Récemment, je me suis rendu compte que certains débutants, sans doute à la suite de lectures incomplètes, avaient une peur panique et un peu irrationnelle. Celle du Grand Méchant Bruit Numérique.
Celui-ci ferait à peu près le même effet à vos photos que le Grand Méchant Loup à Mère Grand : il les mangerait toutes crues avec ses grandes dents. Et pour éviter ça, il faudrait éviter que sa mère, la Grande Méchante Haute Sensibilité ISO, ne le conçoive.
Vous l’aurez deviné, c’est un peu plus compliqué que ça.
La sensibilité ISO, c’est un des paramètres de l’exposition sur votre appareil. Comme les 2 autres, il a un effet secondaire, et en l’occurrence, c’est celui de créer du bruit sur vos images, c’est-à-dire une espèce de grain. Plus la sensibilité ISO augmente, plus ce grain augmente. Ça, c’est vrai.
Et d’une manière générale, il vaut mieux photographier à basse sensibilité ISO, enfin en tout cas autant que possible (on verra que c’est important).
Seulement, faut-il vraiment en avoir peur ?
Une formidable soupape de sécurité
J’ai coutume de dire que la sensibilité ISO est une soupape de sécurité, ou un dernier recours si vous préférez. On essaye de la garder la plus basse possible, et on joue d’abord sur les autres paramètres. Si on manque de lumière, on l’augmente. Et si on manque beaucoup de lumière, on l’augmente beaucoup.
Ainsi, si à 100 ISO et f/2.8, votre appareil vous propose une vitesse d’obturation ridicule de 1/10s, qui provoquera forcément un flou de bougé, il faut augmenter la sensibilité pour l’éviter. Idem, si vous souhaitez une vitesse plus rapide pour figer un mouvement, ou une ouverture plus faible pour augmenter la profondeur de champ.
Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas hésiter une seconde à augmenter la sensibilité pour obtenir le résultat que vous souhaitez. A quoi bon avoir une belle image sans grain si elle est floue, ou si elle n’est pas telle que vous la souhaitiez ?
Une meilleure qualité d’image ?
On entend souvent ça : une faible sensibilité donne une meilleure qualité d’image. C’est à la fois vrai et faux, et ça dépend ce qu’on entend par qualité d’image.
Une faible sensibilité ISO donnera toujours une image plus propre et nette qu’une forte sensibilité ISO, à réglages équivalents. Attention, je parle d’une vraie différence hein, de 100 à 200 ISO c’est invisible la plupart du temps. D’autant plus que de nos jours, les appareils photo supportent extrêmement bien la montée dans les sensibilités. La plupart s’en sortent bien jusque 1600 ISO au moins.
C’est pour ça que je ne veux plus voir personne dire « j’ai peur de monter au-delà de 800 ISO et d’avoir une image de mauvaise qualité ».
En effet, la qualité d’image n’est pas que la clarté du rendu que peut apporter une image prise à basse sensibilité. Ce sont bien d’autres choses. Par exemple, pour obtenir un meilleur résultat, il vaut souvent mieux utiliser une vitesse un peu plus rapide (et donc une sensibilité ISO un peu plus forte pour compenser), que choisir une vitesse un peu trop juste pour éviter le flou de bougé ou figer le sujet : un sujet bien net donne souvent un meilleur résultat (sauf si l’intention est inverse, mais ce n’est pas le problème du jour).
Et oui, parfois on arrive à avoir des images exploitables avec des vitesses limites, mais elles auraient eu bien meilleure allure avec une vitesse supérieure.
Bref, la sensibilité ISO prend sa dîme en créant du bruit, mais elle vous offre d’autres avantages en échange, notamment en vous permettant de travailler à plus haute vitesse.
Il est donc parfois préférable de la monter !
Quelques conseils pour dépasser votre peur
Connaissez la sensibilité limite de votre appareil
De nos jours, les constructeurs ont un peu arrêté la course aux mégapixels, et se livrent plutôt la course à la sensibilité maximale. Et très franchement, tant mieux, ça nous est nettement plus utile.
Seulement voilà, quand un appareil affiche une sensibilité maximale à 25 600 ISO, on est tenté de croire au miracle. La réalité est souvent un peu moins rose. En effet, la plus grande sensibilité disponible sur votre appareil est rarement exploitable : le bruit créé est vraiment trop important. De plus, à haute sensibilité, il y a d’autres effets secondaires qui apparaissent, notamment une diminution de la dynamique (il est plus difficile pour l’appareil de gérer les lumières contrastées) et des dérives de couleurs.
Il va donc vous falloir déterminer quelle est la sensibilité maximale acceptable pour vous. C’est assez subjectif, mais je vous déconseille de regarder les images à 100 % : c’est l’équivalent de coller son nez sur une affiche en 4 par 3, et ça n’a pas vraiment de sens. A 50 %, voire simplement en plein écran si vous vous limitez à un usage web, ça suffit.
Je vous conseille simplement de prendre une photo d’une même scène à différentes sensibilités ISO, en commençant par 800 ou 1600 ISO, et d’aller jusqu’au bout des capacités de votre appareil. En regardant sur votre ordinateur (surtout pas sur l’écran arrière de votre appareil photo), vous verrez ce qui est le plus acceptable pour vous. Gardez quand même en tête que le post-traitement est là pour vous aider (j’y reviens).
L’idée est de connaître quelle est la limite haute que vous acceptez pour votre appareil, de façon à ne plus avoir peur une fois en situation : vous saurez jusqu’où vous pouvez monter sans jeter vos images.
À titre indicatif, j’ai remarqué que le plus souvent, j’accepte la sensibilité ISO max de l’appareil divisée par 4. C’est-à-dire que sur mon 5D MkIII, qui va jusque 25600 ISO, je m’arrête personnellement à 6400 ISO. Ce n’est pas forcément une règle générale, c’est juste pour vous donner une petite idée de ce que vous pouvez espérer.
Faites attention à votre exposition
Le problème d’utiliser une forte sensibilité, c’est que vous aurez moins de latitude concernant l’exposition au post-traitement. Quand vous poussez le curseur d’exposition sur votre ordinateur, c’est l’équivalent de pousser la sensibilité ISO : ça crée du bruit numérique.
Donc si vous avez une photo à la fois sous-exposée et prise au maximum des capacités de votre appareil, vous aurez sans doute du mal à en faire quelque chose.
Utilisez le post-traitement
Quand votre appareil photo sort un fichier JPEG, il applique de lui-même une réduction du bruit. Or, ce n’est pas toujours la plus judicieuse.
L’avantage de faire le post-traitement de ses images en RAW, c’est que c’est vous qui allez choisir exactement comment appliquer cette réduction. C’est donc normal si quand vous ouvrez un RAW, il paraît y avoir plus de bruit que dans le JPEG ! C’est parce qu’il faut appliquer cette correction vous-même.
Aujourd’hui, les bons logiciels de post-traitement ont d’excellentes capacités à réduire le bruit sur vos images finales, et ça s’améliore avec le temps ! Il n’y a donc aucune raison de ne pas profiter de ça pour améliorer le rendu de vos photos prises à haute sensibilité. Si vous utilisez régulièrement le RAW, comme je le conseille, vous devriez d’ailleurs déterminer la sensibilité maximale acceptable pour vous (comme je le dis précédemment), en tenant compte de la réduction que vous pouvez apporter au post-traitement.
C’est-à-dire : quel est le maximum acceptable pour vous après corrections ?
Si vous avez du mal avec ces outils, je vous conseille de visionner ma vidéo sous Lightroom où je développe une photo prise en basse lumière, pour bien voir les outils que j’utilise (je parle également de la différence bruit coloré/bruit noir et blanc).
Que faire si la sensibilité maximale ne suffit pas ?
Dans certaines situations, même en utilisant la sensibilité maximale acceptable pour vous, ça ne sera pas suffisant : la photo sera floue ou sous-exposée. Alors que faire ?
Et bien d’abord, il va falloir accepter que parfois, on ne peut pas prendre une photo. Photographier c’est « écrire avec la lumière », et s’il n’y en a pas, on ne peut rien faire.
Le seul levier sur lequel vous pouvez jouer « à l’infini », c’est la vitesse d’obturation : procurez-vous un trépied, faites une pose longue, et le tour est joué. Sauf que ça ne fonctionne pas si vous souhaitez figer un sujet rapide. Vous pouvez également rajouter de la lumière avec un flash.
Au-delà de ça, les solutions les plus simples sont encore de se tourner vers un boîtier qui supporte mieux la montée en ISO, et/ou un objectif plus lumineux (avec une plus grande ouverture maximale). Mais vous ne ferez que repousser la limite (ce qui est déjà pas mal).
C’est pour ça qu’il faut parfois savoir s’avouer vaincu quand le matériel nous limite : vous ne pouvez pas toujours faire quelque chose.
Voilà, j’espère que cet article vous aidera à ne plus paniquer à la vue d’une sensibilité ISO à 4 chiffres, et que ça vous évitera de rater des photos alors que vous auriez pu avoir un résultat satisfaisant en tirant un peu sur la soupape de sécurité ! 😉
Bonjour et merci bcp.
Je viens de réaliser qqch mais j’en demande confirmation (bien qu’une phrase de votre exposé le sous-entend):
Je me demandais pourquoi en montant dans les iso, (suis sur un CanonR6 avec bague pour objectifs ef) ça ne donnait pas du bruit comme il me semblait, mais ça faisait comme une “peinture” (si j’ose dire).
J’ai vu un exposé disant qu’il y’avait effectivement un “bug” à ce niveau du fait de la puissance du boitier face à l’utilisation d’anciens objectifs (ef 70-300 f/4-5.6 L IS USM)…
Mais ma question est pa suivante:
Je remarque que je viems de shooter pendant un mois en jpeg. Normalement je suis tjrs en Raw. (J’ai pas compris, erreur de manip). Mais c’est cette semaine que j’ai vu ça, car une insatisfaction de mes photos se faisait sentir.
Donc est-ce bien l’effet (peinture) qui se dessine lorsque l’on monte les iso, si on shoot en jpeg ?
Ou serait-ce encore dû à autre chose ?
Ça le fait dès 1200 iso
Espérant avoir bien exprimé ma situation et ma question…
Bonjour Yann,
Avec une image ce serait sûrement plus clair 😉
Comment peut-on imaginer, sauf à avoir un gros déficit en capacité d’analyse, qu’un capteur quel qu’il soit, puisse donner un effet “peinture” uniquement à cause de l’objectif, pourquoi ça ne donnerait pas aussi du grain( comme un prétentieux stupide m’a dit un jour: mon vieux Nikkor, il donne du grain))?
Oui, c’est le traitement du jpeg qui donne ce résultat. Ce traitement est le résultat du choix qu’a fait le développeur du firmware de l’APN, pour pouvoir ( à la demande du marketing) affirmer que ce magnifique appareil donne les meilleurs résultats en “haut iso”. Donc, ça lisse le bruit, comme ta peinture!
Sur mon D810, à partir de 12 800 ISO c’est vraiment limite.
Je mets le seuil à 10 000 ISO. Quant aux prises de vues en plein soleil, je descends parfois à 32 ISO (mode étendu 32 – 51 200 ISO). Souvent entre 72 et 160 ISO en journée en extérieur et en intérieur entre 3200 et 8000, tout dépend des lieux évidemment.
Bonjour et merci pour votre site! Génial !
Bon moi j ai un petit souci ! J’utilise un dshx60…super appareil pour s amuser en toutes circonstances…mais j aime la difficulté je passe de longues minutes à shooter la lune ! J adore….mais à forte sensibilité ça fait mal aux oreilles et plus je compense avec la vitesse lente, même avec un trépied, ça floute !!!bref j ai compris que mon capteur était trop petit pour ce genre de photos ! Ha aussi j adore la macro… alors voilà je sais que ce genre de question est embarrassante mais pouvez-vous me conseiller un réflex qui pourrait me correspondre ? Évidemment comme rien n’est simple mon budget est petit !
Peut être pouvez vous m aiguiller…. je suis un peu perdue ! Merci de votre retour.
Barbara
Bonjour Barbara,
Il y a cet article qui t’aidera à faire ton choix en conscience 🙂
Bonjour Barbara,
Pour la Lune et les étoiles, il y a un autre paramètre à prendre en compte : les astres se déplacent dans le ciel (enfin la Terre tourne sur elle-même donnant l’impression que les astres se déplacent). Plus la pause photo est longue, plus on a de “traînée”, c’est normal. En grand angle (17 mm pour moi) (genre je prends tout le ciel en photo), on arrive à faire des photos de 20/30 secondes sans que ce flou de mouvement des astres soit visible, au delà ça “file”. À fort grossissement ou grande focale, le mouvement est amplifié, et donc le flou avec. Pour avoir une photo nette il faut diminuer le temps de pause. Les personnes qui font de l’astrophoto s’équipent d’une monture motorisée pour compenser la rotation de la terre et faire des pauses longues. Donc dans ce cas précis, ce n’est pas qu’un problème de sensibilité d’appareil photo 🙂
Article très complet, merci.
Question…en photo sur trépied un photographe pro ma dit de ne pas aller en dessous de 100 iso , genre 80 ,64 Ou 50 même.
Je ne comprends pas pourquoi, selon lui c’est une erreur
Qu’en est il ? Ne vais je pas au contraire diminuer le bruit à son maximum ?
Merci bcp 🙂
Bonjour Romain,
Le mieux c’est surtout de ne pas aller en dessous de la sensibilité native du capteur (ou trop au dessus).
En général, l’appareil photo te le signale.
Sur mon Olympus, il m’indique “extension” quand il est en dessous de 200 iso ou au dessus de 6400, c’est-à-dire que ce sont des sensibilités artificielles qu’en gros on obtiendrait avec LR (donc aucun intérêt de les utiliser).
Sur mon Nikon, il me met L.{nombre} en dessous de 100iso et H.{nombre} au dessus de 6400 iso.
Bonjour Romain,
les sensibilités étendues basses sont supposées donner moins de dynamique, bien qu’en réalité ce ne soit pas vraiment le cas, comme dit Antonine on a simplement une image faite à 100ISO de base mais sous-exposer à la prise de vue puis sur-exposer logiciellement sur le fichier brut, donc théoriquement la qualité est quasiment identique même si cette astuce donne parfois l’impression que la sur-exposition ajoute du bruit et réduit la récupération des basses lumières au profit des hautes. En revanche, pour un boitier comme le D810 qui a la possibilité d’être réglé à 64ISO nativement, il y a une différence avantageuse à utiliser ces sensibilités.
Merci pour l’article, exactement ce que je cherchais !
Bonjour,
La tolérance et le résultat obtenu avec un plein format tel que le 5d ne sera jamais équivalent au Apsc des autres appareils. Ex : avec un 7D je ne monte pas au dessus de 800 iso. Et c’est à la limite du dérangeant.
Je pense que la grande différence entre les deux types d’appareil photo c’est lorsqu’il commence à faire vraiment sombre et en pleine nuit. Les marges de manœuvre avec 5D sont incomparable qu’avec le 7D et autres gamme en dessous.
(Ce n’est que mon avis) 🙂
Article cool, mais il faut bien remettre les choses à plat.
Sur le web, on ne regarde pas des images à 100%, et on se contente souvent de “petites” résolutions.
Mais sur des portraits serrés ou de la macro, c’est autre chose.
On va avoir tendance à “zoomer”, et afficher en 1:1 une image à très haute résolution, pour capter et apprécier les moindres détails de l’image. Et là, la sensibilité ISO fait très mal aux yeux.
Moi par exemple, je cumule les problèmes. Je fais de la macro (de la vraie : en 1:1). Donc en macro 1:1, non seulement on regarde ses images à 100%, mais en plus, on manque cruellement de lumière en plan rapprochés.
Sur une fleur sans vent, pas de problème : on fait une longue pose à 100ISO. Sur un insecte de passage …. On est obligé de pousser très haut, car en plus on ferme le diaph pour augmenter la PDC.
on cumule les problèmes : il faut une vitesse assez élevée (vent qui fait balancer une fleur), on manque beaucoup de lumière en plan très rapproché, et la PDC est ridicule : il faut fermer vers f/11 à f/16 souvent…
Il ne reste plus que l’ISO pour exposer correctement :-p
Je prends souvent de la macro à 1600ISO voire plus, et c’est très très crade. Je suis sur un boitier APS-C entrée de gamme, et raisonnablement, au dessus de 400ISO ce n’est pas exploitable.
On corrige dans LR certes, mais ça floute. Or, en macro : on cherche le micro détail, le moindre flou introduit par la correction du bruit ISO gâche tout le cliché.
Je compte passer au FF bientot, ça sera déja mieux, mais je cherche le boitier qui a le meilleur rendu ISO possible :-p
Bonjour Laurent,
Je possède également un 5D mark III. Avec quel objectif as tu pris la photo en noir et blanc ? Je la trouve très lumineuse et très propre. J ai un 24/70 mm F/4 serie L. Je ne réussis pas à faire d aussi belles images . Merci de ta réponse.
Bien a toi !