C’est une question qui est revenue souvent ces temps-ci, et comme il n’existe pas de réponse simple (en tout cas pas de « oui » ou « non »), je me suis dit que ça méritait un article.
En effet, si vous êtes sans doute convaincu maintenant de l’utilité des modes semi-automatiques (et que le mode manuel n’est pas le Saint Graal), vous vous demandez peut-être si laisser la sensibilité ISO en automatique est bon pour votre karma photographique, ou si vous allez brûler dans les flammes de l’enfer avec ceux qui utiliseront toujours le mode vert 😉
Rassurez-vous, pas de damnation pour vous !
Rappel : la sensibilité ISO, à quoi ça sert ?
Pour rappel, la sensibilité ISO est l’un des 3 paramètres de l’exposition (avec l’ouverture et la vitesse d’obturation), qui vont déterminer si l’image va être plus ou moins lumineuse (= l’exposition). Si vous n’avez pas bien ça en tête, relisez d’abord les articles dont je viens de mettre les liens.
Je l’appelle souvent la « soupape de sécurité », car augmenter la sensibilité ISO est un dernier recours, une fois que vous avez épuisé toutes les ressources de l’ouverture et de la vitesse d’obturation. Ça peut se passer dans deux cas :
- Vous ne pouvez pas faire mieux techniquement: par exemple si vous avez atteint l’ouverture maximale, et/ou si une vitesse plus lente provoquerait du flou de bougé.
- Vous êtes limité par votre intention photographique : par exemple si vous souhaitez une grande profondeur de champ, et/ou figer un sujet rapide.
Dans ces cas-là, la sensibilité ISO peut vous sauver la vie, en vous permettant d’avoir une image bien exposée (= suffisamment lumineuse). Elle a cependant un inconvénient : elle provoque du bruit sur les images, du grain si vous préférez, qui peut devenir désagréable voire franchement moche si vous tirez trop sur la corde. (Elle diminue aussi un peu la dynamique des photos, mais c’est un peu moins visible.)
Cela dit, il ne faut pas non plus avoir peur de pousser la sensibilité ISO, car la plupart des appareils modernes la supportent assez bien, jusqu’à 1600 ISO, voire franchement au-delà.
Pourquoi mettre la sensibilité ISO en automatique ?
À mon sens, il est tout à fait acceptable d’utiliser les modes semi-automatiques, comme la priorité à l’ouverture par exemple : tant que la vitesse choisie par l’appareil ne pose pas de souci technique (flou de bougé) ou artistique (flou de mouvement d’un sujet), il n’est pas important pour vous de savoir quelle sera la vitesse exacte.
Pour moi, c’est exactement pareil pour la sensibilité ISO : tant qu’elle ne pose pas de souci (trop de bruit sur l’image), il n’est pas très important qu’elle soit de 600 ou 800 ISO.
Choisir une sensibilité ISO automatique apporte donc de nombreux avantages :
- En priorité ouverture, si la lumière vient à manquer, l’appareil va le plus souvent augmenter intelligemment la sensibilité ISO pour éviter que la vitesse d’obturation ne devienne trop lente.
À l’inverse, si vous fixez la sensibilité à 100 ISO par exemple, l’appareil va choisir une vitesse lente si besoin est, car sa priorité est de bien exposer l’image (et donc vous aurez une image floue). - En priorité vitesse, si la lumière vient à manquer, l’appareil va le plus souvent jouer d’abord sur l’ouverture. Cela dit, quand l’ouverture maximale sera atteinte, il pourra encore jouer sur la sensibilité ISO pour avoir une bonne exposition.
À l’inverse, si vous la fixez, l’appareil ne pourra plus jouer sur rien : il ira jusqu’à l’ouverture maximale, et si ce n’est pas suffisant, votre image sera trop sombre !
Bref, utiliser la sensibilité ISO automatique vous permet de vous assurer d’une bonne exposition le plus souvent. Mais évidemment, il y a un mais ! 😉
Pourquoi ne PAS mettre la sensibilité ISO en automatique ?
Tout irait pour le mieux au pays des bisounours si la sensibilité ISO maximale possible sur votre appareil créait un bruit acceptable. Admettons par exemple qu’elle soit de 3200 ISO, et qu’à cette valeur, avec un peu de post-traitement, vous puissiez réduire le bruit à un niveau qui ne rende pas votre photo toute moche.
Dans ce cas, ce serait très simple : l’appareil monterait la sensibilité ISO autant que nécessaire, et vous n’auriez jamais trop de bruit sur vos images. Magie ! S’il ne pouvait plus rien monter, et bien vous auriez une photo trop sombre, mais ce serait vraiment dans les cas extrêmes.
Seulement voilà : guerre de constructeurs oblige, ceux-ci aiment bien afficher de gros chiffres faramineux pour impressionner le chaland. Du genre « jusqu’à 100 000 ISO et 45 Megapixels ! » (on entendrait presque crier « il est frais mon poisson ! » 😛).
Sauf qu’en pratique, ces chiffres sont irréalistes : la sensibilité ISO maximale théorique disponible sur un appareil donne toujours un résultat catastrophique en termes de bruit. Autrement dit, si vous allez jusque les 100 000 ISO promis, vous aurez une photo bruitée toute moche, du genre compact sorti en 1992.
C’est là que rentre en jeu un concept que j’appelle la sensibilité ISO maximale acceptable (appelons-la SIMA) : c’est-à-dire celle qu’il est réaliste d’utiliser dans les situations de la vie courante, en étant sûr d’avoir un résultat exploitable.
Comment déterminer la sensibilité ISO maximale acceptable ?
Ne cherchez pas ça dans le manuel de votre appareil, ce ne sera jamais marqué. Ce serait admettre que leur poisson est un peu moins frais que prévu 😉
Alors comment la déterminer ? Tout d’abord, précisons que c’est purement subjectif : ce qui est acceptable pour vous ne le sera peut-être pas pour moi, ou inversement. Je tiens quand même à vous avertir d’un danger : celui de regarder les photos à zoom 100 % sur votre ordinateur. C’est véritablement l’équivalent de coller votre nez à une affiche en 4 par 3.
Ce qu’il faut savoir, c’est à quel point le bruit est perceptible à une taille de visualisation normale, c’est-à-dire en plein écran sur un ordinateur, voire imprimé en A4 ou A3. D’autant que plus l’image est grande, plus on recule pour la regarder, moins on voit le bruit.
La méthode simple
Ceci dit, j’ai remarqué que dans la plupart des cas, il fallait prendre la sensibilité ISO maximale théorique (celle annoncée sur l’ardoise du poissonnier 😉 ), et la diviser par 4. Par exemple, s’il est annoncé 25600 ISO, comptez sur 6400 ISO plutôt. S’il est annoncé 6400 ISO, comptez plutôt sur 1600 ISO. Et ainsi de suite…
Attention, je n’ai pas testé cette théorie sur tous les appareils existants, mais ça semble se confirmer pour l’instant, non seulement pour moi mais aussi pour d’autres personnes. C’est donc à prendre avec des pincettes, mais c’est un bon indicateur je pense.
La méthode complexe
Si vous souhaitez être un peu plus rigoureux, vous pouvez prendre votre appareil, et tester directement vous-même. Voici un pas-à-pas le plus simple possible, conçu pour tester dans des conditions les plus proches possible de la réalité (c’est-à-dire pas en plein jour, quand on n’utilise jamais de hautes sensibilités ISO 😉 ) :
- Prenez votre appareil chez vous, le soir, éclairé à la lumière artificielle (pas non plus Versailles hein, juste une ou deux lampes de puissance moyenne).
- Placez vous en priorité vitesse, 1/80s environ, avec un objectif à grande ouverture si vous avez, et relativement grand-angle (pas 200mm quoi, plutôt entre 20 et 50mm disons).
- Si vous avez un appareil récent (moins de 2 ans) et à grand capteur (micro 4/3, APS-C, Full Frame), vous pouvez commencer tranquillement à 800 ISO : vous n’aurez sans doute pas de bruit. S’il est plus ancien, vous pouvez commencer à 400 ISO.
- Prenez ensuite plusieurs photos de la même scène, avec des parties sombres (important), en doublant à chaque fois la sensibilité ISO.
- Sur votre ordinateur, appliquez une correction du bruit à chaque image, comme vous le feriez pour une photo normale : c’est-à-dire sans trop lisser les objets non plus.
- Regardez à partir de quelle sensibilité le bruit n’est plus acceptable pour vous.
Et voilà, vous avez votre vraie SIMA ! 🙂
(Si vous photographiez en JPEG, ce n’est pas bien, mais vous pouvez faire la même chose en appliquant une correction de bruit basse sur votre appareil si l’option est disponible.)
La limite de sensibilité ISO
J’arrive enfin à la réponse au titre de cet article : faut-il mettre les ISO en automatique ?
Vous l’avez compris, si vous allez trop haut en ISO, vous allez avoir trop de bruit sur vos images. Et si vous laissez en automatique, vous allez forcément arriver trop haut. Mais ce n’est pas pour ça qu’il faut l’enterrer tout de suite, car les constructeurs ont pensé à tout !
En effet, il existe sur certains appareils une fonction qui permet de limiter la sensibilité ISO automatique à un maximum, défini par vos soins. Cette fonction est absolument parfaite pour ce qu’on veut faire : avoir la flexibilité et le côté pratique de l’automatisme, sans le bruit trop important et les images toutes pourries. Joie !
Il suffit donc de chercher cette fonction dans les menus de votre appareil (regardez dans le manuel si besoin), et de choisir comme valeur maximale la fameuse SIMA que vous venez de déterminer ! Et dans ce cas, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, vous n’avez plus qu’à laisser les ISOs en automatique, et vous êtes tranquille 🙂
Que faire si vous n’avez pas cette fonction ?
Si vous n’avez pas cet outil, il va falloir faire un peu attention. Vous avez 2 stratégies qui s’offrent à vous :
- Laisser la sensibilité en automatique, et bien vérifier qu’elle ne monte pas trop haut quand vous êtes en basse lumière. Si c’est le cas, reprenez la main, et réglez la sensibilité ISO sur la SIMA.
- Toujours fixer la sensibilité manuellement : à chaque prise de vue, il faut vérifier si vous avez une vitesse suffisante (en priorité à l’ouverture) ou si l’ouverture maximale n’est pas atteinte (ce qui est souvent indiqué par un clignotement de cette ouverture, en mode priorité à la vitesse). Augmentez la sensibilité ISO si nécessaire pour avoir une photo bien exposée.
Les 2 stratégies se valent. La première est plus simple à mon sens : il faut simplement concentrer votre vigilance sur les conditions de basse lumière.
Voilà, j’espère que cet article aura répondu en détail à cette question et que vous savez maintenant quoi faire avec votre appareil. Et vous, est-ce que vous utilisez la sensibilité automatique ? Laissez un commentaire 🙂
Les cours sont très bien dispensé
Bonjour
“appliquer une correction de bruit”
je parle de la methode complexe
mais je fais ca comment?
Re-bonjour Alex,
Si tu veux le faire sur ton appareil, je t’invite à chercher dans ton menu.
Mais comme le dit Laurent, si tu shootes en jpeg, ce n’est pas bien 😉
effectivement je shoote en jpeg et j’ai un hybride entré de gamme…. si je ne shoote pas en raw c’est que ca prends de la place pour rien vu que je sais pas retouché non plus. Pour l’instant j’apprends la photo je maitrise le triangle mais il y a d’autres choses que je ne connaitpas !
Si je shootait en RAW d’autres choix de menu apparaitraient magiquement?
Sur les logiciels de post-traitement, oui.
Bonjour,
Je viens de lire l’article sur la sensibilité en automatique et il m’est venu une interrogation :
Rester dans ce mode ne va t il pas éclaircir des lieux sombres(église…) et fausser ainsi l’ambiance du lieux?
Bonjour Pascal,
tu peux intervenir sur le mode de mesure, article ici https://apprendre-la-photo.fr/comment-utiliser-le-mode-de-mesure-de-la-luminosite/, et sur la correction d’exposition, article ici https://apprendre-la-photo.fr/comprendre-indice-de-lumination-correction-exposition/.
Un détail dire le bruit n’est pas précis ce serait plutôt les bruits il yen as 2 types:
le bruit de chrominance qui fait des points rouge, vert et bleu dans les ombres et le bruit de luminance qui fait des points gris.
Bonjour,
Comme les autres, super article.
Bon même si j’ai encore un peu de mal à distinguer le grain et le bruit, du flou, sur mon écran. Surtout qu’en baissant mon iso en TV je réduit ma profondeur de champ…
En grattant j’ai trouvé une option de réduction automatique du bruit sur mon 6D, ça vaut quoi celon vous? Oui, je ne suis pas équipé pour le poste traitement alors j’essai de sortir directement des jpeg qui me conviennent. En plus avec le temps, j’ai l’impression d’être comme le lapin d’Alice au pays des merveilles, pour ce que je m’en souviens…
Bonjour Frédéric,
J’avoue qu’en tant que pratiquante du post-traitement je n’ai aucune idée de ce que ça vaut, du coup, désolée!
Pour distinguer les deux mets -toi dans des conditions de basse lumière et sans réduction de bruit à ISO élevé, avec une vitesse suffisante pour éviter tout flou de bougé ou de mouvement.
C’est la meilleure recette que je connaisse pour un bon vieux grain lié au bruit 🙂
Bonjour,
la distinction entre le grain et le bruit est simple, le grain c’était en argentique (les pellicules sont constituées de…grains d’argent, d’où les noms “grain” et “argentique” 😉 ), le bruit c’est en numérique. Pour le distinguer du flou c’est question d’appréciation, la réduction du bruit réduit le niveau de détails mais ne change pas les flous de mouvement, comme dit Antonine il faut tester à plusieurs temps de pose pour estimer selon les situations à partir de laquelle vous ne verrez pas plus de flou de mouvement.
Précision, la profondeur de champ ne change pas en changeant la sensibilité ISO.
La réduction du bruit est par défaut activé sur les appareils, sans même avoir à gratter ;), mais il peut y avoir 2 options de réduction de bruit, une pour celui provoqué par la sensibilité ISO et une autre pour celui provoqué par l’utilisation de poses longues. Les traitements de bruit ISO sur les boitiers sont globalement moins performants que ceux dont on dispose dans la plupart des logiciels mais si vous shootez en JPEG sans traiter vos images il vaut mieux laisser l’appareil le réduire par défaut, en adaptant son intensité (il y a des paliers). En général, plus vous le réglez haut plus il réduira le bruit mais lissera les détails.
Salut Laurent
J’ai activé ma sensibilité ISO auto et plafonné à 800 (ma SIMA) mais il me demande aussi une vitesse d’obturation mini! Je ne comprends pas l’impact sur la sensibilité ISO auto. Quel rôle cela va jouer ? Que dois je mettre ?
Appareil : D3100
Merci!
Complément : je viens de vérifier un point intéressant : en automatique, la valeur est plafonnée à 1/4 de la valeur maximale ce qui rejoint aussi le conseil donné