Comme beaucoup, je suis arrivé à la photo par le voyage. C’est un moyen qui permet de capturer, de ramener des fragments de voyage avec soi. La photo permet de figer dans le temps des moments, des rencontres.
Cela dit, il y a une éthique de la photo en voyage. Un comportement, des limites à respecter. Qui n’a pas vu parfois des voyageurs les dépasser, prendre des photos volées sans la permission des concernés, se comporter comme s’ils étaient dans un safari ? Tout au long de mes voyages, j’en ai vu des vertes et des pas mûres, mon sentiment hésitant entre la honte et la colère.Une question de respect
La base c’est de demander la permission. Mais pas forcément explicitement. Il m’arrive souvent par exemple de faire mine de prendre une scène en photo, en levant mon appareil et en lançant un regard interrogateur avec un sourire. Vous saurez d’après le regard si vous pouvez continuer. Question de feeling et d’intuition. Parfois, cela passe, Parfois non. Il n’y a pas forcément besoin de mot. Vous essuyez un refus ? Ce n’est pas grave, cela fait partie du jeu. Et puis entre nous, vous obtiendrez très souvent un accord. Le problème pour celui qui demande c’est que parfois, la personne va prendre une pause pas très naturelle. J’aime beaucoup les scènes de rues à la Willy Ronis par exemple. Les images prises sur le vif. Or, c’est difficilement possible si vous demandez la permission. Je fais sans doute moins de ce type de photo en voyage. Il m’arrive tout de même d’en faire, selon les circonstances. Si les personnes en ont conscience, je m’approche alors d’eux pour leur parler avec le sourire. Et bien sûr je leur montre la photo. Il est rare que la personne soit contre, au pire je l’efface, ce qui ne m’est quasiment jamais arrivé. Tout est vraiment une question encore une fois de feeling, de circonstances et d’environnement. En tout cas, profitez des avantages que confère le numérique pour montrer le résultat ! C’est toujours le moment d’un échange sympa ! Il peut arriver que l’on vous demande d’envoyer un tirage papier après un portait. Si vous acceptez, n’oubliez surtout pas au retour de le faire !Des différences culturelles
Il existe des différences selon les peuples vis-à-vis de la photo. En Inde et en Asie généralement, les populations n’ont guère de problème vis-à-vis de la photo. Parfois, elles sont même demandeuses ! Et d’ailleurs, vous serez surpris dans certains coins d’Asie d’être la cible des photographes locaux. Une bonne expérience inversée 🙂 A l’opposé, en Afrique Noire, il est parfois difficile de faire de la photo, et notamment des portraits. Je me rappelle au Mali avoir terminé au poste de police car un Malien pensait que je l’avais pris en photo. Or, il était simplement en arrière plan au loin… Une attitude extrême davantage motivée par l’espoir de tirer de l’argent du touriste de passage… En Amérique du Sud où je suis à présent, l’attitude semble se situer entre les deux précédentes.Discrétion
C’est un élément important de la bonne conduite du photographe voyageur. De plus, c’est aussi un élément de sa sécurité. Vous réduirez ainsi vos chances d’être volé. Surtout, le contact avec la population locale sera plus agréable et naturel. Evitez les gros sacs photos que l’on repère deux kilomètres à la longue. Et pitié, évitez d’arpenter les rues avec votre gros reflex autour du cou ! Une exception cependant pour les sites très touristiques comme les monuments. Personnellement, j’essaye le plus possible de me promener l’appareil dans le sac à dos. Vous pouvez ainsi nouer plus facilement le contact avec les gens qui vous entourent. Engagez la conversation, souriez, et si vous pensez que vous pouvez faire une bonne image, là vous pouvez sortir votre appareil et demandez au modèle sa permission. De plus, dans ce cas, la photo ne peut être que meilleure ! Bien sûr, cette démarche demande du temps et du contact. Mais c’est là que vous ferez les meilleures photos. Avec en prime le souvenir de belles rencontres. Ce qui donnera encore davantage de valeur ajoutée et d’émotions à votre photo.La question du misérabilisme
Prendre des photos de favelas, de mendiants ou s’abstenir ? Une question sujette à débat. Je pense que ce qui est le plus important, c’est la démarche et l’état d’esprit. S’il s’agit de prendre de telles photos brutes, sans contexte, sans légende, sans réflexions, sans mise en perspective, cela peut en effet être plus que discutable. Dans le cas contraire, pourquoi pas. De plus, pourquoi ne vouloir montrer qu’un côté de la réalité d’un pays ? Pour moi, ce n’est pas la peine d’être journaliste pour cela. Le plus important, c’est d’avoir cet esprit là.Ne jamais payer pour une photo
Il y a parfois deux écoles sur ce sujet. Pour ma part, je n’ai jamais payé pour une photo. Même si parfois, j’ai été tenté devant la possibilité de réaliser un beau portrait. Mais voilà, la démarche n’est pas bonne. Tout d’abord, ce n’est pas l’esprit de tout photographe humaniste. Une photo ne se monnaye pas. Ensuite, si cela arrive, le modèle prend souvent une pause non naturelle. Surtout, vous encouragez cette démarche. D’autres en pâtiront après vous. Et puis, cela peut avoir un impact sur la vie locale : des enfants peuvent ainsi préférer servir de modèle que d’aller à l’école… Non, ne payez jamais pour une photo. Résistez !Une histoire indienne
Je terminerais sur une petite histoire. Nous sommes dans la ville d’Udaipur, dans le Rajasthan en Inde. Je suis assis sur les marches d’un temple hindou et j’observe cette vie indienne qui est un spectacle permanent. Je remarque deux photographes occidentaux. La cinquantaine, leur approche est quelque peu différente. L’un est armé de deux reflexs avec gros objectifs qui pendent à son cou. Sa femme trotte derrière avec le reste du matériel. Il prend une foule de photos en utilisant seulement le gros objectif. Ses cibles sont des femmes indiennes, des passants. Il fait tout de loin sans engager le contact, avant ou après. Aucun sourire, aucune parole. L’approche du deuxième est différente. Il est plus discret avec son reflex à la main. Surtout, il demande la permission avant de prendre un portrait. Il sourit, montre le résultat, plaisante un moment avec ses modèles. Il cherche le contact. Je me sens bien plus proche de lui. En rentrant, je suis tombé sur son nom sur PhotoShelter : un grand nom de la photo de voyage : Art Wolfe. Vous aurez compris qui avait la bonne approche… Et n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂
J’ai toujours eu du mal à prendre des photos de personnes. Surtout à l’époque où je vivais à l’étranger (Asie du Sud-Est) où je trouvais ça gênant de prendre en photo des personnes que je côtoyais tous les jours dans la rue.
Par ailleurs je crois que mon meilleur souvenir de road trip photo dans la région fut quand une jeune Birmane m’a pris en photo à Rangoun alors qu’il pleuvait comme jamais et qu’il n’y avait pas un seul touriste occidental à un km à la ronde. Un formidable souvenir