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Quand la lumière est abondamment disponible, on a l’avantage de pouvoir choisir totalement librement son ouverture, d’avoir toute latitude entre l’ouverture maximale (f/2.8 par exemple, parfois plus) et l’ouverture minimale (f/22, voire f/32). Alors pourquoi se limiter à ces deux extrêmes ?

En effet, en regardant un peu les données EXIFs des photos des débutants (notamment pour Dimanche Critique Photo), je me rends compte que ce sont souvent les extrêmes qui sont utilisées, et pas les ouvertures intermédiaires. Et je le comprends bien, car je suis moi aussi passé par là 😉

Et la lumière fut

Vous débutez, et vous essayez de comprendre comment ça fonctionne, la photo. Vous cherchez un peu, et vous tombez sur ce blog. Hop, «par où commencer». Vous découvrez le concept de l’ouverture, et son influence sur la profondeur de champ. Vous faites quelques essais, et là : magie ! Vous avez tout compris. Vous pouvez maintenant jouer avec la profondeur de champ comme un pro.

Avec un peu de chance, vous craquez même pour une petite focale fixe très lumineuse du genre 50mm f/1.8, et à vous les joies des très faibles profondeurs de champ.

C’est joli, et du coup vous shootez toujours à f/1.8, tout le temps. Bon ok, pas tout le temps. Quand vous faites un paysage, vous avez bien compris qu’il faut une grande profondeur de champ, et donc une petite ouverture. Vous tournez donc frénétiquement la molette de votre appareil, histoire d’arriver à l’ouverture minimale, f/22 voire f/32. Comme ça vous êtes bien sûr d’avoir toute l’image nette, on ne sait jamais. En plus il y a du soleil, alors même tout fermé la vitesse d’obturation reste correcte.

Oui, mais double mais.

Mais techniquement…

… ce n’est pas optimal. Je ne m’attarderai pas trop sur ce point, car vous le savez déjà si vous lisez le blog depuis quelques temps : il existe une ouverture optimale de votre objectif. (Re)lisez l’article pour bien comprendre, j’explique tout en détails avec des exemples en images.

Pour résumer, à l’ouverture maximale, votre optique ne délivre pas toujours son meilleur piqué, tandis qu’à l’ouverture minimale (et même un peu avant), le phénomène de diffraction provoque une détérioration de la qualité de l’image.

La plupart du temps, pour avoir une image entièrement nette (une profondeur de champ d’un point très proche jusqu’à l’infini), vous n’avez pas besoin de fermer au maximum. Pour du paysage, f/16 est bien souvent plus que suffisant (voire f/8 si votre premier plan est relativement éloigné). Et pour vérifier vous pouvez utiliser le bouton de test de la profondeur de champ (dont je parle dans les articles que j’ai liés plus haut).

Ça dépend évidemment des autres paramètres influençant la profondeur de champ, comme la focale par exemple, et à ce sujet je vous invite à relire l’article sur l’hyperfocale, dans lequel je donne un lien vers un calculateur de profondeur de champ.

Cela dit, la technique c’est bien, et vous devez la garder en tête, mais ce n’est pas franchement LA raison pour laquelle j’écris cet article. Parce qu’artistiquement, utiliser toujours les extrêmes, c’est un peu caricatural.

Mais artistiquement…

Ce n’est pas toujours optimal non plus. J’ai eu l’idée de cet article alors que je me posais tranquillement au bord du Jait Sagar, un très beau lac à Bundi (Rajasthan), au bord duquel s’est jadis installé Rudyard Kypling (vous savez, le Livre de la Jungle ? 😉 ).


Plus sérieusement, j’étais assis dans une sorte de petit jardin, et prenais quelques clichés du superbe paysage qui s’étalait sous mes yeux. Je ne suis pas vraiment un photographe de paysage, mais je sais que c’est rapidement ennuyeux à mes yeux s’il n’y a pas quelque chose pour y rajouter de l’intérêt, comme une présence humaine par exemple. Le paysage reste le sujet, mais l’humain y rajoute quelque chose.

Chance, 2 indiens arrivent et se posent à quelques mètres de moi, me donnant ainsi un sujet rêvé pour enrichir la scène. Je ne veux pas changer de position pour ne pas qu’ils captent que je les photographie et qu’ils restent naturels, et j’ai besoin d’un angle de vue qui reste large, pour englober le paysage. Ca tombe bien, mon ultra grand-angle (un Tokina 11-16mm f/2.8 pour devancer les questions) est monté sur mon boîtier 😉

Se pose donc la question : est-ce que je veux la scène entièrement nette, ou est-ce que je veux vraiment me concentrer sur le sujet et flouter l’arrière-plan ? Mon idée sur le moment est que je peux utiliser une grande profondeur de champ, car ma composition doit être assez forte pour que l’œil arrive sur le sujet tout seul. En effet, utiliser une faible profondeur de champ pour mettre en valeur un sujet est parfois un peu “facile” je trouve.

Je décide donc de fermer, et sans prendre le temps de calculer l’ouverture nécessaire, je choisis f/11 à vue de nez (l’expérience aide à appréhender ce genre de chose instinctivement, mais a posteriori j’aurais pu ouvrir plus sans souci). Ce qui semble en effet suffisant. Vous noterez que je n’ai pas fermé à fond, car ce n’était pas la peine : mon sujet était à 4m environ, j’étais à une très petite focale (11mm), bref la profondeur de champ était déjà grande.

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(Ca manque encore de post-traitement, mais bon :P)

Pour cette raison, si j’avais voulu un arrière-plan flou, la focale aurait été trop faible et la distance de mise au point trop importante pour l’obtenir de toute façon. Même avec un sujet plus proche, j’aurais eu un arrière-plan légèrement flou mais reconnaissable.

Mais que se passe-t-il si je veux cadrer mon sujet plus serré (hop je passe au Tamron 17-50mm f/2.8), en utilisant le paysage comme décor. C’est-à-dire que l’humain devient vraiment le sujet principal, et que le paysage passe au second plan (comme toujours, l’intention est très importante !).

Dans ce cas, je vais zoomer (augmenter ma longueur focale) et/ou me rapprocher du sujet, ce qui va diminuer ma profondeur de champ. Ce n’était pas mon intention ici, mais j’ai quand même pris 2 ou 3 clichés histoire de vous montrer.

Si je veux obtenir un arrière-plan juste légèrement flou, ouvrir à f/2.8 va sans doute être un peu «too much». On ne distinguera presque plus le paysage, ce qui n’était pas l’idée. Par contre, en fermant un peu mais pas trop, on peut obtenir un arrière-plan reconnaissable. J’ai ici choisi f/5.6 :

photo paysage lac ouverture appareil photo flou arrière plan

Ce n’est pas l’effet que je voulais ici, donc je ne choisirai pas cette image, mais c’est pour insister sur le fait que les ouvertures intermédiaires existent, et ne sont pas là pour rien : elles sont parfois la solution pour faire passer ce que vous voulez avec l’image. Un arrière-plan légèrement flou se découvre après coup, et peut permettre au spectateur d’être un peu surpris, ce qui ajoute toujours de l’intérêt à une image forcément. Mais attention à ce que ce soit un vrai choix, et non pas un accident 😉

Et ça ne concerne pas que l’ouverture

L’idée m’est venue avec l’ouverture, mais à bien y réfléchir ça peut s’appliquer aux autres réglages comme la vitesse d’obturation ou la sensibilité ISO, mais aussi à la longueur focale par exemple : autant je vous déconseille de ne pas bouger du tout et de juste zoomer/dézoomer pour cadrer, autant je vous déconseille également de tomber dans l’extrême inverse et d’utiliser un 18-55mm comme si c’était une double focale fixe de 18mm et 55mm. Le précédent article sur le choix de la distance et de la focale vous aidera à trouver le juste milieu 😉

Et vous, avez-vous tendance à ne choisir que des ouvertures extrêmes ? 😉

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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