Cet article sur les filtres polarisants fait suite à l’article généraliste sur les filtres photo. J’y aborde les effets du filtre polarisant, donc cliquez sur le lien si vous voulez vous rafraîchir la mémoire 🙂

Comme je vous le disais, le filtre polarisant est le seul filtre dont les effets ne sont pas reproductibles en post-traitement sur l’ordinateur. C’est bien là tout son intérêt !

Rappel sur la lumière

Pourquoi sommes-nous capables de voir ce qui nous entoure ? Parce que les éléments autour de nous reflètent vers notre œil la lumière issue des sources lumineuses (soleil, etc). Il y a deux scénarii :

  • nous arrivons à percevoir la couleur et la texture d’un objet : la lumière est dite non-polarisée. De même, la lumière provenant directement d’une source lumineuse est elle aussi non-polarisée.
  • nous voyons un ou des reflets brillants qui nous éblouissent, il s’agit de lumière polarisée (qui a des caractéristiques différentes de la lumière non-polarisée).
Schéma expliquant le principe de la lumière polarisée

Même si on perçoit bien la couleur et la texture d‘un objet, il peut y avoir des petits reflets indiscernables à l’œil nu : sur l’objet directement (ex : les feuilles d’un arbre), ou bien sur les poussières contenues dans l’air.

Résultat, la lumière reçue par notre œil est le plus souvent un mélange de lumière polarisée et non-polarisée !

Le filtre polarisant va bloquer la lumière polarisée. Il va donc supprimer les reflets sous toutes leurs formes, et cela va vous amener à utiliser ce filtre dans plusieurs situations classiques. Allons-y !

Quelques utilisations classiques du filtre polarisant.

Avant de commencer, signalons que le filtre polarisant va assombrir votre image d’un deux stops selon les situations (pour la définition d’un stop, c’est par ici). Cette perte de lumière ne pose généralement aucun souci, car vous n’utilisez pas le filtre la nuit, à priori 😉

Éliminer les reflets sur les surfaces brillantes

C’est l’effet le plus connu, et le plus facile à comprendre !

On pourrait croire que les reflets sont des défauts de l’image qu’il faut systématiquement supprimer.

En réalité, comme souvent en photographie, il n’y a pas de règle rigide, ça dépend vraiment de votre photo. Voici quelques cas de figure (liste non exhaustive) :

  • en photographie d’objets, on cherche souvent à les mettre en valeur, donc à attirer l’œil sur tout leur forme, texture, couleur. Les reflets parasites peuvent venir perturber cette lecture. Sur la photo ci-dessous, le filtre polarisant permet effectivement de faire davantage ressortir la voiture rouge, de lui donner davantage de masse visuelle (j’en parle ici dans mon guide gratuit).
Exemple d'utilisation du filtre polarisant
Licence CC BY 2.0 – asgw
  • vous pouvez avoir besoin d’éliminer les reflets d’une surface transparente pour rendre le sujet visible. Dans l’image ci-dessous par exemple, prise au-dessus de la surface de l’eau, le filtre polarisant a permis de révéler la présence des poissons.
Licence CC BY-NC-ND 2.0 – Steve Grant
  • pour les photos de paysage comportant une surface d’eau, l’utilisation du filtre polarisant est un choix plus subjectif. La photo ci-dessous d’une plage paradisiaque en Nouvelle Zélande aurait pu très bien fonctionner avec des reflets sur l’eau. C’est à vous de décider quel est le meilleur rendu qui va permettre au spectateur de s’imaginer dans la scène 😉 Et après la prise de vue, c’est bien cette vision qui va continuer à vous guider tout au long du post-traitement, comme je l’enseigne dans ma formation Sublimez vos Photos.
Licence CC BY-ND 2.0 – Alex Schwab
  • pour certaines autres photos enfin, le reflet fait partie intégrante de la composition pour raconter l’histoire. L’utilisation d’un filtre polarisant serait alors carrément contre-productif, comme dans cette photo de gauche qui saisit un face à face impromptu entre le photographe et son sujet, où dans celle de droite qui joue avec le reflet de l’eau façon Magritte 🙂
Exemple d'images avec des reflets
CC BY 2.0 – Thomas Leuthard

A ce propos, je n’aurais absolument pas pu construire cette série cohérente de 12 photos à Venise en 2019 avec un filtre polarisant : cliquez ici pour en savoir plus !

La photo de reflets est un sujet à part entière qui sort du cadre de cet article, et j’avais écrit un article dédié pour ceux qui veulent creuser ! Vous verrez, c’est quelque chose de fascinant.

Vous avez compris mon message : non, un filtre polarisant ne rend pas vos images meilleures automatiquement.

Retrouver les vraies couleurs de la végétation

Cet effet du filtre polarisant est un peu moins connu, car moins intuitif.

En été et surtout en automne, l’humidité présente sur la végétation crée de multiples petits reflets qui diminuent le contraste et la saturation des couleurs. En neutralisant ces reflets, le filtre polarisant rend votre scène plus flamboyante. Il y aura plus de peps aux couleurs, si vous préférez 😉

Faites néanmoins attention à doser le degré de polarisation à votre convenance car la saturation des couleurs peut rapidement devenir, disons, très explosive 🙂

Exemple d'image aux couleurs saturées par un filtre polarisant
Licence CC BY 2.0 – John Talbot

Améliorer les images prises à longue focale

C’est un effet qui m’a assez bluffé, il faut vraiment le voir pour le croire.

L’air contient de la vapeur d’eau et des poussières qui induisent de multiples réflexions parasites de la lumière. Résultat : les couleurs d’un objet situé à grande distance sont estompées (avec souvent une dominante bleutée), et son contraste diminué.

Ces effets sont d’autant plus prononcés que votre sujet est loin, car les rayons lumineux ont plus d’épaisseur d’air à traverser avant d’atteindre votre œil, c’est logique !

Puisqu’une image vaut mieux qu’un long discours, voici une image que j’ai prise à 200mm avec et sans filtre polarisant (une vallée urbaine me sépare de cette montagne, donc il doit y avoir quelques poussières dans l’air entre nous !)

Exemple de diminution du voile atmosphérique grâce au filtre polarisant

On voit clairement ici la plus-value du filtre polarisant. Même en augmentant le contraste et la netteté de l’image de droite en post-traitement, il sera TRES compliqué de retrouver la texture et les couleurs de l’image avec filtre polarisant. CQFD 😊

Augmenter le contraste entre le ciel et les nuages

Avec les reflets sur l’eau, c’est l’effet le plus connu des filtres polarisants : assombrir le bleu du ciel et augmenter le contraste avec les nuages.

Ciel assombri par le filtre polarisant
Licence CC BY-NC-ND 2.0 – aaron

La première fois que j’ai testé un filtre polarisant, j’étais impatient de découvrir cet effet et j’ai été déçu, car il était quasiment inexistant dans certaines de mes photos. Pourtant, j’avais bien réglé la polarisation au maximum, alors ?

J’ai d’abord accusé injustement le filtre, puis j’ai réalisé qu’il ne suffisait pas de juste tourner le filtre pour moduler le degré de polarisation. Il y avait une petite notion supplémentaire à maîtriser : le plan de polarisation maximum.

Pour démystifier ce terrible jargon technique, je vous propose de passer aux travaux pratiques :

  • Faites la même photo avec le soleil en face, avec et sans le filtre polarisant. On remarque que le filtre polarisant de produit pas d’effet notable, à part une baisse de luminosité globale de la scène.
Utilisation du filtre polarisant face au soleil
Le soleil est hors cadre juste au-dessus de la montagne. Vous ne voyez aucune différence à part une différence de luminosité ? Normal, il n’y en a pas 😄
  • Maintenant, tournez-vous de 90° à votre droite ou votre gauche et refaites le test :
Utilisation du filtre polarisant dans le plan de polarisation maximum
“Et la magie du filtre polarisant apparut !”

L’effet est alors clairement visible, sur le contraste du ciel et des montagnes.

En gros, pour un même réglage de polarisation sur le filtre, l’effet va varier selon la direction où vous pointez votre appareil photo.

En étant plus précis : il existe un plan de l’espace dans lequel l’effet de polarisation sera maximal. Pour le trouver, pointez votre index vers le soleil en orientant votre pouce et majeur selon les deux autres directions de l’espace, comme sur le schéma ci-dessous.

Si vous prenez des photos dans le plan formé par votre majeur et votre pouce (là où j’ai dessiné les petits appareils), l’effet de polarisation sera maximal ! Bien sûr, votre angle de vue va forcément englober plus que juste ce plan de polarisation maximum, nous sommes bien d’accord.

Vous allez me dire, à quoi ça me sert concrètement de savoir ça ? Il y a deux conséquences directes pour vos photos :

  • Ne maudissez pas la qualité de votre brave filtre polarisant s’il ne produit aucun effet quand vous photographiez face au soleil, c’est parfaitement normal ! Pivotez juste de 90° à droite ou à gauche du soleil pour être dans le fameux plan, et que l’effet de la polarisation soit visible (et n’oubliez pas de tourner la bague du filtre pour régler le degré de polarisation aussi 😉 )
  • Conséquence directe : attention quand vous photographiez avec un objectif grand angle, ou quand vous assemblez plusieurs photos en panorama, l’effet du filtre polarisant risque de ne pas être homogène sur toute l’image. C’est logique, car votre angle de vue peut englober à la fois le plan du soleil et celui de la polarisation maximum : vous vous retrouvez avec une partie du ciel plus sombre, ce qui n’est pas très naturel.
Exemple de défaut de polarisation dans un panorama
Licence CC BY-ND 2.0 – Andreas Levers

Choisir un filtre polarisant – guide d’achat

Un peu comme pour les filtres de protection, je vais vous conseiller ne pas lésiner sur la qualité du filtre polarisant que vous mettrez devant votre objectif. Ça représente un certain investissement certes, mais il serait dommage de vous retrouver avec un filtre qui crée du flare dans vos images et une dérive colorée moche qu’il sera difficile voire impossible de reprendre au post-traitement.

Le premier conseil important que j’aurais, c’est d’acquérir un filtre à polarisation circulaire et non pas linéaire : ce dernier type de filtre (qu’on ne trouve quasiment plus) n’est pas compatible avec l’autofocus (mise au point automatique) des appareils photos modernes. Mais ne vous inquiétez pas trop, l’extrême majorité des filtres polarisants vendus aujourd’hui sont circulaires.

Concrètement, voici la méthode articulée en 3 points pour choisir le filtre polarisant qui correspond le mieux à vos besoins :

Cas 1 : vous utilisez les filtres polarisant, ND et GND simultanément

Dans ce cas, il vous faudra un porte filtre, pour maintenir les 3 filtres devant votre objectif (pour rappel, un filtre GND est forcément carré ou rectangulaire).
Je vous conseille de choisir le polarisant adapté au porte filtre.

Bonne nouvelle, il y a deux valeurs sûres sur le marché : NiSi Filters ou Lee Filters, qui ont chacun leur propre système dédié filtre polarisant – porte filtre. J’ai testé les filtres NiSi qui sont de superbe qualité, et j’ai entendu aussi beaucoup de bien sur les filtres Lee.

Chez NiSi, vous avez globalement deux systèmes, selon le plus grand diamètre de vos objectifs :

  • Le porte filtre M75, plutôt conçu pour les appareils hybrides, et acceptant des diamètres d’objectif de 40,5 à 67mm
  • Le porte filtre V6, plutôt pour les reflex, hybrides Full Frame, et objectifs grand angles, et acceptant des diamètres d’objectif 67 à 77mm.

Vous venez visser une première bague d’adaptation sur votre objectif, puis un autre élément sur lequel est clippé le filtre polarisant circulaire (qui peut tourner sur lui-même), puis enfin le porte filtre.  Je vous mets une vidéo de NiSi qui permet de comprendre :

YouTube video

Note : En dehors de ces deux systèmes, NiSi propose aussi des systèmes compacts, spécialement pour les Fujifilm X100, Ricoh GR, Sony RX100 que je ne vous conseille pas, car le filtre polarisant n’est pas circulaire (donc pas de possibilité de moduler l’effet, notamment).

Même s’il fonctionne bien, comprenez que l’inconvénient principal de ce système est son encombrement, donc à vous de voir si c’est bloquant pour vous. Le cas échéant, continuez la lecture 🙂

Cas 2 : vous utilisez le polarisant seul, avec parfois avec un filtre ND

C’est souvent le cas si vous aimez voyager léger. Je vous conseille ici de partir sur un filtre polarisant vissant. Prenez le plus grand diamètre des objectifs que vous possédez, et utilisez ensuite des bagues d’adaptation pour fixer le filtre sur les autres objectifs. Comme pour les filtres de protection, je vous conseille au moins la gamme Pro 1D de chez Hoya.

Un petit bémol cependant, si vous superposez deux filtres vissant, il risque d’y avoir un vignetage aux petites focales (assombrissement des bords de l’image).

Apparemment, les filtres très fins de la gamme HD Nano de chez Hoya règlent ce problème (je n’ai pas testé personnellement, mais au pire vous les renvoyez si ça ne convient pas 😉 ).

Cas 3 : vous utilisez le polarisant seul, avec parfois un filtre GND

Vous pouvez vous contenter d’un filtre polarisant vissant et tenir le filtre GND (rectangulaire ou carré) d’une main devant, plaqué à l’objectif, en faisant attention aux traces de doigts et à ne pas le faire tomber 😉

Oui, ça peut paraître farfelu comme conseil, mais j’ai testé et ça fonctionne bien avec un peu d‘entraînement, et aussi des temps de pose suffisamment rapides.

D’ailleurs, je ne suis pas le seul à utiliser cette technique inédite, comme le montre cette prise de vue d’un photographe américain en Patagonie (je suis en train de lire son livre, et il raconte qu’il ne peut pas se permettre de porter un porte filtre quand chaque gramme compte !)

Exemple d'utilisation d'un filtre GND sans porte filtre
© Corey Rich

Avantages et inconvénients du filtre polarisant

Je me suis dit que cet article dédié sur les filtres polarisants méritait une petite synthèse pour vous permettre de prendre du recul.

A l’exception du filtre ND que je n’utilise quasiment plus dans ma pratique, le filtre polarisant est à mon sens le seul qui se justifie encore à l’ère de la photo numérique, puisque son effet n’est pas reproductible au post-traitement.

La question de savoir s’il est utile ou non va beaucoup dépendre de votre pratique. Voici quand même ce qu’on peut résumer comme avantages et inconvénients.

Pour :
  • Vous recherchez ce rendu saturé des couleurs sur la végétation, ou bien ce rendu contrasté du ciel, qui est en effet plus intense que ce qu’on peut obtenir au post-traitement.
  • Si vous faites beaucoup de photos à longue focale, ou bien dans des lieux ou le paysage s’étend à perte de vue, le filtre vous aidera à obtenir des images plus détaillées (suppression du voile atmosphérique). Un fichier RAW plus qualitatif signifie aussi plus de marge créative au post-traitement
  • Vous êtes un utilisateur aguerri des filtres, et ni le poids ni la taille du porte-filtre ne vous effraie. Alors autant ne pas se priver d’utiliser le polarisant qui sera déjà inclus dans votre système NiSi ou Lee !
Contre :
  • Vous avez besoin d’être très réactif dans votre pratique (exemple : photographie d’action, de sport, photojournalisme), et il n’est pas question de régler le degré de polarisation à chaque cliché, sinon vous allez rater le moment !
  • Les reflets sont vos amis et vous aimez les utiliser dans vos compositions 
  • Vous êtes minimaliste et en matière de matos, vous pensez que less is more 😉

Voilà, j’espère que cet article vous aidera à déterminer si le filtre polarisant est utile pour VOUS, car j’insiste, il n’y a pas de réponse universelle là-dessus, n’en déplaise aux vendeurs de filtres (tout comme le choix d’un appareil photo d’ailleurs).

 Si vous avez des questions ou des précisions supplémentaires à apporter (si par exemple vous avez un doctorat en filtres 🧐 ), n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous, et pensez à vous abonner à la newsletter pour être au courant des prochains articles et vidéos qui vous aideront ! 😀

Et comme d’habitude, n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂

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Clément Belleudy
Je connais Laurent depuis le tout début d’Apprendre.Photo. Depuis 2020, je lui prête main forte sur la création de contenu, et comme apprendre est plus efficace en s’amusant, j’ai à cœur de créer des contenus pédagogiques et plaisants à lire, sans jamais trop se prendre au sérieux !
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