Champ de blé avec un faucheur, 1889 Vincent van Gogh (1853-1890)
Le sujet de cet article peut vous sembler étrange, mais comme je l’ai dit dans un autre article, un des moyens de s’inspirer en photographie est d’absorber de l’art, du beau, bref de contempler et de se laisser porter. Et si possible, d’en tirer quelque chose pour vos images, consciemment ou inconsciemment. Le week-end dernier, j’étais à Amsterdam, et j’en ai profité pour faire le musée Van Gogh (qui était néerlandais, même s’il a passé une bonne partie de sa vie en France). Au fur et à mesure de l’expo, je me suis mis à prendre en note certains noms de tableaux car j’ai repéré quelque chose qui pourrait servir de conseil de composition, et je me suis dit que je pourrais en faire un article 😉 (j’ai d’ailleurs croisé un lecteur là-bas !)   Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’en profite pour vous supplier de ne pas faire comme 99 % dans les musées : prendre un audioguide, piétiner pendant des heures en vous arrêtant devant chaque toile pour écouter le speech qui va avec, et ne pas profiter de l’œuvre. Van Gogh n’a pas peint ses toiles pour qu’on en fasse un commentaire sur un audioguide, il l’a fait pour exprimer sa vision du monde, pour créer du beau. Une œuvre est faite pour toucher votre sensibilité, pas pour être analysée en détail, en tout cas dans un premier temps. Laissez vous happer par les œuvres qui attirent votre œil, et regardez-les vraiment. Passez du temps devant celles qui vous parlent, et délaissez les autres. Vous en retirerez beaucoup plus.

Concevoir son image en blocs

De nombreux débutants et amateurs de photo ont du mal à composer leur image, car ils ne savent pas trop par où prendre le problème. Il peut sembler complexe d’équilibrer tous les éléments d’une image ensemble, alors qu’ils sont parfois nombreux et que leur importance relative n’est pas évidente. Le peintre lui, construit son image de A à Z. Même s’il s’inspire de la réalité, il n’en choisit pas moins ce qu’il met dans son image : il est très facile de supprimer un élément du cadre ou de s’arranger avec la réalité et de placer un point d’intérêt où on veut.   Ce que j’ai remarqué avec Van Gogh (qu’on appelle pas le maître de la couleur pour rien), c’est qu’il composait ses peintures d’abord comme des blocs de couleurs, avant de rajouter d’innombrables petites touches de son coup de pinceau si caractéristique, pour donner du corps et de la texture à sa peinture. Mais si on regarde bien, on voit clairement qu’il commence par des blocs qu’il peint en aplats de couleurs, avant d’être plus précis. Je vais vous donner plusieurs exemples particulièrement évidents que j’ai remarqués lors de l’exposition pour que vous voyiez bien ce dont je veux parler.

Exemples de toiles

(Pour toutes les images, je vous encourage à cliquer dessus pour les voir en plein format, ou à cliquer sur le lien pour voir l’oeuvre sur le site du museum, où on peut voir un excellent agrandissement en cliquant sur « show enlargement ».) Commençons par un de ses ponts de Langlois (il en a peint plusieurs).  
Le Pont de Langlois, 1888, Vincent van Gogh (1853-1890)
Le Pont de Langlois, 1888, Vincent van Gogh (1853-1890)
On voit très clairement les blocs de couleurs, surtout sur le chemin au premier plan. Si vous zoomez, vous verrez d’ailleurs des coups de pinceaux dans des sens différents. Si on devait schématiser les formes et lignes de l’image, ça donnerait quelque chose comme ça :
Le Pont de Langlois, 1888, Vincent van Gogh (1853-1890) schéma lignes explications
(Je vous épargnerai les schémas moches pour les toiles suivantes. Vincent, pardon ! :D)
  Dans Branche d’amandier en fleur dans un verre, on le voit également très bien, notamment les blocs de gris à l’arrière-plan.
Branche d'amandier en fleur dans un verre, 1888, Vincent van Gogh (1853-1890)
Branche d’amandier en fleur dans un verre, 1888, Vincent van Gogh (1853-1890)
  Dans Champ de blé sous un ciel orageux, on le voit à la limite entre le champ et le ciel, et dans les parcelles cultivées.
Champ de blé sou un ciel orageux, 1890, Vincent van Gogh (1853-1890)
Champ de blé sou un ciel orageux, 1890, Vincent van Gogh (1853-1890)
  Idem, on le voit aux limites des parcelles dans la Moisson.
 show enlargment La Moisson, 1888, Vincent van Gogh (1853-1890)
La Moisson, 1888, Vincent van Gogh (1853-1890)
  Enfin, dans le Champ de blé avec un faucheur, c’est plus subtil : on voit des traits noirs qui montrent bien comment il a composé l’image, et en même temps les aplats de couleurs sont un peu moins évidents, puisqu’il a beaucoup travaillé ses coups de pinceaux courbes pour figurer le vent (ce qu’on ferait en photo aujourd’hui en faisant une pose un peu longue par exemple, au passage 😉 ).
Champ de blé avec un faucheur, 1889 Vincent van Gogh (1853-1890)
Champ de blé avec un faucheur, 1889
Vincent van Gogh (1853-1890)
 

Concrètement pour le photographe

Bon, j’arrête de vous inonder d’exemples, et je passe à un aspect plus photographique.   Une des solutions qui s’offrent au photographe pour composer plus simplement une image est donc de procéder comme le faisait Van Gogh : de la simplifier à l’extrême mentalement. Il vous faut concevoir votre image comme un ensemble de lignes, de formes et de couleurs.   Pour vous montrer ce que je veux dire, j’ai pris une photo de Floride au pif, et j’en ai fait un schéma moche 😀 Photo de Floride ponton drapeau USA Photo de Floride ponton drapeau USA schéma lignes explications   Alors évidemment, vous n’allez pas faire un schéma sur le terrain (vous n’avez pas que ça à faire), ni même en rentrant chez vous (il est trop tard). Ce schéma est simplement là pour vous montrer comment on peut réduire une scène à une somme d’éléments géométriques simples, de lignes et de formes colorées.   Si vous arrivez à imaginer ça sur le terrain, vous composerez vos images plus simplement. Il est bien plus simple de placer quelques lignes et formes harmonieusement dans une image que le ciel, la mer, un ponton, le rivage, et un drapeau. Le fait de rendre tout ça abstrait va vous aider à placer vos éléments de manière plus harmonieuse intuitivement, sans trop vous prendre la tête.   Alors, est-ce qu’à la prise de vue je fais vraiment un schéma dans ma tête ? Non, évidemment. Je ne peins pas une toile, je ne peux pas ignorer que le ponton est un ponton et non parallélépipède, et que le drapeau est un drapeau. Je veux dire, j’ai des yeux quoi 😀 Mais je peux les considérer de manière plus simple, comme des formes assez vagues, sans trop m’attarder sur les détails dans un premier temps.   Typiquement, quand vous allez composer une image, vous allez d’abord choisir où vous placer dans l’espace (à 1m du ponton ou à 10 m, plutôt à gauche ou à droite), puis préciser votre position (vous abaisser par exemple), et enfin cadrer plus précisément (zoomer ou dézoomer un peu, vous décaler de 10 cm à droite, etc.). Considérer la scène comme un ensemble de formes va surtout vous servir au début de votre composition, quand vous allez vous placer dans l’espace. C’est le moment où vous allez voir les lignes et les formes avant de voir les détails, pour vous placer dans l’espace de façon à ce que tout s’imbrique de façon harmonieuse (à ce sujet, voir les articles de la catégorie composition, il y a pas mal de conseils 😉 ).     Voilà, cette expo m’a inspiré une manière de vous faire retenir ce principe de composition important, et j’ai pensé que ça pourrait parler à certains ! 🙂 Dites-moi dans les commentaires si ce type d’article vous plaît, et si vous aussi vous connaissez des peintres (ou autres) qui vous inspirent.  
Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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