Aujourd’hui j’accueille Adrien Coquelle du blog Pose Nature pour un article invité, c’est donc lui qui s’exprime dans cet article sur un sujet que je ne pratique pas : la macro !

Avant de commencer à vous parler de macrophotographie, je tenais à remercier Laurent de me permettre de parler de ma passion sur son site internet 🙂

La macrophotographie est, selon moi, le domaine photographique le plus passionnant qui existe et elle offre des possibilités infinies. En effet, la moindre variation d’angle de prise de vue peut complètement transformer une image, ce qui fait de cette pratique un domaine très créatif.
Pourtant, elle est aussi très frustrante, car il est souvent difficile d’obtenir vraiment ce que l’on a en tête. Elle nécessite en effet d’acquérir des bases techniques solides, car à de tels rapports de grandissement la moindre erreur peut être fatale.

De plus, la macrophotographie est de plus en plus pratiquée et la concurrence est devenue rude. La raison est simple : le moindre bout de verdure est susceptible d’abriter des centaines de sujets potentiels.

Le rythme de nos vies modernes et cette facilité à trouver des sujets font que de nombreux passionnés se tournent désormais vers la macrophotographie.
Tout ceci fait qu’il est aujourd’hui devenu très difficile de sortir du lot et d’être créatif en macrophotographie.

Il n’y a qu’à regarder les communautés de photographie pour se rendre compte que toutes les photos se ressemblent, avec toujours les mêmes sujets et les mêmes problèmes…

Pourquoi est-il si difficile d’être créatif en macrophotographie ?

Nous l’avons vu en intro, la macrophotographie est une discipline de plus en plus pratiquée, et une photo d’insecte qui nous paraissait incroyable il y a encore 10-15 ans nous paraît aujourd’hui fade.

Pourquoi ? Parce que notre œil est devenu habitué à ce genre d’images.

En effet, il y a encore quelques années, n’importe quelle photographie prise de très près faisait mouche (sans mauvais jeu de mots).

La raison est simple : les possibilités techniques de l’époque étaient limitées, ce qui faisait que les vraies macrophotographies, celles fourmillant de détails incroyables, étaient plutôt rares.

Lorsque les premiers objectifs macro sont apparus sur le marché, c’était un tout nouvel univers qui s’ouvrait aux passionnés de photographie et le simple fait de pouvoir observer tout ce petit monde était suffisant pour nous époustoufler.

Aujourd’hui, plus personne n’est émerveillé en voyant tous les détails d’un œil de libellule, car ceci est devenu classique.

La photographie s’étant très largement démocratisée, et le matériel étant devenu beaucoup plus accessible grâce à l’ère du numérique, les personnes regardant vos photos sont donc naturellement devenues plus exigeantes et plus difficiles à surprendre.
CQFD !

Comment photographier différemment ?

Vous l’aurez compris, il va donc falloir sortir du lot si vous voulez vous démarquer des autres photographes. Et pour faire cela, je vous propose de prendre le contre-pied de tout ce qui se fait d’habitude et de photographier différemment.
Comment faire ? Voici quelques pistes à explorer.

Arrêtez la macrophotographie !

Non, je n’ai pas trop bu : un des meilleurs moyen s our être créatif en macrophotographie est de ne pas faire de la macrophotographie , ais… de la proxiphotographie !

Qu’est-ce que c’est ? Je ne vais pas rentrer ici dans le détail, mais scientifiquement parlant, les vraies macrophotographies correspondent aux images où le sujet est représenté à sa taille réelle (ou en plus grand).
Par exemple, si votre insecte mesure 1 centimètre dans la réalité, alors son image occupera exactement 1 centimètre sur le capteur de votre appareil photo. On parle alors de rapport  1:1.

Le terme “proxiphotographie” correspond quant à lui aux photos se situant au-dessus du rapport  1:1. À l’opposé, on parle de microphotographie lorsque l’on atteint de très forts grossissements.

Et l’erreur numéro un du débutant est de vouloir faire absolument de la vraie macrophotographie, de se rapprocher le plus possible de son sujet, de toujours vouloir en montrer plus.
Cette erreur, je l’ai faite aussi et c’est bien normal : quand on a acheté un petit joujou à 1 000  euros, on veut l’utiliser au maximum de ses capacités.

Malheureusement, la plupart du temps, cette démarche produit des images dites naturalistes et peu créatives. Je vous propose aujourd’hui au contraire de vous éloigner de votre sujet.
Mais de vous éloigner beaucoup !

Canon  D + Canon 100m m f/2.. Macro

Regardez cette photographie de coccinelle : le sujet représente à peine 5% de l’image, on est très loin de ce que l’on appelle une vraie macrophotographie. Pourtant elle fonctionne.

Pourquoi ? Car elle raconte une histoire, elle fait ressentir des choses, il y a une ambiance qui s’en dégage.

La distance avec le sujet m’a permis d’intégrer et de jouer avec plusieurs éléments, comme ces fleurs en premier- lan qui créent ce flou enveloppant, et donnent une sensation d’intimité. Ou bien toutes ces couleurs dans le bokeh, qui procurent à l’image une atmosphère particulière.
Tout ceci est impossible à intégrer si vous vous placez à quelques centimètres de votre sujet, car il occupera alors la très grande majorité de l’image, ne laissant alors aucune place à la créativité.

Donc la prochaine fois que vous vous retrouverez sur le terrain, pensez donc à prendre du recul et à tester des choses différentes.

Copiez ce qui se fait actuellement en photographie animalière, en intégrant le sujet dans son environnement : devenez un vrai chasseur d’ambiances et de lumières.

Utilisez des focales différentes

Lorsque l’on parle de macrophotographie, on pense immédiatement aux nombreux objectifs spécialisés : Canon 1 0mm f/2.8. Sigma 150mm m Tamron 90mm, etc.

Tous ces cailloux sont excellents et permettent d’obtenir de très jolies choses, c’est évident et vous ne vous tromperez pas lors de votre achat.

Mais qui a dit qu’il n’y avait que cette manière de faire de la macrophotographie ?

Le principal problème des objectifs qui ne sont pas spécialisés pour la macro, c’est qu’ils ne disposent pas d’une distance de mise au point minimale suffisante pour se rapprocher assez du sujet.

Heureusement pour nous, il existe des outils comme les bagues-allonges ou les bagues d’inversion, qui permettent de contrer ce problème. Ces différents objets viennent s’intercaler entre l’objectif et le boîtier et permettent de diminuer énormément la distance de mise au point minimale.

50 m  f/1.4.+ bague d’inversion

Grâce à ces outils, n’importe quel objectif est susceptible de pouvoir faire de belles photos macro, pour un coût absolument modique (entre 10 et 15 euros le jeu de bagues). Alors n’hésitez pas à en abuser et à tenter des choses surprenantes, comme de la proxiphotographie au grand-angle, par exemple.

Dans un tout autre style, j’aime également profiter des fortes capacités de grossissement des téléobjectifs pour obtenir des bokeh hyper intéressants. En effet, plus la focale est longue, plus la PDC est petite, ce qui permet d’obtenir des fonds très doux et harmonieux.

Dans ce registre, j’adore utiliser le Sigma 150-600 mm, un objectif mythique en photographie animalière que je possède et que je teste depuis 2 ans en proxiphotographie.

Son utilisation est un peu plus compliquée qu’un objectif macro, car il est nécessaire de photographier de très loin, ce qui augmente naturellement le risque d’avoir de nombreux éléments parasites entre vous et le sujet, mais parfois, dans certaines conditions, le résultat vaut vraiment le coup…

Sigma 150-600 mm à 600 mm

Utilisez de vieux objectifs argentiques

Saviez-vous qu’il est tout à fait possible de monter des objectifs vieux de plus de 40 ans sur les boîtiers modernes, grâce à une simple bague d’adaptation ?

L’avantage d’utiliser ce genre d’objectifs est double.

Tout d’abord, le prix est ridiculement petit par rapport aux objectifs modernes. En effet, vous pouvez trouver d’occasion sur eBay des cailloux étonnamment très performants (le célèbre hélios 44-2, pour ne citer que lui) et qui ne coûtent à peine que quelques dizaines d’euros.

Comptez également une dizaine d’euros pour une seule bague d’adaptation qui vous servira pour tous vos objectifs M 42 et vous voilà avec un nouveau jouet à moins de 100 e ros, capable de produire des clichés qui sortent vraiment de l’ordinaire et qui n’ont rien à envier aux objectifs les plus modernes.

Olivier Henrion – Pentacon av 80mm

Car c’est le deuxième et principal atout de ces objectifs : l’originalité des photos qu’ils produisent.

Flares bien visibles, bokeh tournants, bubble-bokeh, aberrations chromatiques… Tous ces défauts optiques sont dus aux traitements des lentilles de l’époque qui n’étaient pas aussi performants qu’aujourd’hui et laissaient donc passer beaucoup de défauts visuels.

Or, ce sont justement ces “aspérités” qui font le charme de ces photos et qui font que ces objectifs anciens sont aujourd’hui de plus en plus recherchés par les photographes avertis.

Qui n’a pas une montée de nostalgie en regardant les vieilles photos “brûlées” de famille, prises à l’argentique ou au polaroid ?
Tout le monde aime ces effets vintages ! Il n’y a qu’à voir le succès des filtres Instagram pour s’en convaincre.

Grâce à ces objectifs, il est dorénavant possible d’ajouter ce rendu si particulier à vos images.

Photographiez des sujets délaissés

Avec près de 1,3 million d’espèces existantes, les insectes forment très largement la plus grande part de la biodiversité animale de notre planète. Et que dire du monde des végétaux et des fleurs ?

La macrophotographie offre donc littéralement des millions de sujets possibles. Pourtant, comme expliqué avant, ce sont en permanence les mêmes sujets qui reviennent, encore et encore…

Je les appelle personnellement les Small Five : libellules, papillons, mantes religieuses, coccinelles et fleurs.
Difficile donc de se démarquer à travers tout ce flux continu d’images, qui inondent les réseaux sociaux si vous décidez de photographier vous aussi les mêmes sujets.

Pourquoi ne pas prendre plutôt le contre-pied de tout le monde et de photographier des espèces délaissées ?
Certains animaux considérés comme “moches” ou trop communs ont pourtant énormément d’intérêts visuels et sont surtout pour la plupart extrêmement faciles à trouver : mouches, punaises, tipules (cousins), bourdons… Votre imagination est votre seule limite !

Camouflage – Punaise des fruits – Canon 100mm f/2.8.macro

De plus, essayer de rendre beau un sujet qui est considéré comme “moche” est un excellent défi et un moyen formidable pour progresser.

En effet, confronté à la difficulté et n’ayant pas de point de référence, vous allez devoir vous creuser la tête pour mettre votre sujet en valeur. Cet exercice va donc vous pousser à…

Trouver l’inspiration : comment faire ?

Inspirez-vous de ce que font les meilleurs

“Mais copier les autres c’est le mal”

Oui, mais je vous dis de vous inspirer, pas de copier !

Prenez l’exemple des inventions technologiques. N’importe quelle nouveauté (sauf cas extrêmement rare) n’est en fait que l’amélioration d’une technologie plus ancienne, qui a été modifiée ou détournée de son usage d’origine pour la rendre plus pratique : l’iPod et sa musique numérique ont succédé au CD digital, qui a lui-même succédé aux cassettes audio, qui ont succédé aux vinyles, etc.

Il n’y a donc pas de honte à s’inspirer de ce qui se fait déjà, car cela va vous permettre de progresser beaucoup plus rapidement.

Avec ce qui se fait de mieux en tête en macrophotographie, vous partirez avec une base solide de ce que vous voulez obtenir, tout en cherchant à injecter votre propre style.

De plus, avec l’ère du numérique et d’internet, à peu près tout a été déjà fait et vu, alors ne culpabilisez pas si vous trouvez que vous vous inspirez un peu trop de certains photographes, car il faut très souvent passer par là avant de trouver sa propre patte.

Canon 100 mm f/2.8.macro

Entraînez-vous régulièrement (mais intelligemment)

Car si vous ne faites rien, alors il ne se passera rien !

Il est en effet essentiel de pratiquer régulièrement votre passion pour progresser. Mais il est important de le faire correctement et de ne pas vous entêter sur un sujet en restant bloqué, car c’est le meilleur moyen de vous donner envie d’arrêter définitivement la photographie.

Si vous bloquez, pourquoi ne pas explorer pendant quelque temps d’autres domaines, comme la photographie de portrait ou la photographie de rue ? Vous seriez surpris de voir les points communs qui existent entre certaines pratiques qui, sur le papier, n’ont rien à voir entre elles.

Ces “ponts” photographiques sont parfois très bénéfiques et permettent de trouver l’inspiration sans même vous en rendre compte, car ils vont vous donner des idées et des techniques à réutiliser en macrophotographie.

Une photographie animalière boostée aux techniques de macrophotographie que j’utilise en permanence : un flou de premier plan très prononcé, un sujet qui occupe très peu d’espace sur la photo et un bokeh typique de la macro.

Par exemple, pratiquant régulièrement les deux domaines, il n’est pas rare que j’applique mes petits secrets et astuces de macrophotographie à la photographie animalière, et vice-versa, comme vous pouvez le voir sur cette photo de héron.

Mais si vous sentez que vous êtes vraiment à sec niveau inspiration et que la photo commence à vous dégoûter, alors inutile d’insister : posez l’appareil pendant quelques semaines et aérez-vous l’esprit.

Ces phases sont normales et arrivent à tout le monde, même aux meilleurs. Je ne compte d’ailleurs plus le nombre de photographes qui annoncent vouloir faire une pause sur les réseaux sociaux après avoir fait une overdose de macro.
Ce qui nous amène à…

Intéressez-vous à d’autres domaines

Le problème lorsque l’on manque d’inspiration en photographie est que l’on a tendance à s’entêter coûte que coûte. Photographier toujours plus, sortir tous les jours et s’acharner sur le même sujet, encore et encore, en espérant avoir le déclic…

Le résultat ? La panne totale, le syndrome de la page blanche ! Pire : tous les clichés finissent par se ressembler et la qualité a même tendance à baisser au fur et à mesure que vous vous obstinez.

Or, , inspiration n’est, selon moi, pas quelque chose qui se provoque, mais qui s’entretient petit à petit.

Un excellent moyen pour faire cela est de vous intéresser à d’autres domaines artistiques, car cela va permettre de nourrir votre inconscient et de vous aérer l’esprit.

Lorsque j’annonce aux personnes regardant mes images que je pratique la photographie depuis peu de temps (un peu moins de 2 ans au moment où j’écris ces lignes), la première réaction que j’obtiens souvent est : “tu es naturellement doué pour la photo”.

Bien que je ne réfute pas le fait que certaines personnes soient naturellement douées dans certains domaines, je ne pense pas que cela soit mon cas.

Non, en vérité je leur répond souvent que la raison probable de cette progression rapide (outre le travail accompli) est que je fais de la photographie dans ma tête depuis beaucoup plus longtemps que deux ans.

Qu’est-ce que je veux dire par là ? Je suis graphiste professionnel depuis presque 10 ans et je suis baigné dans l’univers de l’image depuis mon adolescence.

Dessin, peinture, films d’animation, création numérique,.. Autant de domaines qui, au fil des ans, ont formé mon œil aux arts visuels et m’ont permis d’acquérir de solides bases techniques sans même le vouloir (composition, association des couleurs, utilisation de l’espace, etc.).

J’ai donc commencé la photographie en ayant déjà des facilités dans la construction d’une image et rien ne vous empêche de faire pareil en vous intéressant vous aussi à d’autres domaines.

Voici un exemple assez parlant pour illustrer cette idée : prenez une personne sportive depuis de nombreuses années, qui a déjà pratiqué une grande variété de sports dans sa vie. Ne pensez-vous pas qu’elle aura plus de facilités dans n’importe quel nouveau sport que quelqu’un qui n’en a fait que très peu dans le passé ou qui débute totalement ?

Perce-neige dans la brume

N’oubliez pas le développement numérique

Je ne vais pas faire ici un débat sur l’importance du développement numérique, car Laurent a déjà parfaitement traité le sujet sur son site, mais n’oubliez pas cet outil créatif extrêmement intéressant.

Vous ne savez pas utiliser Lightroom ou vous avez peur de vous lancer ? Pas de soucis, je vous apprends sur ma chaîne YouTube comment vous servir du logiciel afin d’améliorer facilement l’aspect de vos photos sans les dénaturer :.

Conclusion

Mon dernier conseil est de ne pas être trop sévère avec vous-mêmes et surtout de ne pas vous comparer aux autres.

Les réseaux sociaux sont des outils formidables pour trouver l’inspiration et partager facilement ses photos, mais leur utilisation est à double tranchant : à force de voir des photos magnifiques à longueur de journée, nous avons tendance à mépriser les nôtres et à nous juger très durement.
Le problème est que nous ne voyons pas la partie cachée et que nous avons tendance à penser que ces photographes sont des génies, qui à chaque clic produisent une œuvre d’art.

Or, pour une photo magnifique publiée par un photographe talentueux, combien finissent dans sa poubelle ? Pour ma part, je dirais que je ne conserve qu’une ou deux photos sur une centaine (et encore), alors relativisez !

Pour terminer, n’oubliez pas une chose : la photographie doit toujours rester un plaisir.

Bonnes photos à tous.

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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