Je définis la photo de voyage comme une série d’instantanés qui nous fait découvrir un mode de vie au bout du monde ou « À côté de chez nous ». Une série de photos prises sur le vif doit raconter une histoire, celle d’un pays, d’une région, d’un quartier, d’une personne ou d’un paysage.

Note : Ceci est un article invité écrit par Marie-Ange du blog Apprendre la photo de voyage. C’est donc elle qui s’exprime dans cet article 🙂

Vos photos de voyage prendront une vraie dimension si vous partez avec l’intention d’un reportage, même si ces photos ont pour finalité d’immortaliser vos souvenirs !

photo fleuve coucher de soleil reportage photo de voyage pêcheurs

C’est en entendant un véritable appel au secours des lecteurs et de mes stagiaires photo que j’ai décidé d’écrire cet article pour vous donner des conseils que j’ai sortis de ma boîte à outils afin de revenir avec des photos dignes d’un reportage photo, d’images prises sur le vif !

Cependant, un grand nombre d’entre vous « perdent les pédales » (et c’est légitime) quand il s’agit de saisir une scène où le temps imparti à la réflexion technique est quasi nul !

Photographier sur le vif et faire de la photo de voyage  n’est pas le thème photographique le plus facile à appréhender. Il faut que la photo soit exploitable pour le post-traitement , aussi léger soit-il, tout en étant créatif, et qui retranscrive une information.

Interpréter une scène que nous voyons en 3D et la traduire en 2D sur votre capteur est une gymnastique de l’esprit et une technique. Pour cela il est nécessaire de mettre en œuvre quelques principes de bases pour que votre voyage se transforme en une véritable cour de récréation.

Ces conseils n’ont pas pour but de faire de vous des reporters photographes sur les fronts de guerre. Il s’agit de vous aider à faire des images qui mêlent technique et créativité, des images que vous aurez plaisir à regarder, à interpréter en post-traitement et à partager !

Voyons cela plus en détail !

La photo de voyage, un état d’esprit

La photo de voyage est un état d’esprit… Une démarche photographique particulière puisqu’elle s’apparente à celle du photoreporter.

Nos voyages sont faits d’une succession de journées, de rencontres, de découvertes. Nos images doivent raconter notre voyage si nous souhaitons qu’elles prennent un sens, avec un début et une fin.

Que vous soyez seul, entre amis, amateurs de photos ou en famille, il y a toujours une solution pour trouver des compromis afin de satisfaire au mieux votre besoin de faire de la photo et modérer l’incompréhension des « non-photographes » qui voyagent avec vous.

Négociez le déroulement des visites, des occupations de votre journée avec votre conjoint… Je vous assure que c’est possible ! Mon compagnon de voyage depuis 20 ans n’a même pas un appareil compact en poche, la photo est le cadet de ses soucis… Et pourtant j’arrive quand même à faire mon métier de photographe professionnelle en vacances !…

Tout est histoire de compromis. Dans certaines circonstances, nous pouvons même tirer avantage à être accompagnés par des « non-photographes ». La présence d’autres personnes fait diversion et nous permet de « shooter » en se faisant oublier de notre sujet, et son regard (celui du sujet) n’est plus porté sur nous. Ce qui a pour effet de transformer des portraits posés en photos prises sur le vif !

Technique : allez à l’essentiel

Vos compétences techniques

Les principaux défauts des photos prises sur le vif sont :

• Photos floues,
• Une mauvaise exposition
• Composition de l’image peu soignée
• Photos sans contraste
• Absence de point de vue : Les photos de monsieur et madame Tout-le-Monde

Ces problèmes récurrents sont dus à la perte de vos moyens lors de situations extrêmes ou de stress !

N’allez pas au-delà de vos compétences techniques ! Être trop sûr de soi et de son talent est aussi néfaste que de douter de tout et bien sûr de son talent…

Un voyage au bout du monde n’est pas une séance d’entraînement photographique. Il n’a pas pour vocation de vous faire prendre des risques inutiles dans la pratique des techniques photo. Il est préférable de mettre en pratique ces techniques autour de chez vous !

Si vous partez en voyage ou en vacances dans quelques semaines ou dans quelques mois, c’est le moment de progresser en photo ou de faire une petite révision. De plus, « chauffez » la mécanique, votre cerveau, si vous n’avez pas pris votre appareil photo en mains depuis quelque temps. Ne prenez pas le risque de passer à côté de très belles photos les premiers jours. N’oubliez pas de faire corps avec ce petit bijou de technologie.

Donc, ne surestimez pas vos compétences photographiques actuelles, vous ne faites pas un concours photo où l’on prime la photo la plus banale. Soyez objectif avec vos propres connaissances :

Mode automatique… à bannir ! Si vous utilisez le tout automatique cela appelle « faire de la photo », en opposition à l’activité de « prendre des photos ». Si c’est votre cas, il est temps d’aller sur la page Par Où Commencer  et vous y mettre tout de suite !…

Je vais vous annoncer une bonne nouvelle ! Si vous persistez dans votre démarche du tout automatique, il y a toujours moyen d’améliorer considérablement vos images en appliquant scrupuleusement les règles de cadrage et composition d’une image. Un livre de 1 000 pages ne suffirait pas à épuiser le sujet !

Mode semi-automatique, solution salvatrice qui va vous permettre de faire de belles photos.

Mode Manuel – Soyez certain(e) d’être maître(sse) de la situation en toutes circonstances –

L’idéal est certainement de jongler intelligemment entre le mode priorité vitesse, priorité ouverture et le mode manuel suivant la situation !

L’ordre du cheminement de ma démarche lors des sorties photo

Les 3 priorités chronologiques sont ma méthode ICE :

• Instant (repérez une scène intéressante, portrait, scène de vie, paysage)
• Cadrage (soignez votre cadre et votre composition)
• Exposition (n’oubliez pas d’utiliser la correction d’exposition au risque de vous retrouver avec des hautes lumières « cramées »)

Une astuce pour prérégler votre boîtier et faire face à de nombreuses situations

L’erreur majeure est de passer son temps à se demander si son appareil photo est bien réglé lors des prises de vue ! Oubliez la technique pour vous focaliser sur ce qui se passe dans votre viseur et faites les photos qui ressemblent à votre réalité ou à votre imaginaire.
Pour cela il faut aller à l’essentiel. N’en déplaise aux puristes. Les appareils photo numériques actuels sont beaucoup trop complexes ! Ils sont surchargés d’automatismes aussi inutiles que compliqués à paramétrer.

Osez aller « droit au but » ! Désactivez l’essentiel de ces modes assistés et concentrez-vous sur 2 ou 3 réglages dans le cas de prise de vue sur le vif :

• La sensibilité ISO doit être au moins à 400 ISO, voir 800 si vous êtes en voyage en mode reportage, scène de rue, portrait de rue, marchés du monde, de France ou de Navarre. Cela permet à votre boîtier d’adapter des vitesses suffisamment élevées pour éviter le flou de bougé qui gâche tellement vos images.

• Le mode priorité ouverture est le plus facile à utiliser. Choisissez une ouverture adaptée à votre intention photographique. Une grande ouverture (f2.8) pour une faible profondeur de champ  ou (f11) pour une PdC plus importante, la vitesse s’affiche et l’exposition est toujours la plus correcte possible !

Pour l’autofocus, optez pour la mesure spot. Restez sur un seul collimateur central sur lequel vous pouvez vous concentrer. Mise au point simple « One Shot » chez Canon.

Je vous propose cette configuration que j’ai appliquée de nombreuses fois. Elle ne conviendra pas dans 100 % des cas, mais je peux vous assurer qu’elle va convenir à une grande majorité d’entre vous lors de vos voyages et dans toutes les situations où il est nécessaire de déclencher rapidement sous peine de laisser filer « l’instant décisif ». Partez faire un marché local ou vous balader dans la rue et testez !

Choisissez un thème

Ce n’est sûrement pas le point le plus important et pourtant trop souvent négligé. Lorsque l’on fait une sortie photo, une balade le dimanche ou un voyage à 10 000 km, il est nécessaire d’avoir une intention photographique. Nous pourrions croire que cette démarche ne concerne que les faux débutants qui cherchent à construire leur personnalité photographique ! Que nenni, elle concerne TOUT LE MONDE ! Je vous explique :

Aujourd’hui je décide de faire de la photo. Je suis en voyage ou à la maison, peu importe la nature de la sortie. Il est CAPITAL d’avoir une intention photographique. Si vous furetez au gré du vent et que vous photographiez tout ce qui passe sous vos yeux, vous pouvez être certains que le fruit de votre journée de photos sera quelconque (sauf le coup de chance !). Vos photos n’auront que peu de valeur technique et esthétique.

Par contre, si vous partez avec une intention bien définie, elle peut être technique, créative ou les deux, la qualité de vos images va s’en trouver considérablement améliorée.
Décidez de ce que vous voulez faire, du N & B, du paysage, du portrait, ou encore vous focaliser sur une couleur en particulier. Vous allez vous concentrer sur ce thème et surtout vous y tenir. Le pire qu’il puisse arriver c’est de s’éparpiller… Une intention photographique vous aide à vous concentrer sur votre objectif et réellement améliorer la qualité de vos images.

L’instant décisif

Un exemple concret au Laos

photo fleuve coucher de soleil reportage photo de voyage pêcheurs intention photographique

Saisir l’instant décisif est une pratique photo des plus passionnantes. « Attraper » le filet en plein vol demande de bien connaître son sujet. Cela nécessite évidemment de la pratique, et surtout une bonne dose d’observation : repérer le moment où le pêcheur va lancer l’épervier.

Au préalable, il faut régler son appareil, ne pas hésiter à shooter 1 fois avant pour bien mesurer la lumière et la mise au point sur le pêcheur ou encore mieux la pirogue qui est fixe.

Les réglages de mon appareil reflex :
• 70-200mm f2.8,
• focale 80 mm,
• Mode manuel,
• mise au point manuelle (vous pouvez opter pour la priorité à la vitesse suivant l’effet que vous voulez donner, oubliez une partie de la technique pour vous concentrer sur votre prise de vue),
• Exifs : ouverture f10, ISO 320 et une vitesse de 1/400s.

Mesure spot et un seul collimateur comme à mon habitude…. Et pour les novices, beaucoup de patience…. !

photo fleuve coucher de soleil reportage photo de voyage pêcheurs filet mode manuel refelx

70-200mm f2.8, focale 180 mm, Mode manuel, mise au point manuelle, ouverture f10, ISO 320 et une vitesse de 1/400s.

Repérez la lumière

Il est très rare qu’une scène soit suffisamment spectaculaire pour ne pas tenir compte de la lumière. La photographie c’est écrire la lumière, il va donc falloir en tenir compte. En général, c’est le contexte esthétique qui attire l’œil, un sujet, la lumière, le contraste, les couleurs, l’interprétation que l’on en fait en l’imaginant en noir et blanc et qui nous pousse à rechercher l’instant idéal. L’instant où tout est réuni avec esthétisme dans notre cadre préétabli.

En voyage, il faut donc commencer par repérer « l’ambiance lumineuse » du lieu. Que l’on soit en Birmanie ou en Laponie, on ne repérera pas les mêmes lumières ou les mêmes matières. Notre comportement photographique va changer. Il y aura un petit temps d’adaptation pour s’imprégner de l’ambiance, s’habituer à lire cette lumière.

Ayez l’œil sur les zones de contre-jour qui souvent vont vous offrir des photos plus contrastées et plus dynamiques. Le plus souvent on mémorisera l’exposition sur les hautes lumières, ce qui donnera une image un peu sous-exposée qui offrira le contraste tant recherché.

L’important n’est pas de restituer la réalité, mais de l’interpréter à votre manière, avec votre coup d’œil et votre sensibilité. C’est ainsi que vous commencerez à développer une personnalité photographique.

Anticipez l’action

Il faut être dans le bon tempo ! Une scène de rue attire votre regard ! Analysez rapidement la composition du cadre en balayant votre regard dans votre viseur. Une fois que vous pensez qu’il s’agit du « bon moment », ne vous contentez pas de faire un cliché, mais 3 ou 4 (je n’ai pas dit de vous mettre en mode rafale). Sur le lot, vous multipliez vos chances d’avoir ce que nous appelons l’instant décisif, un mouvement, un regard furtif, une personne qui passe au premier plan qui va donner de la profondeur à votre image, enfin ce petit rien qui peut faire de votre photo une bonne photo.
Attention ! Ce conseil n’a rien à voir avec le fait de déclencher à tout va !

Cadrez large

Les puristes ne vont pas aimer. Mais l’expérience sur le terrain m’a prouvé qu’il s’agit d’un excellent conseil.
La photo numérique et les très hautes définitions dont nous disposons (18Mp et plus), nous offre un outil ultra performant : Le recadrage au post-traitement !

Perdre quelques pixels n’est plus un problème, ce qui procure une vraie latitude de travail et un confort indéniable quand on opère sur le vif. Évidemment, le recadrage ne sauvera pas une image mal cadrée à la prise de vue, une photo « ratée » prise sur le vif.

Lorsque l’on a un doute sur sa focale ou la distance qui nous sépare de notre sujet. Il est préférable de cadrer un peu plus large et d’élargir l’angle de champ.
Un cadrage plus large permet à la postproduction d’envisager 2 interprétations avec un cadrage plus serré. Combien de fois nous visionnons une image et il manque le petit détail qui aurait fait de cette image une belle histoire ! Ou à l’inverse, la possibilité de recadrer plus serré accentuera la présence du sujet, une couleur ou une texture !

Un exemple concret

Photo Cambodge Phnom Penh Marché noir et blanc intention photographique femme canon EOS 5D

Lieu
Cambodge Phnom Penh –
Marché en N & B

Matériel
Boitier Canon Eos 5 D
Objectif 24-105mm
ISO 800 durant toute la matinée

Intention photographique
Je souhaite montrer, en parcourant ce quartier authentique de Phnom Penh, un Cambodge Intemporel. Phnom Penh est une capitale en équilibre entre 2 mondes. Partagée entre le désir de modernisme et le respect des traditions. J’opte évidemment pour une vision en noir et blanc. Je vais passer la matinée à tenter de voir et penser en niveaux de gris. Impossible me direz-vous ? Il faut se concentrer sur les forts contrastes.

Sans oublier la qualité des rencontres avec la population qui fera toute la différence dans l’interprétation de mes prises de vues. Je n’ai parcouru, volontairement, que 2 petites rues dans la matinée de 6 h 30 à 11 h 30 pour privilégier les contacts.

Je raconte l’histoire, la vie dans ce quartier hors du temps, « Retour dans le futur » avec 10 photos que j’ai sélectionnées. Vous pouvez voir la série dans son intégralité ICI.
Merci d’avoir lu cet article, maintenant il est temps de mettre en pratique ces conseils… C’est à vous de faire l’exercice… Et surtout amusez-vous et soyez créatif !
Si cet article vous a plu, laisser un commentaire ci-dessous !

Et n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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