Comme vous le savez sans doute si vous lisez le blog depuis plus de 2 jours, ou si vous avez eu la curiosité de regarder un peu mes images, ma spécialité, c’est la photo de concert. Je peux ainsi allier ma passion pour la photo avec celle pour la musique. Alors quand j’ai vu qu’Eyrolles publiait en début d’année un livre sur le sujet, Photographie de concert : Guide pratique, je me suis dit qu’il fallait que je le lise, ne serait-ce que pour voir s’il était aussi prometteur que ce dont il avait l’air, et sait-on jamais y trouver une ou deux astuces ou rappels qui pourraient me servir. J’ai pas mal procrastiné sa lecture pour un tas de raison, parmi lesquelles un voyage de 2 mois à l’autre bout du monde ou l’écriture de deux autres livres chez le même éditeur 😀 (ça va, j’ai de bonnes excuses :P). J’ai également un tas d’autres livres à lire chez moi, les différents éditeurs m’inondant sous leurs publications. L’été étant une saison propice à la lecture d’un bon bouquin à l’ombre et les doigts de pieds en éventail, j’ai décidé de beaucoup parler de livres cet été, pour vous aider à choisir ceux qui accompagneront vos doigts de pied… heu, votre été ! (à part les miens bien sûr :D) Cet article n’est donc que le premier d’une longue série.

Un bouquin très complet

La photo de concert est un domaine assez vaste si on veut le traiter entièrement, entre le matériel à utiliser, les contraintes particulières en termes de lumière et les réglages qui en découlent, les situations très diverses (entre un concert dans un bar sombre et sur la scène gigantesque d’un festival, il y a un monde…), des choses plus floues comme les règles de courtoisie entre photographes et les moyens d’accéder au Saint-Graal de l’accréditation, il y a du boulot ! Je me demandais si l’auteur allait réussir à traiter tout ça correctement, mais rien qu’au sommaire, je me disais déjà qu’il avait pensé à tout. Rien de plus normal cela dit : J. Dennis Thomas, l’auteur, est un photographe de concert expérimenté qui a bossé en vrac pour Rolling Stone (le magazine hein), Elle, HBO, les guitares Gretsch (dont une orne fièrement mon salon), etc. Je dois dire que j’ai commencé à le détester quand j’ai vu qu’il avait photographié Alison Mosshart avec The Dead Weather 😀 (photographier ce groupe fait partie de mes choses à faire avant de mourir !). Bref, on ne doute pas des compétences du monsieur. Encore faut-il savoir les faire passer, ce qui est très différent ! Et sans faire durer inutilement le suspens, on peut dire que c’est le cas ! J’ai eu un peu peur d’une chose : la photographie de concert ne se passe pas exactement de la même façon outre-Atlantique qu’ici, et je me suis dit que ça se verrait dans le texte. Très peu en fait (je reviens sur les différences après), et notamment grâce à l’excellent travail de traduction de Marie-Christine Gaudinat-Chabod, avec la collaboration technique d’Etienne Laurent (citons tout le monde). Travail qui ne s’est pas limité à la traduction justement, mais aussi à l’adaptation au public français, en citant des magazines ou des festivals de par chez nous, ce qui aide à mieux se situer bien sûr.   Une chose à savoir avant de l’acheter est quand même que le langage n’est pas le plus simple du monde. Attention, je ne dis pas que c’est écrit de manière technique avec du jargon, et pas destiné au débutant, bien au contraire. Simplement parfois ça va un petit peu loin sur certains points (inutilement à mon avis), et que si vous n’avez jamais entendu parler d’ouverture auparavant, je vous conseille de vous renseigner un minimum sur les bases de la photo avant d’ouvrir le livre. Cela dit, si vous voulez faire de la photo de concert, vous avez de toute façon intérêt à maîtriser les bases avant tout. Voyons donc comment s’organise le livre. Je vais rapidement résumer chaque partie, en apportant parfois quelques précisions.

Le matériel

5D Mk III Grip 72B photo de concertTrès logiquement, on commence par le matériel dont il faut s’équiper. Dans certaines disciplines c’est assez peu important, mais vu les conditions difficiles de la photo de concert, il est primordial d’avoir ce qu’il faut, c’est-à-dire en substance un bon boîtier qui monte dans les ISO et possède un bon autofocus, et des objectifs à grande ouverture. J’ai particulièrement apprécié que l’auteur ajoute un point sur le grip, qui est franchement très utile en photo de concert (essayer de porter de façon confortable et stable un gros reflex + un 70-200 le coude levé, vous verrez…). C’est le genre de petit détail qui montre qu’il maîtrise son sujet. Rien à dire ici, j’adhère totalement à ses conseils.

Les notions et réglages de base

J’avoue avoir lu cette partie de manière un peu plus rapide. L’auteur y rappelle les notions de base de la photo : l’exposition, les différents modes, les modes de mesure de la lumière, l’autofocus, le RAW, la balance des blancs. J’ai eu le plaisir de voir qu’on raisonnait à peu près de la même façon, excepté qu’il utilise pas mal le mode Manuel. Personnellement, en photo de concert, je suis principalement en priorité à la vitesse (entre 1/125 et 1/200 la plupart du temps), avec ISO auto limités au maximum acceptable de mon appareil. Ça fonctionne extrêmement bien, je n’ai quasi jamais de problème d’exposition. Apparemment l’auteur emploie aussi cette méthode (il le dit plus tard dans le livre), mais pas autant.   J’ai tout de même deux points à nuancer : – Il répète deux fois dans le bouquin « dans la plupart des appareils photo, la mesure spot est liée au collimateur autofocus actif, ce qui s’avère très pratique ». C’est là qu’on voit qu’il bosse sur Nikon. Malheureusement, ce n’est valable que pour les reflex Nikon. Cette option n’existe malheureusement pas sur les reflex Canon (sauf la série 1D je crois, dont un boîtier a plus de valeur que mon rein droit), et ça change beaucoup de choses. La mesure spot sur mes reflex s’effectuant au centre de l’image (qui n’est quasi jamais mon sujet), je ne l’utilise jamais. Après tests, je me suis rendu compte que la mesure évaluative (équivalent de la « matricielle » pour les nikonistes) était ce qui donnait le meilleur résultat pour moi. Il paraîtrait que chez Canon, l’évaluative donne quand même plus d’importance à la zone autour du collimateur actif, ce qui expliquerait son efficacité… En tout cas, ça fonctionne parfaitement pour moi. Mais si vous êtes chez Nikon, faites comme il dit hein ! 🙂   – Il dit utiliser presque exclusivement l’AF continu (AI Servo chez Canon). Honnêtement, ça fonctionne si le visage du sujet se trouve précisément à l’endroit du collimateur, ce qui n’est pas toujours le cas, en particulier si votre reflex n’a pas beaucoup de collimateurs différents. Donc dans ce cas, il faut utiliser un AF ponctuel (One Shot) et faire une mise au point/recadrage rapidement.

Explications sur les différentes situations possibles

Ensuite, l’auteur s’attarde pendant 5 chapitres sur les situations diverses que vous pourrez rencontrer :
  • Bars, clubs et petites salles
  • Festivals et concerts en plein air
  • Scènes musicales au théâtre
  • Stades, arènes et grandes salles de concert
  • En coulisses et en marge du spectacle
Festival (Indochine au Main Square Festival 2013) photo de concert
En festival, l’échelle est tout de suite différente… (Indochine au Main Square Festival 2013)
Je ne sais pas si j’aurais placé les stades dans la même catégorie que les grandes salles de concert, mais quoi qu’il en soit il est judicieux de faire 5 chapitres différents, car ce sont des situations qui ont chacune leurs particularités, et exigent de changer ses habitudes de prise de vue. J’ai photographié mon premier festival ce mois-ci, et je peux vous dire que c’est effectivement très différent ! 😉 (j’ai appris sur le tas :P)   C’est à mon sens la meilleure partie du bouquin : si vous commencez la photo de concert, ça va énormément vous aider, car ce sont des choses que j’ai du apprendre « à la dure », en revenant sur mes difficultés et mes photos ratées, en en cherchant les causes, et en apprenant. J’aime bien avancer de cette façon, mais ce bouquin vous évitera sans doute quelques ratés ! Bref, les conseils sont très pertinents, l’auteur va même jusqu’à conseiller les housses anti-pluie que j’ai fini par choisir moi-même (après une bonne heure de recherche sur des forums en anglais…), à savoir les Optech (et que je n’ai pas encore eu l’occasion d’essayer, heureusement :D).   Il vous recommande également des bouchons d’oreille, et je peux vous dire que c’est obligatoire. En ce qui me concerne, j’ai pris peur quand j’ai eu 2 jours d’acouphène après un concert de Jack White à l’Olympia (et encore, quand on est photographe on est juste devant la scène, donc on prend encore plus dans les oreilles !). Depuis, j’ai investi dans les meilleurs bouchons d’oreille qu’on puisse trouver : les Pianissimo ER-25. Ils sont faits sur mesure à votre oreille, et vous diminuez le volume de 25dB (c’est énorme, mais vous pouvez aussi choisir les ER-15 pour diminuer de 15dB), tout en gardant une qualité de son absolument parfaite. Ça coûte assez cher (environ 170€), mais si vous êtes passionné c’est un investissement qui vaut vraiment le coup : votre ouïe n’a pas de prix. Si vous en voulez, allez chez l’audioprothésiste du coin (ceux qui vendent les appareils auditifs pour malentendants). J’en ai 2 à moins de 200m de chez moi, vous devriez en trouver 😉 Sinon, il existe des options beaucoup moins chères, notamment des bouchons à une trentaine d’euros qui ne sont vraiment pas mal.   L’auteur parle également des accréditations de festival dans la partie dédiée, et vous dit de remplir un ordre de mission sur le site du festival. C’est peut-être comme ça aux États-Unis, mais en France en général, c’est le média pour lequel vous bossez qui va s’assurer que votre nom soit sur la liste des photographes quand vous arrivez. Normalement, vous n’avez pas grand-chose d’autre à faire (si c’est un média qui s’occupe de l’accréditation pour vous hein).

Les règles de savoir-vivre

Didier Wampas @Festival Mix'Cité, 29/05/2013 #8 photo de concert

Didier Wampas, lui, on ne le force pas à crowdsurfer 😉 Didier Wampas @Festival Mix’Cité, 29/05/2013 #8

La photo de début de chapitre m’a fait éclater de rire : une « photographe » utilisant un iPad dans la fosse ! On se demande comment certains ont leurs accréditations… Les photos seront dégueu, et ça gêne terriblement les photographes derrière. Ce genre de manque total de respect finissant par arriver, ce chapitre semblait effectivement utile. Si vous n’avez jamais mis les pieds dans une fosse bondée de photographes, ça devrait vous donner une bonne idée de comment vous y comporter. Même si la réalité est moins rose, et honnêtement quand vous êtes 30 à vous presser dans quelques m², on ne peut pas dire que tout le monde soit parfaitement courtois (mais heureusement, je n’ai rien à déplorer personnellement). Astuce perso : si quelqu’un photographie un jour à l’iPad dans la fosse à côté de vous, je vous autorise à manquer totalement de courtoisie en l’assommant avec votre 70-200 et en lui faisant faire du crowdsurfing forcé 😀 (Je nie toute responsabilité en cas de problèmes avec la sécurité et la police ! :P)

Conseils de composition et de cadrage

Scrappy Tapes @Le Grand Mix, Tourcoing, 02/05/2013 #5 photo de concert chanteur contre jour noir et blanc

Se placer en contre-jour peut donner des effets intéressants (Scrappy Tapes @Le Grand Mix, Tourcoing, 02/05/2013 #5)

Excellent chapitre également, bien centré sur la photo de concert et qui passe en revue les différentes photos qu’on peut faire classiquement, la réaction face aux contraintes classiques (le pied de micro en plein milieu, les retours présents sur l’image, etc.), et enfin les techniques que vous pouvez employer pour avoir des images plus créatives.   J’en profite pour revenir sur un point précis évoqué plusieurs fois dans le bouquin : l’usage des flashs. L’auteur le dit mais peut-être pas encore assez : dans l’extrême majorité des cas (genre 99,99%), vous n’aurez pas le droit au flash, donc n’y pensez même pas, et n’achetez surtout pas du matériel cher pour ça. En plus, ça n’a que peu d’intérêt à mon sens, et gêne les artistes et le public. J’ai encore le douloureux souvenir d’un concert de Peter Doherty au Gibus à Paris, où apparemment il n’y avait aucune règle : les photographes présents ont shooté tout le concert (tant mieux pour eux !), mais n’hésitaient pas à utiliser le flash. J’ai été littéralement aveuglé plusieurs fois par le flash de la photographe à côté de moi (qui avait quand même l’intelligence de ne pas le diriger directement vers Doherty), et en plus les photos sont franchement mauvaises (et pourtant sur un webzine connu…). Par contre, la technique des flashs déportés placés sur les côtés de la scène peut être intéressante, mais elle nécessite un gros investissement, et à part dans des bars avec des groupes de copains, vous aurez du mal à utiliser ça.

Le post-traitement : tri et retouche des images

Il fallait bien faire une partie là-dessus, mais en même temps on ne peut pas non plus aller trop dans le détail, ça prend des bouquins entiers. Les conseils sont basiques mais intelligents, et de toute manière le post-traitement relève plus de l’interprétation que de règles à appliquer.

Accréditations et marketing

Il fallait absolument une partie là-dessus pour la photo de concert. Je l’aurais sans doute mise au début personnellement, tant elle est fondamentale : ne cherchez même pas à prendre des photos de concert si vous n’êtes pas accrédité, excepté dans les bars et les toutes petites salles (100-300 places). Premièrement vous ne rentrerez pas avec un reflex dans la plupart des salles de concert, et deuxièmement il est impossible de travailler correctement depuis le public.   Et j’en profite pour demander à tout le monde de ne PAS prendre de photos ou vidéos pourries avec votre mobile : ça ne sert à rien du tout, ça gêne les spectateurs derrière vous, et vous ne profitez pas du spectacle en vrai, pour lequel vous venez de payer un billet. Donc faites-vous plaisir et profitez du spectacle ! Si vous voulez des photos du concert, recherchez les 2 jours plus tard, les photographes dans la fosse les auront publiées sur leur site en général.   Bref, cet aparté fait, le chapitre revient sur les moyens d’obtenir une accréditation, et sur votre promotion (« marketing » étant un gros mot en français il paraît 😉 ). C’est en effet essentiel de pouvoir présenter vos images pour que la personne qui décide de vous laisser l’accès puisse juger de votre travail. Je rajouterai une astuce : après un concert, partagez systématiquement vos images sur la page Facebook du groupe, de la salle ou du festival. De plus en plus souvent, c’est directement le groupe qui gère sa page, et vous aurez parfois une réponse directe, voire un groupe qui partage vos images. Ca fait toujours plaisir d’avoir un commentaire des artistes, et ça m’est arrivé plusieurs fois 🙂

Conclusion

Très sincèrement, c’est un livre que j’aurais aimé écrire. Je peux difficilement imaginer un ouvrage plus complet sur la photo de concert, et avec les quelques précisions que je viens d’apporter, vous serez blindé pour vous lancer. Si le domaine vous intéresse vraiment, achetez ce bouquin, c’est un excellent investissement. Ne vous leurrez pas quand même hein : le concert c’est difficile, et vous n’allez pas devenir excellent du jour au lendemain, seule l’expérience vous aidera. Mais ça permet vraiment d’avoir toutes les bonnes infos regroupées au même endroit, et de vous éviter certaines désillusions.

Voir le livre sur Amazon   J’espère que ce livre vous aidera. Et vous, ça vous intéresse, vous en avez déjà fait ? Montrez-moi vos images ! 🙂

 

 

Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
Télécharger l'article en PDF