La photographie ne se résume pas toujours à photographier un sujet directement, de manière bien nette et bien centrée. Nous disposons de beaucoup d’outils photographiques pour faire des photos moins littérales : faible profondeur de champ, vitesse lente, manipulation des couleurs, etc.

Mais parfois, c’est directement dans notre démarche à la prise de vue qu’on va pouvoir faire l’effort de réaliser des photos plus créatives. Et l’une de ces possibilités, c’est d’utiliser les reflets.

En décembre 2018, j’ai passé une semaine à Venise pour réaliser une série d’images. Je raconte comment j’ai fait dans cette vidéo, que je vous conseille vivement de regarder :

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En réalisant cette série, j’ai appris sur le tas quelques astuces très utiles pour comprendre comment fonctionne la photo de reflets, qui pourraient vous aider à éviter quelques erreurs.

(Notez que je vais parler des reflets dans les vitrines, qui sont les plus complexes : les choses plus simples comme les flaques agissent davantage comme un miroir, et là il est beaucoup plus simple de comprendre ce qu’il se passe.)

Comment fonctionnent les reflets dans les vitrines

Si vous regardez dans une vitrine, vous avez sûrement remarqué qu’il peut se passer deux choses complètement opposées :

  • La vitrine agit quasiment comme un miroir : on voit très bien le reflet de l’extérieur dedans, mais très peu ce qu’il y a à l’intérieur.
  • La vitrine reflète très peu l’extérieur : on voit majoritairement ce qu’il y a à l’intérieur du magasin.

Et évidemment, il y a plein d’intermédiaires, mais on y revient.

Ce phénomène est tout simplement provoqué par la différence de luminosité entre l’intérieur et l’extérieur :

  • Si l’intérieur est très sombre, et l’extérieur très lumineux, la vitrine va faire miroir.
  • A l’inverse, si l’intérieur est très lumineux, mais l’extérieur très sombre, la vitrine ne va quasi rien refléter.
 
 

Ça, ce sont les cas simples, basiques. Mais si vous êtes dans cette situation, ce n’est pas très intéressant photographiquement. Là où ça devient plus sympa, c’est quand certaines parties de la vitrine sont plutôt miroir, et d’autres dévoilent plutôt leur contenu.

Bref, quand l’équilibre de luminosité entre les deux parties n’est pas partout pareil.

Prenez cette photo par exemple :

Toute la partie droite de la vitrine est bien éclairée, et comme l’extérieur n’est pas particulièrement lumineux, on voit majoritairement les objets. On distingue juste un peu l’arche d’un pont.

Par contre, à gauche, la vitrine est plus sombre ! Du coup, le reflet de l’extérieur sur le verre est bien plus visible, et le gondolier se distingue clairement.

Ce qui permet une juxtaposition de ces deux sujets, qui n’aurait pas été possible autrement.

Ici aussi, c’est très visible : en haut à droite, la vitrine est moins lumineuse (mais elle l’est encore un peu, on distingue des masques). De plus, à cet endroit se reflète le ciel et les bâtiments fortement éclairés par le soleil : le différentiel fait que le décor est bien plus visible en haut à droite, tandis qu’en bas il se fait discret, voire invisible.

On le voit également très bien ici : à l’intérieur du magasin, seules les statues sont bien éclairées. Elles se détachent donc très bien. On distingue aussi pas mal le reflet du bâtiment autour d’elles, car il est assez lumineux.

Par contre, en bas de l’image, on voit très clairement le pavé, comme dans un miroir : même s’il est plutôt sombre, l’intérieur du magasin étant très peu éclairé à cet endroit, il se reflète très bien !

Si vous comprenez ça, vous avez déjà saisi la majorité de ce qu’il faut savoir pour s’amuser avec les reflets. On pourrait presque s’arrêter là.

Mais il reste quelques autres astuces que j’ai découvertes au cours de ma semaine 😉

Photographier les reflets des passants

Comme vous avez pu le voir dans ma série, il y a pas mal de photos où les passants se reflètent, afin d’ajouter un peu de vie aux photos.

Et très vite, j’ai constaté qu’ils pouvaient être inclus de deux façons :

  • comme des personnages au visage bien visible dont on fait presque le portrait
  • ou comme des silhouettes

Là encore, c’est très simple : il s’agit d’une question de luminosité.

Sur ces photos, par exemple, on voit qu’ils sont suffisamment éclairés pour que leurs visages soient bien visibles, et qu’on les identifie clairement comme des personnages dans la photo.

Sur celles-ci, par contre, c’est l’inverse : on ne voit que leur silhouette dans l’image, car ils ne sont pas suffisamment lumineux par rapport à la vitrine.

Et comme vous pouvez le voir, ça crée quelque chose de très intéressant : comme ils sont plutôt sombres, leur reflet est plutôt une absence de reflet ! La vitre n’a pas grand chose à refléter, et donc, leur silhouette laisse entrevoir ce qu’il y a à l’intérieur.

C’est un peu l’inverse de l’effet qu’on remarquait précédemment, quand une vitrine sombre permettait de dévoiler le reflet de l’extérieur.

Ici, un passant peu lumineux, par son absence de réel reflet, permet de dévoiler l’intérieur d’une vitrine qui agirait plutôt comme un miroir sinon.

Fascinant, non ?

Pour enfoncer le clou, je veux attirer votre attention sur cette photo, qui illustre très bien tout ce que je viens de vous dire :

  • La vitrine est bien éclairée à gauche et à droite, mais pas au centre. Du coup, la rue ne se reflète qu’à cet endroit-là, d’autant plus que je me suis placé de façon à ce que le soleil y soit positionné (comme on le voit avec l’arrière-plan très lumineux).
  • Les passants sont sombres, et ils dévoilent l’intérieur de la vitrine. Sur leur corps, on ne voit pas grand chose car l’intérieur est très sombre (on a donc une partie de l’image presque noire : rien à refléter + rien à montrer à l’intérieur). Mais sur la tête de l’homme, se détache le visage d’une statue à l’intérieur du magasin, qui est bien éclairée.

Pour finir, je veux vous donner quelques astuces complémentaires plus courtes, mais qui peuvent vous être utiles.

Quelques astuces complémentaires

Utilisez une grande profondeur de champ

Je l’ai découvert rapidement à la prise de vue, dans cette situation, utiliser une faible profondeur de champ fonctionne souvent assez mal.

En effet, si vous avez l’intérieur de la vitrine ou l’extérieur flou, ça commence à rendre la lecture de l’image un peu trop difficile, et on perd l’intérêt de l’effet, qui est de superposer deux scènes différentes : si tout n’est pas net, on perd la juxtaposition.
Ou alors la différence entre les deux parties devient plus évidente, elles se mélangent moins, bref… il y a moins d’intérêt.

Si vous voulez aussi que les passants soient nets, vous allez donc devoir fermer le diaphragme et monter en sensibilité ISO, mais ne vous inquiétez pas pour le bruit numérique : il ne se verra pas tant que ça sur une image plus poétique, où il y a souvent beaucoup à voir et où ce n’est clairement pas l’important.

Soignez votre cadrage

Evidemment il faut toujours soigner le cadrage quand on photographie, mais il y a des choses auxquelles il faut faire particulièrement attention dans ce cas.

La première, c’est votre position par rapport à la vitre. Elle reflète des choses (à ce stade, vous avez compris :P), et donc potentiellement vous. Au-delà d’éviter d’être dans la photo (sauf si c’est votre intention), votre positionnement va beaucoup influencer la juxtaposition des éléments. Donc essayez vraiment de trouver le meilleur angle (qui souvent est de profil par rapport à la vitre, mais reste à savoir exactement comment).

La seconde, c’est la distance focale : comme notre positionnement détermine beaucoup le rendu de l’image, on ne peut pas se permettre de trop l’utiliser pour cadrer.

Je vous conseille donc vivement d’utiliser un zoom, pour pouvoir cadrer précisément une fois que vous serez positionné. Ca vous permet d’inclure ou d’exclure les éléments que vous souhaitez, ce qui peut parfois changer complètement la lecture de l’image.

Je le montre sur certaines images dans cette vidéo où j’explique la retouche de cette série :

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Attention à la lumière artificielle

Une autre chose que j’ai constatée, c’est que les vitrines utilisent souvent de la lumière artificielle.

Je sais, je suis un génie 😀

Plus sérieusement, ceci peut poser problème si vous utilisez le mode discret de votre appareil, c’est-à-dire l’obturateur électronique.

Je ne vais pas la faire longue car ce n’est pas le sujet, mais pour résumer grossièrement :

  • L’obturateur mécanique, c’est un dispositif physique (qu’on peut toucher), qui va exposer le capteur à la lumière pendant un temps donné. C’est la manière classique d’exposer un capteur (ou une pellicule) à la lumière : on ouvre et on ferme un rideau, comme vous pouvez le voir illustré dans cette vidéo :
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  • L’obturateur électronique, apparu plus récemment, fonctionne tout simplement comme une sorte de “bouton on/off” pour le capteur : il l’allume et il l’éteint pour capter la lumière (en gros hein).

Le gros avantage de l’obturateur électronique, c’est d’être hyper silencieux, vu qu’il ne demande pas à un truc physique de bouger. Et donc, quand vous avez un “mode silencieux” ou un “mode discret” sur votre appareil, c’est souvent un mot compréhensible pour parler de l’obturateur électronique.
(À part sur les reflex en visée optique, où là ce sont des dispositifs mécaniques qui viennent amortir le bruit, pour faire très simple, mais bon, ce n’est pas le sujet.)

Si vous voulez plus de détails, vous pouvez lire cet article.

Bref, si vous shootez à l’hybride, où ce dispositif est courant, vous êtes peut-être comme moi : vous êtes tout le temps (ou souvent) en mode silencieux.

Le problème, c’est qu’avec certains éclairages (comme le néon et les LEDs, qui sont de plus en plus courants pour des raisons d’économie d’énergie), l’obturateur électronique peut créer des bandes sur l’image.

Je ne vais pas rentrer dans les détails ici, mais plutôt vous montrer à quoi ça ressemble sur une rafale de photos :

Evidemment, c’est moche, et on veut éviter ça. Il n’y a que deux solutions :

  1. Revenir à l’obturateur mécanique (donc désactiver le mode discret), avec le désavantage que du coup… les passants vont entendre vos rafales.
  2. Utiliser une vitesse d’obturation qui soit un multiple de la fréquence électrique du pays. Je vous donne des maux de tête ? 😛 Pas de panique !

En gros, en Europe, on est à 50Hz. Donc utilisez 1/50, 1/100, 1/150, 1/200, etc.
Aux USA par exemple, c’est 60Hz, donc utilisez 1/60, 1/120, 1/180, etc.

Ca c’est pour que vous compreniez le principe, mais vous n’avez pas à vous inquiéter : cet effet de bandes se voit sur votre écran ou dans votre viseur électronique. Si vous sélectionnez la bonne vitesse, vous allez voir les bandes disparaître. Donc vous ne pouvez pas vous tromper ! 🙂

Voilà, j’espère que cet article vous aura aidé à y voir plus clair, et vous aura donné envie d’essayer d’utiliser les reflets de manière créative dans vos photos !

N’hésitez pas à laisser un commentaire si vous avez des questions, ou pour nous montrer les images que vous avez réalisées grâce à cet article 🙂

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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