Aujourd’hui j’accueille Thomas sur le blog, qui va vous parler culture photographique. Je lui laisse la parole 🙂

Introduction

Bonjour à tous ! Je m’appelle Thomas Hammoudi, et tiens un Blog et une chaîne YouTube sur la photographie (orienté réflexion, histoire & culture et philosophie, tout un programme !). Laurent m’a fait une petite place sur Apprendre-la-photo, pour la deuxième fois (je vous avais déjà embêté ici : Mais qu’est-ce que vous faites là ?), afin que l’on discute un peu culture vous et moi.

Posséder une solide culture photographique est essentiel, et si vous en doutez encore, laissez moi vous soumettre cette question : connaissez-vous un seul pianiste qui ignore l’œuvre de Bach ou Chopin ? Voilà, vous avez compris.

Avoir de la culture, ce n’est pas quelque-chose qui sert uniquement à remporter question pour un champion ou à briller au Trivial Pursuit, c’est un outil nécessaire pour vous placer dans le “champ des possibles” (cf. cet article à ce sujet) et vous ouvre toutes les portes. Cependant, quand on commence à s’y intéresser on peut vite se retrouver noyé devant la masse de contenu devant nous (j’en ai fait moi-même l’expérience) et par la qualité de ce qui nous est présenté. Que lire ? Qu’est-ce qui est important et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Quelles sont les références essentielles à connaître ?

Des questions qui auront autant de réponses que de personnes à qui vous les posez, chacun prêchant plus ou moins sa paroisse, avec une fiabilité qui n’est jamais facile à mesurer. Du coup, l’idée de ce billet est de vous donner les clés pour que vous puissiez vous construire vous même votre bagage culturel, en sachant où trouver l’information. Deux petits points avant de démarrer :

  • Quand il s’agit de technique, on vous dit souvent (Laurent le premier, et j’y adhère) que vous n’avez pas besoin de tout savoir. Qu’il ne faut apprendre que ce qui vous est utile. Eh bien, avec la culture c’est l’inverse. Si un genre photographique vous intéresse plus que les autres (la photographie de paysage), je vous conseille quand même de creuser un peu à côté, de vous y intéresser. Dans chaque travail il y a une leçon à prendre, qu’elle vous soit directement utile ou non.
  • Dans ce billet je vais beaucoup vulgariser, donc certains raccourcis vont peut-être faire se dresser les cheveux sur la tête aux puristes (dont je fais parfois partie, personne n’est parfait !), mais il s’agit d’être pédagogue plutôt que parfaitement exact.

Nano histoire de la photographie

(Ici je vais décrire les grandes périodes de la – courte – histoire de la photographie. Evidemment, si on y consacre des livres ça n’est pas pour rien. Je vais beaucoup résumer les choses, c’est normal, c’est le but ! 😊)

L’histoire de la photographie se décompose en trois grandes parties, et selon vos goûts elles ne seront pas toutes aussi intéressantes. Bien sûr, c’est mieux d’avoir une vision, même généraliste, de l’ensemble, mais pour démarrer, commencez par ce qui vous plaît, c’est plus simple. On a donc :

  • 1839 – 1910 : C’est le premier siècle d’existence de la photographie. A cette époque, elle est quand même très limitée par la technique (la sensibilité des supports est de 1 ISO disons) et peine surtout à se faire reconnaître comme art face à la peinture. Du coup, la plupart des travaux que vous allez trouver à cette période vont être du paysage (ce qui est notamment lié au fait qu’on explore beaucoup le monde à cette époque et que commercialement c’est intéressant), et des expérimentations (comme le pictoralisme, qui essaie de hisser la photographie au rang d’art en imitant la peinture). Ce n’est pas pour autant qu’on ne pouvait pas s’amuser, retoucher et tricher avec les images à l’époque. Mais c’est un autre sujet, qui est traité dans cet article
Giacomo Caneva – Fontana dell’Ovato, Villa d’Este
Julia Margaret Cameron – Beatrice, 1866. La photographie, volontairement floue, cherche à imiter la peinture.
  • 1910 – 1970 : C’est la période que l’on pourrait appeler “expérimentations et humanismes“. C’est pendant cette période que les artistes s’emparent de la photographie et que la technique commence notamment à permettre une plus grande expressivité (notamment avec des sensibilités plus élevées, et l’arrivée de la pellicule 35mm, beaucoup plus compacte et maniable). C’est pendant cette période que des photographes comme Man Ray réalisent leurs plus grands travaux, ou que le mouvement des surréalistes (auquel appartient Henri Cartier-Bresson) apparaissent. C’est aussi le grand âge du photojournalisme (jusqu’à l’arrivée de la télévision) et de la photographie humaniste, qui compte dans ses rangs des photographes comme Doisneau.
Man Ray – Noire et Blanche, 1926
Henri Cartier-Bresson – Horse Racing, Thurles, County Tipperary, 1952
Le baiser de l’Hôtel de ville, Paris, 1950.
Qui est mis en scène, n’en déplaise aux puristes, mais chut 🤫
  • 1970 à nos jours : l’essor de la photographie contemporaine. Les années 70 marquent le début de la photographie contemporaine, tout simplement parce que les talents qui ont gravé leur nom dans la grande histoire de la photographie à l’époque sont encore vivants et actifs actuellement et tiennent le haut du pavé. C’est une période extrêmement riche, la technique y est petit à petit devenu extrêmement souple, permettant l’arrivée de générations de photographes toujours plus grandes. Je vais juste vous donner 3 noms, qui ont particulièrement marqué la période : William Eggleston qui a permis l’arrivée de la photographie couleur dans le monde de l’art, Sebastião Salgado pour son travail photo-journalistique baroque et centré sur l’Homme, et Martin Parr, pour sa photographie colorée et sarcastique qui a su bouger les codes.
William Eggleston, Untitled, 1970-73
Sebastião Salgado – Sahel
Martin Parr – New Brighton, Merseyside from ‘The Last Resort’, 1983-86

Bien sûr, dans le détail, ce n’est pas aussi marqué, tous les photographes humanistes ne sont pas morts brusquement en 1970 pour laisser la place à une nouvelle génération. Mais cela vous donne une idée plutôt juste des grandes périodes de l’histoire de la photographie.

Où trouver l’information ?

Maintenant que le cadre est posé, on va voir où trouver de quoi continuer à se cultiver. Il y a plein de supports, en ligne ou physiques, gratuits ou payants, donc faites en fonction de vos moyens et de votre façon d’apprendre. Bon après, honnêtement, je pense que ça va être difficile d’échapper à la lecture d’un ou deux livres, mais il y en a des très bien faits et pédagogiques, ne partez pas en courant !

Livres

Une bibliothèque bien remplie
Ma jolie bibliothèque après quelques années d’achats. Mais promis, pas besoin d’en lire autant !

On ne va pas se mentir, les livres sont la façon la plus rapide et la plus fiable d’acquérir de la culture en photographie. La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez en lire beaucoup gratuitement ou presque : il y a beaucoup de livres de seconde main chez les bouquinistes, pensez à y faire un tour , ça ne coûte rien (si vous avez besoin d’aide pour trouver où acheter des livres photos, j’ai fait une vidéo sur le sujet 😉). L’autre façon de lire gratuitement est tellement évidente qu’on n’y pense jamais : les bibliothèques. J’ai été surpris de voir tout ce que contenait celle à côté de chez moi, c’est une très bonne façon de tâter le terrain et de voir ce qui vous intéresse vraiment. L’autre avantage est que ces lieux laissent une place au hasard : on tombe souvent sur quelque-chose dont on ignorait l’existence, et on en repart ravi.

J’ai rédigé une bibliographie sur mon Blog, elle est très fournie et mise à jour régulièrement. Il y en a pour tous les goûts et sur tous les sujets (liés à la photo hein, ça ne va pas parler de karaté). Je vous invite à la consulter, mais comme aujourd’hui on a dit qu’on parlait de la base, je ne vais vous conseiller qu’un ouvrage, celui-ci :

Tout sur la photo : Panorama des chefs-d’oeuvre et des techniques
Tout sur la photo : Panorama des chefs-d’oeuvre et des techniques

C’est un livre très intéressant pour plusieurs raisons :

  • Son prix, 29€ seulement, c’est un investissement raisonnable.
  • Il couvre les 3 périodes que j’ai présentées, donc il vous sera utile longtemps et vous pourrez y revenir souvent (je me sers encore régulièrement du mien). Il contient donc un éventail très large de travaux photographiques, donc il y a ÉNORMÉMENT de choses à découvrir dedans.
  • Il est fait sous forme de “fiches” thématiques, sur un courant, un photographe ou une période. Cela fait qu’on peut le lire dans l’ordre que l’on veut en fonction de nos goûts / envies.
  • Il est très pédagogique : pas besoin d’être un expert ou un gros lecteur pour apprécier le contenu.

Voilà, si vous ne devez en lire qu’un, prenez celui-là, si vous voulez en lire d’autres, vous savez où regarder.

YouTube

YouTube regorge de contenus sur la photographie, il y en a du très bon et… il y a le reste. Mais il serait dommage de se priver de cette source d’information très confortable : on met la vidéo, on prend un petit thé et hop on apprend plein de trucs sans bouger le petit doigt, magique. Voici quelques pistes pour trouver de quoi vous nourrir l’esprit, il y a donc :

  •  La chaîne de Laurent. J’ai hésité à la mettre dans le billet tant c’était évident qu’elle était à regarder. Laurent fait de plus en plus de contenus dédiés à la culture, c’est bien fait et approuvé par mes soins, à ne pas manquer.

YouTube video

  • The Art of photography, la chaîne est tenue par Ted Forbes. Alors oui, c’est en anglais (mais il n’y a besoin que d’un anglais avec un vocabulaire basique pour suivre), mais c’est essentiel. Le contenu est très très riche, il passe en revue des dizaines de photographes, de livres, interviewe des artistes, difficile de passer à côté. En plus il a carrément bon goût.

YouTube video

Radio

Il y a régulièrement des contenus sur la photographie à la radio (principalement sur France Inter et France Culture), mais il n’y a qu’une seule émission hebdomadaire qui parle de photographie : Regardez voir ! de France Inter. Elle était diffusée le samedi et le dimanche matin, et toutes les anciennes émissions sont en ligne ou disponible sous forme de podcast. On y discute de l’actualité de la photographie, avec des intervenants de qualités (photographes, galeristes, éditeurs, etc.).

Alors vous me direz “oui mais moi le samedi matin je promène le chien ou je fais les courses“. Mais j’ai une astuce magique pour ça : un lecteur de podcast sur smartphone. Sur Android j’utilise Podcast Player, il doit y avoir la même chose sur iOS. Vous vous abonnez à l’émission, dès qu’elle est diffusée, elle se télécharge sur votre téléphone et vous l’écoutez quand vous avez 5 minutes (dans le métro le matin par exemple). C’est le TOP pour se tenir au courant de l’actualité photo sans n’avoir rien à faire.

Films / documentaires

Comme pour la bibliographie, j’ai écrit un petit billet (ici) qui recense les films que j’ai trouvé intéressants sur des photographes, courants, & cie. C’est spécialement fait pour les fainéants (il n’y a pas de honte, je fais partie de l’équipe régulièrement 😁), on sort le pop-corn, on appuie sur play, et on apprend plein de trucs depuis le canapé. Pourquoi s’en priver ?

Idem, si je ne devais vous en conseiller qu’un, je vous inviterai à regarder Finding Vivian Maier.

Autoportrait – V. Maier

Le film raconte l’histoire de John Maloof qui mit la main sur les photos de Vivian Maier par hasard en 2007, lors d’une vente aux enchères où il était venu acheter des images pour un livre. Il a ensuite cherché à reconstituer son histoire, et à mettre son travail en lumière son travail. S’en est suivi un grand nombre d’expositions partout dans le monde. Le film retrace l’histoire de cette découverte. Vivian Maier, une mystérieuse inconnue, photographe reconnue aujourd’hui comme une Street Photographer majeure du XXème siècle. Habitant Chicago, Vivian Maier était inséparable de son appareil Rolleiflex et prit tout au long de son existence plus de 100 000 photographies (quasiment) sans jamais les montrer. C’est principalement cela qui crée le mystère si fascinant autour de son personnage, que je vous laisserai la surprise de découvrir en visionnant le film.

Photographie – Vivian Maier

Expositions

Enfin, dernier lieu où acquérir un peu de culture et non des moindres : les expositions photos. Alors, c’est clairement un moyen de se cultiver qui est limité par le lieu où vous habitez, mais il suffit souvent de fouiller un peu pour trouver des choses intéressantes. Voici quelques pistes :

  • Si vous habitez Rouen ou à côté, je vous ai mâché le travail c’est ici.
  • Si vous habitez Paris, il y a quelques rendez-vous ou lieu à ne pas manquer :
    • Les festival Circulation(s) qui a lieu chaque année en février-mars et permet de découvrir la très jeune photographie européenne (on est vraiment sur ce que les anglais appellent the cutting edge, l’avant-garde de l’avant-garde),
    • Les lieux comme Le Jeu de Paume, Le Grand Palais (qui accueille Paris-Photo chaque année), La Bibliothèque nationale de France (BnF), la Maison Européenne de la Photographie (MEP), le Centre Pompidou, qui accueillent régulièrement des expositions rétrospectives, pensez à vous abonner à leur newsletter pour ne rien rater.
  • Si vous n’habitez ni Rouen ni Paris (apparemment ça arrive plus souvent qu’on ne le croit), le site L’œil de la photographie vous permettra  de vous tenir au courant de ce qui se passe près de chez vous.

Conclusion

En lisant cet article vous venez de faire le premier pas d’un très long voyage, et qui n’a pas forcément de fin : l’acquisition d’une culture photographique, il y aura toujours plus à découvrir, à apprendre. J’espère que cela vous sera utile dans votre parcours et vos travaux, et si vous en voulez une deuxième couche, vous savez où me trouver (c’est toujours par ici).

Thomas.

 

 

Thomas Hammoudi
Photographe & Bloggeur invité par Laurent. Tout est là : thomashammoudi.com/a-propos
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