photo esprit du photographe Michael Freeman animal mongolie livre
Auteur prolifique de livres de photographie, dont le plus célèbre est “L’œil du photographe et l’art de la composition”, Michael Freeman a récemment sorti “L’esprit du photographe”, dans la droite ligne de ce dernier. Voici ce que j’en ai pensé. Comme je l’ai dit sur la page Facebook du blog, j’ai eu le plaisir de me voir offrir ce bouquin par un des lecteurs du blog, bibousiq (de son vrai prénom Habib). Donc merci à toi Habib, ça fait très plaisir ! 😀 Je me suis dit que ça valait bien une chronique sur le blog 😉   Dès l’introduction, Michael Freeman donne le ton. Il va tenter dans cet ouvrage de répondre (au moins partiellement) à la question qu’on lui pose le plus souvent : “qu’est-ce qui fait une grande photographie ?” Il dégage 6 qualités fondamentales d’une bonne image, qui vont sous-tendre tout le contenu du livre. Il donne également le ton sur un autre aspect du bouquin : son recours à d’innombrables références. Mais nous y reviendrons.   “L’esprit du photographe” est la suite de «L’œil du photographe», et sans avoir lu ce dernier, on sent que c’est un livre sur des techniques et principes relativement avancés. C’est-à-dire que l’auteur présuppose que vous êtes à l’aise avec les concepts d’ouverture, de vitesse d’obturation, de profondeur de champ. Il revient rapidement sur les règles de base de la composition, mais il va surtout plus loin. Et c’est l’intérêt principal de ce livre : il va très loin dans son idée, et donne de multiples pistes de réflexion au photographe amateur qui a envie de pousser le bouchon un peu plus loin (Maurice :P).   Donc clairement, si vous débutez tout juste la photo, n’achetez pas ce bouquin tout de suite. Notez-en le titre, et achetez-le dans un an.  
photo esprit du photographe Michael Freeman animal mongolie livre
Un exemple des images qui accompagnent le bouquin (copyright Michael Freeman)
Toutes les idées sont illustrées par des photos (sublimes) de l’auteur, parfois accompagnées de schémas explicatifs (avec des flèches, des couleurs, etc…) très pédagogiques. C’est une des forces du livre qui le met tout de même à portée du plus grand nombre.  

Chapitre 1 : L’intention

Freeman commence par une partie sur le «pourquoi», plutôt que sur le “comment”. Si vous êtes un fidèle lecteur, ça devrait vous rappeler quelque chose 😉 L’auteur m’est donc de suite devenu sympathique, puisqu’on est d’accord 😀 Je pourrais faire des pavés pour vous expliquer ce qu’il y a dans ce bouquin, mais j’en aurai pour 10 articles, donc je vais essayer de faire synthétique en faisant des listes 😉 Voici donc les différentes parties de ce chapitre :
  • Les niveaux de lecture d’un sujet : que choisir comme sujet ? Au-delà du sujet évident, on peut également choisir l’espace, la couleur ou bien un concept comme sujet. Idées pas évidentes qui peuvent vous inspirer pour de futurs clichés.
  • L’apparence de beauté : Souvent, on cherche à faire de “belles” photos. Ce n’est pas la seule démarche photographique possible, mais il y a souvent une certaine recherche d’esthétique dans l’image. Ici, l’auteur s’interroge sur ce qui fait que quelque chose est beau ou non. On y retrouve des concepts connus tels que le nombre d’or, les golden hours, mais aussi des notions un peu plus avancées sur le contraste, la lumière, la saturation.
  • La beauté différente : On va ici au-delà de la beauté “traditionnelle” pour s’orienter vers la façon de donner une certaine esthétique à ce qui ne l’est pas forcément (des ruines, des murs décrépis, …)
  • Monstres morts : Ce titre énigmatique évoque en fait une beauté un peu particulière, le sublime, c’est-à-dire ce qui nous dépasse. Prenez un orage par exemple, ou l’éruption d’un volcan : il y a une certaine beauté dans ces phénomènes, car ils nous fascinent et qu’on se sent tout petit à côté d’eux. Quelques pistes pour dramatiser ces scènes donc.
  • Cliché et ironie : En photographiant des lieux connus, il est facile de tomber dans le cliché. Michael Freeman nous démontre qu’il est parfois possible de trouver un meilleur point de vue, ou de photographier autrement pour sortir du cliché, tout en disant qu’il n’est pas forcément dramatique de tomber dedans.
  • Elever le banal au rang d’extraordinaire : La photographie d’objets ou de scènes banals, du quotidien peut également s’avérer intéressante. On touche ici au courant surréaliste.
  • La révélation : L’idée de cacher à moitié le réel sujet d’une image est très intéressante. L’auteur explique comment guider l’œil dans la photo pour l’amener au vrai sujet au bout d’un certain moment. Avec notamment un schéma détaillé très intéressant du parcours du regard dans une image construite pour ça.
  La lecture de cette 1ère partie fait apparaître le plus grand (et seul) défaut du livre : le recours incessant à des références. A moins de posséder une culture artistique et de l’histoire de la photo très solide, il est la plupart du temps impossible de visualiser le type d’images auxquelles l’auteur fait référence (sauf quand il a eu l’autorisation de placer une reproduction, ce qui est très rare). Heureusement, il y a Google, et l’auteur a placé de petits encadrés qui résument tout ce qu’on peut chercher sur internet pour mieux comprendre. Ça aide, cela dit on ne trouve pas tout simplement, et le confort de lecture s’en trouve handicapé. Et surtout, j’ai dans l’idée qu’un livre devrait se suffire à lui-même. J’avoue que ça m’a un peu rebuté au début, mais il faut savoir passer au-dessus, car le contenu vaut vraiment le coup. De plus, ça pourrait vous faire découvrir un photographe que vous adorerez, et augmenter sa culture photographique n’est pas du luxe 😉   Mais cette 1ère partie donne donc déjà de nombreuses pistes pour tester différents types de sujets, qui peuvent déjà être à la base d’un style. Le style, c’est justement là où nous emmène l’auteur pour ce 2ème chapitre.

Chapitre 2 : Le style

On aborde ici quelque chose qui est assez rarement évoqué et pour lequel vous ne trouverez quasi pas d’infos sur internet : la présentation de différents styles, ce qu’implique leur création, les différentes manières d’utiliser les techniques de composition à notre disposition, tout ça pour aboutir à un style personnel identifiable (ce qui ne l’empêche pas d’appartenir à un courant artistique). Ici plus qu’ailleurs, on sent la présence de la culture photographique, mais elle est très utile au propos.   Voici donc les différentes parties :
  • La gamme des expressions : Un point sur l’influence des opportunités sur la façon dont on peut s’exprimer en photographie, et sur les conventions auxquelles le “public” est habitué (et nous avec), comme par exemple «le sujet d’intérêt principal est celui sur lequel la mise au point est faite», ou encore «la lumière venant d’en haut».
  • L’équilibre classique : Les règles de composition du style “classique”, notamment concernant l’équilibre entre les différents éléments de l’image, tant en termes de couleur, de contraste, de place prise dans le cadre, ou de netteté/flou.
  • Les harmoniques : L’auteur compare les différentes proportions du cadre (4/3, 3/2, carré, etc…) aux harmoniques musicales, et en passant par le classique [nombre d’or] va surtout beaucoup plus loin sur les différents placements possibles du sujet, notamment avec des exemples où plusieurs compositions harmonieuses sont possibles. On y apprend vraiment bien les principes qui régissent l’équilibre des forces dans une image : c’est théoriquement très intéressant, et même si je pense que ça s’apprend surtout par l’expérience, connaître les principes théoriques permet sans doute d’apprendre plus vite.
  • Diriger le regard : La perspective c’est classique pour diriger le regard, mais l’auteur va évidemment plus loin en évoquant les dégradés de luminosité ou de netteté, avec de nombreux exemples très parlants.
  • Opposition : Une notion relativement méconnue du photographe débutant est la séparation de différents plans dans l’image : l’exemple le plus simple est sans doute l'[ombre chinoise du sujet devant un arrière-plan lumineux] (type coucher de soleil), mais il est possible de séparer les plans grâce à la “perspective atmosphérique” (c’est-à-dire un arrière-plan plus embrumé, pour faire simple). L’auteur explique de nombreuses façons de révéler le sujet au moment que l’on souhaite, et même de perturber un peu le spectateur de façon à l’intriguer, en prenant complètement à contre-pied ce qu’il est habitué à voir.
  • Le style graphique épuré, Minimalisme, Le style graphique élaboré, Le désordre organisé : On rentre ici dans une approche basée sur l’analyse d’un courant artistique. Les titres de ces chapitres parlent d’eux-mêmes 😉 L’auteur y analyse ce qui fait qu’une image s’inscrit dans tel ou tel courant artistique (ce qui ne l’empêche pas d’avoir un style personnel, ce sont deux choses différentes). Ça pourra sans doute vous donner de bonnes idées pour vos propres images, car vous pouvez emprunter à différents styles selon les moments, sans forcément vous y enfermer 😉
 
 esprit du photographe Michael Freeman schema livre
Un exemple d’un des nombreux schémas explicatifs du livre
Ce chapitre explique donc en profondeur de nombreuses techniques de composition pas évidentes et relativement méconnues, qui ensemble donnent un style à vos images.

Chapitre 3 : Le traitement

Contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, ce chapitre ne s’intéresse pas qu’au post-traitement, mais d’une manière générale à la façon dont on traite un sujet, qui passe par des tonnes de choix, de celui de la focale à celui de l’éclairage.  
  • Modèles d’images : Excellente idée à laquelle je ne m’attendais pas, ce chapitre propose une liste de modèles d’images, c’est-à-dire des différentes façons de traiter un de ses aspects. Pour être plus clair, dans la partie “éclairage principal” il y a “clair obscur”, “bord coupé par le soleil”, “lumière dorée parfaite”, etc… L’idée est de sélectionner vos meilleures images, et de voir ce qui vous plaît en elles concernant chacun de ces aspects. Vous pourrez ainsi dégager ce qui est le plus harmonieux à vos yeux, ce que vous parvenez le mieux à saisir, ce qui vous aidera à commencer à définir votre style (qui ne se résume pas qu’à ça bien sûr), mais aussi à vous donner envie d’explorer d’autres horizons, pourquoi pas ? 😉
  • Composition interactive : Bien conscient que les différents modes de composition sont limités par les conditions, notamment lorsqu’on photographie des sujets mouvants, Freeman nous livre une partie intéressante sur la façon dont il a composé une excellente photo, en nous montrant tous ses essais infructueux, et en nous racontant toute l’histoire de ce cliché. C’est extrêmement intéressant, en particulier si vous ne savez pas trop comment vous y prendre quand vous êtes devant une scène et souhaitez la photographier. Même si vous n’achetez pas le livre, passez chez un libraire quelconque et lisez la page 156 😉 (si vous comptez en lire plus, achetez-le hein 😉 )
  • Durée et mouvement : La photographie a pour particularité d’être le seul art visuel où on a la possibilité de traiter le mouvement de façon aussi poussée, et de sortir de ce que voit l’œil. En effet, nous ne voyons pas les mouvements flous bien évidemment, et la peinture propose rarement (jamais ?) ce type de traitement du mouvement. Un point sur toutes les possibilités qui s’offrent à nous pour s’exprimer grâce à cette particularité de la photo.
  • L’aspect : On entre ici un peu plus dans le post-traitement, avec un listing très complet et enrichissant des grandes manières de traiter une image, qui seront traitées une par une :
    • L’hyperréalisme : Accentuation (HDR notamment) ou au contraire égalisation des micro-détails, aspect métallique, texture granuleuse, l’hyperréalisme consiste en gros à aller au-delà de ce qui est perceptible en réalité pour rendre la photo plus “réaliste”, ou au contraire aller franchement plus loin.
    • Enrichi : On parle ici surtout de couleur, avec accentuation de la saturation et/ou de la vibrance, mais aussi de densité des ombres (avec des exemples frappants de l’intérêt de la renforcer parfois !).
    • Décoloré : l’extrême inverse, c’est-à-dire l’utilisation du high-key, des tons pastels ou d’autres effets pour donner un effet désaturé à vos images, qui créer une ambiance particulière.
    • Lumineux : La création d’un halo ou d’un voile lumineux par des techniques de prise de vue ou de post-traitement permet également de créer une ambiance particulière.

En résumé

Points forts :
  • Des concepts réellement avancés en termes de composition
  • De nombreux exemples qui les illustrent (des photos mais aussi des schémas explicatifs)
  • Des idées pour tester des choses qu’on n’a jamais faites en photo
  • Une possibilité de commencer à définir son style
  Points faibles :
  • Un recours parfois trop important à de nombreuses références culturelles que tout le monde n’a pas
  • Un livre pas forcément destiné aux grands débutants
  Je recommanderai donc ce livre en particulier aux photographes un chouilla plus que débutants qui ont envie d’aller plus loin en termes de composition et de commencer à exprimer leur propre style. A l’inverse, si vous êtes vraiment tout débutant, je vous conseille plutôt de vous diriger vers des ouvrages plus adaptés mais non moins excellents comme Composez, Réglez, Déclenchez d’Anne-Laure Jacquart par exemple 😉 (qui est tout à fait accessible au débutant mais va tout de même assez loin dans les concepts de composition)   Laissez un commentaire si vous avez des questions, et pensez à vous abonner à la newsletter de façon à recevoir les prochains articles par mail (et un guide gratuit pour ne rien gâcher 😉 ) Et n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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