Quand on découvre la photo, et toutes les possibilités qui s’offrent à nous, y compris en matière de post-traitement, on peut être tenté de tout essayer, et c’est bien normal. Seulement parfois, ça va trop loin, et les limites du bon goût sont dépassées. Je ne juge pas, mais remettre les choses au point avec un peu d’humour peut être salvateur pour sauver nos rétines ! 😀
Avant de commencer, je tiens à vous prévenir que je suis volontairement un peu cynique dans cet article, parce que ça fait du bien de rigoler un peu de temps en temps 😉 Ne le prenez pas mal si vous avez déjà fait des trucs de la liste dans votre vie hein (moi aussi), juste, ne le faites plus.
Note aux débutants qui liraient cet article parmi les premiers sur le blog (vous devriez plutôt lire le best-of) : ne vous fermez surtout pas à l’expérimentation par peur du mauvais goût. Vous irez forcément trop loin dans votre post-traitement au début, vous ferez des trucs un peu trop poussés, pas forcément subtil et du meilleur goût. C’est normal, ça fait partie de l’apprentissage 😉
Je passe sur le post-traitement trop poussé : d’une manière générale soyez subtils et ne poussez jamais trop un curseur. Une bonne manière de voir si vous en avez fait trop et de laisser votre développement en plan, et de regarder le lendemain ce que donne la photo : vous allez voir tout de suite si c’est too much. Quand on a la « tête dans le guidon », on ne voit plus forcément les choses de la même façon.
Concentrons-nous donc sur tout ce qui est un NON absolu !
Le HDR mal fait
Très représentatif de la tendance de ces dernières années, le HDR-dégueu est ce qui arrive quand on découvre le principe du HDR, quand on prend 9 clichés avec des expositions différentes, et qu’on passe tout dans Photomatix avec les réglages automatiques et un tone-mapping bien crade.
Qu’on se le dise, c’est toujours moche, et il n’y a aucune excuse pour faire ça ! 😀 Votre image est très bien avec de vraies ombres et des couleurs normales, qui ne brûlent pas les yeux. Le HDR (High Dynamic Range) doit être utilisé, comme son nom l’indique, pour exposer des scènes où il y a une très forte dynamique. La plupart du temps, si vous bossez en RAW, vous pourrez vous en sortir poussant un peu les curseurs dans Lightroom, sans même prendre plusieurs images. Si vous devez vraiment en prendre plusieurs, 3 voire 5 suffisent hein. Et pitié, lâchez ce tone-mapping verdâtre pas réaliste ! 🙂
Plus sérieusement, l’oeil voit beaucoup trop la supercherie si vous enlevez complètement les ombres d’une image. On sait où sont censées se trouver les ombres, et si elles ne sont pas là, le cerveau fait « c’est pas naturel, je vais vomir ! » (un peu comme ceux qui sont malades en voiture :P)
La désaturation partielle
Très ancré dans la fin des années 90, quand on découvrait Gimp 0.1 bêta ou un Photoshop piraté, et qu’on s’essayait à des effets avec les calques et les masques. C’est vraiment très kitsch, et franchement ce n’est pas sérieux.
D’autant plus que c’est souvent fait pour mettre en valeur un sujet qu’on a pas réussi à mettre en valeur par la composition de son image. Mention spéciale à la rose rouge sur arrière-plan en noir et blanc, avec le canapé derrière qu’on n’a pas pensé à éliminer de l’image.
Si vous avez besoin de ça pour mettre en valeur un sujet, c’est que la photo à la base n’est pas assez forte. Travaillez votre composition et pensez aux éléments qui attirent l’oeil pour mettre en valeur votre sujet 😉
La clarté négative exagérée pour lisser la peau
Dans Lightroom et d’autres logiciels existe un outil génial : la Clarté. Elle permet de renforcer le contraste local, et donc de donner une impression de netteté et de faire ressortir les textures. En baissant le curseur dans les valeurs négatives, on fait l’inverse, ce qui est très utile dans les retouches de la peau : on lisse un peu la peau, on lui donne un aspect plus doux.
Seulement voilà, comme tout outil de post-traitement, il faut l’utiliser avec parcimonie. Votre modèle n’a pas une peau de bébé, tout le monde le sait. Égaliser un peu tout ça pour que ce soit plus flatteur oui, la transformer en poupée de porcelaine… non.
Allez-y mollo, il faut que le résultat reste naturel 😉
Le vignettage (blanc)
Le vignettage, c’est un effet d’optique qui apparaît sur certains objectifs, et assombrit les coins. On a depuis longtemps développé des outils logiciels pour l’éliminer si on le souhaite. En général je ne l’élimine pas complètement car il a quand même un avantage non négligeable : il « ferme » l’image et concentre subtilement l’attention dessus.
Si on souhaite en garder, voire en rajouter, le tout est de le faire comme toujours de manière délicate. Si vous mettez des coins presque noirs, on a l’impression que vous voulez vraiment qu’on voie ce visage, alors que c’est la seule chose dans l’image, merci, on a compris que c’était le sujet 😉 Ou alors que vous photographiez avec un objectif soviétique en plastique 😀
Mais le pire, c’est sans doute le « vignettage blanc », c’est-à-dire quand on corrige tellement le vignettage que les coins de l’image en deviennent plus clairs. Si vous faites ça, j’envoie la police du bon goût chez vous ! 😀 Vraiment, n’infligez pas ça à vos photos. Ça ne va jamais les améliorer. Et ça fait très années 80, période bien connue pour son bon goût extrême, notamment en matière de look, ou encore de musique (synthé-qui-rend-fou sur toutes les chansons + solo de saxophone kitsch, yeah !).
Les incrustations mal faites / les montages kitsch
Bon, c’est moins courant parce que la plupart des gens comprennent que c’est une mauvaise idée, mais ça arrive parfois. Soyons clair, faire le portrait de votre cousine et ensuite la coller dans une bulle, avec un faux reflet étincelant et des nuages derrière, ce n’est pas beau. Tout ce qui inclut un bocal à poissons rouges, ou des dauphins, est également proscrit 😀
(Tout ceci est tiré d’exemples réels, mais n’insistez pas, je ne donnerai pas de noms :P)
Ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant 😉
Les cadres et les signatures
Ce sont deux choses différentes, mais souvent liées.
Rajouter un cadre autour de votre photo est au mieux inutile, au pire distrait de votre image. Elle doit être assez forte pour se passer d’un cadre blanc. Là encore, si vous avez besoin de ça pour attirer l’attention, votre composition manque sans doute de peps. En plus, c’est un peu connoté kitsch aussi.
Pour ce qui est des signatures, il y a déjà un peu plus de débats, et je sais que je ne vais pas me faire que des amis. Voilà pourquoi je pense que c’est inutile et que ça gâche votre photo :
- Si les personnes voient la photo sur votre galerie en ligne (la majorité de ceux qui verront votre photo), ils connaissent déjà votre nom, et la signature rajoute forcément un élément distrayant qui n’a rien à faire là sur la photo. Comme normalement vous vous êtes appliqué à la prise de vue et au post-traitement, pourquoi tout gâcher à la fin ? Laissez votre photo tranquille.
- La protection contre le vol de photos est illusoire. Si vous mettez la signature dans le coin, et n’importe qui peut faire un recadrage rapide d’un clic. Donc ça ne sert à rien.
- La seule manière de vraiment vous protéger contre le vol est de mettre une énorme signature au milieu de l’image. Sauf que ça vous protégera aussi contre les gens qui la regardent, puisqu’elle sera défigurée. Par contre, c’est sûr, on ne vous la volera pas 😀
Les filtres automatiques à la Lomo / Instagram / traitement croisé
Le traitement croisé (ou tout autre effet « vintage » visuellement proche) a été vu environ 152 millions de fois avec l’avènement d’Instagram, (et la mode des Lomos, gros vignettage en plus) en général pour camoufler une photo très approximative. Et si tout le monde l’a déjà fait, votre photo en devient instantanément commune, donc inintéressante (même si elle était bonne à la base !).
Alors vous pouvez utiliser un effet de type traitement croisé, mais avec parcimonie, en personnalisant l’effet : n’appliquez pas un truc tout fait. Ça peut arriver que ce soit intéressant, si vous souhaitez donner un effet vieilli à une photo qui s’y prête bien. Mais ne le faites pas systématiquement, et travaillez l’effet.
Et si vous voulez vraiment un effet vintage, photographiez en argentique 😉
Les portraits de faux-tographes
Bon, c’est quelque chose d’un peu plus large qu’un effet de mauvais goût, mais je n’ai pas pu résister 😀 Vous avez sans doute déjà vu l’une de ces innombrables pages Facebook de type « Jacky Gégène Photographe » (j’exagère à peine). En général, les images regroupent tout ce qu’on peut imaginer en termes de mauvais goût : jeunes filles n’ayant jamais posées et mal dirigées, dans des tenues un peu légères cheap (genre un corset turquoise acheté sur ebay Hong Kong), photographiées dans des lieux « urbex » (mention spéciale aux voies ferrées non désaffectées pour essayer de tuer son modèle, ou aux anciennes usines tagguées), avec des poses au mieux inappropriées, au pire vulgaires, une lumière mal gérée, et pour finir un post-traitement exagéré évidemment (clarté négative en tête).
Vous m’avouerez que même si ça ne concerne probablement aucun d’entre vous, il fallait que je les cite 😀
En demandant un coup de main à ceux qui suivent la page Facebook pour répertorier tous ces effets, Bruno a très bien résumé le point commun de tous ces effets : « la mise en avant du procédé plutôt que du sujet ». La photo doit être faite pour elle-même, et tout effet qu’on lui applique par la suite doit l’être pour la renforcer, pas juste pour montrer qu’on sait le faire. Idem, faire une photo juste pour faire un effet c’est bien pour essayer et s’approprier une technique, mais le plus souvent ça ne fait pas une bonne image 😉
Voilà, j’espère que cet article vous aura fait rire, et n’oubliez pas de le prendre avec légèreté. Vous avez le droit de prolonger le plaisir dans les commentaires en rajoutant vos propres idées d’effets de mauvais goût 🙂
Eh ben… certains ont mal pris l’article! Ils ont dû se sentir viser ^^, quoi qu’il en soit s’ils ne sont pas d’accord, tu ne leur mets pas de couteau sous la gorge pour qu’ils arrêtent…! L’art n’est que mode et contre mode après tout. Il suffit de regarder côté histoire de l’art… tout s’oppose toujours pour finir par fusionner. M’enfin à la base je voulais commenter pour autre chose mais j’ai été surprise par les derniers messages ^^!
Je me demandais… je lis et regarde pas mal de vidéo sur le post traitement en ce moment: je débute en photo. Mais j’avoue que j’ai du mal. Comment savoir si on va trop loin? Est ce une histoire de parti pris? Je crains un peu le mauvais gout… genre la saturation à fond, le contraste trop ou pas assez marqué…
Quand je montre une photo de temps en temps, on me dit tu devrais mettre plus de contraste… comment le voir de moi même? Avec l’expérience?
Je regarde une vidéo sur quelqu’un qui retouche sa photo et il dit “là on est pas mal!” Oui d’accord mais pourquoi pas plus ou moins? Qu’est ce qu’y lui fait dire que là il faut arrêter de pousser le curseur ou autre…?
Merci beaucoup pour cette vidéo!
Après une longue lecture de l’article et des commentaires qui ont forcément suivi, je ne peux que féliciter Laurent qui, je trouve, n’est pas assez allé assez loin car OUI IL Y A DES DIFFÉRENCES ENTRE LES AVIS SELON LES POSITIONS SOCIO-CULTURELLES DES INDIVIDUS.
Oui BRICET a totalement raison dans ce qu’il dit : nous sommes dans une époque où la médiocrité ambiante est adulée ou, du moins, prend la place sur le bon goût. Moi aussi je suis prof et j’exige tjrs plus, tjrs plus de réflexion, tjrs plus d’application et ne suis JAMAIS content de quelque résultat que ce soit pour la bonne et simple raison que quand on s’est élevé d’un cran, j’estime que l’on peut essayer d’accéder au cran supérieur. Y arriver est ensuite une autre histoire.
Mais aujourd’hui c’est l’invasion des imbéciles…comme disait Umberto Eco.
Que de conneries, à tout le moins de points de vues bien tranchés ! l’ART EST LIBRE. Si une technique photo existe, autant s’en servir, sans en abuser certes. Un effet photo peut tout à fait être pertinent. Du reste de grands photographes ont énoncé que si une règle peut être transgressée, alors ce n’est pas une règle.
Bonjour,
Je ne vois l’intérêt de cet article. Vous vous protégez derrière le soi-disant “article drôle” pour “normer” le gout, mais il n’y a rien de drôle là-dedans. Ni de quoi rire.
On est tous libres de travailler les photos comme bon nous semble. Et personne, ni vous ni moi, somme autorisés à dire que tel travail est ou pas de bon gout. Je vous rappelle que les tendances sont à une époque critiquées et à une autre adorées.
Je vous souhaite de faire preuve d’un peu d’humilité, et de vous passer un peu de pommade anti-inflammatoire sur les chevilles ^^
Et vous, je vous conseille d’aller regarder ça pour comprendre à quel point si, le mauvais goût existe 😉
https://www.youtube.com/watch?v=L40pOO0QOhA
S’auto-citer pour soutenir un point… Quelle modestie ^^
Mais pour aller dans votre sens, je vais dire : “vous avez raison, tous les goûts ne se VALENT pas”, et j’insiste bien sur le verbe valoir.
La valeur est une notion totalement subjective et discriminante qui détermine finalement ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est beau et ce qui est laid. Et sur quel critère ? Des arguments subjectives… Vous dites par exemple que la désaturation partielle, c’est pour rattraper une photo ratée, pour mettre en valeur quelque chose qu’on n’a pas réussi à mettre en valeur… Mmm Rodriguez ne serait pas très content. Contre-argument : on peut très bien prendre une photo avec l’INTENTION initiale d’appliquer une désaturation partielle… ce n’est plus une photo ratée si on a réussi ce qu’on souhaitait faire. Je joue sur les mots, je sais, mais c’est ça aussi l’argumentation 🙂
Bien évidemment – et pour aller plus loin – vous ne vous rendez même pas compte que cette discrimination esthétique se transpose aux discriminations sociales… Eh! oui, le valeureux esthète cultivé s’intéresse à l’art véritable et le vulgaire n’y comprend rien. “Malheureux, vous ne comprenez donc pas pourquoi Rhein II est un chef d’œuvre? C’est qu’il vous manque ce quelque chose qu’est la culture artistique”… “Mais, me diriez-vous, si tous les grands artistes s’accordent pour dire que ça c’est mal ou que ça c’est bien, c’est pour une raison?” …”Hein ? Quoi ? Exit l’argument d’autorité ! Quand tous les grands intellectuels s’accordent sur un point, on considère cela une règle, mais quand il n’y a que la moitié, on appelle cela une querelle… La querelle du Cid, la querelle des anciens et des modernes, la bataille d’Hernani… Néanmoins, cela reste une querelle constructive, intellectuelle et fondée, bien évidemment.”
Vous ne vous rendez même pas compte du nombre d’œuvres d’arts, d’œuvres littéraires, d’œuvres plus généralement ont disparu à cause de cette vision partielle et subjective de l’histoire. Et cela appauvrit plus notre culture qu’elle ne l’enrichit. A trop sélectionner ce qui est bien et ce qui est mal, on réduit considérablement notre vision du monde. Heureusement qu’aujourd’hui des chercheurs remettent au jour des artistes disparus.
Tous les goûts ne se valent pas… Mais aucun n’est objectif.
Pour finir, je souhaiterais citer un auteur et penseur que j’apprécie énormément, Jules Vallès, qui écrivit au sujet de Baudelaire : ” Poëte, il ne l’était point de par le ciel, et il avait dû se donner un mal affreux pour le devenir : Il eut une minute de gloire, un siècle d’agonie : aura-t-il dix ans d’immortalité? “.
Heureusement, il a eu tort !
Merci.
Excellent article en particulier pour moi qui ait cédé au virage partiel. Promis je ne le ferai plus !