La situation de départ
Nous sommes en octobre, une fin d’après-midi ensoleillée mais déjà froide, vers 17h : le soleil est déjà relativement bas. Je suis sorti dans l’unique but de faire quelques photos de rue, et donc évidemment muni de mon 50mm f/1.8 fétiche 😉 En passant et en regardant autour de moi, une jolie lumière bien particulière m’arrête. Le soleil déjà rasant éclaire l’eau de la fontaine de chaque côté de la pyramide, tout en en laissant une partie dans l’ombre. De plus, le pavé brille un peu grâce à cette lumière rasante. Voilà le point de départ de l’image : j’ai envie de faire quelque chose avec cette lumière, en travaillant en contre-jour. Je me positionne pour avoir le cadrage qui me paraît intuitivement le meilleur : premier cliché pour caler l’exposition et étudier ce cadrage. L’appareil est réglé sur ISO 100 (vu la lumière bien présente), et en priorité ouverture sur f/3.2 : à la distance de la fontaine (environ 10m à vue de nez), cette ouverture me permet d’avoir une assez bonne profondeur de champ (je veux toute la fontaine nette), et le devant du pavé un peu flou (mais pas trop pour pouvoir bien distinguer les reflets). Accessoirement, c’est également à peu près l’ouverture optimale de mon objectif. Je laisse donc l’appareil décider de la vitesse d’obturation qui n’est pas importante pour l’instant. Légèrement surexposée par rapport à mon intention, je choisirai pour le reste de la prise de vue une légère sous-exposition grâce à la correction d’exposition de l’appareil. Vu le contraste tout naturel de cette situation photographique, je pense d’emblée à un noir et blanc fortement contrasté, et je mets donc l’appareil en mode monochrome histoire d’avoir une meilleure idée de ce que je vais obtenir. Mais comme je suis en RAW, je peux vous montrer la vue couleur ici, puisqu’elles sont préservées.Positionnement et composition finale
Cette réflexion faite (qui a duré quelques secondes à peine), il s’agit maintenant de peaufiner la composition de l’image. On remarque sur la photo ci-dessus un 1er élément gênant : la marche en bas à gauche. Elle gêne le regard et n’a rien à faire dans l’image, il faut donc se positionner de façon à la sortir du cadre. Leçon à retenir : vous êtes responsable de tout ce qui est dans le cadre, surveillez donc bien les bords de celui-ci. Je me déplace donc légèrement à droite afin de l’éliminer du cadre. Ensuite, j’aimerais un point de vue plus “frontal”, afin qu’on ne voie pas le dessus du bord de la fontaine. C’est un choix personnel, mais qui je pense renforce l’image. Je veux également donner un peu plus de place au pavé, qui fait “rentrer” dans l’image. Je m’accroupis donc par terre pour avoir ma composition finale : C’est ce qu’Anne-Laure Jacquart appelle le «micro-positionnement», terme très bien choisi que vous devez connaître si vous avez lu un de ses deux bouquins : Composez, réglez, déclenchez ! et Vivez, déclenchez, partagez ! La composition est volontairement relativement centrée. Relativement parce que la situation ne me permettait pas de centrer plus que ça : j’étais dos au mur et malgré pas mal d’essais je n’ai pas pu centrer plus. Mais selon moi la composition fonctionne comme ça, surtout que je vais la déséquilibrer après, vous allez voir. Vous remarquerez qu’on distingue encore un bout de la marche à gauche. Je n’ai pas bien vérifié (ou pas du tout) sur mon écran au moment de la prise de vue, car mon viseur ne couvre pas 100% de l’image. Autrement dit, il arrive que quelque chose qu’on ne voit pas dans le viseur soit présent sur l’image finale. C’est pour ça que je m’autorise un léger recadrage au post-traitement.Intégrer l’humain pour renforcer l’impact de la photo
J’imagine bien le contraste que je donnerai au final à l’image, la composition me satisfait, mais il manque du dynamisme et un vrai sujet à cette image. Je décide donc d’y intégrer un ou une passante, de façon à donner vie à l’image, et à déséquilibrer une composition centrée qui renforce le graphisme de l’image mais la “calme” un peu trop à mon goût. Je ne veux intégrer qu’une seule personne à l’image, et si possible bien de profil de façon à ce que sa silhouette se détache bien sur la fontaine. Il me faut donc attendre qu’un ou une passante se décide à passer là où je veux. J’attends environ 5 minutes, en ratant quelques occasions car le soleil est caché par un nuage, et la lumière particulière que je cherche à capturer est donc absente. Je ne garde pas l’appareil à l’oeil en permanence, histoire de voir arriver les passants avant qu’ils rentrent dans le cadre, et de prévoir ma prise de vue. De temps en temps des passants s’arrêtent me voyant l’appareil à la main, pensant me faciliter la tâche 😛 Avantage ou désavantage d’un reflex : on passe facilement pour “un pro”. Truc appris en lisant le blog et les livres d’Anne-Laure (oui encore, c’est le thème ces jours-ci :P) : se débrouiller pour que les passants aient une silhouette reconnaissable, notamment avec les jambes “en A”. Astuce très simple mais particulièrement utile. Au bout de 5 minutes, je vois donc une passante qui a l’air d’avoir envie de passer exactement là où je veux. Je cadre rapidement (ce qui est possible car j’ai préparé ma composition auparavant), et je déclenche quand elle rentre dans le cadre, de façon à ce qu’il y ait “de la place” devant elle et non derrière. Cette astuce est aussi valable pour laisser de la place au regard. Je vous avoue que j’ai pris une courte rafale de 3 images pour m’assurer du résultat, mais la 1ère était la meilleure. J’ai donc eu ce petit sourire satisfait qu’on arbore quand on a exactement la photo qu’on voulait 🙂 Je le savais avant même de regarder le résultat sur l’écran. Je me suis donc relevé, et je suis parti tenter d’autres photos.Post-traitement
Il s’agissait maintenant de sublimer l’image au post-traitement, en exprimant mon intention photographique de départ. Pour une fois, j’ai fait des infidélités à RawTherapee, et j’ai testé la version d’essai de Lightroom 3 et de son plugin Silver Efex Pro, pour voir. Je ne vais pas vous faire un résumé du traitement, mais il a principalement consisté à faire en sorte que les blancs soient bien blancs et les noirs bien noirs, puis à augmenter fortement le contraste, et à renforcer les noirs, histoire que l’effet de silhouette soit complet. J’ai également rajouté un peu de Clarté (contraste local dans RawTherapee) qui renforce l’impression de netteté mais surtout a fait ressortir la brillance du pavé. Voilà donc l’histoire de cette image : avez-vous des questions ? Est-ce que vous auriez fait autrement ? Est-ce que vous voulez plus d’articles de ce genre à l’avenir ? Laissez un commentaire ! Et n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂
Merci Laurent pour cette analyse du processus photographique cela m’aide bien, je serai tentée de demander d’autres décorticages de la sorte.
D’autre part j’ai l’impression que faire entrer un être humain ou un animal dans le cadre donne de la force à une photo, je ne sais pas trop…peut-être pas dans une photo de paysage ?
En lisant le texte d’explications, je me suis dit que je n’aurai pas osé f/3.2 j’aurai eu peur d’avoir trop peu de profondeur de champ, j’aurai choisi 5.6 …..mais ton choix est dû au fait que tu étais à 10 m de ton sujet ? Donc ma question est : faut-il avoir toujours un œil sur l’appli “hyperfocale” pour choisir son ouverture ?
Merci pour tes cours super bien faits et intéressants.
MC
Bonjour Marie-Christine,
Les être humains, les animaux, ou tout ce qui suggère leur présence (actuelle ou passée) sont des éléments qui attirent très fortement l’oeil et qui nous permet de nous y projeter plus facilement.
Cela peut donc donner de la force à une image de paysage en effet, tout en allégeant l’importance du paysage lui même
On en parle dans la formation “Devenez un photographe accompli” 🙂
Pas besoin de garder un oeil sur l’hyperfocale. Une fois qu’on connait bien son appareil photo et son objectif, le choix se fait à l’instinct.
Tout est question de compromis, dans son exemple, je pense que Laurent aurait commencé à manquer de lumière à f/5.6. De plus, tu as raison, à 10m du sujet une ouverture de f/3.2 pour une focale de 50mm laisse une profondeur de champ importante.
Merci pour les explications de cette photo qui vont parfaitement bien, en effet, avec le cours #5. 🙂