Ca peut nous paraître presque irréel à une époque où 3 milliards de nos poches contiennent des appareils photo-ordinateur-téléphone, et où 1200 milliards de photos sont prises par an, mais ça n’a pas toujours été comme ça.

Il y a environ 180 ans, la photographie naissait, et elle allait permettre un formidable témoignage historique et l’expression artistique de nombreux photographes. Et aussi de lire cet article aujourd’hui 😀

Si aujourd’hui elle est avant tout numérique, pendant la majorité de son histoire, elle s’est reposée sur une technique très similaire à celle de son invention, qu’on regroupe sous le terme de “photographie argentique“.

J’ai commencé l’argentique photo sérieusement en 2018, sur le tard dans ma pratique, mais aujourd’hui, c’est sans doute ce que je fais en majorité. J’ai donc décidé de partager avec vous tout ce que j’ai appris sur la photographie argentique, dans un grand dossier très complet qui s’étalera sur de nombreux articles et vidéos.

On y verra beaucoup de choses pratiques qui vous serviront si vous voulez vous y mettre, mais dans ce premier article d’introduction, nous allons d’abord faire le point sur ce qu’est exactement la photographie argentique : comment elle a été inventée, sur quoi se repose la technique, et les raisons de continuer d’en faire dans le monde numérique d’aujourd’hui.

Un peu d’histoire : comment a été inventée la photographie ?

Définition de la photographie

Pour commencer, la photographie, c’est quoi ?

(Et oui, vous vous êtes déjà posés la question ? 😉 )

Voici la définition du CNRTL :

Ensemble des techniques permettant d’obtenir des images permanentes grâce à un dispositif optique produisant une image réelle sur une surface photosensible.

La photographie, c’est donc une technique dont le but est d’obtenir une image permanente, et qui y parvient grâce à deux éléments :

  1. Un dispositif optique qui produise une image
  2. Une surface sensible à la lumière qui enregistre cette image (aujourd’hui le capteur, hier la pellicule, avant-hier la plaque de verre, comme on le verra).

Le dispositif optique

Vous en serez peut-être étonnés, mais la première partie, le dispositif optique, est en fait connue et maîtrisée depuis extrêmement longtemps : c’est la fameuse chambre noire, ou “camera obscura” en latin (qui donnera plus tard “caméra” dans de nombreuses langues).

Et quand je dis extrêmement longtemps, c’est depuis… Aristote ! C’est-à-dire au IVème siècle avant J-C !

Il avait observé son principe de fonctionnement, c’est-à-dire que quand on perce un tout petit trou dans une boîte noire, il se projette une image inversée de la réalité au-dehors.

Le savant perse Ibn Al-Haytham en avait donné une description détaillée au 9ème siècle, et Leonard de Vinci s’était également intéressé à la question. Le dispositif a également été amélioré par la suite grâce à l’ajout d’une lentille.

La camera obscura dessinée par Léonard de Vinci dans le Codex Atlanticus en 1515 (quand même !)

Seulement voilà, projeter une image grâce à un dispositif optique c’est bien, mais ça ne permet pas de l’enregistrer. Il faudra attendre des avancées dans le domaine de la chimie pour inventer la photographie.

Dès le Moyen-Âge, on connaissait les effets de la lumière sur le chlorure d’argent, mais obtenir une image qui ne se dégrade pas rapidement a été une autre paire de manches, et on a du attendre le XIXème siècle pour ça.

La surface sensible à la lumière

Nicéphore Niepce, un ingénieur français, se met à expérimenter différentes techniques au début du XIXème siècle. Il parvient à fixer des images dès 1812 en plaçant du sel d’argent au fond d’une chambre noire, mais elles ne sont pas stables et finissent par noircir et disparaître.

Il continue ses expérimentations, et réalise notamment qu’il est nécessaire de trouver un moyen d’interrompre l’action du produit sensible à la lumière pour éviter ce noircissement, et fixer l’image. Et il finit par arriver à ce qui est aujourd’hui considéré comme la première photographie du monde, cette image de sa propriété, qui a demandé plusieurs jours de pose !

Point de vue du Gras, Nicéphore Niepce, 1827

Il y a eu beaucoup d’essais pour en arriver là bien sûr, mais c’est en tout cas la première image stable prise d’après nature qui nous soit parvenue.

A ce stade, il y a donc deux problèmes principaux :

  • le temps de pose est extrêmement long
  • et l’image manque cruellement de précision.

C’est là qu’intervient Louis Daguerre, qui s’associe avec Niepce pour améliorer le procédé. Ce dernier meurt peu après en 1833, et Daguerre va continuer l’amélioration du procédé photographique (qu’on appelait encore “héliographie” à l’époque).

Je vous passe les détails techniques, mais il trouve notamment un produit plus sensible à la lumière, ce qui permet de réduire le temps de pose à quelques dizaines de minutes.

En 1839, il en arrive au procédé connu sous le nom de daguerréotype, qui est une amélioration du procédé de Niepce.

Le daguerréotype est une plaque en cuivre recouverte d’une couche d’argent. On l’expose à des vapeurs d’iode, qui se combinent à l’argent par réaction chimique, pour créer de l’iodure d’argent, qui est sensible à la lumière. Lorsqu’on l’y expose, la plaque enregistre une “image invisible”, qu’on appelle l’image latente : elle est là, mais on ne la voit pas encore.

Il faut ensuite la révéler en l’exposant à des vapeurs de mercure, qui se combine à l’iodure d’argent proportionnellement à son exposition à la lumière.

Et hop, vous avez un daguerréotype !

Boulevard du Temple, Paris, 1838. L’un des premiers daguerréotypes, et sans doute la première incluant une personne vivante (l’homme qui fait cirer ses chaussures en bas à gauche, ainsi que le cireur évidemment).

C’est un succès immédiat lors de sa présentation à Paris, car c’est complètement inattendu pour le public. L’état français va donc acheter le brevet en payant Daguerre et le fils de Niepce, et décide de le passer dans le domaine public, c’est-à-dire… d’en faire don au monde !

On peut même encore lire le compte-rendu de la séance de l’Académie des Sciences où ils décident tout simplement de donner un procédé aussi révolutionnaire, ce qui paraît assez incroyable aujourd’hui !

“Cette découverte, la France l’a adoptée ; dès le premier moment elle s’est montrée fière de pouvoir en doter libéralement le monde entier.” NORMAL.

A la suite de ce passage dans le domaine public, de nombreuses personnes s’emparent du procédé pour l’améliorer, et il connaît une évolution très rapide dans plusieurs domaines : 

  • Raccourcissement du temps de pose (qui permet bientôt le portrait) 
  • Amélioration de la stabilité de l’image dans le temps 
  • Simplification du procédé

L’invention du négatif

Évitons trop de chauvinisme : en parallèle de Niepce et Daguerre, d’autres ingénieurs travaillaient dans un but similaire.

William Talbot, un scientifique britannique, développe un procédé différent, qui crée une image négative. Contrairement à l’image positive du daguerréotype, sa technique permet de reproduire plusieurs fois l’image sur du papier, bien moins fragile que le daguerréotype. Elle est moins populaire à l’époque car de moins bonne qualité, mais c’est toujours le même principe qui sert à la photographie argentique moderne.

D’autres inventeront des procédés plus perfectionnés, comme le collodion humide, l’ambrotype et le ferrotype par exemple.

Pour la petite histoire, il est encore possible de découvrir le procédé (magnifique) du collodion humide aujourd’hui, en se faisant tirer le portrait. Je l’ai expérimenté avec le Studio Cui Cui et c’était absolument fascinant.

On peut aussi noter au passage que le premier procédé couleur a été inventé par les frères Lumière en 1903 : ça s’appelle l’autochrome, et ça fonctionne à partir de… fécule de pomme de terre. Oui oui, des patates. C’est avec ça qu’on été réalisées les photos couleurs de la Première Guerre Mondiale que vous avez peut-être déjà vues.

Guetteur au poste de l’écluse, Pierre-Joseph-Paul Castelnau, 23 juin 1917

Le procédé argentique photo aujourd’hui

Alors comment ça fonctionne aujourd’hui, la photographie argentique ? Celle avec des pellicules qu’on met dans des appareils qui ressemblent à peu près à des trucs connus pour vous ?

Et bien sur le principe, on est encore très proche du principe inventé au XIXème siècle, qui a juste été amélioré depuis.

Principe général de la photographie argentique moderne

La pellicule noir et blanc

Une pellicule, c’est simplement un film plastique, recouvert d’une émulsion. C’est une gélatine qui contient des cristaux d’halogénure d’argent c’est-à-dire des ions Argent (+) et des ions Brome ou Iode (-). Chaque cristal en contient plusieurs milliards !

Quand on expose cette pellicule à la lumière, l’ion Argent capte un électron et devient un atome d’argent. Dans chaque cristal, il y a de zéro à environ 10 atomes d’argent qui vont se former. En français : c’est très peu, et invisible à l’oeil nu. Rappelez-vous quand on parlait du daguerréotype : il y a une image latente, qu’il faudra ensuite révéler.

Et c’est donc là qu’on arrive à l’étape indispensable du développement.

Le développement noir et blanc

(Note : ici le but est juste de vous expliquer le principe, pas les détails pratiques pour le faire vous-même, on verra ça dans un article dédié 😉 )

Le but du développement, c’est donc :

  1. d’avoir une image visible (pour le moment elle est latente, je le rappelle encore 😉 )
  2. que le film ne se détériore pas avec le temps, ce qui demande à la fois qu’il ne soit plus sensible à la lumière, mais aussi qu’il soit inerte chimiquement (c’est-à-dire qu’il ne se produise plus de réaction chimique avec le temps)

Quand on développe le film, il faut évidemment que ce soit fait dans le noir total tant qu’il est encore sensible à la lumière. Sinon, tous nos cristaux vont réagir à la lumière, et vont effacer l’image latente ! Au revoir les photos de mamie !

Ce serait dommage de perdre cette photo 😀

Pour éviter ça, on va donc passer la pellicule dans un produit qu’on appelle le révélateur. Comme son nom l’indique, il permet de révéler l’image latente.

Je vous passe les détails chimiques (on en a fait assez aujourd’hui), mais en gros il va réagir avec les sels d’argent pour les transformer en argent métallique (qui est de couleur noire). La lumière a déjà fait ça, mais seulement quelques atomes, rappelez-vous.

Pour simplifier, le rôle du révélateur, c’est que ça devienne visible pour nous. Et plus l’émulsion a réagi à la lumière, plus le révélateur va agir vite.

Ce qu’il est nécessaire de bien comprendre, c’est que plus un cristal a été exposé à la lumière, plus le révélateur va le transformer en argent. Et donc, plus il sera sombre.

C’est pour ça qu’on appelle ça un négatif : les parties qui étaient à l’origine claires dans ce que vous avez photographié ont donc été beaucoup exposées à la lumière, et seront sombres sur la pellicule. Heureusement, il suffit d’inverser pour retrouver une image “positive”.

Voilà à quoi ça ressemble 🙂

(Notez qu’il existe un procédé qui permet d’obtenir un positif en noir et blanc, mais c’est anecdotique, je ne vais pas rentrer dans ces détails.)

Ensuite, au bout d’un certain temps (déterminé selon la pellicule, le révélateur utilisé, etc.), on va arrêter la réaction chimique. En effet, si on ne le fait pas, le révélateur va tout transformer en argent métallique jusqu’à temps que ce ne soit plus possible, et donc votre film sera tout noir : c’est pas le but ^^

On va donc utiliser un produit appelé “bain d’arrêt“, qui va arrêter l’action du révélateur. C’est un peu son ennemi juré : le bain d’arrêt est acide, le révélateur est basique (simple), donc ils s’annulent l’un et l’autre.

Dernière étape : on va utiliser un produit qui s’appelle le fixateur et permet de dissoudre tous les sels d’argent qui n’ont pas été développés par le révélateur. C’est pour éviter qu’ils continuent à réagir dans le futur, quand vous les montrerez à votre maman en pleine lumière du jour.

Puis on lave le film pour éviter que le fixateur reste dessus. On peut utiliser de l’eau déminéralisée (le calcaire, c’est le mal, les Ch’tis savent), ou ajouter un agent mouillant (en gros du savon) pour aller plus vite et éviter toute trace d’eau sur le film.

Et ensuite c’est tout ! Il faut attendre que ça sèche, et vous pouvez faire des tirages, les scanner, tout ça. On verra ça plus tard dans ce dossier, rassurez-vous 🙂

La pellicule négative couleur et le développement C-41

Vous avez dû le remarquer : depuis le daguerréotype, on a un peu progressé avec des trucs sympas genre la voiture, l’avion, internet et… la photographie couleur.

Donc il existe des pellicules couleur. Je ne vais pas vous refaire tout le topo pour éviter de faire trop long.

Pour résumer grossièrement, c’est le même principe, à deux grandes différences près :

  1. Il y a plusieurs couches sensibles à différentes couleurs (grâce à des filtres et tout ça)
  2. Dans chaque couche, les cristaux de sels d’argent sont liés à un coupleur, qui permettra ensuite de former un colorant au développement.
Il y a comme un ton orangé, mais c’est le même principe.

Ensuite, le développement utilise un processus qu’on appelle le C-41 (c’est son petit nom, certains c’est Jean-Michel, lui c’est C-41, que voulez-vous).

Il en a existé d’autres dans l’histoire, mais c’est celui qu’on utilise majoritairement aujourd’hui.

Vous voyez, le petit C-41 en haut à gauche ? 🙂

Il est un peu plus complexe que le développement noir et blanc (plus de produits), mais je ne vais pas vous détailler ça maintenant, je voulais juste que vous compreniez le principe général.

La pellicule positive couleur et le procédé E-6

Il existe aussi des procédés qui permettent d’obtenir un positif sur la pellicule, c’est-à-dire directement l’image avec les “bonnes couleurs”, sans avoir à les inverser.

C’est ce qu’on appelle les films inversibles, ou encore diapositives.

Ca ressemble à ça : ça envoie, hein ? 😀
(merci Richie pour l’image !)

On a tous un membre de la famille qui nous a fait asseoir devant un écran pour projeter les 1456 diapos de ses dernières vacances, rappelez-vous 😀

Et bah c’est ça.

Le procédé actuel s’appelle E-6, et on peut aussi noter le procédé K-14 des fameux films Kodachrome, utilisés par de nombreux grands photographes, qu’il n’est plus possible d’utiliser depuis 2010 puisque la chimie n’est plus produite. Pour l’anecdote, Kodak a donné la dernière pellicule au célèbre Steve McCurry, qui raconte l’histoire sur son blog.

Robert de Niro par Steve McCurry, 2010.

Il y a d’ailleurs un film sympa sur Netflix avec Ed Harris et Elizabeth Olsen, qui s’appelle tout simplement Kodachrome.

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Les films instantanés

Je ne vais pas en parler trop en détails, mais vous connaissez sans doute l’existence des films instantanés, avec le fameux Polaroid qui les a popularisés.

Le fameux Polaroid SX70

Ce procédé permettait d’avoir dans le même pack la surface sensible, la chimie de développement, et le papier pour en faire un “tirage”.

Polaroid a arrêté toute production en 2008, et la photo instantanée survit maintenant surtout avec le format Instax de Fujifilm. Je n’en parlerai sans doute plus dans cette série, car l’Instax vise plutôt le grand public, dans une idée de photo toute automatique et informelle entre amis, que les photographes passionnés comme nous (même s’il n’est pas interdit d’en faire hein).

Oui je sais, il y a encore des films instantanés pour appareils Polaroid produits par Impossible Project, mais cet article n’a pas pour vocation à être une encyclopédie 😉

Ne vous inquiétez pas, on en reparlera en détails quand je vous expliquerai comment choisir votre pellicule, mais je voulais juste que vous en connaissiez l’existence pour le moment 🙂

Les 3 formats de film

Au-delà du procédé argentique en lui-même (les sels d’argent qui réagissent à la lumière, tout ça), et des émulsions en elles-même (négatif noir et blanc, négatif couleur, positif couleur), ces films peuvent avoir différents formats. Différentes tailles si vous préférez.

Je vous ai fait une petite vidéo pour vous les présenter, et vous montrer un peu comment ça se charge dans un appareil photo, en gros :

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Le format 35mm (135)

Le plus courant, mais aussi le plus récent, c’est le format 35mm : il est issu du cinéma, mais a été adopté pour la photographie surtout à partir de 1925 avec Leica.

Voilà à quoi ça ressemble : vous en avez sans doute déjà vu 🙂

Il se présente sous la forme de cartouches plastiques contenant une bande de film, permettant de faire 36 poses. Chaque négatif mesure 24x36mm, exactement comme les capteurs “Full Frame” des appareils photo numériques, qui ont repris ce format (notamment pour pouvoir garder les mêmes objectifs, et en raison de sa popularité et de l’habitude du public).

Mais quand on a commencé à l’utiliser en photo à l’origine, on l’a appelé “petit format“, car la taille du négatif était bien inférieur à ce qui se faisait jusqu’alors !

Le grand format (plan film)

Vous vous en souvenez, le daguerréotype était fait sur des plaques de cuivre : leurs dimensions étaient variables, mais la première photographie de Niepce fait environ 16x20cm, pour vous donner une idée. Beaucoup plus grand que notre négatif de 2,4 x 3,6cm !

Encore aujourd’hui, les photographies prises grâce à une chambre photographique comme à l’époque sont appelées “photographies grand format“. Le film est appelé “plan film” car il ne s’agit pas vraiment d’une “pellicule” : vous pouvez juste faire une photo avec.

Avouez, c’est quand même hyper beau ! 😀 (ça rentre pas dans la poche par contre)
(Chamonix 57W-d)

Les dimensions les plus courantes aujourd’hui sont le 4×5 et le 8×10. Et attention, ce ne sont pas des dimensions en centimètres, mais en pouces ! La surface fait donc respectivement environ 10x12cm et 20x24cm, ce qui est absolument énorme (respectivement 14 et 55 fois plus grand que du 35mm !)

Ce format permet une qualité absolument inégalable en numérique, et est encore utilisé aujourd’hui par des artistes, par exemple Gregory Crewdson que vous pouvez découvrir dans cet épisode de ma série Incroyables Photographes :

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Le moyen format (120)

Enfin, entre les deux, il y a le moyen format. C’est une pellicule (qu’on appelle la pellicule 120), qui se présente sous la forme d’un rouleau que beaucoup n’ont jamais vu (quand je demande un contrôle manuel à l’aéroport, ça attise toujours la curiosité !).

La jolie lumière n’est pas incluse 😛

Il existe de nombreux modèles d’appareils photo moyen format, dont voici les formats les plus courants :

  • 6 x 4.5cm (surface 3,1 fois plus grande que le 35mm)
  • 6 x 6cm (4,2 fois plus grande)
  • 6 x 7cm (4,9 fois plus grande)

Il existe aussi du 6×8, 6×9, et même 6×12 ou 6×17 pour le panoramique !

Ce format permet d’avoir un compromis entre une taille du négatif relativement grande (jusque 5 ou 6 fois plus ça fait une très grosse différence), des appareils qui gardent un encombrement raisonnable (contrairement aux chambres qu’il faut utiliser avec trépied et tout le toutim), et un développement facilité (le film 120 peut se développer à la maison aussi facilement que le 135, et en machine dans la plupart des labos).

On en reparlera, mais le moyen format reste un des avantages majeurs de la photographie argentique aujourd’hui.

Le reflex numérique c’est pas mieux ?

Je ne vais pas rentrer ici dans un débat “numérique VS argentique” : les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients, et je vous expliquerai ensuite les raisons que je vois à faire de l’argentique aujourd’hui, qui ne sont pas seulement techniques, mais concernent aussi les effets que ça a sur votre manière de faire de la photo.

Cela dit, je tiens tout de même à préciser quelque chose, car je sais que pour certains qui ont commencé directement avec le reflex numérique, il pourrait y avoir la croyance que la photographie argentique est dépassée ou de moins bonne qualité.

Or ce n’est pas DU TOUT le cas.

Aujourd’hui, l’argentique fait encore certaines choses mieux que le numérique :

Premièrement, en termes de dynamique qu’il est possible d’enregistrer (la différence entre les hautes et les basses lumières), la pellicule (environ 13 EV de dynamique) vient tout juste d’être dépassée par les meilleurs capteurs numériques (qui sont presque à 15 EV).

Cela dit, dans la pratique, le film réagit différemment à la lumière. En numérique, si vous cramez vraiment les hautes lumières de l’image, vous ne pourrez plus rattraper de détails, même avec un boîtier professionnel à 5000€. Mais en argentique, la pellicule pardonne beaucoup plus les petites erreurs, et notamment la surexposition. Les pellicules professionnelles permettent même de surexposer de plusieurs stops sans avoir de conséquence majeure sur l’image.

C’est plus subtil ici, mais on voit que la pellicule “retient” un peu les hautes lumières.

Par ailleurs, les appareils moyen formats enterrent toujours largement le numérique en termes de qualité d’image (au sens large). Pour parler en équivalent numérique, le moyen format argentique permet théoriquement d’avoir l’équivalent de 60 à 120 Megapixels, tandis que le grand format permet d’atteindre 300 à 1200 Mpx !

Dans la pratique, ça dépend de la qualité du scan, mais ça reste un niveau de qualité encore inégalé par le numérique aujourd’hui (bien que certains moyen formats numériques au prix inaccessible au commun des mortels commencent à s’en rapprocher).

C’est pour ça que les photographes produisant des images très détaillées qui se tirent en très grand format photographient encore à la chambre, comme par exemple Andreas Gursky, dont j’ai parlé dans cette vidéo :

YouTube video

Et sans même parler de la “qualité” (sachant que celle d’un appareil photo numérique moyen de gamme est suffisante pour la majorité des usages), une surface plus grande comme celle du moyen format permet d’obtenir une profondeur de champ très particulière, impossible à obtenir en numérique avec un capteur Full Frame.

Enfin, un des avantages du film est qu’il est paradoxalement plus à l’épreuve du temps qu’un fichier numérique. En effet, tant que vous avez le négatif, vous avez l’original de votre photo. Pas de risque de panne de disque dur ou de mauvaise manipulation.

Et si vos fichiers de 8 Mpx d’il y a quelques années sont aujourd’hui obsolètes, des négatifs vieux de plusieurs décennies peuvent toujours être scannés avec les technologies modernes pour produire des images d’une grande qualité.

Ceci étant dit, si ces raisons de faire de l’argentique sont parfaitement valables (notamment si votre travail photographique nécessite de très grands tirages), ce qui me pousse vraiment à photographier en argentique se trouve dans des aspects moins techniques.

Pourquoi faire de l’argentique aujourd’hui

Avertissement : le but n’est pas de vous dire qu’il FAUT faire de l’argentique. Vous faites ce que vous voulez hein, si ça ne vous intéresse pas, c’est ok. Je veux simplement vous expliquer pourquoi j’en suis arrivé à en faire autant.

Le rendu de la pellicule

La première raison pour laquelle je fais autant d’argentique, c’est le rendu particulier de la pellicule (surtout ma pellicule préférée, la Portra 400).

J’ai essayé, mais je n’ai jamais réussi à obtenir les mêmes tonalités (tons sombres et tons clairs) et les mêmes couleurs en numérique. Il y a pourtant plusieurs acteurs sur le marché qui proposent des presets Lightroom censés imiter le rendu de la pellicule. Mais ce n’est jamais la même chose.

C’est difficile à décrire tant qu’on ne l’a pas essayé, mais je pense qu’il y a surtout deux choses que je peux décrire objectivement :

  • Le rendu des hautes lumières, dû à la manière qu’a la pellicule d’y réagir : même avec un ciel très lumineux derrière quelqu’un, le fondu entre les hautes lumières et les tons moyens est largement meilleur qu’en numérique à mes yeux. Il y a un velouté qu’on ne retrouve pas ailleurs.
Les hautes lumières cramées derrière ne sont pas moches 🙂 (oui c’est moi)
(Pentax 67II, 105mm f/2.4, Portra 400)
  • Le rendu des couleurs : chaque pellicule a sa personnalité, mais quand on a trouvé celle(s) qu’on préfère, difficile de revenir en arrière. En fait, avec ma pellicule préférée et un scan correctement effectué (on y reviendra), je n’ai en général AUCUNE retouche à effectuer pour avoir les couleurs que je veux. C’est très reposant.

Le moyen format : son rendu et sa qualité

J’en parlais au-dessus : le moyen format argentique est encore imbattable sur plusieurs aspects.

Celui de la qualité est toujours appréciable, mais honnêtement tant qu’on ne fait pas un tirage énorme, la différence n’est pas si importante.

Par contre, vu la taille énorme de la surface sensible (quasiment 5 fois la surface du 24×36 pour mon Pentax 67), il est possible d’obtenir un effet de profondeur de champ qu’on ne peut pas retrouver autrement.

Vous le savez si vous me lisez un peu : je ne pense pas qu’une bonne photo ait forcément du bokeh. Dans l’absolu, on s’en fout un peu.

Mais le moyen format permet d’obtenir une vraie séparation entre le sujet et l’arrière-plan, y compris s’il est photographié en pied.

Oui, c’est Thomas Hammoudi, et non, c’est pas ma meilleure photo 😛
Mais vous voyez l’idée : le fond se détache d’une manière particulière.
(Pentax 67II, 105mm f/2.4, Portra 400)

Et c’est quand même une option appréciable à avoir. Ca donne tout de suite un rendu onirique et ancien, qui peut faire sens pour certains projets.

Un rythme différent à la prise de vue

Ca ne vous aura sans doute pas échappé : une pellicule photo ne possède qu’un nombre limité de vues : 36 photos pour le 35mm, et même entre 10 et 15 pour le moyen format.

En plus de ça, une bonne partie des appareils photo argentiques n’ont pas de mise au point automatique (même s’il y a de très bon boîtiers autofocus pas chers, on y reviendra dans l’article sur le choix du matériel). Et je ne parle même pas de rafale 😉

Ces deux facteurs combinés font que le rythme de prise de vue se transforme énormément. On fait davantage attention avant de déclencher, on pense bien à tout (réglages, mise au point, composition), et résultat j’ai le sentiment qu’il y a un plus gros pourcentage de photos qu’on sélectionne. Ca ne veut pas dire qu’il y en ait plus au total d’ailleurs, mais disons que ça donne un rythme différent.

Dans certains cas, je préfère ce rythme, et dans d’autres c’est plutôt un handicap. J’en ai d’ailleurs parlé dans une vidéo, où j’explique en détails dans quels cas je choisis l’argentique ou le numérique :

YouTube video

Un retour aux sources de la photo

Pour la grande partie de son histoire, la photographie n’a été qu’argentique. Le numérique n’est apparu que très récemment à l’échelle de l’histoire, et donc la grande majorité des oeuvres majeures de la photographie ont été réalisées avec des appareils photo argentiques.

Ca ne veut pas du tout dire qu’on ne puisse pas faire des oeuvres majeures en numérique. De nombreux photographes se sont d’ailleurs déjà saisis de l’outil.

Mais il y a quelques chose d’un peu magique à l’utilisation des mêmes outils que ceux qui ont fait la photographie.

L’amour des beaux objets

Si les appareils photo argentiques ne sont pas tous beaux, et les appareils numériques pas tous moches, il faut bien reconnaître que le parc des appareils argentiques recèle des merveilles de design, tant au sens esthétique (= putain c’est beau), qu’au sens fonctionnel (la conception sert la fonction).

Le célèbre Nikon F3 : designé par Giorgetto Giugiaro, qui a notamment dessiné la DeLorean 😉 Et encore, vous n’avez pas entendu le doux bruit du déclencheur !

Ca dépend de votre sensibilité au design bien sûr, mais personnellement je prends plus de plaisir en tenant un bel objet entre les mains qu’un truc sans charme (à partir du moment où il fait le travail bien sûr). Et en argentique, je ne boude pas mon plaisir.

Voilà, j’espère que cet article vous aura donné un bon tour d’horizon des origines de la photo argentique, de ses grands principes et de son usage aujourd’hui.

Si ça vous a donné envie de vous y mettre, ça tombe bien, puisque les articles suivants de ce dossier vous permettront de bien comprendre les différences entre argentique et numérique (et ce que ça change à la prise de vue et ensuite), comment choisir votre appareil argentique, comment choisir sa pellicule photo, comment développer votre film, et comment le scanner.

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Laurent Breillat
J'ai créé Apprendre.Photo en 2010 pour aider les débutants en photo, en créant ce que je n'avais pas trouvé : des articles, vidéos et formations pédagogiques, qui se concentrent sur l'essentiel, battent en brêche les idées reçues, tout ça avec humour et personnalité. Depuis, j'ai formé plus de 14 000 photographes avec mes formations disponibles sur Formations.Photo, sorti deux livres aux éditions Eyrolles, et édité en français des masterclass avec les plus grands photographes du monde comme Steve McCurry.
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