L’avantage d’un exercice imposé, c’est que ça force à être créatif, à expérimenter, à imaginer de nouvelles choses. C’est pourquoi je me suis essayé à un exercice auquel je ne suis pas habitué : la photo macro abstraite.

En effet, cet article est écrit dans le cadre de la Boîte à Photos, un événement entre blogueurs photo qui se déroule tous les 2 mois, et nous réunit tous autour d’un même thème. Cette fois-ci, elle est organisée par l’ami Régis Moscardini du blog Auxois Nature, sur lequel vous pouvez retrouver l’article qui présente cette édition, et qui publiera un article résumé en fin de semaine.

Merci à Laurent Vaissade de vaissade.fr pour le logo ! 🙂

J’avoue qu’en voyant le thème de cette édition, la photo abstraite, je me suis gratté la tête en me demandant comment j’allais bien pouvoir écrire sur le sujet. C’est un exercice que je ne connais pas et ne pratique pas du tout d’habitude.

Mais soit, avoir un thème imposé permet aussi de se forcer à sortir des sentiers battus et d’expérimenter de nouvelles choses, comme je l’avais fait lors d’une précédente édition avec le lightpainting. Je me suis dit que j’allais en profiter pour étrenner mon objectif macro et complètement découvrir une nouvelle discipline : la macro abstraite. Je n’en avais jamais fait avant, mais dans cet article, je vais vous relater mon expérience et partager avec vous les conseils que j’ai pu en tirer.

Mais avant ça, petit aparté.

 

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Comme toujours, vous pouvez suivre l’évènement grâce au Facebook et/ou au Twitter de la Boîte à Photos.

Grosse nouveauté cette fois-ci : si vous avez un smartphone (iPhone ou Android), la Boîte à Photos dispose dorénavant de son application dédiée, qui vous permet de retrouver tous les articles de cette édition mais aussi des précédentes !

L’appli vous est proposée par Goodbarber, qui a même fait une petite vidéo de présentation sur son blog. Et je peux déjà vous dire qu’Apprendre la Photo disposera bientôt de sa propre appli développée par Goodbarber également, je vous en reparle bientôt.

 


 

J’ai donc expérimenté la photo macro abstraite exprès pour cet article, et à ma grande surprise l’exercice m’a bien plu, et je dirais même que je vais sans doute en refaire. J’ai décidé de me concentrer sur mon environnement immédiat pour ces images, et de photographier des objets du quotidien de manière abstraite. Et puis il pleuvait aussi 😛

Pourquoi la macro ?

Classiquement, la macrophotographie est plutôt faite pour représenter des sujets petits mais bien reconnaissables comme des fleurs et des insectes. Mais j’ai toujours été tenté de découvrir les merveilles qui se cachent autour de nous, trop petites pour que notre œil s’y intéresse.

 

Utiliser la macro comme révélateur est un exercice qui demande pas mal de créativité et d’ouverture d’esprit, et c’est en ça qu’il est intéressant : on imagine plus qu’on ne décrit, ce qui change de beaucoup d’images qu’on fait couramment. Ici, il est clair que la photo n’est pas faite pour représenter la réalité, ce qui a l’avantage de libérer de toute contrainte : on est parfaitement libre de truquer, arranger, recadrer et retoucher comme bon nous semble, sans se faire jeter des cailloux. La démarche est assumée dès le départ.

Je me suis donc concentré sur ce qu’il y avait autour de moi, en me débrouillant pour que les objets ne soient pas reconnaissables, tout au moins au premier coup d’oeil.

 

Techniquement, puisqu’on va me le demander, toutes les photos ont été prises au Canon 5D MkIII + Canon 100mm macro f/2,8 IS, sur trépied (pour me laisser la possibilité de cadrer simplement comme je le voulais, et d’utiliser de faibles sensibilités ISO), et en mise au point manuelle pour être le plus précis possible. Mais ceci importe peu, il suffit d’un objectif macro (je suis en rapport 1:1 ici) et d’un trépied, et voilà.

Voici donc les 8 conseils que j’ai pu tirer de cette expérience intéressante.

1. Soignez votre composition

Une chose à laquelle je ne m’attendais pas en commençant, c’est qu’il soit aussi difficile de composer l’image. En effet, dans la photo « traditionnelle » (non-abstraite), on a presque toujours un sujet évident, et qu’on suive les règles de composition ou qu’on les contourne, on a des repères et ça ne nous est pas inconnu du tout.

Seulement voilà, le principe de l’abstrait, c’est justement de ne pas avoir de sujet identifiable à première vue, ou en tout cas de le transformer pour en faire toute autre chose. Et on se rend rapidement compte qu’il est du coup très difficile de placer les éléments de l’image de manière satisfaisante.

 

Par exemple, j’ai commencé par photographier un verre de jus de fruits avec des glaçons (oui, je trouve ça infiniment esthétique, et en plus après je peux le boire en récompense de mon travail acharné :D). Mes premières prises de vue donnent un aspect intéressant au sujet, mais il manque quelque chose, comme vous pouvez le voir.

J’ai fini par prendre le problème sous un autre angle : j’ai décidé d’intégrer le bord du verre à l’image, ce qui rend peut-être le sujet plus reconnaissable, mais permet d’intégrer une ligne de force à l’image, une couleur complémentaire, et de faire passer une idée. Bref, de rendre l’image plus intéressante.

Prise de vue finale Macro abstraite photo verre glaçons jus d'orange
Prise de vue finale

Je me suis rendu compte plusieurs fois au cours de cet exercice que j’avais envie de recadrer au format carré, qui me semble plus propice à l’abstraction : plus reposant, calme et stable, le carré permet d’arrêter de chercher un sujet et de se laisser happer par les formes, les couleurs, les matières, et de faire travailler son imagination. Vous le verrez au cours de l’article, j’ai recadré pas mal d’images au format carré.

Macro abstraite photo verre glaçons jus d'orange
Comme vous pouvez le remarquer, j’ai également pivoté l’image, ça me semblait plus équilibré comme ça. Laissez parler votre instinct, c’est de l’abstrait !

2. Utilisez la profondeur de champ à votre avantage

Une des caractéristiques de la macro, c’est sa très faible profondeur de champ. Vous allez pouvoir utiliser ça à votre avantage pour évoquer plus de choses et créer des ambiances mystérieuses. Je me suis retrouvé à ouvrir le plus souvent à f/2.8, pour rendre le sujet moins reconnaissable. Par exemple sur cette image, j’ai voulu rendre le sujet le moins identifiable possible pour évoquer autre chose que son usage initial.

Macro abstraite photo bracelet noir et blanc profondeur de champ

À l’inverse, il ne faut pas être un extrémiste de l’ouverture non plus ! Pour cette autre image dont je vous reparle après, j’ai testé plusieurs profondeurs de champ différentes, et j’ai fini par me décider pour une valeur intermédiaire (f/5.6), qui donne un rendu plus proche de ce que je veux évoquer.

3. Explorez votre idée à fond

Si vous avez une idée initiale, n’hésitez pas à la triturer au maximum pour en sortir le meilleur !

Pour commencer, explorez votre sujet sous tous les angles : avec un angle « à pic », vraiment vu de dessus, ou au contraire vu à ras de côté. Modifiez la position de votre sujet, mais bougez aussi le sujet devant l’appareil. C’est ce que j’ai fait pour le verre de jus de fruit plus haut, en finissant par inclure le bord du verre, mais c’est aussi ce que j’ai fait pour la photo précédente, où j’avais commencé par des vues plus à pic qui mettaient moins en valeur la profondeur de champ.

Macro abstraite photo bracelet profondeur de champ
Premier essai pour la photo précédente

4. Mettez en scène des idées

Un des principaux leviers de la photo créative (ce qu’est nécessairement la photo abstraite), c’est de sortir de la photographie d’un sujet, mais plutôt de représenter des idées. Par exemple, après le verre de jus de fruit et le bracelet, j’ai eu envie de photographier ma chaussure. Elle est assez vieille, en daim, et ça donne vraiment une texture intéressante.

Macro abstraite photo dunes sable tissus

La première photo que j’ai prise donne presque l’impression de dunes de sable tant la texture est particulière. Et c’est là que j’ai eu l’idée de forcer un peu le hasard et de faire une mise en scène : sable = plage = ciel bleu.

J’ai donc décalé la chaussure pour faire apparaître un peu d’arrière-plan, et j’ai placé derrière des sous-chemises bleues (qui servent à classer des trucs super funkys genre les déclarations d’impôts :D). J’ai ensuite testé différentes profondeurs de champ pour obtenir l’effet désiré, pivoté la photo en format paysage au post-traitement, et voilà !

Macro abstraite photo dunes sable tissus
Dunes

5. Testez beaucoup de choses

De la même façon qu’il faut tester plusieurs profondeurs de champ ou cadrages pour obtenir l’effet recherché, vous pouvez également tester d’autres choses :

  • Décalez la mise au point à un endroit inhabituel.
  • N’hésitez pas à plonger toute l’image dans un léger flou, c’est-à-dire à ne faire la mise au point sur rien.
  • Jouez avec l’exposition pour obtenir des images très lumineuses ou au contraire sombres.
  • Jouez également avec d’autres leviers bien connus de la créativité : pensez par exemple à utiliser des vitesses lentes pour voir l’effet que ça donne.

Macro abstraite photo verre glaçons jus d'orange

Ici, j’ai testé la pose longue en faisant bouger les glaçons. L’effet n’est au final pas terrible, mais au moins j’ai essayé ! 🙂

Ici, un léger décalage de mise au point donne un effet assez différent !

6. Exploitez les forces de la macro

Certaines choses sont particulièrement mises en valeur par la macro, et notamment les matières, les textures, les couleurs, et le graphisme des lignes droites et des courbes. Vous remarquerez que dans la plupart des photos de cette série, j’ai beaucoup exploité ça pour donner de la force aux images.

N’hésitez pas à explorer la matière elle-même : observez-la bien, froissez-la, expérimentez avec ! C’est par exemple ce que j’ai fait avec les fameuses sous-chemises bleues utilisées plus haut. Le bleu, c’est l’eau ou le ciel, alors autant essayer de jouer là-dessus.

 

J’ai donc d’abord repéré les bulles d’un côté, que j’ai essayé de mettre en valeur, puis j’ai décidé de froisser le plastique, ce qui donne ces traînées assez semblables à la condensation des avions, ou alors d’un simple mouvement de doigts, l’aspect d’une piscine.

Vous remarquerez que j’ai modifié la balance des blancs sur ces 3 images pour renforcer mon effet, alors qu’à l’origine le bleu est exactement le même.

Ce qui me mène élégamment à mon conseil suivant…

7. Utilisez le post-traitement sans vergogne

Comme je l’ai dit plus haut, la photo abstraite est très loin d’être une représentation de la réalité, c’est même tout l’inverse. Vous n’avez donc aucune excuse pour ne pas utiliser le post-traitement au maximum de ses possibilités :

  • N’hésitez pas à faire des photomontages de plusieurs images différentes
  • Tentez des post-traitements très poussés que vous n’osez pas d’habitude (j’ai par exemple poussé la clarté à +100 pour voir)
  • Tentez des types de traitement originaux (traitement croisé, virage partiel, etc.)

Et surtout n’hésitez pas à simplement triturer tous les curseurs. Pour la photo que vous avez vue plus haut, j’ai fait 3 traitements différents. Un seul remporte ma préférence, mais au moins j’ai expérimenté ! 🙂

8. Guidez l’imagination du spectateur

Malgré tous vos efforts, le spectateur pourrait être un peu perdu face à ces images d’un genre inhabituel, soit parce qu’il va trop se concentrer sur le sujet initial qu’il aura reconnu, soit parce qu’au contraire il n’aura pas compris ce que vous vouliez dire.

Mais vous avez une arme extrêmement efficace pour pallier ce manque : donner un titre à vos images ! Le titre peut communiquer clairement ce que vous vouliez dire, ou simplement évoquer une impression, mais dans tous les cas il va aider le spectateur à bien comprendre votre image et le message que vous vouliez faire passer, ou simplement à guider un peu son imagination et sa rêverie.

Regardez ce que ça donne sur la galerie complète de mes images, vous allez en voir certaines d’un œil nouveau 😉

 

J’espère que cet article vous donnera envie d’expérimenter ce domaine, de créer, et de vous faire plaisir en photo ! 🙂 (c’est bien l’essentiel)

Et vous, vous avez déjà tenté l’abstrait ? Ça vous donne envie ?

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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