spéciale, aujourd’hui, puisqu’il s’agit de l’enregistrement de la conférence que j’ai donnée sur le stand de Panasonic Lumix au Salon de la Photo 2016.
Cette conférence s’appelait “Photographier avec personnalité et composer une série créative“. Donc vous allez voir que je reprends des concepts que j’ai déjà évoqués auparavant sur la chaîne YouTube, et même sur le blog, mais disons qu’ils sont beaucoup plus richement illustrés ; c’est une conférence qui dure à peu près une heure, donc vous aurez évidemment beaucoup plus de contenu donc je vous encourage fortement à la regarder jusqu’au bout.
J’ai également fait deux autres conférences : une sur le choix de l’objectif, ciblée Micro 4/3, mais ça marche pour n’importe quel appareil à objectifs interchangeables, finalement, et également une sur la photo de voyage. Comme c’était deux sujets que j’avais déjà faits l’année dernière, je ne les ai pas réenregistrés cette année, puisque c’est la même chose, donc elles sont là et là si vous voulez les regarder – cliquez dessus, ça les ouvrira dans un nouvel onglet, donc n’hésitez pas à regarder les trois –, la seule différence avec l’année dernière c’est que j’avais un peu moins de barbe.
Voilà, place à la conférence.
Je vais commencer par une question. Je vais vous faire travailler tout de suite. Cette question est : à votre avis, combien d’images sont partagées chaque jour sur internet ?
Donnez-moi des chiffres, allez-y, on va faire des enchères.
Un milliard ? Qui dit mieux ? C’est plus.
On va faire le juste prix. Je ne peux pas faire comme avec le micro de Philippe Rizzoli, mais… Pour ceux qui se souviennent de la référence. 🙂
Alors, c’est plus qu’ un milliard. Qui dit mieux ?
5 milliards ? Non, pas à ce point-là.
En fait, on est un peu au-dessus d’un milliard, on est à 1,8 milliard d’images qui sont partagées chaque jour sur internet.
1,8 milliard ! C’est beaucoup, quand même.
Quelle est la conséquence de ça ? C’est que tout a déjà été montré. C’est-à-dire que si vous faites une recherche Google sur concrètement n’importe quel endroit du monde, vous allez trouver plein d’images qui décrivent cet endroit et qui le montrent. Parce que vous imaginez bien qu’à 1,8 milliard d’images chaque jour, statistiquement parlant, tout a déjà été montré.
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dire qu’à une époque, le job du photographe c’était de faire ce que j’appelle de la photo descriptive. C’est-à-dire que quand les gens ne pouvaient pas voyager aussi facilement – aujourd’hui, vous prenez un billet pour n’importe où en Europe, c’est 20 ou 30 euros chez Ryanair, à une époque, pour voyager en Europe, c’était plusieurs jours, il fallait avoir les moyens, c’était beaucoup plus compliqué. Vous n’imaginez même pas pour aller aux États-Unis, en Asie ou ailleurs. Donc à une époque, le photographe ramenait des images d’endroits que les gens n’avaient jamais vus. Donc, finalement, s’il arrivait devant un paysage, qu’il posait son trépied, prenait une photo et qu’il repartait, c’était déjà une photo qui était inédite, puisqu’il y avait de grandes chances que cet endroit n’ait pas été photographié avant et qu’on fasse découvrir des choses au public.
Donc il avait un job de description. Il faisait ce qu’on appelle de la photo descriptive.
Aujourd’hui que tout a été montré, et qu’il y a autant d’images qui sont partagées chaque jour – probablement chaque seconde, il y a des milliers et des dizaines de milliers d’images qui sont prises –, concrètement, décrire quelque chose photographiquement, ça n’a plus tellement de valeur. Alors, ça peut avoir de la valeur pour vous, une valeur sentimentale parce que vous allez quelque part et vous prenez une photo pour vous, mais une valeur pour le reste du monde, ça n’en a plus vraiment parce qu’il y a déjà quelqu’un qui appris une photo du même endroit avant vous, et sans doute meilleure.
Non pas parce que vous êtes mauvais, mais tout simplement juste parce que c’était un meilleur moment, une meilleure lumière, une meilleure météo, il y a un truc qui s’est passé, improbable à ce moment-là, et qui donne un plus à la photo, et que vous vous ne verrez pas à moins d’attendre devant pendant deux ans. Donc si juste vous décrivez un endroit, il y a sans doute un mec qui a déjà pris une photo meilleure avant.
D’où l’intérêt de faire ce que j’appelle de la photo narrative.
C’est-à-dire une photo qui soit davantage sur l’interprétation que vous faites d’une situation, d’un lieu, d’un moment, d’une lumière, et qui soit basée à la fois sur le ressenti que, vous, vous avez devant ce que vous voyez, et ce que vous allez faire ressentir aux gens qui vont regarder vos images.
Et l’outil pour la photo narrative, ce n’est pas l’appareil photo, votre outil c’est le langage photographique.
De la même manière que, j’allais dire, tout le monde sait écrire – tout le monde ne sait pas écrire, mais tout le monde sait utiliser un stylo pour écrire quelque chose, ici, mais ça ne veut pas dire que vous savez écrire un roman.
C’est-à-dire que vous savez utiliser l’outil stylo pour écrire, mais vous ne maîtrisez peut-être pas le langage suffisamment pour écrire un roman. Moi non plus, hein, on est bien d’accord.
Je veux juste faire le parallèle avec la photo pour vous montrer que votre outil pour faire de la photo narrative, de la photo qui raconte quelque chose ce n’est pas l’appareil photo vraiment – c’est comme le stylo, que vous changiez d’appareil, ça reste un stylo. Il y a des stylos un peu meilleurs que d’autres, mais l’outil, c’est le langage. Vous pouvez avoir le meilleur stylo du monde, si vous n’avez pas le langage, vous n’allez rien en faire.
Mettez un très beau stylo entre les mains d’un enfant qui ne sait pas écrire, il ne va pas vous écrire “Roméo et Juliette”. Ce n’est pas possible.
Voilà, je voulais vous parler de ça, aujourd’hui, vous parler de comment utiliser le langage photographique dans vos images. Donc je ne vais tellement parler de technique – il y aura un ou deux petits apartés pour être sûr que tout le monde est au même niveau, mais ce sera vraiment sur le langage photographique.
Et la question que vous devez vraiment garder tout le temps en tête, et à laquelle je vais apporter une réponse à chacune des images que je vais montrer, c’est : À PROPOS de quoi vous faites une photo et pas DE QUOI.
Et c’est différent. Vous allez voir pourquoi au fur et à mesure des exemples. Je ne vais peut-être pas trop détailler ça maintenant, parce que, finalement, vous allez beaucoup mieux le comprendre dans les exemples.
L’important, c’est de savoir À PROPOS de quoi vous faites une photo, et non pas DE QUOI.
Juste avant de commencer, je vais me présenter, quand même. Je m’appelle Laurent Breillat et j’ai lancé un blog qui s’appelle Apprendre la Photo depuis juin 2010, où j’ai écrit quelques articles, qui a quelques abonnés, dont certains parmi vous, j’ai vu. J’ai également deux formations et quelques élèves, dont certains parmi vous, auxquels j’ai déjà eu l’occasion de parler. Et j’ai également écrit deux livres chez Eyrolles en 2013, sur le choix d’un objectif pour reflex.
Et ce que je vais faire aujourd’hui, c’est passer en revue les différents choix que vous allez faire à la prise de vue et au post-traitement, que ce soit en termes de réglage, de composition, ou de ce que vous allez faire au post-traitement. Et à chaque fois de vous parler en termes de langage photographique. Donc pas techniquement, mais vous dire si vous faites tel ou tel choix, ça va donner plutôt telle ou telle impression sur votre image, ça va raconter des choses différentes.
Et je vais commencer par le choix de la profondeur de champ.
Alors la profondeur de champ, il y a juste une chose à savoir. Je vous rappelle la notion pour ceux qui ne savent pas ce que c’est : en gros, ça, c’est une faible profondeur de champ, c’est-à-dire qu’il y a une petite zone de netteté, le sujet est net, mais l’arrière-plan est flou. Et ça, c’est une grande profondeur de champ, il y a une grande zone de netteté, mon sujet est net et l’arrière-plan aussi.
En gros.
La profondeur de champ est influencée par plein de choses, mais il y en a une principalement sur laquelle vous allez jouer pour la contrôler, c’est l’ouverture du diaphragme ; c’est le truc dans l’objectif qui va plus ou moins s’ouvrir ou se fermer à la prise de vue.
Ça, se sont les ouvertures telles qu’elles sont indiquées par votre appareil photo, ce qu’il faut juste savoir, c’est que ceci est une grande ouverture, avec un petit chiffre, et ça, c’est une petite ouverture avec un grand chiffre. Ce n’est pas intuitif, mais ce n’est pas grave, retenez simplement que petit chiffre = petite profondeur de champ (petite zone de netteté), grand chiffre = grande profondeur de champ (grande zone de netteté).
Là encore, je ne fais pas un cours technique, mais je vous le rappelle parce que je veux être sûr que tout le monde comprenne de quoi je parle juste après.
Donc, pour vous donner un exemple, ça, c’est pris à f/2.8, ça, c’est pris à f/16.
Voilà, je voulais juste clarifier ce point-là.
Alors, à quoi sert la profondeur de champ en termes de langage ?
Elle va servir à montrer l’arrière-plan et le contexte (ou non). Selon l'”à propos” de votre photo, vous allez parfois vouloir montrer l’arrière-plan, parce que c’est important pour ce à propos de quoi vous photographiez ; ou alors vous allez vouloir, au contraire, ne pas le montrer parce que soit ça va gêner, soit juste ça n’a pas d’intérêt particulier pour votre “à propos”.
Le corollaire de ça, c’est que ça va isoler votre sujet, ou non. Parfois vous allez vouloir isoler votre sujet de son environnement, parfois pas.
Je vais vous montrer des images où j’ai fait des choix différents.
Ici, si je me souviens bien, photo qui a été prise au GX-8 et au 35-100 mm, donc un équivalent 70-200. Je suis assez zoomé, assez loin de cet enfant, et vous voyez que j’ai choisi une faible profondeur de champ. Je suis sans doute ouvert à f/2.8, le chiffre exact on s’en fout, l’essentiel est que j’ai une faible profondeur de champ.
Pourquoi ? Parce que l’image est à propos de ses yeux, de son sourire, de son visage. C’est à propos de cet enfant, en fait, donc ce n’est pas, par exemple, à propos de l’environnement autour. Ce n’est pas le sujet de la photo. Donc pourquoi j’ai choisi une faible profondeur de champ à ce moment-là ? Parce que ça me permet de l’isoler de son arrière-plan où il pourrait y avoir des éléments gênants, des choses qui détournent l’attention, et le fait de choisir ça me permet de me concentrer sur cet “à propos” qui est lui. l'”à propos” de la photo, c’est lui.
Si je prends cette autre photo où j’ai fait l’inverse, là je suis à l’ultra grand-angle, sans doute fermé à f/8 f/11 – là encore peu importe la valeur –, j’ai une grande profondeur de champ. Pourquoi ? Parce que la photo est à propos du gonflage de ce ballon, à l’aube, dans le Massaï Mara. Alors, vous ne pouvez pas tout deviner, si je la mets au sein d’une série, si, vous pouvez tout deviner. Et c’était important que tout soit net. Parce que, du coup, vous n’avez pas seulement… je n’allais pas me mettre, vous voyez, tout près et juste photographier cette personne, ça aurait été un autre à propos. J’aurais pu faire une photo qui était à propos de ce gars qui gonfle la montgolfière – je pense que je n’aurais pas eu le droit parce que ça aurait probablement été chaud pour moi –, mais j’aurais pu faire une photo qui aurait été à propos d’autre chose, il n’y a pas un choix qui aurait été meilleur qu’un autre, c’est juste deux à propos différents.
Là, j’ai choisi d’avoir quelque chose qui soit très grand-angle sur la montgolfière en entier, et mon choix de profondeur de champ va aider mon propos, puisque j’ai tout qui est net – c’est à propos du gonflage, pas seulement à propos de la montgolfière, sinon j’aurais aussi pu couper là si je voulais, donc je veux aussi montrer les gens ici. Je veux être sûr que tout soit net.
Et vous pouvez aussi faire des choix intermédiaires. Vous n’êtes pas obligés de faire soit une très grande ouverture, soit une très petite ouverture, il y a des choix intermédiaires.
Ici je suis dans les f/6.3, f/7.1, de mémoire, là encore le chiffre on s’en fout. Et si j’avais été complètement à pleine ouverture là-dessus, si j’avais par exemple été à f/2.8, ma gazelle ou mon antilope derrière, je ne l’aurais pas vue. Ça aurait fait une espèce de tache orange, on n’aurait pas forcément distingué ce que c’était.
Là, on la distingue, on comprend ce que c’est, c’est assez caractéristique comme silhouette, mais elle est quand même pas nette. Ce qui est net, c’est le lion. Donc on a compris que mon sujet, c’est le lion, c’est là qu’on va regarder d’abord, c’est là que l’œil va aller d’abord, et ensuite il y a une espèce de relation qui s’établit avec l’animal derrière, mais on comprend quand même que c’est moins important dans l’histoire. C’est-à-dire que je ne suis pas en train de faire une photo à propos de la relation entre ces deux-là, je suis en train de faire une photo à propos de ce lion qui passe devant la gazelle sans même la regarder, parce qu’apparemment il n’a pas faim. Et elle qui s’inquiète un peu, mais modérément parce qu’il est encore assez loin donc elle est encore assez sûre d’elle.
Autre choix qu’on peut faire, c’est le choix de la vitesse d’obturation.
La vitesse d’obturation, ça va jouer sur la perception du mouvement. Donc le mouvement du sujet – est-ce que votre sujet bouge sur la photo – et votre mouvement à vous, photographe.
On va voir qu’on peut utiliser les deux en termes de langage.
Là, je vous ai juste mis deux exemples pour vous rappeler un point technique très rapidement, pour être sûr que tout le monde soit au point sur la même chose.
Là, vous savez c’est les petites figurines, quand on leur tape sur la tête, ça bouge : là c’est pris à 1/100, là c’est pris à 1/4 de seconde, juste pour vous donner une idée de ce que ça donne comme impression sur la perception du mouvement.
Donc, exemple en photo :
Ici, j’ai une photo qui a été prise avec une vitesse d’obturation très rapide, là encore peu importe la valeur, mais on est, genre, dans les 1/2000, donc c’est très très rapide. Ça permet de vraiment figer cette bulle. Ça bouge très rapidement, il y a un peu de vent donc la bulle est un peu en mouvement permanent et ça me permet de vraiment la figer dans cet instant-là où elle est, je crois, en train d’éclater ou sur le point d’éclater. Et également de bien figer, vous voyez, tous ces petits points dessus, qui sont en fait des gouttes d’eau qui prennent la lumière en contre-jour. Je n’aurais pas eu cet effet-là avec une vitesse plus lente, du type même juste 1/100 ou 1/200, qui aurait été suffisante pour avoir le monsieur net, mais n’aurait pas été suffisante pour avoir quelque chose d’aussi net que ça. Donc le fait de choisir une vitesse aussi importante me permet de faire une photo qui est à propos de la lumière dans cette bulle. Vous voyez que, selon…
Parce que, si j’avais juste fait une photo du monsieur et que c’était lui qui m’intéressait, je n’aurais pas forcément eu à choisir une vitesse aussi importante.
Peut-être même que ç’aurait été intéressant de choisir une vitesse plus lente pour que la bulle ne soit pas si nette et n’attire pas autant l’attention.
Encore une photo avec une vitesse d’obturation assez rapide.Là encore 1/2000 ou 1/3000, dans ces eaux-là, la vitesse précise on s’en fout, c’est une vitesse rapide. Pourquoi ? Parce que ce qui est intéressant, là ce n’est pas une photo de lions, c’est une photo à propos de cette lionne qui envoie chier monsieur, parce qu’apparemment elle n’a pas trop envie.
Et ce qui est intéressant dans cette image, c’est le moment précis où on voit cette agressivité, on voit le lion qui est déjà en position de recul, parce qu’il n’a pas envie de s’en prendre une – je crois qu’il s’en est pris une quand même, mais bon.
Et vous voyez, ce qui est intéressant, c’est de figer son mouvement dans l’action, comme ça, qui est assez rapide. C’est comme un chat ; pour ceux d’entre vous qui ont des chats ou qui ont déjà eu des chats qui soudainement donnent un coup de patte parce qu’ils ne sont pas contents, c’est assez rapide comme mouvement, ils ne prennent pas leur temps, gentiment – parfois, mais parfois pas. Là, en l’occurrence, c’est pas gentil du tout, donc la vitesse d’obturation permet de faire une photo à propos de ça. Si la vitesse avait été plus lente, on aurait moins perçu ceci.
À l’inverse, on peut aussi choisir une vitesse d’obturation plus lente. Donc ici je suis, de mémoire, à 1/30 s. C’était à Amsterdam et ce petit passage qui m’attirait un peu avec les deux pigeons au-dessus qui me faisait assez rire ; j’imaginais un couple de pigeons avec le nom de la rue, la texture du mur, etc., ça me semblait assez intéressant.
Donc je cadre, etc., et il y avait tout le temps des cyclistes qui passaient, comme ça, et ma première réaction c’était : pfff… quand est-ce que je vais réussir à avoir la photo entre deux cyclistes ? Et puis je me suis dit, mais en fait, ce n’est pas une photo de ce passage, c’est une photo à propos d’Amsterdam, et Amsterdam c’est bourré de cyclistes comme chacun sait. Le cycliste à Amsterdam est l’espèce dominante.Vous ne pouvez pas tellement passer sans regarder à gauche et à droite.
Donc je me suis dit, je vais plutôt profiter de ces cyclistes qui passent devant. Alors, j’aurais pu choisir une vitesse rapide pour figer la demoiselle qui passe sur son vélo, tout en téléphonant – parce qu’on arrive quand même à distinguer –, mais ce qui m’intéresse, ce n’est pas son visage, en fait, je ne fais pas une photo à propos d’elle. Donc je n’ai pas besoin de l’avoir nette. Ce qui m’intéresse, c’est juste qu’il y ait un cycliste qui passe devant, un cycliste parmi tant d’autres, parce que ce n’est pas elle en particulier qui m’intéressait, c’était juste le fait qu’il y ait un cycliste parmi d’autres qui passe devant.
Donc le fait de faire une vitesse lente me permet de l’avoir pas reconnaissable et de rester quand même concentré sur mon sujet qui à la base est plutôt cet endroit, tout en apportant une présence supplémentaire.
Choix un peu similaire ici à New York. Là, la vitesse lente était, tout à fait honnêtement, à la base, plutôt technique qu’artistique, puisqu’il faisait nuit, comme vous pouvez le voir, donc je galérais un peu avec la lumière, et donc il fallait bien ralentir un peu la vitesse. J’étais à une vitesse suffisante pour ne pas avoir de flou de bougé, j’étais peut-être à 1/30, parce que j’étais bien stable, j’étais par terre, comme ça. J’étais à 1/30, dans ces eaux-là, 1/40, peu importe, et il y avait sans arrêt des voitures qui passaient devant, ou des gens. Donc au début, j’avais mon point de vue comme ça, j’aimais bien ce point de vue sans les gens ou sans les voitures, et au bout d’un moment, j’ai fini par me faire à l’idée que de toute façon il y en aurait au moins un dans le cadre, et je me suis dit autant en profiter. Et qu’est-ce qui est caractéristique de New York ? Puisque c’est une photo à propos de New York, eh bien, c’est les taxis jaunes. Les taxis jaunes, à New York c’est bien connu, ça court les rues littéralement (enfin, ça roule les rues).
Et du coup, je me suis dit autant attendre qu’il y ait un taxi jaune qui passe devant. Et pour le coup, qu’il soit flou c’est plutôt un avantage puisque déjà ça donne cette impression de taxis qui passent tout le temps – un peu comme la cycliste avant –, qui passent en permanence et qui sont indifférenciés les uns des autres. Et en plus, ce n’est pas une photo à propos de ce taxi-là, je m’en fous, c’est juste un taxi parmi d’autres qui me permet d’illustrer mon propos.
Vous pouvez aussi utiliser une vitesse lente en utilisant votre mouvement à vous. D’habitude, on essaie plutôt d’éviter le flou de bougé, mais vous pouvez aussi en faire volontairement. Là, ce n’est pas mes photos parce que ce n’est pas une technique que j’utilise personnellement, donc j’ai demandé à Cynthia si elle m’autorisait à vous montrer ses images. Elle m’a dit oui, donc je vous montre les images de Cynthia. Ceux qui connaissent un peu le blog et la chaîne ont déjà dû les voir auparavant. Et si on prend la photo de gauche, vous voyez qu’on a plein de traînées verticales, comme ça, parce que ce que fait Cynthia, c’est qu’elle utilise une vitesse assez lente du type 1/8, 1/15, et quand elle va photographier, elle va bouger comme ça, en fait. Pendant sa prise de vue. Elle appuie – souvent je pense qu’elle fait une rafale pour être sûre d’avoir un truc assez propre en termes de mouvement – et là, sur cette photo de gauche, elle a bougé de haut en bas. Qu’est-ce que ça permet ? Ça permet d’étirer les silhouettes de girafes – on voit encore que c’est des girafes, mais c’est une photo qui est plus impressionniste. On n’a jamais reproché à Monet de faire des toiles floues. C’est normal, c’est Monet.
De la même façon, ce serait bête de reprocher à Cynthia de faire des photos floues, puisque c’est l’idée. L’idée c’est que ce soit impressionniste et que justement ce ne soit pas une photo de girafes, mais une photo à propos du sentiment que donnent les girafes. Les girafes c’est grand, c’est élégant, ça se déplace comme ça avec une espèce de grâce un peu étrange. Ça a vraiment sa façon de se déplacer, et je trouve que c’est un peu ça qui passe dans l’image. Sur cette autre image, je trouve qu’on a l’impression que la passante indienne en sari tourne le coin, on a presque l’impression de la voir tourner le coin. Moi, ce que ça m’évoque, c’est qu’une demi-seconde plus tard, elle a disparu.
Je ne sais même pas si c’est ce qu’elle a voulu faire passer, mais peu importe, c’est ce que ça m’évoque, à moi.
En tout cas, ça évoque des choses différentes que si elle avait juste pris la photo avec une vitesse d’obturation normale.
Autre choix que vous pouvez faire, c’est celui de la longueur focale et de la perspective.
Je vais juste revenir sur ce que c’est que la longueur focale et la perspective.
La longueur focale c’est simplement, si vous êtes à un petit chiffre, du type 27 mm équivalent Full Frame, sur Micro 4/3 vous serez à 12 mm (là encore peu importe le chiffre précis), à grand-angle vous voyez très large. Là, par exemple, je vous vois tous, mais je vous vois petits.
Au téléobjectif, donc plutôt à 200 mm, par exemple, je ne vois qu’un de vous ou deux d’entre vous, mais très gros dans le cadre.
C’est la seule chose que vous avez à comprendre. Là encore, je ne veux pas faire trop de technique aujourd’hui.
La distance au sujet, ça va influencer la perspective. Là, je suis loin de mes deux sujets et j’ai zoomé. Vous voyez qu’ils font quasiment la même taille. il n’y a pas beaucoup de différence de taille.
Je ne les bouge pas sur ma table, je ne touche pas au sujet, juste je me rapproche, je dézoome histoire de l’avoir en entier, et vous voyez qu’il est beaucoup plus gros que la tasse derrière.
En fait, ce qui a influencé la perspective, c’est la distance par rapport au sujet.
Pourquoi je vous parle de ça ? Parce qu’évidemment c’est deux choix qui sont un peu liés l’un à l’autre. Parce que comme je vous l’ai dit, là j’ai dû dézoomer sinon je ne le voyais plus en entier. Évidemment, le fait de se rapprocher on va un peu dézoomer, par réflexe ; on n’est pas obligé, mais on peut.
Et évidemment, ces deux choix vont avoir une grosse influence sur l’histoire que va raconter votre photo, parce que vous voyez que là, tout de suite il prend plus d’importance. C’est-à-dire que cette photo-là, on n’a pas vraiment l’impression qu’il y en ait un qui a plus d’importance que l’autre, juste on voit plus celui-ci parce qu’il a des yeux, il est mignon, donc on le regarde davantage, mais finalement, en termes de taille il n’y a pas beaucoup de différence. Là, par contre, il prend quand même plus de place dans l’image. Évidemment, le poids des différents éléments dans l’image, ça va raconter une histoire différente.
Donc vos choix vont avoir une grosse influence là-dessus.
Alors, je vais prendre deux exemples où j’ai fait deux choses opposées. Vous voyez que là c’est deux photos très similaires. Il y a un vélo, c’est dans les rues de la même ville – c’est Lucca en Italie ; allez-y, c’est entre Pise et Florence, c’est super –, j’ai fait un traitement de couleur assez similaire. Les murs sont déjà un peu jaunes à la base, mais j’ai un peu renforcé ce côté jaune un peu vieilli. Les vélos, limite, ce n’est pas le même, mais ça pourrait être le même ; il y a un petit panier devant, ça se ressemble beaucoup. Pourtant, j’ai fait deux choix qui sont très très différents. Ici à gauche, je me suis mis assez loin et j’ai zoomé. Vous voyez que j’ai peu de perspective et j’isole relativement mon sujet de son environnement. J’ai juste le vélo, la porte, la fenêtre, c’est tout, et ça nous place dans une position de spectateur, en fait. La personne qui va regarder la photo est un peu comme le spectateur.
Sur la photo de droite, c’est l’inverse. Je me suis mis près, j’ai dézoomé, je suis au grand-angle, donc j’ai davantage son environnement, vous voyez qu’on a la petite rue, etc., et que la taille du vélo, comme je suis très très près, elle est complètement irréaliste ; le vélo est plus grand que les devantures à côté, évidemment dans la réalité le vélo est plus petit. Donc j’exagère la place du vélo dans mon image.
Il y a ces deux choix qui s’opposent : je me mets loin et je zoome ou je me mets près et je dézoome.
Celui-ci qui va plutôt mettre la personne qui regarde la photo dans le rôle du spectateur, elle va regarder quelque chose de loin. Et là, on va plus la mettre dans le rôle d’acteur, parce que vous voyez qu’avec cette perspective qui se crée, on a presque envie de rentrer dans la photo. C’est toujours l’image que je donne. Quelqu’un m’a dit, il y a deux jours, une image que j’aime beaucoup, que je vais reprendre, je pense, je vais lui piquer l’idée : c’est comme si on se sentait aspiré. Il y a quelque chose comme ça avec les photos qui sont plutôt avec ce choix-là, c’est qu’on se sent un peu aspiré dans la photo.
Donc ça raconte des choses différentes. Et là, ça dépend vraiment de l’impression que vous voulez donner. Parfois vous ne saurez pas à l’avance, mais juste le fait d’essayer les deux, vous allez savoir ce qui correspond le mieux au rendu visuel que vous aimez.
Deuxième exemple du même type : là, je suis loin, j’ai zoomé. Vous voyez, j’ai une photo assez descriptive, finalement, d’un écureuil dans un parc à New York. J’ai quand même essayé de faire une composition sympa, il y a une ligne qui part, etc., mais ça reste une photo relativement descriptive.
Ici, déjà – là, je suis très près au très grand-angle, il est à ça de mon objectif, il est vraiment pas loin.On a un effet qui est beaucoup plus comique. Déjà, un écureuil, ça a une tête qui est…, mais quand on est de près, on exagère encore plus la perspective donc on a une tête complètement allongée. On a donc un effet très différent de la photo d’avant. Vous voyez que ce n’est pas du tout la même chose, en faisant ces deux choix différents. Pourtant, concrètement, c’est le même sujet. Peut-être pas la même bestiole, mais bon… c’est le même sujet.
Donc on donne une impression différente avec ces deux choix-là.
Vous avez également un autre choix qui s’offre à vous en termes de positionnement. là, déjà, quand je parlais focale et perspective, on est déjà sur l’endroit où on va se mettre par rapport au sujet, mais plus d’avant en arrière, mais vous avez d’autres manières de vous positionner.
Vous pouvez vous positionner plutôt bas. C’est-à-dire que vous n’êtes pas obligés d’arriver, de prendre la photo à hauteur d’homme et puis de repartir. Vous pouvez vous abaisser.
Ici, il faut que je vous raconte un tout petit peu l’histoire pour que vous compreniez mieux, je suis allé prendre des photos pour une ONG qui construit des écoles au Kenya.
Il y a des donateurs de par le monde qui donnent de l’argent pour qu’on construise des écoles là-bas. Et quand j’ai vu cette petite fille, toute seule, qui regarde l’école, ça m’a semblé assez évocateur. Peut-être qu’elle regarde juste les gens là-bas ou qu’il y a sa maman… À la limite on s’en fout.
Moi, ce que ça m’évoque, c’est une petite fille qui regarde cette école comme si c’était quelque chose de magique.
Et c’est ce que j’ai envie de faire passer à la photo, parce que quand je fais ces photos pour l’ONG, l’idée c’est que derrière les gens qui voient ces photos aient envie de donner de l’argent. Parce que je trouve ça cool, ce qu’ils font, et j’ai envie que ça motive les gens à les aider à faire ce beau projet là-bas.
Donc, l’impression que je fais passer ici, c’est vraiment la petite fille, isolée (elle est vraiment toute seule par rapport au truc), et c’est plus fort pour moi un personnage tout seul comme ça que s’il y avait un groupe qui faisait la même chose. En plus, ce serait un groupe d’enfants donc ils ne regarderaient pas tous dans la même direction, sauf s’il y avait un truc vraiment dingue.
Et le fait de me mettre à son niveau, pour en revenir au choix du positionnement, ça me permet de mettre davantage le spectateur dans sa peau à elle. Parce que si j’étais de dessus, elle aurait été plus petite dans l’image et on aurait eu une vue d’adulte qui regarde un enfant qui regarde l’école. Là, ce que je veux que voient les gens, c’est qu’ils se sentent dans la peau de l’enfant qui regarde l’école. Et le fait de me positionner à son niveau me permet ça.
C’est pour ça, d’ailleurs, en général, quand vous avez des sujets qui sont plus petits que vous, que ce soient des enfants ou des animaux, c’est intéressant de vous mettre au même niveau simplement parce que le point de vue est très différent de l’habitude qu’on a. Puisqu’on n’a pas l’habitude de voir des enfants ou des animaux à ce niveau-là du sol et de les voir en face.
Ici j’ai utilisé le positionnement au ras du sol pour un truc beaucoup plus simple, c’est juste que quand je me mettais au ras du sol j’avais des herbes juste devant moi qui me permettaient de créer un flou d’avant-plan comme ça qui fasse rentrer dans l’image. C’est juste pour donner un côté un peu plus mystérieux à l’image, un truc un peu plus esthétique, avec vous voyez beaucoup moins de recherche derrière.
Quand je vous dis ça, sur la photo d’avant, sur le moment je ne me dis pas “je veux faire…”, c’est juste que je m’abaisse parce que ce qui m’intéresse c’est le point de vue de l’enfant et je ne suis pas en train de réfléchir à “oui, je veux mettre le spectateur dans le regard de l’enfant”. C’est l’intention derrière, mais elle est assez intuitive sur le moment, ce n’est pas vraiment quelque chose à laquelle je réfléchis 5 minutes avant de prendre la photo. Juste pour vous rassurer, c’est normal si vous ne pensez pas à tout avant de prendre la photo.
Sur cette image, j’ai fait l’inverse, littéralement. Là, je suis à une fenêtre et il y a un groupe qui joue en bas dans la rue, et en fait, quand je me penche je suis pile au-dessus d’eux. Je me suis dit c’est sympa comme point de vue, et on n’a pas l’habitude de voir des groupes qui jouent de là. Si vous prenez des photos de groupes qui jouent dans la rue, la plupart du temps ça va être assez descriptif, peut-être pas extrêmement intéressant. Si vous arrivez à prendre un portrait d’un mec qui a une bonne expression au bon moment, c’est sympa. Là, ce sera une photo à propos de l’expression de ce gars-là. Là, ça m’a intéressé sur le moment, visuellement, sans forcément trop penser à l'”à propos”, et après je me suis rendu compte que ce cadrage était intéressant pour une chose, c’est qu’on les voit de dessus, on voit leur mallette avec quelques pièces – ils n’ont pas l’air d’avoir beaucoup de succès pour l’instant –, et on ne voit pas le public.
Je trouve qu’il y a un peu une sensation d’isolement. J’aurais pu faire un truc super triste en mettant en noir et blanc, contraster un peu plus ; j’ai choisi de ne pas faire ça. Mais vous voyez, on peut interpréter ça de manière différente, et j’ai trouvé que c’était assez intéressant de les avoir comme ça de façon complètement isolée du public, du dessus, avec un point de vue un petit peu original.
Autre choix que vous pouvez faire à la prise de vue, c’est l’orientation par rapport à la lumière. C’est-à-dire où va être la lumière par rapport à vous – derrière, devant, sur les côtés –, et par rapport à votre sujet.
Il y a plusieurs types d’orientation. La première qu’on va prendre, c’est l’orientation de la lumière bien de face. Vous voyez que la lumière, sur le buffle, elle arrive bien de face. Vous voyez l’ombre qui est derrière. Là, j’ai la lumière dans le dos, quasiment, donc c’est de dos par rapport à vous, de face par rapport à votre sujet.
C’est une lumière classique qui, on va dire, est assez neutre. C’est-à-dire que vous n’allez pas raconter un truc plutôt qu’un autre avec cette lumière. C’est une lumière de face, donc c’est neutre, ça ne va pas donner d’impression particulière.
Vous pouvez faire l’inverse et avoir une lumière à contre-jour. Vous voyez que la lumière vient de là.
Qu’est-ce que ça fait le contre-jour ? Ça souligne notamment les formes. Ça va souligner les silhouettes, les formes, etc., et vous voyez que là j’ai littéralement zéro détail sur le rhinocéros – si on se rapproche on voit vaguement la texture de la peau, mais pas beaucoup –, mais je ne fais une photo de ce rhinocéros, je fais une photo à propos de ce rhinocéros et à propos du fait que c’est un rhinocéros noir et qu’il en reste 3 000 en Afrique, en tout et pour tout, ce n’est pas beaucoup. On en a vu trois ce jour-là, donc on a vu 1/1000e de la population, vous imaginez.
Et le fait qu’il y ait ce chemin sombre qui mène vers le rhinocéros sombre, ça a évidemment une signification.
En termes de narration, c’est plus fort que ceci, où, là, par contre, c’est une photo d’un rhinocéros.
Là, j’ai zoomé pour avoir le rhinocéros plutôt plein cadre. Alors, il y a une jolie lumière, c’est l’aube, etc., mais ça reste une photo d’un rhinocéros. OK, on voit bien la texture de sa peau, etc., mais ça ne raconte pas beaucoup d’histoire supplémentaire par rapport à ça.
Vous pouvez aussi avoir un effet de silhouette en faisant… en fait, ici j’ai simplement l’arrière-plan qui est éclairé et devant moi j’ai une zone d’ombre, donc quand la personne passe dedans, elle est dans l’ombre devant un arrière-plan éclairé, donc c’est une silhouette.
Pourquoi j’ai choisi quelqu’un qui passait dans cette zone d’ombre et pas quelqu’un qui passait dans cette zone de lumière ? Parce que la photo n’est pas à propos de la personne qui passe, je m’en fous de cette personne en particulier (elle est sans doute très bien, mais…), la photo n’est pas à propos d’elle, mais à propos de Cuba, donc il me faut juste un Cubain qui passe, une silhouette de Cubain suffit, je n’ai pas besoin d’une personne en particulier parce que je n’ai pas choisi de faire une photo à propos de cette personne, mais à propos du décor. Là, c’est juste un personnage dans ma scène.
Le contre-jour marche aussi très très bien avec des lumières qui sont assez basses. Là, c’est New York l’automne dernier, probablement quasiment exactement il y a un an. Central Park. L’impression d’automne, elle est donnée… bon OK, les feuilles jaunes ça aide un peu à comprendre qu’on est à l’automne, mais cette lumière, ça aide quand même beaucoup. Parce qu’une des caractéristiques de l’automne, quand il fait encore beau – ce n’est pas toujours le cas, mais quand on a droit encore à un petit peu de soleil –, c’est qu’on a une lumière qui est assez basse toute la journée, et qu’on a droit à deux voire trois heures à la fin de la journée où on a vraiment des ombres très très longues comme ça. Et le fait de l’avoir en contre-jour, ça me permet d’avoir ces ombres très marquées et très longues dans l’image. Je me suis aussi abaissé, vous le remarquez. Je reviens sur le positionnement d’avant, mais ça a aussi servi à donner cette impression en longueur. Qui permet de rajouter cette impression d’automne à la photo, puisque c’est une photo qui est à propos de l’automne à Central Park.
Parce que New York à l’automne, j’ai trouvé ça absolument magnifique, l’ambiance, les couleurs, la lumière, c’était vraiment incroyable. Et j’ai voulu montrer l’automne. Donc c’est une photo qui est à propos de l’automne, finalement.
Bon, on reprend notre écureuil d’avant, j’aime bien les écureuils.
Idem, c’est à New York aussi, vous voyez que je me suis abaissé et que j’ai choisi une lumière plutôt de fin de journée, où j’ai vraiment des traits, comme ça, qui font de très longues ombres et qui soulignent cette lumière particulière.
Vous pouvez aussi utiliser le contre-jour pour faire un arrière-plan complètement blanc. C’est au Kenya aussi. Cette photo n’est pas posée, elle a vraiment eu cette expression-là. Évidemment, vous imaginez bien que j’ai voulu la saisir, parce que cette expression de madone, c’était assez incroyable, et derrière elle, l’arrière-plan n’était pas spécialement intéressant, donc j’ai exposé pour son visage, pour que son visage soit bien éclairé – parce que l’arrière-plan, je m’en foutais – et je me suis rendu compte que l’arrière-plan était quasiment blanc. Au post-traitement j’ai un peu retouché pour qu’il soit complètement blanc et faire cette espèce d’effet de rendu studio, si on veut.
Et ça m’a permis d’avoir ce rendu complètement sur fond blanc qui est assez intéressant, grâce au contre-jour.
Vous avez aussi d’autres lumières, vous n’avez pas que complètement de face ou complètement de dos, vous avez des lumières de côté. Vous voyez qu’ici j’ai une lumière qui arrive de côté. Pour le coup, je ne l’ai pas choisie, parce que la lumière était comme ça dans la salle, c’est souvent ce que l’on appelle de la lumière de fenêtre. Sans forcément que ça joue tant que ça sur votre à propos – un petit peu, mais… –, ça a tendance à souligner sur les textures. Vous voyez que là on voit bien la texture de la peau, des cheveux, du pull, etc. Ça a tendance à souligner les textures parce qu’on a une espèce de lumière rasante sur le côté.
Alors, pensez que vous avez plein d’entre-deux. C’est-à-dire que vous n’avez pas, évidemment, que de la lumière qui vient de face, de dos, ou du côté, il y a plein de choses entre-deux, donc quand vous choisissez votre orientation par rapport à la lumière, eh bien regardez, même sans l’appareil, vous pouvez le voir sans l’appareil, regardez si vous vous déplacez un petit peu sur la gauche ou sur la droite si la lumière vient juste taper l’objectif de côté, est-ce que vous n’avez un effet qui se crée à un moment, est-ce que vous n’avez pas une lumière plus intéressante qu’une autre qui va davantage mettre en valeur votre sujet.
Là, je vous montre deux choix complètement opposés pour exactement le même sujet. À gauche, j’ai une photo qui est plutôt descriptive. Ceci est une photo d’un léopard dans son arbre, avec une lumière bien de face. Là, pour le coup, on arrive à peine à voir les ombres, on a vraiment une lumière bien de face. Et ici, c’est l’inverse.
En fait, sur la photo d’avant, on est là avec la jeep, et puis là on a fait le tour. Donc là on est complètement à contre-jour, c’est toujours une photo avec un léopard dedans, mais c’est une photo à propos d’un léopard.
Et à propos de ce léopard qui se repose dans son arbre au coucher du soleil. Le soir sur le Massaï Mara, ça commence à se calmer, nous on va rentrer parce qu’on ne sort pas la nuit, pour des raisons de sécurité.
Et vous voyez que celle-ci évoque beaucoup plus. Si je devais écrire un livre pour enfants qui s’intitulerait “Les Contes du Massaï Mara”, l’image qui serait la plus évocatrice serait clairement celle-ci. Vous voyez bien que c’est une image qui raconte beaucoup plus quelque chose que si je mets ça en couverture d’un bouquin pour enfants ou d’un livre de contes, ça a beaucoup moins de sens. Je voulais juste vous montrer que là j’ai fait deux choix qui sont… Alors, il y a plusieurs choix : il y a le choix de la lumière, qui est le principal, mais même le choix de cadrage. Ici j’ai cadré plus large, on a l’arbre, etc., ça évoque davantage de choses. Vous voyez qu’il y a plusieurs choix parmi ceux que je vous ai dit avant, qui correspondent à cette intention.
Vous pouvez également brouiller les pistes avec les reflets. Je vais l’évoquer très rapidement, c’est un truc que je ne fais pas beaucoup, mais je voulais vous le montrer. J’ai demandé l’autorisation à David DuChemin de vous montrer quelques images qu’il utilise en brouillant les pistes avec les reflets. Vous voyez que quand vous utilisez les miroirs que vous trouvez partout, que ce soit des flaques d’eau, que ce soit des vitres de voiture, ou même simplement leur carrosserie pour avoir un reflet un peu plus bizarre, vous évoquez des choses un petit peu différentes.
Maintenant, je voudrais passer aux choix qu’on fait au post-traitement.
On va tous se mettre d’accord, le post-traitement, ce n’est pas de la triche, c’est juste finir la photo. Et si vous n’êtes pas d’accord avec moi, c’est ma conférence 😉 vous viendrez en parler avec moi après. Et on pourra débattre. Pour l’instant, on va partir de cette idée-là.
Donc vous avez plusieurs choix à faire au post-traitement, le premier et le plus classique étant ce qu’on appelle le choix des tonalités, c’est-à-dire est-ce que votre image va être plutôt sombre ou plutôt claire. Pour résumer grossièrement.
Photo prise à New York aussi, un petit peu différente que ce que je vous ai montré avant, ça, c’est l’exposition telle qu’elle est faite par l’appareil et par défaut, l’appareil va me mettre ça. Moi j’ai plutôt choisi de faire cette exposition, parce que vous voyez qu’il y a quand même une sensation de douceur qui est beaucoup plus importante dans cette photo, qui est en fait surexposée de 2 stops. C’est comme si on augmentait l’exposition de +2, il y a juste ça comme différence de réglage entre les deux images. Juste ça. Et j’ai une impression qui est très différente. Alors, c’est un choix qu’on peut aussi faire à la prise de vue, en l’occurrence, là, je l’avais fait à la prise de vue, mais au post-traitement, si vous avez juste l’exposition par défaut et que vous vous rendez compte qu’il y a un truc qui ne va pas, n’hésitez pas à complètement changer l’exposition qui a été faite à la prise de vue, et a beaucoup plus surexposer la photo, parce que peut-être que ça va aider ce que vous voulez faire passer comme impression.
Le contraste, maintenant.
Les contrastes, j’allais dire, parce qu’il y a le contraste général de l’image, mais il y a aussi ce qu’on appelle la clarté qui est en fait le microcontraste. Le contraste entre là et là, on va dire.
Donc, ça, c’est l’image telle qu’elle est dans Lightroom à la base, sans réglage de contraste du tout. Il n’y a pas de contraste, il n’y a pas de clarté.
J’ai juste mis un petit filtre gradué, sinon le ciel est blanc, mais là je veux juste vous montrer la différence entre contraste/pas contraste.
Ça, c’est avant, et ça, c’est après. Alors, vous pouvez préférer l’avant – bon, normalement vous devriez préférer l’après –, vous avez le droit d’avoir des goûts différents des miens et de préférer l’avant, mais ce qu’il est important de comprendre, c’est que sur cette image, l’à propos, ce qui m’intéressait là-dedans, c’était la texture.
Vous voyez que la montagne – c’est le demi-dôme du Yosemite, pour ceux qui ne connaissent pas. Allez-y si vous allez aux États-Unis –, ce qui est intéressant c’est la texture. Il y a une espèce de texture sur les roches, c’est un peu craquelé, et on l’aperçoit beaucoup moins dans la photo initiale que quand je rajoute du contraste et de la clarté. Ça va aider à faire passer le sentiment que m’a donné cette montagne, un peu sous les nuages, mais quand même toujours vieille, craquelée.
La terre a modelé cette montagne.
Ici, si je fais juste les ombres : là, c’est la photo sans réglage des ombres, et là c’est la photo avec réglage des ombres. Vous voyez que j’ai encore assombri les ombres, assombri les parties les plus sombres de l’image. Pourquoi ? Parce que pour le coup ça me donne du contraste. J’aurais pu juste mettre du contraste, mais j’aurais aussi eu des parties claires plus lumineuses, parce que quand vous montez le contraste, vous allez éclaircir les parties claires et assombrir les parties sombres, et là comme mes parties lumineuses étaient déjà suffisamment claires, je me suis dit ça va aller, on va juste assombrir les ombres. Là, ça me permet d’avoir davantage de contraste et donc de souligner ce dont je vous parlais tout à l’heure qui est cette lumière d’automne.
Ensuite, parlons du choix de la couleur ou du noir et blanc.
Là, pour le coup, la réponse est un peu moins simple à donner pour moi, parce que c’est beaucoup plus subjectif.
La question que je me pose, c’est simplement : est-ce que ça apporte quelque chose à l’image ? C’est-à-dire, est-ce que la couleur a vraiment un intérêt pour cette image, ou est-ce que finalement ça lui retire quelque chose ? Et je vais vous montrer un exemple.
Là, c’est un berger massaï au Kenya. Je ne prévoyais pas de prendre cette photo, mais on passait en jeep, on cherchait des lions, sans doute, et il passe avec son troupeau. Évidemment il est intéressant, vous voyez son regard assez intense et juste je lève l’appareil et je prends une photo de manière assez réflexe. Les petits points que vous voyez sont des gouttes de pluie. Parce que j’avais encore une vitesse rapide réglée pour les animaux, plutôt.
Mais en ayant cette photo dans Lightroom, je me suis dit j’aime bien la composition, j’aime bien le moment, j’aime bien le regard du gars, mais il y a un truc qui manque, je ne sais pas, ça ne va pas. Puis après je l’ai passée en noir et blanc. Et pour moi, en noir et blanc elle fonctionne beaucoup mieux. Là encore, c’est pour moi, mais encore heureux, c’est ma photo. Pourquoi elle fonctionne mieux ? Parce que la couleur a tendance à distraire l’attention.
Alors, ça peut être bien, parce que si vous arrivez à distraire l’attention là où vous voulez, tant mieux, mais là, en l’occurrence, je trouve qu’on voyait trop le rouge de sa robe, finalement, et on ne regardait que là, tandis que sur la photo en noir et blanc, je trouve qu’on est beaucoup plus attirés par son visage. J’ai aussi pu y aller un peu plus fort sur la retouche pour ramener l’attention sur son visage, parce que le noir et blanc supporte un peu mieux la main lourde. C’est-à-dire que, pour moi, on peut toujours avoir la main un peu plus lourde sur le noir et blanc sur le contraste, sur la clarté ; en couleur en général, dès qu’on en fait un peu trop, c’est tout de suite criard, ça ne marche pas très bien. En noir et blanc on peut y aller un peu plus fort, ça donne juste un noir et blanc très contrasté comme là, mais ça ne fait pas too much.
Là, je me suis dit, en fait, la couleur n’apporte rien à l’image, voire elle lui retire, car on ne voit plus mon sujet autant qu’on devrait le voir. Donc j’ai préféré enlever cette information de couleur.
Un autre choix que vous pouvez faire, c’est celui de la balance des blancs. La balance des blancs, en général, c’est utilisé pour équilibrer une lumière qui a une couleur qui ne vous plaît pas trop. Par exemple, si vous prenez une photo en intérieur, souvent ça va être un petit peu jaunâtre, et vous allez dans le logiciel corriger ça pour que les teintes soient naturelles, que vos sujets n’aient pas l’impression d’avoir la jaunisse.
Mais vous pouvez aussi utiliser la balance des blancs de manière créative, pour faire passer une histoire différente, et je vais vous montrer l’exemple ici.
Ici, je n’ai fait la balance des blancs que de manière locale. C’est-à-dire que je n’ai pas changé la balance des blancs généralement sur l’image, je ne l’ai changée qu’ici. C’est une photo prise à l’opéra, les deux sont amoureux, comme souvent à l’opéra, ça se finit en drame parce que c’est un opéra, c’est un peu l’idée. Et vous voyez que dans cette scène, il y a comme une séparation de fait des deux personnages, qui ne sont pas au même endroit. Qui sont à la fois séparés elle, elle est en bas lui est en haut, et même lui est à gauche, elle est à droite ; il y a vraiment une séparation, ils sont tous les deux dans les coins opposés de l’image. Et en plus, cette diagonale de lumière renforce encore cette séparation. Et la photo, à la base, était comme ça. Ça, c’est les couleurs de la photo telles qu’elles me sont apparues dans Lightroom – après deux trois réglages de contraste, mais sans que j’aie modifié les couleurs.
Je me suis dit, tiens, qu’est-ce qui se passerait si je refroidis la balance des blancs en bas à droite ? Et là, on a une espèce d’opposition un peu plus forte qui se crée puisqu’on a deux couleurs complémentaires et qu’on a deux zones de l’image qui en plus d’être opposées en termes de placement, sont aussi opposées en termes de couleurs. Là c’est un choix personnel que je fais, vous pouvez trouver que pour vous c’est trop, mais je vous illustre une manière d’utiliser la balance des blancs pour faire passer une histoire différente, ou renforcer une histoire qui existe déjà. En l’occurrence, je n’ai pas inventé une histoire, j’ai juste renforcé ce que moi je percevais dans cette image-là.
Vous pouvez également faire des choix sur les couleurs. Donc, là, j’ai juste parlé de la balance des blancs qui permet de rendre une image plus chaude ou plus froide, plus orangée ou plus bleutée, mais vous pouvez aussi, dans la plupart des logiciels, que ce soit Lightroom ou d’autres, jouer sur les couleurs indépendamment. Par exemple, juste modifier la teinte ou la saturation de telle ou telle couleur, mais aussi faire ce qu’on appelle du virage partiel, c’est-à-dire colorer les ombres de telle teinte et les hautes lumières de telle autre teinte.
Je vais vous montrer des exemples de choix de couleur que j’ai faits.
À gauche, vous avez la photo à peu près comme elle sort dans Lightroom à la base. Vous voyez, en termes de couleur, c’est pas la joie… C’est un peu gris. À la base, c’est gris bleuté, mais c’est gris. Concrètement, c’est pas bourré de couleurs.
Ça, ce sont ce qu’on appelle les marabouts, je ne sais pas si vous voyez, ces espèces de gros oiseaux africains qui marchent un peu comme ça et qui un long bec, un crâne chauve parce que ce sont des carnassiers comme les vautours, et du coup ils sont laids, assez inquiétants. Dans les cartoons, vous savez les Looney Toons, il y a un personnage de marabout qui a toujours cette musique un peu inquiétante quand il marche, qu’il arrive. Et ils ont cette espèce de silhouette lugubre, et le fait qu’ils se posent dans cet arbre sur le bord d’un lac au Kenya, juste avant le coucher du soleil, j’ai trouvé ça assez… on a vraiment l’impression qu’ils se préparent à passer la nuit à maudire le monde ou je ne sais pas quoi, mais ils ont une espèce d’aura un peu lugubre. Et c’est un peu ce que j’avais envie de faire passer dans la photo, à la base. Et quand je l’ai vue dans le logiciel, ma première idée a été de la passer en noir et blanc, parce que le noir et blanc, pour le lugubre ça peut être assez approprié. Je l’ai fait et en fait, je ne sais pas, on ne distingue pas assez, je ne sais pas, il y a un truc qui manque, et je me suis dit essaie un peu de la couleur. Et quelques minutes avant, peut-être dix minutes avant, il y avait eu le vrai coucher de soleil qui avait donné des teintes un peu roses comme ça. Je me suis dit “qu’est-ce qui se passe si juste tu “remontes le temps” et que tu rosis un peu l’image ?”
Donc là, j’ai juste fait un virage partiel où j’ai mis, en gros, du rose dans les hautes lumières et du violet dans les basses lumières, ça a donné ça, et je me suis dit que j’allais la garder, même si les teintes sont de toute évidence irréalistes. Je n’ai pas voulu être réaliste, j’ai voulu faire quelque chose qui était plus du domaine du conte, de l’imaginaire, et si je reprends mon exemple de tout à l’heure, de si je fais la couverture d’un bouquin de contes, peut-être des contes un petit peu inquiétants sur l’Afrique, eh bien ça c’est beaucoup plus adapté. On est beaucoup plus dans l’imaginaire, beaucoup plus dans le féerique.
Là encore, ça dépend de l’histoire que vous racontez. Pour moi, la photo de droite est davantage narrative que la photo de gauche, même si à la base c’est le même cliché, grâce à mon post-traitement.
Autre exemple du virage partiel que j’ai utilisé. Là, c’est une série d’images en cours que je fais dans les musées. Et à la base, je n’étais pas satisfait par les couleurs, parce que les lumières n’étaient pas assez jolies, je ne sais pas. Il y avait un truc qui ne m’allait pas avec les couleurs et j’ai voulu trouver quelque chose qui me paraisse suffisamment esthétique pour vraiment en faire une série. C’est une série que j’ai dans l’idée à terme, peut-être d’exposer, donc c’est un travail qui me tient à cœur. Et j’ai fini par trouver que ce qui marchait bien comme virage partiel, c’était de mettre dans les ombres et dans les hautes lumières – ici j’ai mis du marron rouge dans les ombres et du bleu clair dans les hautes lumières – les mêmes teintes que ce qu’il y avait dans les toiles, parce que finalement c’est un peu une toile dans une toile. Puisqu’ici vous voyez que j’ai des marrons rouges et j’ai des bleus clairs qui sont déjà présents dans la toile à la base. J’ai fait pareil ici : là j’ai que des marrons donc j’ai mis plus ou moins les mêmes marrons orangés dans les ombres et les hautes lumières. À des degrés différents.
Et ça me permet d’avoir une espèce d’unité entre la toile et les personnages qui sont devant.
Parce que c’est une série qui est à propos – je reviens sur l’à propos pour la millième fois aujourd’hui – de la relation entre les gens qui sont devant la toile et la toile elle-même.
En post-traitement, vous pouvez aussi guider le regard.
Pour moi, c’est un des buts principaux du post-traitement.
Quand je traite une image, je me dis toujours : où est-ce que je veux guider le regard du spectateur ? Où est-ce que je veux que la personne regarde ? Qu’est-ce qui est important dans mon image ? Et on revient sur l’à propos, évidemment. Selon votre à propos, c’est très très différent.
Et guider le regard en post-traitement, ça peut se faire notamment avec un petit peu de retouche locale. Sur Lightroom, il y a un outil qui s’appelle le filtre radial qui permet de faire un réglage à un endroit dans l’image qui est soit circulaire, soit ovale. Que j’utilise beaucoup parce que ça permet vraiment de guider le regard.
Alors, avant de savoir comment guider le regard, il faut savoir ce qui attire le regard dans l’image.
Donc, la lumière et le contraste. Quand vous avez une zone plus lumineuse, en général l’œil va aller vers cet endroit-là.
J’ai mis “et le contraste”, parce que si vous avez une photo toute blanche avec un truc noir au milieu, évidemment, l’œil ne va pas aller sur tout le pourtour blanc sans regarder le truc au milieu. C’est l’inverse. Donc en fait, il est davantage attiré par le contraste, mais aussi par la lumière. Donc si vous avez une photo toute noire avec un point blanc, il va regarder là, si vous avez une photo toute blanche avec un point noir, il va regarder là, mais si vous avez une photo avec des teintes variées, il va plutôt regarder à l’endroit où il y a de la lumière.
Il est également davantage attiré par les couleurs saturées que par les couleurs peu saturées.
Et davantage attiré par les couleurs chaudes que par les couleurs froides.
Donc, quand vous avez ça en tête, vous savez comment attirer le regard dans l’image, vous savez comment faire pour que l’œil aille à un endroit. Il suffit de le rendre plus lumineux, ou de faire un point de contraste, ou de le rendre plus saturé, ou de le rendre plus chaud.
Ou tout ça à la fois, mais peut-être que c’est un peu trop.
Je vais juste vous montrer un exemple. Ça, c’est la photo que vous avez déjà vue avant, mais ça, c’est avant les filtres radiaux…
Ça, c’est après.
Vous avez vu comme votre regard se recentre sur le petit garçon ? À droite (c’est une petite fille d’ailleurs…)
Je vous refais l’avant.
Là, j’ai juste mis deux filtres radiaux. Ce n’est pas compliqué. J’en ai fait un grand, comme ça, ovale, qui enlève un peu de lumière autour. C’est-à-dire qu’autour du filtre radial je diminue un petit peu l’exposition, j’assombris légèrement la photo.
Là, si je fais l’après, vous allez le voir, autour c’est plus sombre.
Et j’en ai fait un deuxième juste sur son visage, pour rajouter un petit peu de lumière dessus et un peu de clarté pour ajouter un petit peu de contraste.
Là, regardez juste son visage… boum, vous voyez la différence.
Là, j’ai juste fait deux filtres radiaux et j’ai une grosse différence sur l’endroit où va aller le regard.
Autre exemple ici, plus subtil. Je vais commencer par le plus évident, mais je me suis dit qu’on allait faire un truc un peu plus subtil.
Là, regardez bien la différence. Ça, c’est l’avant. Ça, c’est l’après. Tout ce que j’ai fait, c’est de mettre un filtre radial à peu près ici pour légèrement assombrir autour.
Pourquoi j’ai fait ça ? Parce que je trouvais que sur la photo d’origine, parce que mon sujet c’est quand même l’interaction entre elle et elle – c’est l’interaction qui m’intéresse ; c’est toujours mes photos dans l’école au Kenya, où je veux montrer que les gamins apprennent aussi des choses. Ce qui est le cas, mais il faut quand même le montrer en photo. Lui, il est plus dans l’écoute, etc., mais comme il a cette espèce d’air un peu blasé, on ne sait pas trop s’il s’ennuie ou s’il écoute, il détourne un peu l’attention de ce que j’ai envie de montrer. Donc, il est présent dans la photo, je n’avais pas envie de l’enlever parce que je trouve que c’est un peu marrant, quand même, ça reste authentique, on ne va pas montrer une image d’Épinal qui n’existe pas, je veux quand même montrer la réalité. Mais le fait d’assombrir un petit peu, juste un petit peu, vous voyez, c’est subtil, là je crois qu’il y a – 0,5 en exposition, ce n’est pas grand-chose, mais le fait d’assombrir un petit peu, je ramène l’attention là où j’ai envie de l’amener dans l’image.
Je voulais finir avec un cas pratique, avec une série que j’ai faite il n’y a pas longtemps à Venise. Ceux qui sont abonnés à la chaîne YouTube et/ou au blog ont dû déjà voir cette série, mais il y en a plein qui ne l’ont pas vue.
C’est une série que j’ai faite il n’y a pas longtemps à Venise lors d’un workshop avec David DuChemin, un photographe canadien que j’aime beaucoup et dont je vous ai montré des photos avec les reflets juste avant.
Juste avant de vous la montrer et ensuite de vous expliquer mes choix – l’idée c’est de vous montrer la série et de vous dire : regardez, j’ai fait tel choix, tel choix, tel choix et c’était pour telle, telle et telle raison. Vous montrez vraiment un cas pratique sur un travail un peu plus long que une photo.
Juste avant je vais vous parler du processus de création.
En gros, j’ai pris deux jours pour faire ce que l’on appelle des brouillons photographiques, c’est-à-dire juste photographier tout ce dont j’avais envie, sans distinction, juste pour voir ce qui m’attirait plus ou moins l’œil. C’est-à-dire ce qui allait juste intéresser mon regard, sans filtre, vraiment juste tout ce que j’avais envie de photographier, ça peut être un moment, une lumière, ça peut être une personne, une situation, une composition, et parfois j’avais une bonne composition, mais une lumière dégueulasse. C’est pas grave, je fais ce qu’on appelle un inventaire visuel, c’est-à-dire que je vais me dire : OK, j’aime bien cet endroit-là, c’était peut-être juste pas la bonne heure aujourd’hui. Ou alors je me rends compte que j’ai photographié cinquante personnes avec des chiens, donc peut-être qu’il y a un truc qui m’attire visuellement chez les personnes qui promènent leur chien. Mais l’idée, c’est de faire un inventaire visuel et de trouver son focus. C’est-à-dire trouver le sujet sur lequel on va se concentrer pendant les cinq jours suivants – c’était un workshop sur une semaine –, trouver ce qui allait constituer notre travail qu’on devait rendre à la fin ; parce que le but, à la fin, était de rendre une série de douze images, une série cohérente.
Et ensuite d’affiner sa démarche, par exemple se dire : OK, je choisis de travailler sur tel sujet, mais je vais choisir de cadrer de telle manière, je vais choisir d’utiliser le noir et blanc ou la couleur, je vais choisir tel type de composition, tel type de positionnement, d’affiner sa démarche. En fait, d’affiner tous les choix dont je vous ai parlé aujourd’hui juste avant : profondeur de champ, vitesse, composition, positionnement, etc.
Le but de ces deux jours. Et après, durant les cinq jours qui restent, le but est de sortir suffisamment d’images pour en avoir douze bonnes qui soient cohérentes entre elles.
Donc, je vais vous montrer la série. A posteriori, j’aurais dû prévoir une petite musique pendant ce temps-là. Je n’ai pas envie de trop la commenter parce que justement je veux vous laisser regarder les images, les apprécier pour ce qu’elles sont.
Et déjà, dans votre tête… allez, je vous invite à faire un exercice pendant que vous les regarderez, comme il n’y aura pas de musique, ça vous occupera l’esprit 😉 : demandez-vous quels choix j’ai faits, et peut-être pourquoi – alors, pourquoi, le “vrai” pourquoi, il n’y a que moi qui l’ai parce que c’est moi qui les ai faites, mais essayez de voir quels choix j’ai faits et de vous demander pourquoi je les ai faits. Ça vous fera un bon exercice pour terminer cette conférence.
Oui, voilà, et déterminer ses contraintes photographiques, comme je viens de vous le dire.
Voilà pour cette série.
Alors… (de toute façon, je suis le dernier, vous avez le temps.) Je ne vous retiens pas en otages, mais j’ai commencé à 25, donc je pense que je peux finir à 25.
À votre avis, quel choix j’ai fait à la prise de vue ? Je vais vous interroger un peu, interrogation orale, examen pour voir si vous avez bien écouté.
Le choix, effectivement, du positionnement en plongée, de dessus. C’est probablement le choix le plus évident de la série et qui fait une bonne partie de son originalité, parce qu’on a pas forcément l’habitude de voir les passagers des gondoles à Venise depuis le dessus. Ce n’est pas un point de vue très courant. Effectivement., c’est le choix le plus évident.
Quoi d’autre ?
On me dit : montrer pourquoi les gens veulent faire un tour en gondole. Donc là, effectivement, on est plus sur l’intention. Je vais revenir sur mon intention derrière, mais il y a quelque chose de ce goût-là.
Quoi d’autre ? Sur vraiment les choix photographiques que j’ai pu faire à la prise de vue, au post-traitement. N’hésitez pas, vous ne pouvez pas vraiment avoir tort ; il y en a encore quelques-uns qui sont bien évidents, donc vous avez des chances d’avoir…
Le noir et blanc. Le format carré.
Quoi d’autre ?
Je vais essayer d’en avoir encore un et après je vous révèle la fin.
Un cadrage assez serré. Effectivement, ça fait partie du choix, je n’ai pas cadré large, je n’ai pas cadré toute la gondole en entier, j’ai vraiment juste cadré les gens.
OK. On en a quelques-uns.
Donc, je vous parle de l’utilité de l’écran orientable sur la série, parce que comme on l’a dit au début, j’ai photographié de dessus, et ce qu’il faut savoir, c’est que, à la base, les premières photos de cette série sont arrivées par hasard. Je suis passé sur un pont et il y avait en dessous ce que j’appelle une autoroute à gondoles, c’est-à-dire que c’est un endroit où il y a des gondoles qui passent littéralement toutes les 5 secondes. C’est vraiment une autoroute, ça passe tout le temps.
Et donc je passe au-dessus, je regarde et je vois les gens en plongée. Et la vue m’amusait un peu. Vous avez vu avant, je vous ai montré la photo du groupe de rue qui jouait, ça m’arrive des fois de prendre des photos en plongée, c’est déjà un truc que j’ai fait avant, d’où l’intérêt d’expérimenter parce que ça, je ne l’aurais peut-être jamais fait si je n’avais pas déjà photographié en plongée dans le passé.
Donc je me dis : tiens, c’est amusant, j’avais mon appareil photo. J’étais là pour faire un inventaire visuel, et faire des brouillons, donc je photographiais à fond pendant deux jours. J’ai dit je vais photographier ça, on ne sait pas ce que ça va donner, on va expérimenter.
Donc j’expérimente, et évidemment, il faut un peu tendre son appareil, donc là j’avais l’écran orientable qui me permettait de photographier plus confortablement. Évidemment, ce n’est pas aussi évident de le faire si vous devez regarder dans le viseur ou si vous devez regarder sur un écran qui est comme ça, un petit peu loin. Donc, là, avoir l’écran orientable, ça m’a beaucoup aidé.
C’est une série qui a été faite au Panasonic GX-8, avec un objectif 12-40, un truc très standard.
Format carré, on l’a dit. Pourquoi j’ai photographié au format carré ? Parce que les côtés de l’image étaient peu intéressants. Sur les côtés, c’est de l’eau, donc, bon, pour le coup ça n’apportait rien à ma photo, donc j’ai choisi le format carré parce que mon à propos n’était pas à propos de la flotte autour. Vraiment, ça n’avait juste rien à voir avec l’image, donc j’ai choisi de le cadrer comme ça. Le format carré permet aussi d’apporter une cohérence. Comme on ne voit pas beaucoup de formats carrés, ça donne aussi une petite originalité et on comprend bien que… Si on ne voit que du 3/5 ou du 4/3, comme c’est un format qu’on voit couramment, ça n’ajoute pas beaucoup de cohérence. On se dit bon OK, mais c’est le même format que partout. Le format carré, ça commence à : Bon, OK, il y a une intention sur le fait de faire un carré. Et encore, le GX-8 permet de cadrer directement au format carré, ce qui est un truc que j’apprécie beaucoup chez les hybrides parce que vous pouvez cadrer directement en carré, en 4/3, 3/2, 16:9, et ça permet une variété de composition dès la prise de vue. Évidemment, c’est beaucoup plus facile de composer pour le format carré en voyant le carré sur votre écran qu’en essayant de le deviner. Pour le coup, ça m’a beaucoup aidé pour le format carré.
Alors, sur les paramètres de prise de vue, très rapidement : j’ai choisi une vitesse assez rapide parce qu’évidemment, les gondoles, ça bouge, c’est un peu l’idée. Donc j’ai choisi une vitesse qui était entre 1/250 et 1/320 pour figer le mouvement. Une ouverture assez faible pour avoir de la profondeur de champ, c’est-à-dire pour avoir les gens qui soient nets de la tête aux pieds, parce que je suis au-dessus, donc le champ va s’étaler comme ça verticalement. Donc pour les avoir nets de là à là – parce que tout pouvait être important pour l’histoire.
Et les ISO en automatique, limités à avoir un plafond pour éviter d’avoir trop de bruit. Et parfois je suis quand même allé jusqu’à 3 200 ISO parce que j’étais dans l’ombre et que dans l’ombre, parfois j’avais pas beaucoup de lumière, parce que je suis déjà à 1/320 f/8, on perd pas mal de lumière.
C’est juste pour vous donner une idée, pour que vous voyiez que les paramètres, il n’y avait rien de sorcier pour les choisir, pour le coup.
Je veux souligner un truc dans cette série, c’est l’importance du tri, ce qu’on appelle “l’éditing”, mais on peut dire tri, en français c’est bien aussi.
Parce que j’ai pris 2 457 photos pour sortir cette série de 12 images.
Dans le travail, le but est de sortir une série de 12 images cohérentes, donc il faut bosser, il n’y a pas de secret. Donc j’ai passé de longues heures sur des ponts, au-dessus, comme ça, à photographier des gens dans des gondoles. Parce que, comme vous l’avez vu dans la série, ce qui est quand même important dedans, ce sont les moments. Ce sont les petits moments où les gens ont ces expressions particulières, ces mouvements, où il y a un couple qui s’est engueulé juste avant ; c’est assez rare, en fait, parce que la très très grande majorité des photos de la série que j’ai eues, ce sont des touristes japonais qui prennent des selfies à douze dans une gondole. Peut-être la moitié sont des photos qui se ressemblent beaucoup. Moi, ce que je cherchais, c’était des choses un peu rares justement, des choses un petit peu intéressantes. Donc il fallait en prendre beaucoup pour ça et vous ne savez jamais quand ça va arriver parce que vous pouvez voir un couple tout à fait normal qui passe en dessous, et puis soudainement il y a – je vais essayer de revenir sur la photo à laquelle je pense. Soudainement, il y a… ça qui se passe : elle tend le bras pour aller prendre le portable. Ça, je ne pouvais pas le prévoir, et si je n’avais pas pris une rafale “au cas où”, je ne l’aurais pas eue cette photo, parce que, littéralement, j’étais au-dessus, je voyais des gens à peu près normaux dans des gondoles, mais bon je me dis je vais prendre une rafale, comme à chaque fois, parce qu’on verra bien si un truc se passe, et là un truc se passe. Vous êtes obligés de jouer sur la chance, parce que, bon, vous avez un cadrage très limité, vous êtes au-dessus donc si vous avez le gars qui est là-bas, vous aurez un cadrage différent donc ça va nuire à la cohérence. Là, pour le coup, c’est pour ça que j’en ai pris énormément. 2 457 photos prises, pour 12 sélectionnées à la fin.
Quels critères j’ai utilisés ? On m’a beaucoup demandé pourquoi j’avais pris certaines photos et pas d’autres. Mon premier critère c’était de prendre les photos qui avaient les histoires les plus fortes. J’ai parlé de photos narratives au début, ce n’est pas pour rien que je vous mets cette série à la fin, parce que vous voyez que le point commun de ces images, c’est qu’elles ont toutes une histoire. Il y a un truc qui se raconte. Il y a un couple qui chacun regarde dans son coin, il y a ceux qui prennent chacun une photo avec leur portable avec la petite fille entre eux deux qui est apparemment ignorée par ses parents, il y a la fille qui est seule dans sa gondole avec sa perche à selfie, ce qui est peut-être un peu triste. Il y a
plein d’histoires différentes, et je voulais vraiment les histoires les plus fortes. Donc j’ai éliminé tout ce qui n’était pas assez fort en termes d’histoire.
J’ai également retenu un panel d’émotions différentes. Quand j’étais presque à la fin de la série, genre l’avant-veille de la fin, j’ai parlé avec David et je lui ai dit : “Écoute, David, je suis sur une bonne piste, je pense que c’est bien, par contre j’ai un problème, je pense que j’ai beaucoup de photos comiques et je ne veux pas que la série ne soit que comique.” Pour moi, je voulais essayer d’aller plus loin, d’aller chercher un truc qui soit un peu plus profond que juste des gens rigolos dans des gondoles qui se prennent en selfie. C’est bien, mais je voulais aller plus loin que ça. Et il m’a dit “je pense que le truc que tu peux faire, c’est d’aller chercher des émotions qui sont un peu différentes, qui ne sont pas que de l’ordre du comique, justement, mais des choses qui peuvent être tristes, qui peuvent être nostalgiques, qui peuvent être plein de choses.”
Donc j’ai voulu pas seulement… j’ai éliminé certaines photos qui étaient très bonnes, avec des moments vraiment supers, mais uniquement…
(ils sont toujours très sympas chez ProPhoto de ne pas du tout perturber les stands voisins, hein ?)
(Il y aura leur nom sur YouTube ☺ )
(Petite vengeance personnelle.)
Le panel d’émotions différentes, ce qui m’intéressait dedans, c’était de ne pas mettre que des moments comiques. Donc j’ai enlevé des photos qui étaient avec un très beau moment, qui étaient vachement drôles, mais parce que je ne voulais pas que ça, je voulais des photos qui soient aussi un peu plus tristes, un peu différentes.
Et la dernière chose, c’est que je voulais aussi essayer d’avoir des images qui se répondent.
Donc, en fait, vous avez vu par exemple la photo de la poussette pliée qui est toute seule dans cette gondole. En elle-même, cette photo n’est pas extrêmement intéressante, en elle-même ce n’est pas forcément une photo très forte – peut-être, mais bon toute seule ça n’a pas forcément de sens. Elle ne raconte peut-être pas tant que ça une histoire. Par contre, si vous la mettez en relation avec les photos avant et notamment celle où il y a la petite fille toute seule entre ses deux parents qui sont de train de prendre une photo, l’isolement de cette poussette fait un peu écho à l’isolement de l’enfant avant.
Donc quand j’ai vu cette photo, je me suis dit : tiens, c’est intéressant parce que ça rentre vachement en résonnance avec le reste. Donc la photo en elle-même, bon, OK, mais dans la série, elle participe à raconter une histoire, et donc là c’est une peu le “next level”, le niveau supérieur de la photo narrative, vous pouvez raconter une histoire avec une photo, mais vous pouvez aussi raconter une histoire avec un ensemble de photos. Et dans ce cas-là, chaque photo est un élément de l’histoire. Donc la poussette en elle-même ne raconte pas beaucoup, mais dans l’ensemble elle raconte beaucoup.
C’est toujours de la photo narrative, c’est juste sur un plus grand nombre d’images.
Sur les choix de traitement, vous voyez que j’ai fait du noir et blanc. Vous pouvez vous demander pourquoi du noir et blanc, c’est Venise, c’est coloré Venise !
Pour la petite histoire, on était cinq, trois d’entre nous ont fait du noir et blanc dans leur série, comme quoi, ça a aussi inspiré le noir et blanc à d’autres personnes.
Pourquoi le noir et blanc ? Tout simplement parce que les couleurs étaient trop diverses, en fait. Dans les gondoles vous avez des sièges rouges, des sièges bleus, des sièges verts, des sièges dorés, ça nuisait à la cohérence générale de la série. Et comme je le disais tout à l’heure, la couleur n’apportait rien à l’image. C’est-à-dire que le fait que ce soit coloré n’ajoutait pas à l’histoire, voire ça lui enlevait parce qu’on était un peu perturbé par cette diversité de couleurs. Donc le noir et blanc était, pour le coup, plus approprié pour moi.
Sinon, en traitement, j’ai juste fait parfois un léger recadrage pour améliorer la composition : si la gondole était un peu de côté, parce que ça arrive, ça passe parfois un peu en diagonale, on fait ce qu’on peut.
La plupart du temps je n’ai pas recadré, mais parfois je l’ai fait quand il fallait le faire. Et ensuite j’ai juste fait un traitement global sur l’ensemble des images. Donc j’en ai pris une qui correspondait, en termes de luminosité, à peu près aux autres, j’ai fait contraste, clarté, noirs, pas grand-chose, juste pour donner ce rendu un peu fort. J’ai copié-collé ces réglages sur les autres images, et ensuite j’ai fait quelques ajustements sur chaque photo, si besoin était ; il y en avait une avec des hautes lumières un peu plus agressives, j’ai un peu baissé, quelques petites retouches locales pour ramener l’attention, mais rien de sorcier. Le traitement de ces images ne m’a pas pris plus de, je ne sais pas, une heure en tout. Les douze. Le tri m’a pris plus de temps. Le tri m’a pris beaucoup plus de temps que le traitement, vous vous en doutez : 2 457 photos pour en avoir 12 à la fin, c’est évidemment pas la même chose.
Et je voulais juste finir sur le message de cette série, avant de conclure.
Au départ, quand j’ai photographié ces gens, ce que je voyais, c’était surtout des gens qui étaient dans des gondoles avec leur femme ou leur mari et qui ne trouvait rien d’autre de mieux que de se prendre en selfie chacun avec sa perche. Vous avez vu cette photo où ils ont chacun leur perche, c’est quand même un problème.
Donc au début, on va dire que je jugeais un petit peu ce qui se passait dans ces gondoles, et puis à force de voir ces 2 457 photos avec ces milliers, peut-être même dizaine de milliers de personnes différentes, j’ai fini par – notamment en sélectionnant les photos à la fin – complètement arrêté de les juger sur ce petit moment, finalement c’est juste un petit moment de leur vie, mais je ne sais pas qui ils sont donc je ne sais pas ce qui se passe dans leur vie. Parce qu’il y a une photo où on se dit que c’est un peu triste, ils ont chacun leur perche à selfie, puis la photo suivante c’est le couple qui s’engueule, finalement c’était mieux avant parce qu’au moins ils partageaient un truc.
Donc, à la fin de la série, je me suis rendu compte qu’on ne pouvait pas vraiment juger les gens sur ce genre de choses, et j’ai juste voulu montrer ce panel d’émotions différentes de toutes ces personnes qui sont toutes très très différentes, qui passent leur temps dans des gondoles, qui parfois s’engueulent à l’occasion d’une balade en gondole, c’est dommage, mais c’est comme ça, c’est la vie telle qu’elle est, et j’ai trouvé ça assez beau.
Si vous voulez aller plus loin, que ce soit sur cette problématique de personnalité, de créativité en photo, sur des problématiques plus basiques si vous avez déjà des questions techniques qui sont plus basiques que ça, vous pouvez télécharger mon guide “Faites-vous plaisir en photographiant”, pour ceux d’entre vous qui ne l’ont pas encore.
Vous pouvez y aller sur ap7.fr/guide ; il y a des petits flyers ici, des dépliants, vous avez l’adresse dessus pour le faire chez vous si vous n’avez pas de smartphone pour le faire maintenant.
J’ai également deux formations qui regroupent quelques milliers d’élèves, dont certains parmi vous, qui s’appellent “Devenez un Photographe Accompli” et “Sublimez vos Photos”. Celle-ci est plutôt axée prise de vue de manière générale, pour vous rendre indépendants, il y a un peu de post-traitement dedans quand même. Et Sublimez vos Photos est uniquement sur le post-traitement dans Lightroom, où on apprend ce que je vous ai montré aujourd’hui, de guider le regard, de continuer le message que vous aviez commencé à écrire à la prise de vue au post-traitement. Pareil, les infos sont dans le dépliant.
Et je voulais juste finir là-dessus : n’oubliez pas que le stylo n’est rien sans le langage, donc l’appareil photo n’est rien sans le langage photographique.
Ce n’est pas parce que vous savez utiliser techniquement votre stylo, que vous savez comment faire pour écrire quelque chose, que vous allez forcément raconter quelque chose d’intéressant. Et je vous encourage à aussi essayer de raconter quelque chose d’intéressant. C’est OK de faire de la photo descriptive et de juste faire des photos de vacances, c’est bien aussi, j’en ai fait, j’en fais encore, mais vous avez un stylo entre les mains, essayez d’écrire un peu quelque chose d’intéressant avec. Et pensez toujours à l’à propos : à propos de quoi vous photographiez.
Merci beaucoup.
Très intéressant l’article. bravo!!