Découvrez une discussion passionnante avec le photographe Frédéric Cornu. On a parlé de son travail de portraitiste, de son projet “Dans L’Ombre” mais aussi de son expo “Ligne d’Eau” à l’Institut pour la Photographie.


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Bonjour à tous, ici Laurent Breillat, bienvenue dans ce nouvel épisode de La Photo Aujourd’hui.
Je suis aujourd’hui avec Frédéric Cornu.

Frédéric : Bonjour.

Laurent : Merci, Frédéric, de nous accorder ce temps. Tout d’abord, avant de commencer à parler plus en détail de tes projets, etc., est-ce que tu pourrais te présenter pour les spectateurs qui ne te connaissent pas, et un petit peu nous dire comment tu en es venu à la photo, etc. Tes débuts, on va dire.

La découverte de la photo artistique


Frédéric
 : D’accord. Mes débuts en photo, c’est Obélix : je suis tombé dedans quand j’étais petit.
Plus sérieusement, j’ai découvert la photographie j’avais 17-18 ans, dans une Maison de jeunes. Il y avait un club photo, il y avait le mystère de la chambre noire, je suis rentré dans le mystère de la chambre noire et je n’en suis pas ressorti. Ça, c’est vrai par contre, je n’en suis pas ressorti.

Donc, il m’a fallu quand même, je dirais plusieurs années pour comprendre ce qu’était vraiment la photographie. Je veux dire en dehors du, je dirais, un peu du folklore du révélateur, du bain d’arrêt, du fixateur, la réflexion sur la photographie, ce que ça pouvait dire, le langage photographique, l’écriture photographique. Je dirais que j’ai commencé vraiment à appréhender, j’avais 27-28-29 ans.
Il faut savoir que je suis entièrement autodidacte, je n’ai pas suivi de formation, et je le revendique. Ma formation, c’est les expositions et les livres. J’ai coutume de dire que j’ai été à l’école des livres et des expositions. Tout ça encadré un peu par le Centre régional de la photographie, qui à l’époque montrait des choses – continue, d’ailleurs – de montrer des choses tout à fait intéressantes.

Donc j’ai eu l’occasion de discuter avec Koudelka, d’accompagner Lewis Baltz en prise de vue, je veux dire, quand on est deux jours complets avec Lewis Baltz en prise de vue, je veux dire, à mon avis ça vaut une année d’études. Voilà.

Donc, grosso modo, j’ai commencé comme ça, et j’ai suivi un parcours en parallèle de mon travail professionnel – j’étais fonctionnaire – pour le bifteck à la fin du mois, et le reste du temps, la moitié de mon temps donc, la photographie.

Laurent : D’accord. Tu disais que tu avais découvert un peu ce qu’était, je vais rassembler ça sous le nom de photographie artistique, on va dire, vers, tu disais, 28-29 ans, quelque chose comme ça. Comment c’est venu ? Qu’est-ce qui a été un peu le déclic ?

Frédéric : Arf… Je ne peux pas passer sous silence, il y a un gag – enfin un gag, aujourd’hui je le prends comme un gag, mais ce n’en était pas un à l’époque. Donc ça, c’était avant les 27-28 ans, j’avais 25 ans, je me suis offert un stage d’une journée à Arles avec Jean-Claude Lemagny.

Alors, pour les spectateurs de ta chaîne, pour les jeunes, ils ne connaissent pas : Jean-Claude Lemagny, dans les années 80-90, c’était le grand manitou. C’était le responsable de la collection photographique de la BNF à Paris, c’était quelqu’un d’extrêmement… enfin, c’était le grand patron.
Donc, de Lille je suis parti à Arles pour le voir sur une journée. J’avais, quelques mois avant, gagné la Coupe de France en photographie dans le réseau des photo-clubs. Concrètement, j’avais les chevilles un peu comme ça, quoi…

Et donc j’ai rencontré Jean-Claude Lemagny, il a regardé mon travail avec lequel j’avais gagné la Coupe de France, il a regardé son petit papier et il m’a dit : Monsieur Cornu, on est là pour parler photo. Il a refermé mon book, il l’a mis à côté, il ne m’a plus rien dit avant la fin du stage d’une journée. Il ne m’a pas dit un mot.

À la fin, avant que je parte, il me dit : Bon, écoutez, j’ai été un peu dur avec vous. Qu’est-ce que vous faites ? Quel est le milieu dans lequel vous évoluez ?
Je lui dis : Ben, les photo-clubs, j’ai gagné ça, etc. Il me dit : Oui oui, mais d’accord. Sortez de là, arrêtez de faire de la photo pendant un an ou deux, allez voir les expos, consultez les livres, etc., etc. Abreuvez-vous de culture photographique. Vous habitez dans le Nord, allez voir Pierre Devin, qui était à l’époque le directeur du Centre régional de la photographie.

Et c’est comme ça que j’ai commencé à me dire qu’effectivement, Joseph Koudelka, il se foutait royalement de gagner la Coupe de France. Il avait une réflexion sur le sujet sur lequel il travaillait. Je veux dire, Prague 1968, c’était autre chose que…

Voilà un petit peu… Et à partir de là, après, c’est la culture, culture photographique, le livre, l’exposition. Un mentor, aussi. Ça lui fera plaisir s’il m’écoute, Didier Vivien, qui est un photographe de la région, qui aujourd’hui est maître de conférences à Lille je ne sais pas trop combien, et qui m’a, pendant une bonne dizaine d’années, qui m’a vraiment tenu au collier, qui m’a vraiment posé des questions qui font mal, mais vraiment les questions qui font mal. Pourquoi tu as fait ça ?

Et donc il m’a beaucoup appris, il m’a beaucoup fait souffrir, et j’ai beaucoup appris avec lui. Et puis, après on déroule. Projet après projet, rencontre après rencontre et puis on déroule comme ça.

Laurent : OK. Alors, j’allais faire la transition sur tes projets, mais c’est intéressant, parce que je ne savais pas du tout que tu avais eu ce parcours de faire d’abord les clubs photo et le côté compétition, et ensuite le workshop où on t’avait dit un peu, en gros : Écoute, ravale un peu ça.

Frédéric : Ah, mais complètement, c’est pas en gros, c’est complètement ça.

Laurent : Alors c’est rigolo, parce que ce n’est pas du tout volontaire, mais Thomas, qui n’est pas là aujourd’hui, et moi, on a, on va dire, quelques griefs vis-à-vis de ce côté compétition. Parce que je n’ai jamais compris trop le côté… ce n’est pas un sport, tu vois ce que je veux dire. Il y a un côté presque…

Frédéric : « C’est moi le meilleur, c’est moi le cador. » Oui, bien sûr. Oui oui.

Laurent : Tu vois. On se demande : c’est quoi le champion de France ? C’est vraiment intéressant que tu nous dises ça. Oui, ce n’était pas prévu comme question, mais qu’est-ce que tu dirais aujourd’hui à un photographe qui est là-dedans ?

Frédéric : Eh bien, je le dis régulièrement, parce que je les vois passer. Je mène depuis 7 ans maintenant, dans un réseau de médiathèques près de chez moi, à côté de Saint-Amand-les-Eaux, je mène un atelier de « pratique artistique » sur la notion de travail d’auteur. Je dis bien : la notion de travail d’auteur. Concrètement, je ne suis pas là pour apprendre à faire une photo à quelqu’un. Il y a des sites, il y a des bouquins qui le font mieux que moi.
Par contre, c’est réfléchir : qu’est-ce que tu veux faire ? Pourquoi tu veux photographier le fond de ton jardin ? etc.

Et je les vois arriver en chaque début d’année, je les vois arriver, les deux, trois, quatre du photo-club du coin, ils y sont tous passés, ils sont tous passés me voir.
Et très rapidement, je veux dire, ils comprennent que ce n’est pas pour eux.

Alors, de temps en temps j’en accroche un qui a l’esprit ouvert, mais généralement, quand je leur dis : oui, ben, écoute, je suis désolé, mais ce que tu fais, c’est être une bête à concours, ils ne comprennent pas parce que justement, comme moi ils ont gagné la Coupe de France.
Mais voilà.
Je ne sais pas le dire avec le, je dirais, avec le naturel de Jean-Claude Lemagny, mais quelque part je veux dire la même chose. Mais bon, voilà, je n’ai pas la prétention de pouvoir avoir le même discours que Jean-Claude Lemagny. Mais c’est vrai que c’est vraiment problématique.

C’est problématique parce qu’ils n’ont pas conscience de la frontière entre le travail d’auteur et « je me fais plaisir à discuter du dernier appareil photo qui vient de sortir, tous les vendredis soir de 18 heures à 19 h 30, et puis on prépare l’expo à la fin de l’année ».
Voilà, c’est ça le truc. Souvent on me demande de participer à des jurys de fin. Je veux dire, je l’ai fait une fois, deux fois et j’ai dit : Écoutez, non, désolé, prenez quelqu’un à côté, mais ça ne m’intéresse pas.

Mais de temps j’arrive à en accrocher un, lui faire comprendre quelle est la problématique, et là, quand ça marche je suis vraiment très content.

Laurent : Tu es au bon endroit, parce que j’essaie aussi un peu d’accrocher – alors, tout le monde n’est pas dans un club photo parmi ceux qui nous regardent, mais en tout cas, la plupart commencent par une démarche amateur, qui à la base est une démarche juste plaisir où on cherche à représenter et puis c’est bien. Et du coup j’essaie de gentiment pousser. Donc peut-être qu’aujourd’hui tu vas en convaincre quelques-uns indirectement.

Frédéric : J’espère. S’il y a des gens, des photo-clubs qui veulent me dire ce qu’ils en pensent, il y aura mes coordonnées à la fin de la vidéo, il n’y a pas de soucis.

Son travail, le portrait

Laurent : Donc, la parenthèse étant fermée sur les clubs photo, mais je n’ai pas pu m’en empêcher parce que tu as abordé le sujet c’était intéressant d’en toucher un mot.
Maintenant, parlons un peu de ton travail.
Quand on regarde ton site – il y aura le lien en description puis je vais insérer quelques images maintenant, pour que vous puissiez suivre – c’est un travail de portraitiste, globalement, même si on parlera de…, vous pouvez vous demander : comment ça un portraitiste ? Mais ce n’est pas du tout des portraits. On y reviendra.
Mais voilà, sur ton site il y a énormément de projets qui sont des projets de portraits, et ce qui m’a intéressé, c’est qu’à la fois tu as une constance – parce que déjà, il y a beaucoup de projets de portraits, mais aussi dans le traitement, c’est toujours un groupe particulier de personnes définies par des caractéristiques précises. C’est centré, toujours ou très souvent ; c’est en noir et blanc, souvent ; il y a vraiment, on sent que c’est la même personne derrière et qu’il y a une démarche commune. Et en même temps, il y a quand même une variété entre ces projets, ils ne sont pas du tout interchangeables, parce que tu fais des choix différents. Ça peut être sur le fond, par exemple, il y avait des projets où tu avais un fond uni très sobre, et d’autres où il y a l’environnement. Tu vas cadrer les gens différemment aussi, en pied, plan poitrine, plus serré. Tu vas faire des choix qui peuvent être la lumière naturelle ou pas. Enfin voilà, il y a une certaine variété de choix dans tes projets, et pour autant on voit la continuité, et moi, ce qui m’intéresse, c’est un peu à la fois : pourquoi la constance ? C’est-à-dire pourquoi tu as fait ces choix-là qui restent assez constants dans le temps ? Et à la fois : comment tu fais tes variations pour chaque projet ? Comment tu décides comment tu vas cadrer, etc. ?

Frédéric : Très bien. Déjà, tu as bien compris mon travail photographique, ce qui est déjà très bien.
Alors, oui, effectivement, je suis portraitiste depuis toujours. Tu faisais un aparté là-dessus, je veux dire, ce n’est pas un portrait, mais ça peut être le portrait aussi d’une région. Donc on en discutera un peu plus tard.

Mon travail de portrait pur et dur, c’est ce que j’appelle un portrait type d’un groupe humain. Donc je vais effectivement focaliser sur un groupe humain, pour des raisons diverses et variées – si on a le temps, on pourra en parler. Mais lorsque j’aurai identifié ce groupe humain, je vais mettre en place un process de prise de vue. Et je vais décliner le process de prise de vue du début à la fin toujours de la même manière.

Je suis vraiment dans un travail de type typologique, je dirais la référence à l’École de Düsseldorf, les Becher, etc. Les Becher photographiaient des châteaux d’eau ; je n’ai pas la prétention de vouloir imiter les Becher, mais je suis un peu dans la même démarche photographique, de photographier des gens systématiquement toujours de la même manière.

Un exemple pour déterminer pourquoi je choisis tel et tel groupe humain, j’ai voulu, dans les années 90, j’avais une trentaine d’années, m’interroger sur la religion pour des raisons x y, privées, personnelles, etc., et donc je me suis dit : comment je peux travailler sur la religion ? Très naturellement – je vous la fais courte –, très naturellement, j’en suis venu à me dire : je vais photographier les hommes de religion.
J’ai voulu photographier les prêtres, ça ne donnait rien, parce que, déjà, dans les années 90, ils étaient habillés en costumes, etc., je veux dire, il n’y avait pas de signe distinctif, à part la petite croix, c’était pas suffisant.
Je me suis dit : je vais aller aux extrêmes, je vais essayer de photographier les moines.

Gros problème, parce que les moines font vœu de silence, sont reclus sur eux-mêmes, etc. Donc, très rapidement, pendant un an et demi, j’ai contacté – ça va vous donner vraiment un peu la manière dont je travaille —, pendant un an et demi j’ai contacté toutes les abbayes de France, Belgique, Luxembourg – pourquoi ces trois-là ? Parce que ce sont les seuls qui parlent français et je ne parle que le français. Et pendant plus d’un an, j’ai eu la réponse : votre projet est très intéressant, mais c’est non. Vœu de silence, machin. J’ai eu, je ne sais pas, j’ai contacté 40 ou 50 abbayes.

J’ai fait le forcing sur l’abbaye à côté de chez moi, au Mont des Cas pour ceux qui connaissent. Première réponse négative, deuxième réponse négative, troisième réponse j’ai plus posé la question, j’ai demandé un entretien, un rendez-vous qui m’a été accordé. Et puis là, j’ai réussi à convaincre le père abbé, le responsable de l’abbaye, et voilà.

Et donc, il m’a dit : Je vais en parler aux pères (aux religieux), ceux qui sont d’accord viendront, vous pourrez faire la photo.

Je suis venu un beau jour, c’était un vendredi après-midi, j’avais des rendez-vous de 14 à 16 heures tous les quarts d’heure. Ils étaient devant, dans le cloître, un fond blanc, enfin blanc cassé. Je les ai mis là.

La question, parce qu’il faut toujours réfléchir au projet, pourquoi, qu’est-ce qu’on veut dire, donc la réflexion sur la religion, comment j’allais pouvoir la mettre en images, comment j’allais pouvoir décrire avec la lumière cette réflexion.

Eh bien, je leur ai demandé de fermer les yeux, de prier, et d’ouvrir les yeux quand ils le voulaient.
Et j’étais devant, tétanisé, le doigt sur le déclencheur du Rolleiflex, à l’époque, et voilà, j’ai fait une photo, clac clac, j’en faisais une deuxième très rapidement, mais la deuxième était morte, quoi. C’était le premier.

Mais le couperet, il est là. J’invite les lecteurs de ta chaîne à aller voir, le travail s’appelle « Frères humains », hou, c’est assez décoiffant. Et ça a été le travail qui a été le plus rapide à faire, si je mets de côté les 18 mois de recherche.
Voilà, j’ai un projet, c’est une réflexion. Dans mes ateliers de pratique artistique, je dis toujours ces deux mots : pourquoi on veut faire ça, et à partir de là, le comment on décline. Pourquoi, comment. À partir de là, on a les réponses. Voilà.

Donc effectivement, après j’ai photographié d’autres groupes humains. Ça a été une commande de la ville de Valenciennes sur les sportifs de Valenciennes. 700 sportifs de Valenciennes, une fresque de 20 mètres de long, 1,80 mètre de haut sur la place d’Armes pour une journée de présentation. Bon, on en pense ce qu’on veut sur les coûts/intérêt, voilà.

Et puis il y a d’autres…, j’invite les gens à aller voir. Chaque fois il y a un petit texte explicatif sur le projet.

Le projet “Balnéaires”

Laurent : OK. Donc, ta constance, elle est parce qu’il y a un côté typologique, un peu comme les Becher, qui vient de là. Sur les choix que tu fais, je pense à « Balnéaires », par exemple, qui est peut-être…

Frédéric : Le travail phare.

Laurent : … mais en tout cas, est-ce qu’au final, les frères cisterciens, si je me souviens bien, ils ont cette espèce de constance dans l’habit, ils ont une proximité de fait qui est très importante – ils vivent ensemble, etc. –, tes baigneurs moins. Ils ont le simple point commun d’être là. Et du coup, je trouve qu’avec eux, il y a une espèce de côté galerie humaine. Enfin, peut-être que le côté typologique est encore plus…

Frédéric : Galerie humaine va très très bien.

Laurent : Tu vois, ils sont très différents, d’âge, de morphologie, il y a un peu tout le monde, quoi. C’est très intéressant pour ça, je trouve. Et là, par exemple, je me demande : qu’est-ce qui t’a poussé à cadrer comme ça, par exemple, sur cette série-là ?

Frédéric : « Balnéaires », c’est vraiment le travail qui m’a fait « connaître », en admettant que je sois un peu connu, mais c’est vraiment le travail qui est entré dans les collections du ministère de la Culture, j’ai eu la chance que trois images soient présentées au Musée national à Pékin, etc. Enfin, bref, c’est vraiment un ouvrage qui m’a fait connaître, notamment l’image de couverture que tu viens de montrer.

Donc, le principe : j’ai 30 ans – c’est marrant, ça a commencé en même temps, j’ai toujours 30 ans, c’est magnifique –, je suis dans une famille, je dirais, milieu ouvrier, mon père artisan, pas très ouvert à l’art, etc., je vois ma mère commencer à vieillir, moi-même j’ai 30 ans, et à 30 ans on commence à ne plus être comme on était à 18 ou 20 ans.
Première réflexion sur le corps. Alors, il ne me serait jamais venu à l’idée – aujourd’hui j’y pense, mais il ne me serait jamais venu à l’idée à cette époque-là, de dire à ma mère : Viens, on va se mettre devant un fond blanc, on va se mettre sur la plage et je vais te tirer le portrait en maillot de bain. Vraiment ça ne me serait pas venu.

Par contre, très rapidement, je suis originaire de Boulogne-sur-Mer, et très rapidement j’ai commencé à travailler sur les plages. Donc les toutes premières images ont été faites à Boulogne, mais elles ne sont pas dans le livre, parce que je cherchais encore un peu la forme photographique. Je veux dire, effectivement, tu as raison, la première année j’ai fait des portraits en pied, assis sur les chaises en toile, etc., je veux dire, ça allait un peu dans tous les sens.

J’ai regardé la production de cette première année, je suis tombé sur un portrait en pied et, comme je le dis souvent, quand vous avez fait une bonne photo, ce n’est pas vous qui le dites, c’est elle qui vient vous le dire. Et ce portrait est venu vers moi en me disant : voilà, c’est comme ça qu’il faut photographier.

Donc j’ai commencé à photographier, ça m’a pris 20 ans. Pendant 20 ans, j’ai été faire en moyenne, 3-4 séries de prises de vue sur la plage de Bray-Dunes. Bray-Dunes, très rapidement, pourquoi ? Plage populaire des gens qui habitent la région Lille-Roubaix-Tourcoing, milieu populaire dans lequel je me sens très très bien, j’ai beaucoup travaillé avec eux et c’est vraiment une population avec qui je m’entends très bien. Enfin, bref, j’étais content de travailler avec eux.

Laurent : J’allais à Bray-Dunes quand j’étais gamin.

Frédéric : J’ai commencé à travailler là-dessus. Le propos de ce travail, toujours le pourquoi et le comment, c’est tout simplement que, en maillot de bain, parce qu’on est dans un environnement, il faut bien le comprendre, de plage populaire, donc le maillot de bain n’est pas effet de mode. C’est-à-dire que c’est le maillot de bain qu’on a encore depuis 15 ans, il est toujours bon, il est toujours présentable, on continue à le mettre. Donc, concrètement, c’est un travail qui est complètement intemporel, déjà, pour commencer.
Ensuite de ça, les gens posent naturellement, et avec la mer marée basse, le ciel assez voilé, j’ai un studio naturel derrière moi. Je n’ai pas besoin de me balader avec un fond pour faire un travail de studio, j’ai un studio naturel derrière moi.

Donc, voilà un petit peu, déjà, le pourquoi de la plage, le pourquoi de la marée basse, etc., et j’ai photographié tous les gens qui correspondaient un petit peu à ce que je voulais dire. Qu’est-ce que je voulais dire ? C’est que l’âge, enfin, le corps est marqué par les traumas de la vie. Les traumas de la vie, ça peut être des choses très bien comme des choses très compliquées, je veux dire, le maçon qui a passé sa vie à travailler a les mains déformées, a les épaules voûtées ; la dame qui a eu deux maternités difficiles a des cicatrices, etc., etc.
Et tout ça on le lit, on le voit, on le visualise sur les portraits en plein pied.

Et bien entendu, il faut évacuer tout ce qui est folklore. Donc évacuer tout ce qui est folklore, eh bien, la méthode typologique, pour ça, est radicale. Vous photographiez les gens, tous de la même manière, pan pan pan, et voilà. Et vous arrivez, il y a 65 photos dans le livre, 65 personnes photographiées de la même manière.

J’ai su que j’avais fini le travail quand j’ai réussi à photographier une jeune femme enceinte. Aussi bizarre que ça paraisse, j’avais eu beaucoup de difficultés, beaucoup de refus, et donc là, le jour où j’ai eu cet accord, j’ai dit ça y est, le travail est fini.
20 ans, quand même ! 20 ans de prise de vue.

Laurent : C’est intéressant, alors qu’il y a un marché en photographie professionnelle pour se faire photographier enceinte.

Frédéric : Tout à fait ! C’était effectivement le problème que j’avais avec ces gens, c’est que j’avais 3 secondes – quand je dis 3 secondes, c’est pas 4, hein, c’est 3 secondes vérifiées – pour les convaincre que je n’étais pas là pour vendre quelque chose.
Donc ça a été un travail assez difficile, parce que j’ai eu des refus. Enfin, ce n’est pas le fait d’avoir des refus qui est difficile, c’est le fait qu’on a du mal à les contrer, ces refus. J’ai 3 secondes, et en 3 secondes il faut être très performant pour être capable de démontrer à quelqu’un…

Laurent : Oui, les gens décident de manière émotionnelle.

Frédéric : Voilà, exactement. Donc vous allez patienter pendant une heure, parce que ça m’est arrivé plus d’une fois, vous allez repérer quelqu’un, que vous voulez photographier, cette personne est partie se baigner, vous attendez une heure qu’elle sorte de l’eau, vous vous mettez sur son passage pour l’interrompre, je dirais, pour lui demander l’autorisation de la photographier et qu’elle vous envoie gentiment bouler, mais qu’elle vous envoie bouler. Voilà, ça fait partie du métier, ça.

Laurent : Combien de pour cent de gens acceptent ?

Frédéric : « Balnéaires », j’aurais tendance à dire que c’est une personne sur trois accepte.

Laurent : Ah, c’est pas si mal.

Frédéric : C’est pas si mal, mais dans mes autres projets, c’est 100 %. Je n’ai pas de refus sur les autres projets.

Laurent : C’est intéressant 1 sur 3, je pense que la plupart des gens n’auraient pas deviné un sur trois. Ils auraient dit moins que ça.

Frédéric : Si si. Pour moi, 1 sur 3, c’est pas signe d’échec, mais quand vous êtes habitué à ce qu’on vous dise oui systématiquement, voilà. Mais c’est normal, les gens ont peur que je revienne le lendemain en leur disant, voilà, je vous ai photographié la veille, clac, voilà la photo, ça fait tant.

Laurent : Est-ce que tu as trouvé ce qui te permettait de faire accepter les gens plus facilement ? Est-ce que, à force, tu as quelques idées là-dessus. S’il y a des gens, là, qui voulaient aborder des gens ? Sur ce travail ou sur d’autres, à la limite.

Frédéric : Être honnête. Il n’y a qu’un seul mot, il n’y a qu’une règle d’or, c’est être honnête avec les gens, leur dire ce qu’on veut faire et pourquoi on veut le faire. Et surtout, surtout, accepter le refus. Accepter le refus. Et quand le refus vous est signifié, ce n’est pas pour autant qu’il faut partir. Si vous avez commencé une conversation, vous la continuez, vous la remerciez, vous dites au revoir à votre interlocuteur, etc. C’est extrêmement important. Respecter les gens, c’est la règle d’or.

Mais quelle que soit la photographie, je dirais. Je photographie la vie rurale, je respecte le décor, je respecte la photographie, je respecte l’esprit du bâtiment, etc. Le respect, pour moi, c’est le maître mot dans la photographie.

Genèse du style typologique

Laurent : Très intéressant. Je me disais, on parlait avant de l’aspect galerie. Je te demandais si tu avais une sorte de, je ne sais pas, de fascination pour la diversité des gens et la diversité d’histoires, de formes de visage. Comme à chaque fois, tu as ce côté finalement typologique où on a vraiment tout le monde cadré de la même manière, et on fait défiler, en fait. Et je me demandais d’où ça venait ça ? Enfin, est-ce qu’émotionnellement, il y a un truc ?

Frédéric : Eh bien, ça vient de plusieurs choses. La première, c’est que je travaille sur un groupe, donc par définition, le groupe est composé d’individus ; chaque individu est différent. Ça, effectivement, tu resoulèves une question que j’ai souvent en tête, c’est qu’on est, je ne sais plus parce que ça évolue tous les jours, on est 7 ou 8 milliards sur Terre, et on est 7-8 milliards d’individus complètement différents. Et ça, pour un portraitiste, c’est vraiment LA grande question.

Il m’est arrivé vraiment de me poser cette question plus précisément dans un travail, très récemment, il y a deux ans, il y a deux et trois ans, j’ai fait ça, j’ai photographié des jumeaux, des triplés. Le titre du travail, c’est « Multiples ». Et justement, cette ressemblance qui est frappante et qui n’en est pas, parce qu’on trouve quand même, même parmi les vrais jumeaux – ce qu’on appelle les vrais jumeaux –, on trouve quand même des différences. Et c’est assez extraordinaire de se dire qu’on est 7milliards sur Terre et qu’il n’y a personne qui vous ressemble. Concrètement. Il n’y a personne qui est comme vous. C’est assez bluffant, quoi ! On a tous un nez, une bouche, des yeux et des oreilles, et personne ne vous ressemble.


Je souhaite qu’autour de cette chaîne, il y ait un jeune photographe, très jeune, très talentueux, qui vive très longtemps et qui puisse travailler sur cette notion de 7 milliards. Voilà. Sinon, le principe, c’est ça, pour finaliser un peu cet aspect sur le portrait ; après peut-être qu’on parlera du territoire. C’est : je prends un groupe humain et je détermine ce qui est important pour moi, je fixe le process, et à partir de… le process de prise de vue, et à partir de là, je travaille là-dessus. Et quand il est fixé, il est fixé, quoi. Je vais au bout.
Donc on peut le regarder comme photographie isolément, mais j’ai aussi tendance, et souvent à le dire de plus en plus, qu’en réalité, quand je présente 55 portraits de gens sur fond noir et avec une cape noire, réalisés dans une association caritative sur Lille, eh bien, en réalité, on peut regarder le travail dans sa globalité, je veux dire.
Quand on rentre dans la salle d’expo, on peut voir le travail, boum ! Vous avez 40 photos qui vous regardent comme ça, vous avez le portrait type, et après, si vous avez envie, effectivement, là, vous allez dans chaque portrait et vous rentrez dans une autre dialectique.

Le projet “Dans l’ombre”

Laurent : Intéressant. Alors, justement c’était ma…, c’est parfait parce que c’était ma question suivante. Ça, c’est le travail « Dans l’ombre », qui est à la fois un livre, que je tiens entre les mains, mais qui est aussi en expo à Saint-Omer et au château de Lunéville, si je me souviens bien.

Frédéric : L’année prochaine.

Laurent : L’année prochaine, OK. Donc il y sera, si vous habitez dans le coin, vous pouvez aussi attendre l’année prochaine.

Frédéric : Septembre de l’année prochaine à Lunéville.

Laurent : Est-ce que tu peux justement nous parler un peu de ce projet, comment il en est venu là, puisque c’est l’actu.

Frédéric : Donc, « Dans l’ombre », travail très très important, parce que, à nouveau réalisé avec une population en difficulté, par définition, dans une association caritative sur la région lilloise. J’ai eu l’occasion de travailler chez eux pendant un an et demi, dans le cadre d’une association… enfin, bref, c’est pas ça l’important.
Donc, pendant un an et demi, j’ai été avec eux, je les ai côtoyés, je les ai accompagnés faire des visites d’expos, Louvre, etc., dans les manifestations diverses et variées, j’ai appris à les connaître et, bien entendu, très rapidement, j’ai voulu les photographier.

Donc, sujet extrêmement passionnant, extrêmement important, mais extrêmement délicat et difficile.
Parce que lorsqu’on photographie des personnes qu’on a coutume de dire un peu en marge de la société, même si le terme ne me plaît pas vraiment, mais c’est un peu comme ça qu’on les appelle, on est vraiment sur un fil. Et très rapidement, on peut tomber dans le voyeurisme. Et ça, c’est très très rapide. On peut être de bonne…, être honnête avec son sujet, mais se planter complètement dans la prise de vue, et clac, on est à côté, et là on ne rend plus service à ces gens.

Ces gens, qui sont-ils ? Par définition, des personnes qui sont socialement en difficulté, donc maladie, problèmes familiaux, etc., donc ce qu’on appelle les personnes aidées. Il y a à côté de ça les personnes aidantes, donc soit des retraités, soit des personnes qui ont été en situation d’être aidées, qui s’en sont un petit peu tirées et qui viennent maintenant apporter leur soutien aux gens qui étaient comme eux avant, il y a la catégorie des professionnels, les éducateurs, les gens de l’administratif, etc., des gens comme moi qui pendant un an et demi côtoyons dans le cadre d’atelier de pratique artistique, etc., donc il y a toute cette population.

Alors, à nouveau, je reprends mon fil, très facile de basculer d’un côté ou de l’autre, de dire : voilà, untel est dans tel cas, untel est dans tel camp. Eh bien, la solution, il fallait gommer tout signe distinctif.

Donc pour gommer les signes distinctifs, c’est quoi un signe distinctif ? C’est un signe qui va vous rappeler dans quelle catégorie sociale vous êtes. La catégorie sociale est représentée par quoi ? Par les vêtements et par le décor, dans un portrait, pas par autre chose. Vêtements, décor, éventuellement les bijoux et lunettes. Donc, au revoir les lunettes, le décor, un fond noir, tout ce qui est vêtement, une cape noire sur les épaules, un éclairage studio un peu élaboré, et qu’est-ce qui se passe ? Le visage sort de l’ombre. D’où le titre « Dans l’ombre ».

Le visage sort, et comme dans « Balnéaires » – c’est un peu la suite de « Balnéaires » –, il ne reste plus que le visage pour vous montrer, avec les traces de la vie, un petit peu où on peut être, dans quel camp on est. Et on se surprend dans l’expo à se dire : ah, cette dame, ce monsieur, en difficulté, pas en difficulté ? Ils sont là pour aider ? Etc. C’est assez bluffant.
L’éditeur du livre, juste avant qu’il parte à l’imprimerie, m’a dit : Mais attends, tu n’es pas dedans ? Tu as travaillé un an et demi, tu n’es pas dedans. Donc, sachez que mon portrait est dans le livre, si jamais il y a des…

Laurent : J’allais poser la question.

Frédéric : Voilà, si jamais il y a des admiratrices de mon travail, voilà, mon portrait est dans le livre. Enfin, blague à part, effectivement, je me suis situé dans le cadre des bénévoles qui travaillent dans l’association.
Ce travail est assez puissant, parce que, justement, l’éditeur, Éric Le Brun en dit vraiment beaucoup de bien, d’ailleurs, dans la vidéo que tu avais tournée de lui, parce que je pense que j’ai justement réussi à mener mon chemin tout en restant sur la corde raide et sans basculer d’un côté ou de l’autre. Il faut faire très attention.
Tout à l’heure, je prenais le terme d’honnêteté, c’est très très important l’honnêteté envers son sujet, envers soi-même bien sûr, mais envers son sujet, c’est primordial.

Laurent : À part cet effacement des signes distinctifs qui permet effectivement, j’allais dire, de flouter la frontière, mais pas du tout, de l’annuler complètement entre les aidants, les aidés, les professionnels ou pas – et effectivement quand on regarde le livre on n’a aucun moyen de savoir. Parfois on peut deviner, mais est-ce qu’on a raison ? Ce qui est bien, c’est que même quand on devine, on ne sait pas vraiment si on a raison.
Et ça remet du coup nos préjugés en cause, ce qui est vraiment intéressant.
Mais du coup, à part ça, qu’est-ce qui fait que tu restes sur le fil jusqu’au bout ? Parce que tu as dit tout à l’heure qu’on peut très facilement se planter. Qu’est-ce qui fait qu’on ne se plante pas ? Comment tu as fait, en fait ?

Frédéric : Alors, on peut se planter par deux raisons, qui me viennent comme ça.
La première, c’est qu’on n’est pas honnête. On n’est pas honnête envers soi, envers son sujet. Si on n’est pas honnête envers soi, on n’est forcément pas honnête envers son sujet. C’est-à-dire qu’on ne sait pas le pourquoi des choses.
Ça, c’est une première chose, mais j’allais dire que moi j’ai tendance à, maintenant, l’évacuer, parce que j’ai 35 ans de pratique de portrait derrière moi, ça fait 35 ans que c’est ma règle d’or, donc elle est gravée, voilà, je n’y reviens pas.

Et la deuxième règle, c’est le process, la typologie. Photographier tous les gens exactement de la même manière – mais quand je dis exactement, c’est vraiment exactement de la même manière –, ça permet justement d’évacuer tout menton qui pourrait se baisser un petit peu parce qu’on a le poids sur les épaules, au contraire, on est bien dans la vie, on tient les épaules en arrière. Toutes ces positions, les yeux grands ouverts, un peu fermés, etc. Tout ça, je le gère, je le dirige. Il n’y a aucune liberté qui est laissée à mon sujet.

Alors, ça étonne, des fois, parce que je dis que je respecte énormément les gens que je photographie. C’est vrai, je le revendique, par contre, je dis aussi qu’ils n’ont aucune liberté d’action. Je dirais que c’est une directive, mais alors… Je positionne leur visage de manière très précise – je vais face à la caméra. Lorsqu’on fait un portrait de face, la règle d’or c’est d’avoir les deux oreilles visibles de la même manière sur la photo ; à partir de là, vous êtes en face. Vous appliquez ça à 50 personnes, les 50 personnes sont en face. Voilà, des petits trucs comme ça.

Une nouvelle branche dans son travail

Laurent : OK, très intéressant. On a bien fait le tour de ton travail de portraitiste, mais ici on est l’Institut pour la photographie, que je remercie d’ailleurs de nous accueillir, et on est dans ton expo La Ligne d’eau – je vous montrerai aussi quelques images de la pièce de manière plus générale pour qu’on voie un peu le lieu et comment c’est fait. Ça se démarque quand même fortement de ce que tu as fait auparavant. Alors, pas tout, parce qu’on va parler de IGN juste après, mais quand même, on va dire que vu ce qu’on vient d’aborder et tes nombreux projets de portraits, visuellement, tout de suite, effectivement, on peut se dire…

Frédéric : Oui, complètement.

Laurent : Même si tu n’as pas pu résister à glisser un ou deux portraits, quand même.

Frédéric : Ça, c’est sûr.

Laurent : Ahhhh, bonjour madame…

Frédéric : Oui, il y a un peu de ça, oui.

Laurent : Alors, ce n’est pas la première fois que tu te frottes à l’exercice, puisque comme je le disais, ton projet a déjà quelques années, mais est-ce que tu pourrais nous dire ce qui a déclenché cette nouvelle branche dans ton travail ? Alors, je dis branche, parce que tu n’as pas arrêté le portrait, on l’a vu avec « Dans l’ombre » récemment, tu n’as pas pris un tournant, c’est juste une autre branche de ton travail.

Frédéric : Tout à fait. Alors, déjà, ce qui est important de bien comprendre, c’est que je revendique ces deux branches, ces deux axes dans mon travail artistique.
J’ai mis du temps à le revendiquer parce que, malheureusement, le monde de l’art est fait comme ça, c’est que dès qu’on déroge un peu à l’habitude, ça ne va plus. Moi je connais beaucoup d’artistes qui vivent mal leur fin de carrière parce qu’ils sont toujours obligés de continuer à faire la même chose depuis leurs débuts, et ils aimeraient faire autre chose, mais non, ça ne se fait, quoi.
Il faut s’appeler Walker Evans pour qu’on accepte de voir des mégots au Polaroïd en couleur après avoir fait son travail à la chambre. Voilà.
Bon, ça, c’était un aparté.
Donc, je revendique complètement ces deux approches photographiques.

D’où vient cette deuxième ? Tout mon travail artistique, à part le dernier – tout mon travail portraitiste, je veux dire – est fait en argentique, souvent à la chambre, au moins au moyen format. Ça, c’est une chose.
Les années 2000 arrivent, l’avènement que vous avez tous vécu, qui est la photographie numérique.

J’ai fait un peu de résistance. J’ai eu mon premier appareil photo numérique, qui ne m’a pas servi à travailler mes projets photographiques, mais par contre que j’ai pris avec moi en vacances. Parce que, aussi bizarre que ça paraisse, je ne fais jamais de photographie en dehors du projet clairement identifié à l’instant T. Depuis « La Ligne d’eau », je n’ai pas fait une seule photo. Enfin si, j’ai terminé « Dans l’ombre », mais à part ces deux projets, ça fait un an que je n’ai pas fait une seule photo. JE travaille uniquement comme ça sur projet identifié.

Donc les années 2000, j’y reviens, vacances en famille, etc., et je commence pour me faire plaisir à m’amuser, et puis copier un petit peu l’imagerie que j’avais de quelques grands noms de la photographie, à faire du paysage.
Et j’ai commencé à photographier des chemins, j’ai commencé à photographier des montagnes, etc. Et j’ai commencé à y prendre goût, et au bout de quelques années, à commencer à y revenir dessus et à me dire qu’il y a peut-être quelque chose à faire. Mais sans plus. Je n’avais pas de projet identifié à l’époque, rien du tout.

2007, la date est importante, une association de Nancy, d’ailleurs qui va exposer « Dans l’ombre » l’année prochaine, me passe commande d’un travail photographique sur le train Bamako-Dakar en Afrique de l’Ouest. Je pars trois semaines avec l’appareil photo en Afrique de l’Ouest. Je fais des portraits, toujours, de voyageurs et puis des gens qui travaillent sur les voies de chemin de fer.

Et là-bas, il y avait pas mal de temps morts, etc., et puis l’Africain est quelqu’un de très joyeux et qui accepte beaucoup l’autre, et en discutant comme ça avec un Africain, il me dit : Tu sais, pour toi, l’exotisme, c’est ici à Dakar, mais pour moi c’est la porte de Pantin.
Là, quand on vous dit ça, ooooh, vous vous dites qu’il vient de se passer quelque chose.

Je suis rentré après le travail, qui s’appelle « Chroniques partagées » – j’ai oublié le nom – qui a été exposé un peu partout, etc.
Je ne l’ai pas dit, mais vous l’avez certainement compris, je travaille sur des projets personnels. J’ai répondu à très très peu de commandes. Pourquoi ? Justement parce que j’ai un métier à côté qui me permet de photographier et de travailler uniquement sur ce qui m’intéresse. Voilà, ça c’est une chose que je devais dire et que j’ai dite.

Et donc, je reviens après cette commande en Afrique de l’Ouest, je rentre chez moi et je me dis : qu’est-ce que je vais photographier ? C’est la bonne question que tout le monde se pose.
Je veux dire, moi, on me la pose chaque début de session des ateliers de pratique artistique que je mène, on me dit : oui, mais je ne sais pas quoi photographier.
Et donc j’ai repensé à cet ami sénégalais qui me disait : moi c’est la porte de Pantin, et je me suis dit : je ne vais pas retourner à l’autre bout du monde, parce que je n’ai pas, de toute manière, de commande et que je n’ai pas les moyens pour, donc je vais faire comme il m’a dit, je vais regarder où j’ai les pieds. Où j’ai les pieds, c’est chez moi, et chez moi c’est représenté par la carte IGN 2605 Ouest, qui est, pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont les cartes géographiques bleues qui sont les cartes les plus précises que l’on trouve en France, après il faut passer sur les cartes d’état-major, qu’on ne trouve pas dans le commerce.

Donc la carte IGN 2605 Ouest, c’est là qu’est le village où j’habite, Rosult près de Saint-Amand-les-Eaux. Et pendant 8 ans, j’ai tourné sur ce territoire, sans a priori. Ma lumière était bonne, ça, on y reviendra dans le cas du travail sur le territoire, ma lumière était bonne, c’était la bonne période, ça aussi, la voiture m’emmenait n’importe où – des fois, merci le cultivateur pour me sortir des champs où j’avais voulu m’aventurer.

Et donc, sur mon site on le verra, le livre est toujours en vente, on va trouver un portrait, on va trouver le portrait d’un château d’eau dans un paysage au loin, on va trouver un lapin mort, on va trouver un blockhaus, on va trouver plein de choses que j’ai rencontrées, et qui pour moi sont toujours des portraits. Quand je photographie un blockhaus, j’ai la même approche que quand je photographie une dame à la sortie d’un casino en Belgique. Voilà, je vais faire le portrait du lapin qui est sur le bord de la route, le portrait d’un bâtiment, le portrait d’une maison, le portrait de la vie rurale, etc.

Je suis toujours dans cette notion de portrait, qui est issue de la frontalité qui elle-même est issue du style que je revendique, qui est le style de la photographie documentaire – que je vous invite à étudier, parce que c’est un des styles fondamentaux de ces cinquante dernières années en matière de photographie, représenté par Atget, mais dans la foulée, Walker Evans, l’école de Düsseldorf, etc.
Donc cette frontalité que j’applique de la même manière, que je photographie une cabine téléphonique ou une personne.

Et donc, j’ai travaillé pendant 7 ans sur ce territoire, j’ai eu la chance d’avoir une résidence artistique, interventions dans les classes, les collèges, etc. Tout ça pour dire que j’ai réussi à avoir un financement pour faire ce livre. Dont je suis. Très fier, parce que je l’ai fait de A à Z, tout seul.
Il y avait un éditeur, mais qui ne m’a servi que de diffuseur. Et c’est pour ça que j’ai changé d’éditeur pour les deux derniers ; coucou Éric ! en passant. Une vidéo faite également par notre ami Laurent sur sa chaîne, sur Éric Le Brun, les éditions Light Motiv, dans laquelle il parle justement de mon travail, entre autres.

Le projet “La Ligne d’eau”

Laurent : Alors, c’est intéressant, parce que je me disais, j’avais vu la couverture sur Internet, mais je n’avais pas remarqué ça, c’est que sur IGN, tu as quand même mis un portrait en couverture, et « La Ligne d’eau », quand même, là, ça y est j’ai envie de dire, presque, la décision est prise.

Frédéric : Non non ! Là, tu as la réponse, je viens juste de te donner la réponse, c’est que IGN, je l’ai fait tout seul. J’ai fait la maquette tout seul, de A à Z. Et « La Ligne d’eau », dont on va parler maintenant, qui se présente sous deux formes ; la forme éditoriale, le livre que Laurent a entre les mains, aux éditions Light Motiv, avec un éditeur, et le rôle de l’éditeur est loin d’être négligeable dans une opération éditoriale ; et puis la deuxième forme de démonstration qui est l’exposition que vous avez en partie là derrière vous – enfin, une pièce derrière vous, derrière moi plutôt – et qui elle est conçue par une commissaire d’exposition, Anne Lacoste, la directrice de l’Institut pour la photographie à Lille, pour ne pas l’oublier.

Et ce sont deux regards, j’allais dire différents, c’est même complètement différent, sur le même travail. Et ça montre bien l’importance de quelque chose qui est bien souvent ignoré par le photographe débutant, et même souvent par le photographe qui a déjà un peu de métier, qui est le rôle fondamental et primordial de ce que l’on appelle l’éditing.

L’éditing, c’est quoi ? C’est dans une somme de x photos – en l’occurrence, sur La Ligne d’eau, il y avait grosso modo une centaine de photos sur la table, que ce soit la table de l’Institut avec Anne Lacoste, que ce soit la table de l’éditeur avec Éric Le Brun, il y avait les 100 mêmes photos sur la table. Anne Lacoste en a fait sa propre lecture, et Éric Le Brun en a fait sa propre lecture. Et on arrive à deux regards complètement, enfin, si, complètement différents, avec les, même pas les images, parce que ce ne sont pas les mêmes sélections.

Anne Lacoste, par exemple, a retiré de sa sélection tous les portraits. Pardon ! Tous les paysages – portraits, ça tourne en boucle, tu vois… Ça fait 35 ans que ça tourne en boucle. Dès que je parle photo, c’est portrait.
Tous les paysages ont été retirés, c’est un choix revendiqué d’Anne Lacoste, parce qu’elle m’a dit que la dernière photo de l’exposition, qui n’est pas dans le livre, mais il faudrait que tu montres le panoramique, ce paysage en panoramique était le résumé de tous les paysages que j’avais pu faire dans ce travail, et que montrer ce panoramique eh bien remplaçait x images de paysage, à lui seul il se suffisait pour montre son paysage. Voilà.
Et, bon, je sais que tu as des questions à me poser sur ces différences, mais elles sont vraiment fondamentales, et c’est la lecture qui est faite d’un travail par commissaire d’exposition et éditeur, c’est deux choses complètement différentes.

Laurent : C’est intéressant, parce que ça s’est fait en parallèle.

Frédéric : Oui, ça s’est fait en parallèle.

Laurent : il n’y a pas eu…, le livre n’était pas déjà conçu avant que l’expo soit conçue

Frédéric : Non non.

Laurent : C’est intéressant, parce qu’il y a vraiment, pour le coup, une parfaite indépendance.

Frédéric : Oui. Et moi j’étais au milieu.

L’éditing, quels choix ?

Laurent : Et toi tu étais au milieu. Comment ça se passe pour toi, à la fois en pratique, dans le sens où, évidemment, il y a forcément une discussion sur qu’est-ce qu’on va mettre dans l’expo, qu’est-ce qu’on ne va pas mettre, comment l’organiser, et pareil dans le bouquin, il y a évidemment des choix éditoriaux, hein. Sur la forme, le papier et plein de choses comme ça. Déjà, est-ce que tu peux nous en dire plus sur ces choix, et puis aussi, j’ai envie de dire, comment ça se passe émotionnellement pour le photographe ? Parce que, forcément, tu as 100 images, on ne met pas tout dedans – bon, c’est un peu le principe de l’éditing, cela dit, on sait très bien qu’il y en a qui vont partir –, mais il n’y a pas le même nombre qui partent, ni les mêmes. Raconte-nous un peu ce qui se passe.

Frédéric : Tout à fait. C’est très violent. C’est très très violent.

Alors, comment se passe le travail avec l’éditeur – à nouveau, je vous renvoie sur la vidéo d’Éric Le Brun, parce qu’il en parle très bien et je n’ai malheureusement pas grand-chose à ajouter à ce qu’il disait, si ce n’est mon propre ressenti.
Depuis tout à l’heure, je vous parle d’un maître mot qui est honnêteté. Donc, honnêteté vis-à-vis du sujet, mais aussi honnêteté vis-à-vis de soi-même.

Honnêteté vis-à-vis de soi-même, c’est être capable de se dire : la personne que vous avez en face de vous a plus de compétences que vous sur tel ou tel domaine.
Quand vous avez cette honnêteté-là – ce qui n’est pas le cas de tout le monde, soit dit entre nous ; je ne cite personne –, quand vous êtes capable de reconnaître cela, eh bien, je dirais que vous êtes ouvert à la discussion, mais aussi, et surtout, ouvert à l’écoute.

Quand Anne Lacoste fait sa propre sélection, m’explique pourquoi elle me supprime les cinq plus beaux paysages, qui pour moi étaient les cinq plus belles photos de ma série, etc., me dit : voilà, moi c’est comme ça que je ressens ton travail, qu’est-ce que tu en penses ? Eh bien, en réalité, je vais vous dire ce que j’en pensais, c’est que je me mettais des baffes intérieures en me disant : mais pourquoi je n’ai pas vu ça plus tôt ?
Et ce rôle, ces échanges que j’ai eus avec Anne Lacoste dans le cas de ce commissariat, pour moi m’ont énormément apporté, parce que c’était, malheureusement, il a fallu que j’attende l’âge de 60 ans pour avoir la première, cette première relation comme ça, vraiment, de commissaire d’exposition à mon travail qui allait être exposé. Et j’ai appris énormément de choses.
Et donc, je dirais qu’elle a été vraiment très fédératrice sur le choix et le chemin de fer de cette expo. Jusqu’au moment de l’accrochage, le matin de l’accrochage, elle venait dans la salle et puis on a revu l’articulation de quatre images qu’on a revue différemment, parce qu’avec les premières images qui étaient accrochées au mur, eh bien, finalement, ce qu’on avait prévu tenait moins bien que la nouvelle version. Voilà. Je dirais donc que ce commissariat d’exposition, elle l’a assuré jusqu’à ce que le cadre soit posé au mur.

Et donc, moi j’ai appris énormément de choses, sur le travail que j’avais produit et surtout, sur les différences qu’on pouvait avoir à la lecture d’un travail. Parce que quelque chose d’important, de primordial, qui rejoint l’importance de l’éditing, c’est que quand on fait un travail photographique, c’est nous qui l’avons produit, il y a un événement qui vous est propre, personnel, et que personne ne peut partager, ni le lecteur, ni le commissaire d’exposition, ni l’éditeur, ni l’acheteur du livre, etc., c’est la sensation que vous avez eue au moment de faire la prise de vue.

Je dirais, pour ne pas le citer, dans le livre, il y a – dans l’expo aussi –, il y a un monsieur âgé que j’ai photographié, j’ai vraiment eu une émotion très forte quand j’ai vu ce monsieur, parce que, concrètement, il me faisait penser à mon père décédé. Mais ça, je peux raconter ça, je peux l’écrire, etc., les gens s’en foutent. Excusez-moi l’expression. Mais concrètement, ils vont regarder un portrait d’une personne âgée. C’est ça qu’ils vont regarder. Je veux dire, tout ce que j’avais dans les tripes à ce moment-là… Voilà. Ça, ils n’en ont pas conscience.

Donc la difficulté, elle est là. Ces paysages qu’Anne a évacués de la sélection, j’ai passé des fois de longues minutes, pour ne pas dire des fois des quarts d’heure, pour ne pas dire une fois une demi-heure, à attendre la bonne lumière, à chercher le cadrage, etc. Et à faire la photo et à me dire, quand je faisais l’éditing : ça y est, j’ai réussi à l’avoir ! Et finalement, elle ne vit nulle part.

Si, parce qu’Éric, lui, avait une autre lecture et il a intégré dans le livre les paysages que je n’ai pas pu mettre dans l’expo, et par contre, il n’a pas intégré le panoramique.
Ça fait partie des petites différences. Entre autres, mais il y en a plein d’autres.

Laurent : Très intéressant. Est-ce que, quand tu travailles sur le projet, tu le pensais déjà dans le cadre d’un livre, d’une expo, des deux, ou tu n’as pas spécialement ça en tête ?

Frédéric : Alors, en réalité, si, mais le livre et l’expo ne sont que des étapes, je dirais, à venir. J’ai la chance que mes quatre derniers travaux aboutis aient été publiés. Je croise les doigts, je ne sais pas si ça va continuer, hein. Tous les photographes qui m’écoutent, ils doivent avoir un petit peu d’envie. Mais c’est tout, ça s’est fait comme ça. Je ne sais pas si c’est de la chance ou quoi, ou si c’est qu’à un certain âge on est plus mûr et qu’on a moins peur pour aller démarcher. Enfin bref, je veux dire qu’il y a certainement plein de raisons, c’est pas le problème.
Pour répondre à ta question, quand je fais un travail, il y a toujours l’objectif qu’il soit vu. Montré et vu. Il est clair que, de loin, et même très loin, le meilleur support pour un photographe, c’est le livre. Ça, c’est pas moi qui le dit, ce sont tous les photographes.
Maintenant, une expo de la qualité de celle qui a été produite par l’Institut et qui est accrochée au mur derrière moi, ça aussi c’est quelque chose. Je le dis, je n’ai jamais eu une expo de mon travail de cette qualité. J’entends, pas la qualité des photographies, la qualité de production de l’expo.

Conseil

Laurent : OK. Eh bien, merci beaucoup. J’ai une dernière question que je pose toujours, alors sous une forme un peu différente, mais c’est toujours un peu la même pour tout le monde, c’est que là il y a plein de gens qui nous regardent, et parmi eux, statistiquement, il y en a forcément qui sont inspirés par ton travail, particulièrement, mais aussi d’une manière générale pour eux faire un travail, que ce soit sur le portrait ou le territoire, mais où d’une certaine manière ta démarche leur parle, ils se disent : tiens, j’aimerais bien faire quelque chose un peu comme ça., et qui ne savent pas forcément par où commencer, ou qui sont peut-être en cours de projet, mais qui sont un peu perdus. Qu’est-ce que tu pourrais leur donner comme conseil ? Qu’est-ce que, toi, tu as appris au cours de ton parcours photographique, qui a de la bouteille, maintenant, on va dire, et qui pourrait leur servir ?

Frédéric : Il y a plein de pistes. La piste principale, c’est – je reviens au début de l’histoire – Jean-Claude Lemagny qui me l’a dit : votre culture photographique. Ça, c’est la base.
On ne peut pas faire un travail artistique quel qu’il soit, quel qu’il soit, on ne peut pas composer si on n’a pas écouté les grands compositeurs, on ne peut pas peindre si on ne connaît pas les grands courants de la peinture. Voilà. On ne peut pas photographier si on ne connaît pas l’œuvre de Walker Evans, d’Atget, de Sanders, etc. Même sans parler de portrait ou de photographie documentaire, je veux dire. Atget, tous les photographes, tous les artistes qui ont un travail personnel connaissent parfaitement le travail d’Atget. La culture photographique.

Ensuite, c’est ça le plus difficile, c’est essayer de trouver quelqu’un qui vous guide. Ce que moi j’appelle « un mentor ». Alors, coup de bol, moi j’en ai eu un – je passe le coucou à Didier Vivien, si jamais il m’écoute –, qui pendant quinze ans m’a bien recadré, etc.
Ça, c’est la deuxième piste.

La troisième piste – alors, l’idéal c’est effectivement d’avoir les trois en même temps – serait d’adhérer à, je dirais, des cursus de formation tel qu’il y a maintenant dans les écoles d’art, tel qu’il y a, oui, dans les écoles d’art, dans les milieux associatifs, etc., qui sont donnés par des artistes, et dont le rôle n’est pas de vous apprendre à faire une photo, mais à vous apprendre à réfléchir sur l’acte photographique. Et ça, je dirais qu’il y a énormément d’artistes photographes qui font ça à côté de leur boulot ; moi-même je fais ça pour ceux qui sont de la région, à côté de Saint-Amand-les-Eaux, j’anime des ateliers comme ça. Voilà, dont le rôle est de réfléchir sur l’écriture photographique et non pas de savoir cadrer et composer. Ça, on s’en contrefout, il y a des bouquins qui l’expliquent beaucoup mieux que moi.

Mais les trois options, pas les trois options, les trois axes : la culture, fondamentale ; essayer de trouver quelqu’un, si possible qui puisse vous guider, ne serait-ce que deux-trois fois une discussion d’une heure ou deux ça peut complètement vous cadrer ; et puis, à côté de ça, travailler, je veux dire, travailler.

Et ne pas oublier que consciemment ou inconsciemment, on fait toujours une photographie par rapport à une image qu’on a dans le cerveau. Consciemment ou inconsciemment. Ça veut dire que plus votre base de données sera importante, plus vous avez vu d’images, plus vous aurez vu d’expos, plus vous aurez ouvert de bouquins photographiques, plus votre base sera ouverte, grande je veux dire, et plus vous aurez de facultés à trouver votre axe d’approche de votre sujet. Voilà.

Laurent : Oui, tout à fait. Ça me fait penser à, c’est une phrase que je dis toujours, que j’ai copiée à quelqu’un, mais je ne sais plus qui disait que la créativité, c’était connecter les points, et quelqu’un d’autre disait : oui, mais avant de les connecter, il faut d’abord les collecter. Et il faut avoir, comme tu dis, une base de données de choses et tu fais des connexions entre les trucs, souvent inconsciemment, et après, des fois tu dis : ah, c’est marrant, ça ressemble à tel truc que j’ai vu il y a deux ans et relié à tel truc que j’ai vu il y a six mois.

Frédéric : Absolument. Et puis, pour finir, une phrase aussi – alors, je pense qu’elle est de Cartier-Bresson, je n’en suis pas sûr, c’est : se passer l’œil au papier de verre. Tout le temps. Quand on est photographe, on sait qu’on est photographe le jour où on fait des photos sans appareil photo. Vous prenez la voiture, vous vous surprenez à un feu rouge en train de dire : tiens, clac, je viens de faire une photo, ou n’importe quoi, ce jour-là vous êtes photographe. Ce n’est pas uniquement quand on a l’appareil photo autour du cou, ou qu’on se promène parmi les badauds aux Rencontres d’Arles. C’est pas ça, être photographe. Voilà.

Laurent : On voit de qui tu parles. Écoute, merci beaucoup de cette discussion, c’est très intéressant. De toute façon, s’ils sont encore là, a priori, c’est que ça les a intéressés.
Donc, pour résumer, « Dans l’ombre » et « La Ligne d’eau », tous les deux des livres aux éditions Light Motiv, je vous mets les liens en description juste en dessous, si vous souhaitez les acheter. Il y a aussi l’exposition, donc, « Dans l’ombre », c’est exposé à Saint-Omer…

Frédéric : À Saint-Omer à l’Espace 36 jusqu’au 24 octobre, c’est ouvert le samedi dimanche, il vaut mieux leur téléphoner avant quand même, c’est un petit lieu. Ce sera présenté l’année prochaine en septembre au château de Lunéville. C’est l’association Le Cri des lumières sur Nancy qui gère le château de Lunéville. Et puis ici, c’est accroché à l’Institut jusqu’au 15 novembre.

Laurent : OK, super. Donc, voilà, si vous voulez venir – j’espère que je vais réussir à sortir cette vidéo avant le 15 novembre – il vous restera peut-être deux semaines, mais si vous êtes à Lille ou dans le coin, faites le déplacement. En plus il n’y a pas que La Ligne d’eau, donc vous avez plein de choses à voir, ça vaut le coup de faire le déplacement.
Et puis, si vous avez aimé cette vidéo, pensez surtout à la partager autour de vous, mettre un pouce bleu, laisser un commentaire, etc., ça aide beaucoup, parce qu’une vidéo de plus d’une heure sur YouTube, c’est pas trop fait pour à la base, donc ça aide à soutenir le format.
Si jamais vous découvrez la chaîne, eh bien, abonnez-vous, parce qu’il y en a d’autres qui arrivent par la suite.
Et puis, voilà, je vous dis à plus dans la prochaine vidéo, et d’ici là, à bientôt et bonnes photos !

Frédéric : À bientôt !

Les livres de Frédéric :

“Dans l’ombre” : https://editionslightmotiv.com/produi…

“La Ligne d’Eau” : https://editionslightmotiv.com/produi…

Son site : http://frederic-cornu.com/

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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